Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez moi tout d'abord de remercier les rapporteurs et les orateurs des groupes qui ont commenté ce matin le projet de budget que je vous présente aujourd'hui.
Au sein du grand " ministère de la production " dont le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a parlé ce matin, le secteur dont j'ai la charge recouvre un vaste domaine allant de la production d'énergie nucléaire à La Poste et de la construction navale aux nouvelles technologies de la communication. Je voudrais insister sur l'efficacité attendue de ce choix d'organisation.
Il permet en effet une parfaite cohérence de l'action publique sur toute la filière industrielle, depuis l'amont , l'énergie et les matières premières, jusqu'aux services aux industries auxquels je rattache bien entendu et tout naturellement les deux grands services publics industriels et commerciaux que sont La poste et France Télécom.
Un budget, vous le savez, est l'expression d'une politique même s'il ne la résume pas. Je peux résumer ainsi l'axe majeur de celle-ci : promouvoir et accompagner l'adaptation de nos entreprises industrielles à la mutation mondiale des modes de production et de consommation et d'encourager leur développement. Adaptation pour la compétitivité et pour l'emploi car, nous le savons tous, c'est dans les entreprises que se crée la richesse et à partir de cette richesse, les emplois durables.
Notre économie, et singulièrement notre industrie, est appelée à relever des défis majeurs dans les quelques années qui viennent, Dominique Strauss-Kahn l'a rappelé ce matin. Qu'il me suffise de citer ici la mondialisation des marchés et de la concurrence, l'achèvement du marché unique européen avec le passage à l'Euro, la bataille de l'emploi et les nouvelles technologies.
Pour moi les choses sont claires. Ces enjeux, nous devons les aborder, non comme des menaces contre lesquelles il faudrait nous protéger, nous barricader, mais comme de formidables opportunités, des points d'appui pour progresser et nous développer.
Dans ce contexte qui est désormais le notre pour cette fin de siècle et le début du prochain, nous devons concevoir autrement ce que nous avions coutume d'appeler la politique industrielle. Remettons-nous en question. L'approche que nous avons longtemps privilégiée en France n'est plus la mieux adaptée. Je considère même qu'elle doit être en grande partie inversée : il ne s'agit plus de concevoir et de mettre en oeuvre de grandes stratégies industrielles abstraites mais plutôt de trouver les innovations favorables à la mise en oeuvre des stratégies définies par les entreprises elles-mêmes. J'y reviendrai dans quelques instants.
Mais tout d'abord l'ambition. Il n'est pas en effet de politique sans ambition. Surtout pour une industrie française qui représente aujourd'hui -services industriels compris- 51 % du PIB.
I - Quelle est donc notre ambition pour l'industrie française ?
Je la définirai en cinq points : performance internationale, réactivité sur les marchés, contribution à l'environnement, richesse en emplois, contribution à la cohésion sociale.
1°) Bien sûr, et c'est essentiel, nous voulons une industrie performante c'est-à-dire :
une industrie apte à fournir à des prix compétitifs, les produits de qualité attendus par les marchés ;
une industrie capable de conquérir de nouveaux marchés, à l'export bien sûr, mais aussi sur le marché intérieur dans certains secteurs d'avenir où elle est trop peu présente aujourd'hui. Je pense en particulier à la pharmacie, les matériaux avancés et les biotechnologies.
une industrie profitable enfin car il n'y a pas d'autre voie dans notre système économique, vers le développement, l'innovation, l'investissement et l'emploi.
2°) Notre industrie ne peut se satisfaire des situations acquises : elle doit gagner en réactivité. Je veux dire par là qu'elle doit être mieux à même d'occuper rapidement les segments les plus dynamiques, d'adopter et d'exploiter les nouvelles technologies, d'innover sur le plan technique mais aussi sur les plans organisationnel et social.
3°) Nous voulons une industrie contribuant activement à la qualité de l'environnement. C'est tout sauf un paradoxe. L'industrie n'est pas, je souhaite que tous en soient convaincus, l'ennemie de l'environnement. Elle constitue au contraire l'un des principaux leviers d'action pour la qualité de l'air, de l'eau et du sol. Elle est le premier vecteur économique de la qualité de vie. La protection de l'environnement offre en outre un marché considérable au développement de nouvelles activités industrielles : l'automobile et les transports en sont des exemples.
