Texte intégral
GUILLAUME DURAND
Nous sommes avec Stéphane TRAVERT, le ministre de l'Agriculture. Est-ce que vous trouvez, Stéphane TRAVERT, bonjour
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
GUILLAUME DURAND
Que du lourd à la techno, en passant par le pognon de dingue, la piscine et le service de porcelaine, quelque chose est en train de troubler les Français ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, sur ces sujets moi je ne vois pas en quoi il y est nature en quoi que ce soit à troubler que les Français
GUILLAUME DURAND
C'est ce que marquent les sondages.
STEPHANE TRAVERT
Aujourd'hui il y a un gouvernement, il y a un président de la République et nous sommes à notre tâche pour travailler pour l'intérêt des Français : emploi, éducation, l'agriculture, la culture et, aujourd'hui, c'est sur ces résultats et sur ce travail que nous devons être jugés et seulement celui-là. Sur le reste, ce n'est que de l'apparence.
GUILLAUME DURAND
Ce n'est pas que de l'apparence, ce sont aussi des mots, les mots sont importants, le président de la République a toujours dit son goût pour la littérature était fondamental
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr, mais c'est très important.
GUILLAUME DURAND
Le théâtre... alors la lèpre, le pognon dingue, c'est vrai que les gens sont un peu troublés ?
STEPHANE TRAVERT
Mais vous savez le président a aussi un langage direct et il dit les choses et il nomme les choses, et je crois que les Français doivent aussi apprécier qu'un président de la République sache dire et nommer les choses, le cas de la lèpre
GUILLAUME DURAND
C'est Jupiter + tonton flingueur.
STEPHANE TRAVERT
Le cas de la lèpre populiste lorsqu'on vient rappeler à un jeune adolescent qu'on doit le respect au président de la République et, comme tout à chacun, on doit le respect aux uns et aux autres, je crois qu'il faut savoir rappeler que ce que l'on est ; et puis la France c'est le pays des droits de l'Homme, c'est le pays des Lumières et aujourd'hui la France elle s'ouvre sur toutes les cultures, sur tous les horizons et je crois que c'est autour de cela que nous devons aussi construire ce qui sera la France de demain et emmener nos concitoyens avec nous.
GUILLAUME DURAND
Dans un instant on parle de la transition bio, dernière question sur les migrants on en parlera abondamment Bernard KOUCHNER aujourd'hui - ce qui est vrai c'est qu'on a l'impression quelquefois en Europe, je parle des pays par exemple de... l'Italie évidemment, des pays disons de l'Europe de l'Est, que la France est un pays qui donne des leçons à tout le monde et qui accueille peu de personnes Emmanuel MACRON ayant rappelé que les chiffres du droit d'asile étaient plutôt en faveur des Français, en tout cas par rapport à ceux des Italiens, donc est-ce qu'on est, est-ce que nous sommes - parce que ça vous concerne aussi la politique européenne
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
GUILLAUME DURAND
Est-ce que nous sommes des donneurs de leçon insupportables pour le reste ?
STEPHANE TRAVERT
La France n'est pas donneuse de leçon, elle n'a pas à l'être, mais la France elle incarne une vision européenne forte et nous devons apporter des réponses européennes et le président de la République l'a très bien rappelé la France peut s'enorgueillir d'être le deuxième pays à accueillir le plus de réfugiés et d'immigrés aujourd'hui sur le de migrants pardon - sur le territoire national ; et c'est important parce que c'est aussi notre devoir, nous devons pouvoir les accueillir dans les meilleures conditions et faire en sorte qu'ils puissent poursuivre un parcours qui va leur permettre de pouvoir vivre correctement, n'oublions pas que bon nombre de migrants aujourd'hui viennent en France parce qu'ils fuient des conditions épouvantables dans leur dans leur pays - c'est la guerre, c'est la famine
GUILLAUME DURAND
Mais ça on vous l'a reproché, pas à vous le gouvernement
STEPHANE TRAVERT
Et aujourd'hui nous devons
GUILLAUME DURAND
Ne pas avoir accueilli l'Aquarius par exemple ?
STEPHANE TRAVERT
Mais aujourd'hui nous devons avoir une réponse européenne, parce que trop longtemps on a laissé les pays européens se débrouiller les uns par rapport aux autres, il n'y a pas eu de cohérence européenne sur ce sujet des migrations et on a laissé faire les uns et les autres comme ils le pouvaient et il faut pas s'étonner ensuite que nous ayons sur un certain nombre de pays des résultats de vote qui franchissent un peu plus les populistes ; et le président de la République a voulu rappeler les choses et a voulu rappeler quel était l'engagement de la France au niveau européen mais quelle était aussi je dirais la réponse européenne que nous devions apporter et qui est nécessaire.