4°) Il nous faut, et c'est bien sûr pour ce Gouvernement un point essentiel, une industrie plus riche en emplois. Il n'y a pas de fatalité à la disparition progressive des emplois industriels dans notre pays. Nous devons nous appuyer sur plusieurs facteurs qui utilisés à bon escient, peuvent constituer des leviers puissants pour la création de richesses et donc pour l'emploi :
les nouvelles technologies en premier lieu. Rappelons que 2/3 des emplois créés aux États-Unis sont induits par le développement des industries liées aux nouvelles technologies.
étroitement liés à ces dernières, les nouveaux services dans les secteurs de la communication et de l'information notamment, fortement créateurs d'emplois directs chez les prestataires mais aussi d'emplois indirects chez les fournisseurs industriels. Je pense en particulier au formidable développement des services en ligne, de la télévision numérique et des télécommunications mobiles ;
d'une manière générale les services liés à l'industrie : le produit est indissociable du service (exemple l'automobile, l'électroménager) ;
un très riche tissu de petites entreprises industrielles et de services à l'industrie qui doit être conforté et mieux associé au réseau des grandes entreprises. Une industrie moderne vit et se développe de la coopération et de l'échange permanent entre grands groupes et PMI. Il est fallacieux de les opposer. Une innovation technique mise au point par une petite entreprise peut, relayée et développée par une grande, déboucher sur la création de dizaines d'emplois. Inversement, la conception d'un nouveau produit dans le laboratoire d'un grand groupe peut générer des centaines d'emplois chez nombre de sous-traitants et de fournisseurs.
enfin, dernier levier essentiel, la réduction du temps de travail dont je suis convaincu de l'impact potentiel très positif sur l'emploi. Mais à condition bien entendu, comme je l'ai récemment rappelé lors de ma visite sur ce thème en Lorraine, que les modalités de la réduction et de l'aménagement du temps de travail -et ses préalables en termes de recomposition du travail salarié et d'organisation- fassent l'objet d'une réflexion prospective, d'une large concertation au sein de l'entreprise et qu'elles soient négociées non seulement au niveau national, mais aussi dans la branche, l'entreprise, l'établissement. Il y a plusieurs lectures possibles de la réduction-aménagement du temps de travail : j'y vois, au-delà de la nécessaire conquête sociale qui s'inscrit dans la tendance universelle et séculaire à la baisse régulière de la durée du travail salarié, un catalyseur de la remise en cause des routines, du manque d'imagination, de l'atonie du dialogue social qui affecte parfois les entreprises.
Enfin, 5° et dernier aspect de notre ambition pour l'industrie : la contribution à la cohésion sociale. C'est un objectif fondamental auquel tous les secteurs de la société doivent contribuer, et notamment les entreprises.
Elles le feront principalement en créant des emplois par la création de nouvelles richesses, je viens de l'évoquer, tant l'emploi est évidemment le premier facteur de cette cohésion notamment en procurant des perspectives personnelles aux jeunes. Mais les entreprises y contribueront également en s'attachant à promouvoir le dialogue social et à développer la qualité des relations sociales. C'est l'intérêt de tous et en particulier l'intérêt bien compris des entreprises.
Voilà, rapidement développée, l'ambition du Gouvernement pour notre industrie. Je la résumerai en parlant de compétitivité globale qui ne se réduit pas à la productivité des facteurs de production, mais associe performance, réactivité, environnement, cohésion sociale et emploi. Cette ambition est grande mais elle est réaliste car nous connaissons les atouts nombreux de nos entreprises industrielles.
II - L'État a bien entendu sa part dans la réalisation de cette ambition. Quelle doit-elle être ? C'est ce que je voudrais exposer maintenant.
J'ai dit tout à l'heure que notre conception de la politique industrielle devait évoluer. L'État, d'un rôle régulateur de prescripteur, qui a montré ses limites, doit passer à un rôle de facilitateur de stratégies, en favorisant la mise en oeuvre des stratégies des entreprises, pourvu bien entendu que celles-ci soient conformes à l'intérêt national.
Il faut parler désormais de politique d'appui stratégique aux entreprises, au service d'une vision à long terme que se doit d'expliciter l'État.