GUILLAUME DURAND
Vous savez que dans le domaine justement qui est le vôtre, qui est celui de l'agriculture, si on demande ou si Bruxelles demande une baisse de 5 % du budget de la PAC c'est officiellement justement pour pouvoir mieux contrôler les frontières, donc au fond on a l'impression que l'on demande aux agriculteurs Français de faire un certain nombre de sacrifices pour qu'on puisse contrôler les frontières, est-ce que c'est comme ça que vous le vivez ?
STEPHANE TRAVERT
Non. Ce n'est pas tant sur les politiques migratoires, c'est plus sur le Brexit et, nous, nous l'avons toujours dit : la Politique Agricole Commune n'a pas à être la variable d'ajustement par exemple du Brexit qui coûtera très cher - près de 10 milliards d'euros - et aujourd'hui justement la France, dans le travail qu'elle mène pour obtenir un budget de la PAC qui soit ambitieux, la France n'est pas du tout arrogante, regardez nous avons créé un groupe à Madrid, nous étions six, j'ai fédéré autour de moi cinq autres pays avec qui nous avons formulé un mémorandum et ce mémorandum ces 20 autres pays qui l'ont rejoint petit à petit la semaine dernière au Conseil agricole et de la pêche du Luxembourg et donc, si la France était arrogante, jamais ces pays ne nous auraient rejoints.
GUILLAUME DURAND
Donc, elle n'est pas isolée dans ce domaine ?
STEPHANE TRAVERT
La France n'est pas isolée, nous sommes 20 pays à défendre un budget ambitieux pour la PAC et à vouloir dire que non le Brexit, non les autres politiques ne seront pas... enfin la Politique Agricole Commune ne sera pas la variable d'ajustement des autres politiques.
GUILLAUME DURAND
Vous avez rendez-vous avec votre homologue allemande aujourd'hui
STEPHANE TRAVERT
Ce soir.
GUILLAUME DURAND
Ce soir.
STEPHANE TRAVERT
Ce soir.
GUILLAUME DURAND
Et elle vous soutient dans cette affaire-là ?
STEPHANE TRAVERT
Nous avons des divergences avec l'Allemagne sur les aides couplées notamment, mais nous avons beaucoup de convergences bien évidemment sur d'autres sujets, nous allons parler essentiellement du budget de la PAC, elle n'a pas soutenu ma collègue allemande le mémorandum la semaine dernière - mais elle vient d'arriver - et donc, voilà, nous allons avoir cette discussion ce soir
GUILLAUME DURAND
Vous avez l'objectif ce matin de la convaincre ce soir ?
STEPHANE TRAVERT
Je veux essayer de faire en sorte de la convaincre, parce que ce moteur franco-allemand dont on parle tant
GUILLAUME DURAND
Parce que c'est fondamental, le budget c'est
STEPHANE TRAVERT
Il est absolument essentiel.
GUILLAUME DURAND
Le grand sommet c'est jeudi ?
STEPHANE TRAVERT
C'est jeudi, oui, oui, tout à fait - le président de la République il sera - et nous avons besoin que les Allemands puissent nous rejoindre. Mais nous sommes déjà 20 pays, ce qui est considérable, et le poids de l'Allemagne en plus de celui de la France nous permettra certainement de trouver de nouvelles avancées qui seront utiles pour nos agriculteurs.
GUILLAUME DURAND
Plus d'un milliard donc pour transformer l'agriculture française en agriculture largement bio, je donne le chiffre, il faudrait donc d'ici à 2022, les surfaces agricoles cultivées en bio - si je me trompe, vous avez le droit de me reprendre - c'est de 6,5 à 15 %
STEPHANE TRAVERT
C'est ça.
GUILLAUME DURAND
Donc en gros.
STEPHANE TRAVERT
C'est tout à fait ça.
GUILLAUME DURAND
Pourquoi c'est fondamental ?
STEPHANE TRAVERT
C'est fondamental parce qu'aujourd'hui il y a une demande très forte de nos consommateurs vers les produits issus de l'agriculture biologique, donc nous devons répondre à cette demande, mais pour pouvoir répondre nous avons deux choses à faire : d'abord à ce qu'il y ait plus d'agriculteurs qui se convertissent à l'agriculture biologique, donc il faut mettre, excusez-moi du terme, mais le paquet là-dessus, faire en sorte que nous ayons des conversions en agriculture biologique ; et puis il faut porter, accompagner le marché du bio et dont nous avons trouvé un levier ce levier qui est très important - c'est la restauration collective, nous avons sept milliards de repas qui sont pris chaque année dans la restauration collective, voilà un formidable débouché commercial pour l'agriculture biologique, et autour de ce débouché commercial nous avons choisi d'y mettre les moyens, c'est-à-dire 650 millions d'euros et du Feder c'est-à-dire des financements européens avec une part de financements nationaux pour aider à cette conversion.
GUILLAUME DURAND
Si je vous ai bien compris, parce que c'est important, ce n'est pas de l'argent neuf sorti du budget de l'Etat c'est au fond une réorientation des aides européennes vers le bio ?