Quels doivent être alors les axes d'intervention de l'État ? Ils sont nombreux et touchent à la fois l'environnement direct des entreprises, l'efficacité du secteur énergétique et celle de nos services publics industriels, tous facteurs qui ont un impact important sur la compétitivité de nos entreprises.
2.1) L'État doit d'abord poursuivre son action en faveur de l'amélioration de l'environnement des entreprises en l'axant prioritairement sur les PMI .
Je ne reprendrai pas les éléments -majeurs- qu'a développé Dominique STRAUSS KAHN ce matin, qui relèvent des responsabilités du grand ministère comme la politique financière, budgétaire et fiscale. J'insisterai en revanche sur les aspects qui relèvent plus spécifiquement de mon Département.
2.1) A- L'État doit continuer d'apporter appui financier aux projets de développement des PMI via les procédures décentralisées inscrites aux contrats de plan État/Région.
2.1) B- Il faut développer le conseil et l'appui aux entreprises : c'est le rôle des divers organismes financés par l'État tels que l'APRODI, pour les technologies, l'ADEPA, pour la productique, l'INERIS et l'ANDRA pour l'environnement et la prévention des risques industriels. Conseil et appui constituent bien entendu une mission prioritaire des DRIRE, au moyen notamment des FRAC (Fonds Régionaux d'Aide au Conseil). Pour 1998, je souhaite qu'une action particulière soit engagée en vue d'aider les entreprises à préparer le passage aux 35 heures. Il s'agit d'assister les chefs d'entreprises pour étudier les conséquences d'une réduction de temps de travail, concevoir les réorganisations à envisager et négocier avec les représentants du personnel.
2.1) C- Améliorer l'environnement des entreprises, c'est aussi contribuer à simplifier les formalités administratives et réduire leur coût de gestion notamment pour les PMI. Votre collègue Monsieur BAERT a récemment remis à D. STRAUSS-KAHN le rapport que le Gouvernement lui avait commandé. Il contient de très nombreuses propositions dont nous pourrons nous inspirer utilement pour avancer sur ce terrain.
2.1) D- Pas d'industrie forte sans système de formation performant. C'est vrai bien entendu de notre système de formation générale qui en constitue le socle. Mais en matière industrielle, le dispositif de formation technique supérieure joue également un rôle fondamental. Ce ministère a la chance de disposer d'un réseau d'écoles de très haut niveau qu'il faut préserver. J'ai tenu, pour celles qui relèvent de mon ministère (écoles des mines, écoles des télécommunications) à ce que leurs moyens soient maintenus en 1998 dans un contexte budgétaire difficile. Pour l'avenir, je souhaite que deux orientations soient renforcées :
l'association étroite avec les entreprises en matière de formation et de recherche ;
l'implication dans la diffusion de la culture scientifique et technique au niveau régional grâce à leur implantation locale, et particulièrement en direction des jeunes.
2.1) E- J'ai dit tout à l'heure l'importance des mutations technologiques en cours. La maîtrise technologique est plus que jamais au coeur de la performance économique et de ce point de vue, l'État à un rôle déterminant à jouer.
Il doit bien entendu soutenir et coordonner la recherche, ce qui sera notamment le cas dans le secteur des télécommunications dans son nouvel environnement réglementaire, avec dès la fin de l'année la mise en place du Réseau National de Recherche en Télécommunications, préconisé par le rapport LOMBARD.
Il doit favoriser l'innovation afin que la recherche irrigue le plus rapidement possible le tissu industriel. Enfin l'État peut utilement faciliter et accélérer la diffusion des technologies, notamment dans le monde des PMI. Avec l'ANVAR et les procédures ATOUT, nous disposons en France d'un dispositif de grande qualité dont les moyens sont reconduits en 1998. Au total, c'est plus de 1, 5 MdF qui seront consacrés l'an prochain à l'innovation et à la diffusion des techniques au profit des PMI.
S'agissant de l'effort public de recherche industrielle, sans sacrifier les grandes entreprises, il sera progressivement rééquilibré en faveur des PMI. Quant aux domaines prioritaires, j'ai souhaité, m'inscrivant naturellement dans la ligne tracée cet été par le Premier ministre, que les technologies de l'information et de la communication soient au coeur de notre action. Cet ensemble cohérent qui va de l'électronique aux autoroutes de l'information est doté de plus de 1, 5 MdF au titre de la recherche industrielle pour 1998.
2.1) F- Enfin, toujours pour ce qui concerne les nouvelles technologies de l'information et de la communication, il est essentiel de favoriser leur appropriation rapide par les entreprises. Ainsi, je considère que l'utilisation d'Internet et de ses applications par les entreprises petites et moyennes constituent un enjeu de compétitivité très important. Pas seulement pour créer des sites et se faire connaître sur le Web, mais comme outil avancé de communication, de veille technologique et commerciale et, à très court terme, comme vecteur de la révolution du commerce électronique. C'est à ce titre que je propose de dégager une ligne budgétaire nouvelle de 50 MF en 1998 pour un programme spécifique destiné aux PMI afin de leur permettre une appropriation plus rapide de ces nouveaux outils.
2.1) G- Une autre facette essentielle de l'action de l'État consiste, dans la conception qui est la nôtre, à agir en direction des secteurs et des entreprises exposés brutalement à la guerre économique mondiale. C'est ce qu'on pourrait appeler une mission de solidarité industrielle. Mais entendons nous bien, je ne suis pas partisan du soutien public à bout de bras de situations désespérées, soutien qui ne fait le plus souvent que retarder les échéances à un coût faramineux pour la collectivité. La reconversion avec un appui public financier et humain programmé, contractuel et important le cas échéant, constitue une réponse préférable.
C'est pourquoi j'ai souhaité que les moyens de l'État soit renforcés dans ce domaine. Je vous propose donc de rebudgétiser le FIBM qui serait ainsi conforté, et de le doter en 1998 de 140 MF d'AP. J'examinerai, en liaison avec le rapporteur général du budget, si des moyens supplémentaires peuvent être dégagés. Dès cette année 80 MF viendront s'ajouter aux crédits déjà engagés. J'ai par ailleurs demandé que soit examinées les conditions d'amélioration de la gestion du FIBM avec, en particulier, l'extension aux services à l'industrie. Pour sa part, le Fonds d'Industrialisation de la Lorraine voit ses crédits de paiement augmenter de près de 20 % et ses AP de 28 % dans le projet qui vous est soumis.
Je souhaite également que l'État préserve une capacité significative d'intervention en appui aux restructurations. Dans de nombreux secteurs industriels bénéficiant de perspectives à long terme favorables, ces moyens permettent à certaines entreprises connaissant des difficultés transitoires de franchir une étape délicate de leur existence. Le secteur de la construction navale bénéficie aujourd'hui d'un soutien public sous la forme d'aide à la commande. J'entends, et je m'en réjouis, que les Chantiers de l'Atlantique déclarent être en mesure de se passer de ces aides dans les 3 ans qui viennent. Ce serait un beau succès qui à mes yeux justifierait pleinement les efforts consentis par la collectivité. A court terme, je vous annonce qu'une solution financière est actuellement mise en place pour permettre la construction de nouveaux paquebots.
Cet appui à la fois technique et financier, relève parfaitement selon moi de cette conception du rôle de l'État d'appui stratégique, que je défends. En 1998, les crédits que je propose au titre des restructurations, hors aide aux chantiers navals, doublent pratiquement en AP compte tenu de l'inscription de 50 MF pour le CIRI et d'une progression de plus de 20 % pour les crédits de politique industrielle hors CIRI.
Ce développement me donne l'occasion de dire quelques mots du secteur textile dont il a beaucoup été question ces derniers temps. A partir d'une situation rendue difficile par les erreurs du précédent gouvernement, nous allons remonter la pente : pour les entreprises de moins de 50 salariés, l'aide eurocompatible de 100 000 Euros sera poursuivie en 1998. Pour les autres, je tente d'obtenir de la Commission des conditions de remboursement qui soient compatibles avec la faible profitabilité de ce secteur. Hier, lors de ma rencontre avec le Commissaire VAN MIERT, il m'a semblé possible de parvenir à deux modalités positives pour les entreprises. Un étalement sur une dizaine d'années du remboursement et une imputation sur ce remboursement des incitations et aides qui leur seront par ailleurs dispensées à titre général sur cette même période. Ainsi, leur trésorerie sera préservée.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2001)
Mesdames et Messieurs les Députés,
Permettez moi tout d'abord de remercier les rapporteurs et les orateurs des groupes qui ont commenté ce matin le projet de budget que je vous présente aujourd'hui.