STEPHANE TRAVERT
Une orientation des aides européennes vers le bio sur les crédits du Feder, le crédit bio qui passe de quatre à huit millions d'euros, le crédit d'impôt sur la bio que nous avons souhaité prolonger qui passe de 2.500 à 3.500 euros et puis des fonds qui viendront.... alors des fonds propres
GUILLAUME DURAND
Ils sont convaincus les agriculteurs, parce qu'il y a quand même un programme
STEPHANE TRAVERT
Mais il va falloir les convaincre, pas tous bien évidemment, parce que nous avons besoin de trouver je dirais l'équilibre entre une agriculture conventionnelle qui va travailler des produits en AOP, en AOC et des produits de qualité comme ils le font déjà et puis l'ouverture vers l'agriculture biologique parce que nous avons besoin de structurer les offres sur les territoires pour permettre justement à ce que les collectivités - par exemple une cantine, une école - puisse se fournir en produits suffisants dans la proximité pour nourrir ses enfants en produits bio et en produits sous label.
GUILLAUME DURAND
Stéphane TRAVERT, ministre de l'Agriculture, nous sommes en direct, j'ai deux dernières questions à vous poser. Le glyphosate n'est pas dans la loi, je me souviens que Julien DENORMANDIE avait dit : « mais de toute façon l'INRA va travailler, on trouvera un substitut au bout des trois ans, enfin dans trois ans, donc avant la fin du quinquennat d'Emmanuel MACRON », est-ce que vous pouvez nous dire vous qui êtes ministre de l'Agriculture ce matin si effectivement les services qui sont chargés de ça travaillent à une alternative glyphosate qui pourra intervenir avant la fin du quinquennat d'Emmanuel MACRON ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr, mais c'est là-dessus que nous sommes engagés... mais c'est là-dessus que nous sommes engagés, d'abord le glyphosate n'a jamais
GUILLAUME DURAND
Non, mais il est petit votre « oui bien sûr », oui ou non ?
STEPHANE TRAVERT
Non c'est oui, c'est oui monsieur DURAND, oui
GUILLAUME DURAND
Donc, il y aura une alternative ?
STEPHANE TRAVERT
Oui il y aura une alternative, parce que nous, nous avons emmené tout le monde, nous avons réuni avec Nicolas HULOT la semaine dernière l'ensemble de la chaîne : les agriculteurs, les distributeurs, les transformateurs pour emmener tout le monde avec nous, c'est-à-dire que nous avons souhaité créer une task force qui nous permette ici de travailler sur toutes les solutions alternatives au glyphosate ; nous allons créer un centre de ressources qui va permettre d'identifier là où il existe déjà des alternatives.
GUILLAUME DURAND
Mais l'INRA travaille là-dessus ?
STEPHANE TRAVERT
Mais l'INRA bien sûr travaille, l'INRA, les instituts
GUILLAUME DURAND
Mais vous avez des garanties, des recherches ?
STEPHANE TRAVERT
Mais vous savez nous sommes en lien permanent avec l'INRA, Philippe MAUGAIN - qui est le président de l'INRA - anime ses équipes avec beaucoup de talent et, là-dessus, je sais que... d'ailleurs l'INRA nous l'avait dit dans son rapport : « il n'y a pas de solution clé en main mais il existe déjà des solutions ». Nous avons trois domaines sur lesquels, aujourd'hui, il n'y a aucune alternative : c'est l'agriculture en terrasse ou l'agriculture en pente, l'agriculture de conservation, les sols ; et l'agriculture destinée aux fruits et légumes pour l'industrie, donc là là-dessus nous devons mettre les moyens pour trouver des solutions. Mais il existe aussi des solutions à travers la rotation des cultures, à travers de nouvelles pratiques agronomiques
GUILLAUME DURAND
D'accord, oui.
STEPHANE TRAVERT
Nous devons tous recenser pour faire en sorte d'avancer.
GUILLAUME DURAND
Je retiens donc que vous aurez, vous présenterez une alternative au glyphosate avant la fin du quinquennat ?
STEPHANE TRAVERT
Avant la fin du quinquennat et d'ailleurs c'est.... mais oui, puisque c'est dans trois ans, et c'est la durée que le président de la République nous a donnée et nous nous y conformerons.
GUILLAUME DURAND
Merci beaucoup Stéphane TRAVERT...
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
GUILLAUME DURAND
Donc le ministre de l'Agriculture, était l'invité politique de la matinale, nous aurons un deuxième invité politique Bernard KOUCHNER, la crise migratoire, un sommet qui a échoué donc à Bruxelles à 16, un sommet jeudi et vendredi donc à 28, nous verrons tous les sujets et Dieu sait qu'ils sont nombreux et que cette affaire secoue les opinions publiques.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 26 juin 2018