Au sein du grand " ministère de la production " dont le ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie a parlé ce matin, le secteur dont j'ai la charge recouvre un vaste domaine allant de la production d'énergie nucléaire à La Poste et de la construction navale aux nouvelles technologies de la communication. Je voudrais insister sur l'efficacité attendue de ce choix d'organisation.
Il permet en effet une parfaite cohérence de l'action publique sur toute la filière industrielle, depuis l'amont , l'énergie et les matières premières, jusqu'aux services aux industries auxquels je rattache bien entendu et tout naturellement les deux grands services publics industriels et commerciaux que sont La poste et France Télécom.
Un budget, vous le savez, est l'expression d'une politique même s'il ne la résume pas. Je peux résumer ainsi l'axe majeur de celle-ci : promouvoir et accompagner l'adaptation de nos entreprises industrielles à la mutation mondiale des modes de production et de consommation et d'encourager leur développement. Adaptation pour la compétitivité et pour l'emploi car, nous le savons tous, c'est dans les entreprises que se crée la richesse et à partir de cette richesse, les emplois durables.
Notre économie, et singulièrement notre industrie, est appelée à relever des défis majeurs dans les quelques années qui viennent, Dominique Strauss-Kahn l'a rappelé ce matin. Qu'il me suffise de citer ici la mondialisation des marchés et de la concurrence, l'achèvement du marché unique européen avec le passage à l'Euro, la bataille de l'emploi et les nouvelles technologies.
Pour moi les choses sont claires. Ces enjeux, nous devons les aborder, non comme des menaces contre lesquelles il faudrait nous protéger, nous barricader, mais comme de formidables opportunités, des points d'appui pour progresser et nous développer.
Dans ce contexte qui est désormais le notre pour cette fin de siècle et le début du prochain, nous devons concevoir autrement ce que nous avions coutume d'appeler la politique industrielle. Remettons-nous en question. L'approche que nous avons longtemps privilégiée en France n'est plus la mieux adaptée. Je considère même qu'elle doit être en grande partie inversée : il ne s'agit plus de concevoir et de mettre en oeuvre de grandes stratégies industrielles abstraites mais plutôt de trouver les innovations favorables à la mise en oeuvre des stratégies définies par les entreprises elles-mêmes. J'y reviendrai dans quelques instants.
Mais tout d'abord l'ambition. Il n'est pas en effet de politique sans ambition. Surtout pour une industrie française qui représente aujourd'hui -services industriels compris- 51 % du PIB.
I - Quelle est donc notre ambition pour l'industrie française ?
Je la définirai en cinq points : performance internationale, réactivité sur les marchés, contribution à l'environnement, richesse en emplois, contribution à la cohésion sociale.
1°) Bien sûr, et c'est essentiel, nous voulons une industrie performante c'est-à-dire :
une industrie apte à fournir à des prix compétitifs, les produits de qualité attendus par les marchés ;
une industrie capable de conquérir de nouveaux marchés, à l'export bien sûr, mais aussi sur le marché intérieur dans certains secteurs d'avenir où elle est trop peu présente aujourd'hui. Je pense en particulier à la pharmacie, les matériaux avancés et les biotechnologies.
une industrie profitable enfin car il n'y a pas d'autre voie dans notre système économique, vers le développement, l'innovation, l'investissement et l'emploi.
2°) Notre industrie ne peut se satisfaire des situations acquises : elle doit gagner en réactivité. Je veux dire par là qu'elle doit être mieux à même d'occuper rapidement les segments les plus dynamiques, d'adopter et d'exploiter les nouvelles technologies, d'innover sur le plan technique mais aussi sur les plans organisationnel et social.
3°) Nous voulons une industrie contribuant activement à la qualité de l'environnement. C'est tout sauf un paradoxe. L'industrie n'est pas, je souhaite que tous en soient convaincus, l'ennemie de l'environnement. Elle constitue au contraire l'un des principaux leviers d'action pour la qualité de l'air, de l'eau et du sol. Elle est le premier vecteur économique de la qualité de vie. La protection de l'environnement offre en outre un marché considérable au développement de nouvelles activités industrielles : l'automobile et les transports en sont des exemples.
4°) Il nous faut, et c'est bien sûr pour ce Gouvernement un point essentiel, une industrie plus riche en emplois. Il n'y a pas de fatalité à la disparition progressive des emplois industriels dans notre pays. Nous devons nous appuyer sur plusieurs facteurs qui utilisés à bon escient, peuvent constituer des leviers puissants pour la création de richesses et donc pour l'emploi :
les nouvelles technologies en premier lieu. Rappelons que 2/3 des emplois créés aux États-Unis sont induits par le développement des industries liées aux nouvelles technologies.
étroitement liés à ces dernières, les nouveaux services dans les secteurs de la communication et de l'information notamment, fortement créateurs d'emplois directs chez les prestataires mais aussi d'emplois indirects chez les fournisseurs industriels. Je pense en particulier au formidable développement des services en ligne, de la télévision numérique et des télécommunications mobiles ;
d'une manière générale les services liés à l'industrie : le produit est indissociable du service (exemple l'automobile, l'électroménager) ;
un très riche tissu de petites entreprises industrielles et de services à l'industrie qui doit être conforté et mieux associé au réseau des grandes entreprises. Une industrie moderne vit et se développe de la coopération et de l'échange permanent entre grands groupes et PMI. Il est fallacieux de les opposer. Une innovation technique mise au point par une petite entreprise peut, relayée et développée par une grande, déboucher sur la création de dizaines d'emplois. Inversement, la conception d'un nouveau produit dans le laboratoire d'un grand groupe peut générer des centaines d'emplois chez nombre de sous-traitants et de fournisseurs.
enfin, dernier levier essentiel, la réduction du temps de travail dont je suis convaincu de l'impact potentiel très positif sur l'emploi. Mais à condition bien entendu, comme je l'ai récemment rappelé lors de ma visite sur ce thème en Lorraine, que les modalités de la réduction et de l'aménagement du temps de travail -et ses préalables en termes de recomposition du travail salarié et d'organisation- fassent l'objet d'une réflexion prospective, d'une large concertation au sein de l'entreprise et qu'elles soient négociées non seulement au niveau national, mais aussi dans la branche, l'entreprise, l'établissement. Il y a plusieurs lectures possibles de la réduction-aménagement du temps de travail : j'y vois, au-delà de la nécessaire conquête sociale qui s'inscrit dans la tendance universelle et séculaire à la baisse régulière de la durée du travail salarié, un catalyseur de la remise en cause des routines, du manque d'imagination, de l'atonie du dialogue social qui affecte parfois les entreprises.
Enfin, 5° et dernier aspect de notre ambition pour l'industrie : la contribution à la cohésion sociale. C'est un objectif fondamental auquel tous les secteurs de la société doivent contribuer, et notamment les entreprises.
Elles le feront principalement en créant des emplois par la création de nouvelles richesses, je viens de l'évoquer, tant l'emploi est évidemment le premier facteur de cette cohésion notamment en procurant des perspectives personnelles aux jeunes. Mais les entreprises y contribueront également en s'attachant à promouvoir le dialogue social et à développer la qualité des relations sociales. C'est l'intérêt de tous et en particulier l'intérêt bien compris des entreprises.
Voilà, rapidement développée, l'ambition du Gouvernement pour notre industrie. Je la résumerai en parlant de compétitivité globale qui ne se réduit pas à la productivité des facteurs de production, mais associe performance, réactivité, environnement, cohésion sociale et emploi. Cette ambition est grande mais elle est réaliste car nous connaissons les atouts nombreux de nos entreprises industrielles.
II - L'État a bien entendu sa part dans la réalisation de cette ambition. Quelle doit-elle être ? C'est ce que je voudrais exposer maintenant.
J'ai dit tout à l'heure que notre conception de la politique industrielle devait évoluer. L'État, d'un rôle régulateur de prescripteur, qui a montré ses limites, doit passer à un rôle de facilitateur de stratégies, en favorisant la mise en oeuvre des stratégies des entreprises, pourvu bien entendu que celles-ci soient conformes à l'intérêt national.
Il faut parler désormais de politique d'appui stratégique aux entreprises, au service d'une vision à long terme que se doit d'expliciter l'État.
Quels doivent être alors les axes d'intervention de l'État ? Ils sont nombreux et touchent à la fois l'environnement direct des entreprises, l'efficacité du secteur énergétique et celle de nos services publics industriels, tous facteurs qui ont un impact important sur la compétitivité de nos entreprises.
2.1) L'État doit d'abord poursuivre son action en faveur de l'amélioration de l'environnement des entreprises en l'axant prioritairement sur les PMI .
Je ne reprendrai pas les éléments -majeurs- qu'a développé Dominique STRAUSS KAHN ce matin, qui relèvent des responsabilités du grand ministère comme la politique financière, budgétaire et fiscale. J'insisterai en revanche sur les aspects qui relèvent plus spécifiquement de mon Département.
2.1) A- L'État doit continuer d'apporter appui financier aux projets de développement des PMI via les procédures décentralisées inscrites aux contrats de plan État/Région.
2.1) B- Il faut développer le conseil et l'appui aux entreprises : c'est le rôle des divers organismes financés par l'État tels que l'APRODI, pour les technologies, l'ADEPA, pour la productique, l'INERIS et l'ANDRA pour l'environnement et la prévention des risques industriels. Conseil et appui constituent bien entendu une mission prioritaire des DRIRE, au moyen notamment des FRAC (Fonds Régionaux d'Aide au Conseil). Pour 1998, je souhaite qu'une action particulière soit engagée en vue d'aider les entreprises à préparer le passage aux 35 heures. Il s'agit d'assister les chefs d'entreprises pour étudier les conséquences d'une réduction de temps de travail, concevoir les réorganisations à envisager et négocier avec les représentants du personnel.
2.1) C- Améliorer l'environnement des entreprises, c'est aussi contribuer à simplifier les formalités administratives et réduire leur coût de gestion notamment pour les PMI. Votre collègue Monsieur BAERT a récemment remis à D. STRAUSS-KAHN le rapport que le Gouvernement lui avait commandé. Il contient de très nombreuses propositions dont nous pourrons nous inspirer utilement pour avancer sur ce terrain.
2.1) D- Pas d'industrie forte sans système de formation performant. C'est vrai bien entendu de notre système de formation générale qui en constitue le socle. Mais en matière industrielle, le dispositif de formation technique supérieure joue également un rôle fondamental. Ce ministère a la chance de disposer d'un réseau d'écoles de très haut niveau qu'il faut préserver. J'ai tenu, pour celles qui relèvent de mon ministère (écoles des mines, écoles des télécommunications) à ce que leurs moyens soient maintenus en 1998 dans un contexte budgétaire difficile. Pour l'avenir, je souhaite que deux orientations soient renforcées :
l'association étroite avec les entreprises en matière de formation et de recherche ;
l'implication dans la diffusion de la culture scientifique et technique au niveau régional grâce à leur implantation locale, et particulièrement en direction des jeunes.
2.1) E- J'ai dit tout à l'heure l'importance des mutations technologiques en cours. La maîtrise technologique est plus que jamais au coeur de la performance économique et de ce point de vue, l'État à un rôle déterminant à jouer.
Il doit bien entendu soutenir et coordonner la recherche, ce qui sera notamment le cas dans le secteur des télécommunications dans son nouvel environnement réglementaire, avec dès la fin de l'année la mise en place du Réseau National de Recherche en Télécommunications, préconisé par le rapport LOMBARD.
Il doit favoriser l'innovation afin que la recherche irrigue le plus rapidement possible le tissu industriel. Enfin l'État peut utilement faciliter et accélérer la diffusion des technologies, notamment dans le monde des PMI. Avec l'ANVAR et les procédures ATOUT, nous disposons en France d'un dispositif de grande qualité dont les moyens sont reconduits en 1998. Au total, c'est plus de 1, 5 MdF qui seront consacrés l'an prochain à l'innovation et à la diffusion des techniques au profit des PMI.
S'agissant de l'effort public de recherche industrielle, sans sacrifier les grandes entreprises, il sera progressivement rééquilibré en faveur des PMI. Quant aux domaines prioritaires, j'ai souhaité, m'inscrivant naturellement dans la ligne tracée cet été par le Premier ministre, que les technologies de l'information et de la communication soient au coeur de notre action. Cet ensemble cohérent qui va de l'électronique aux autoroutes de l'information est doté de plus de 1, 5 MdF au titre de la recherche industrielle pour 1998.
2.1) F- Enfin, toujours pour ce qui concerne les nouvelles technologies de l'information et de la communication, il est essentiel de favoriser leur appropriation rapide par les entreprises. Ainsi, je considère que l'utilisation d'Internet et de ses applications par les entreprises petites et moyennes constituent un enjeu de compétitivité très important. Pas seulement pour créer des sites et se faire connaître sur le Web, mais comme outil avancé de communication, de veille technologique et commerciale et, à très court terme, comme vecteur de la révolution du commerce électronique. C'est à ce titre que je propose de dégager une ligne budgétaire nouvelle de 50 MF en 1998 pour un programme spécifique destiné aux PMI afin de leur permettre une appropriation plus rapide de ces nouveaux outils.
2.1) G- Une autre facette essentielle de l'action de l'État consiste, dans la conception qui est la nôtre, à agir en direction des secteurs et des entreprises exposés brutalement à la guerre économique mondiale. C'est ce qu'on pourrait appeler une mission de solidarité industrielle. Mais entendons nous bien, je ne suis pas partisan du soutien public à bout de bras de situations désespérées, soutien qui ne fait le plus souvent que retarder les échéances à un coût faramineux pour la collectivité. La reconversion avec un appui public financier et humain programmé, contractuel et important le cas échéant, constitue une réponse préférable.
C'est pourquoi j'ai souhaité que les moyens de l'État soit renforcés dans ce domaine. Je vous propose donc de rebudgétiser le FIBM qui serait ainsi conforté, et de le doter en 1998 de 140 MF d'AP. J'examinerai, en liaison avec le rapporteur général du budget, si des moyens supplémentaires peuvent être dégagés. Dès cette année 80 MF viendront s'ajouter aux crédits déjà engagés. J'ai par ailleurs demandé que soit examinées les conditions d'amélioration de la gestion du FIBM avec, en particulier, l'extension aux services à l'industrie. Pour sa part, le Fonds d'Industrialisation de la Lorraine voit ses crédits de paiement augmenter de près de 20 % et ses AP de 28 % dans le projet qui vous est soumis.
Je souhaite également que l'État préserve une capacité significative d'intervention en appui aux restructurations. Dans de nombreux secteurs industriels bénéficiant de perspectives à long terme favorables, ces moyens permettent à certaines entreprises connaissant des difficultés transitoires de franchir une étape délicate de leur existence. Le secteur de la construction navale bénéficie aujourd'hui d'un soutien public sous la forme d'aide à la commande. J'entends, et je m'en réjouis, que les Chantiers de l'Atlantique déclarent être en mesure de se passer de ces aides dans les 3 ans qui viennent. Ce serait un beau succès qui à mes yeux justifierait pleinement les efforts consentis par la collectivité. A court terme, je vous annonce qu'une solution financière est actuellement mise en place pour permettre la construction de nouveaux paquebots.
Cet appui à la fois technique et financier, relève parfaitement selon moi de cette conception du rôle de l'État d'appui stratégique, que je défends. En 1998, les crédits que je propose au titre des restructurations, hors aide aux chantiers navals, doublent pratiquement en AP compte tenu de l'inscription de 50 MF pour le CIRI et d'une progression de plus de 20 % pour les crédits de politique industrielle hors CIRI.
Ce développement me donne l'occasion de dire quelques mots du secteur textile dont il a beaucoup été question ces derniers temps. A partir d'une situation rendue difficile par les erreurs du précédent gouvernement, nous allons remonter la pente : pour les entreprises de moins de 50 salariés, l'aide eurocompatible de 100 000 Euros sera poursuivie en 1998. Pour les autres, je tente d'obtenir de la Commission des conditions de remboursement qui soient compatibles avec la faible profitabilité de ce secteur. Hier, lors de ma rencontre avec le Commissaire VAN MIERT, il m'a semblé possible de parvenir à deux modalités positives pour les entreprises. Un étalement sur une dizaine d'années du remboursement et une imputation sur ce remboursement des incitations et aides qui leur seront par ailleurs dispensées à titre général sur cette même période. Ainsi, leur trésorerie sera préservée.
(source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 10 septembre 2001)