Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, sur la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur l'épargne salariale, Paris le 29 novembre 2001.

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Intervenant(s) : 
  • Laurent Fabius - ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

Circonstance : Forum national FONDACT : "La mise en oeuvre de la nouvelle loi sur l'épargne salariale", à Paris le 29 novembre 2001

Texte intégral


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Il y a un an, vous m'aviez fait l'amitié de m'inviter à ouvrir les travaux du forum national Fondact dont le thème traitait de l'épargne salariale dans la nouvelle économie. Je vous avais présenté à cette occasion l'architecture et les orientations de ce qui n'était encore qu'un projet de loi. Nous étions alors dans une phase de concertation au cours de laquelle le Gouvernement, singulièrement le Minéfi, mobilisait sa force de conviction au service du texte et des dispositions qu'il prévoyait pour les salariés comme pour les entreprises. J'avais apprécié le soutien chaleureux que m'avaient apporté les dirigeants de Fondact. Parce que nous sommes en quelque sorte des compagnons de la réforme, vous comprendrez que je sois particulièrement heureux d'être à nouveau parmi vous pour saluer votre engagement dans la mise en uvre de la nouvelle épargne salariale. Voici donc venu le temps des travaux pratiques et de la diffusion des dispositifs nouveaux de l'épargne salariale mais aussi de ceux, plus anciens, qui ont été rénovés. Réussir cette étape est notre volonté commune et vos discussions tout au long de cette journée y contribuent.
Nous sommes en effet à la fin d'une étape, celle de la conception et de l'adoption des outils, et au début d'une autre, celle de la mise en uvre opérationnelle de ces dispositifs dans les entreprises et au profit des salariés qui, en grande majorité, en sont aujourd'hui exclus. L'intégralité des textes législatifs et réglementaires sont connus depuis cet été. Il est donc possible de conclure des PEI ou des PPESV. Certaines entreprises se sont déjà lancées dans cette démarche. Aujourd'hui, le PEI est une réalité ; le PPESV ne va pas tarder à l'être.
La circulaire d'application vient d'être publiée. Elle précise les modalités concrètes d'application des nouvelles dispositions et va favoriser la montée en puissance des plans d'épargne. Cette circulaire présente sous forme de 6 dossiers thématiques - intéressement, participation, PEE, PEI, PPESV, déblocage de l'épargne - un ensemble de fiches qui apporteront les réponses aux questions que négociateurs, bénéficiaires et gestionnaires de l'épargne salariale peuvent se poser. Comme c'est normal dans une économie partenaire, beaucoup d'entre-vous, chefs d'entreprises, syndicalistes, gestionnaires financiers, responsables d'associations, ont été associés à sa rédaction et les informations qu'elle contient doivent beaucoup à votre travail.
Depuis ce matin, vous avez évoqué successivement la question de l'épargne salariale dans les PME et celle de la loi dite Fabius dans les grandes entreprises. Comme vous, je suis pragmatique. La situation dans une PME de moins de 100 salariés qui ne dispose ni d'accord de participation ou d'intéressement et encore moins de plan d'épargne n'est pas comparable à celle d'une entreprise ou d'un groupe qui dispose de ces 3 instruments, qui a développé une politique d'actionnariat salarié, voire, comme c'est parfois le cas, qui offre l'accès à un plan de long terme dans le cadre d'un régime surcomplémentaire de retraite. Pourtant, je suis convaincu que chaque structure, quelle que soit sa taille, quelles que soient ses ressources, quel que soit son statut, peut tirer avantage des outils proposés dans la nouvelle loi.
Les dispositions fiscales et sociales avantageuses attachées aux accords d'intéressement dans les entreprises de moins de 100 salariés, la possibilité désormais offerte à leurs dirigeants ou mandataires sociaux de bénéficier des plans d'épargne salariale, vont contribuer à mettre un terme à cette injustice sociale que constitue l'exclusion de 97 % des PME de tout dispositif d'épargne salariale. La création du PEI va faciliter la généralisation des plans d'épargne d'entreprise dont moins de 10 % des salariés du secteur privé bénéficiaient jusqu'ici. La négociation de plans de branche, de plans territoriaux, entre entreprises filiales d'un même groupe ou entre des PME d'un même bassin d'emploi qui décideront de proposer à leurs salariés un plan d'épargne conçu en commun, ce sont là autant de voies pour aboutir à la généralisation des plans d'épargne.
Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement et le législateur ont fait le choix d'une méthode, celle de la négociation collective. Je suis en effet persuadé que le renforcement du dialogue dans les entreprises et au sein des branches - quand il ne s'agit pas tout bonnement de sa mise en place - est un plus pour l'approfondissement de notre démocratie sociale, condition essentielle du développement économique, de l'attractivité de notre pays, c'est-à-dire de la croissance et de l'emploi. Je le redis ici : la détérioration de la compétitivité des entreprises est toujours payée par leurs salariés, et souvent au prix fort. Le développement de l'épargne salariale ne saurait bien évidemment suffire à garantir cette compétitivité, mais il y participera. Au-delà, celle-ci exige que soient remplies en même temps 3 conditions : que les salariés soient plus largement associés aux orientations qui concernent le futur de leur entreprise, que les entrepreneurs fassent des choix durables, que les pouvoirs publics ne rigidifient pas ou ne bouleversent pas incessamment le cadre juridique dans lequel évoluent les entreprises, qu'ils fassent davantage confiance au contrat et à la négociation.
La généralisation des plans d'épargne grâce au PEI sera d'autant plus facile que les organismes gestionnaires d'épargne sauront proposer des produits attractifs aux partenaires sociaux. Je sais que beaucoup y travaillent activement et sont d'ores et déjà en capacité d'offrir des supports d'investissements adaptés aux outils créés par la loi. Je suis également très intéressé par les réflexions menées par les syndicats de salariés sur les modalités de gestion de l'épargne et sur les caractéristiques des titres que pourraient ou devraient privilégier les Fonds communs de placement d'entreprise des plans d'épargne, afin de souligner leur dimension d'utilité sociale. Je vois dans ces démarches la preuve du caractère peu réaliste des débats souvent théologiques sur la légitimité même de l'épargne salariale, entre ceux qui ne juraient que par l'épargne-retraite et ceux qui en faisaient une nouvelle arme diabolique au service du capital et contre les salariés. Je veux tout simplement souligner l'efficacité de la concertation et de la négociation pour atteindre des objectifs de réforme. C'est la modernisation de notre économie et de notre société qui y gagne.
Quelques mots, bien sûr, à propos du PPESV et de l'actionnariat salarié. Toutes les études, particulièrement l'excellent rapport de Jean-Pierre Balligand et Jean-Baptiste de Foucauld, ont montré qu'il est utile d'offrir aux salariés la possibilité de disposer d'un outil d'épargne salariale de moyen terme. Outre le fait que la moitié des sommes épargnées dans les PEE restaient placées au-delà de la période de 5 ans de blocage, ces plans ne permettaient pas jusqu'ici aux salariés les placements à long terme dont ils pouvaient avoir besoin et ne donnaient pas aux entreprises de véritables capacités d'investissement en fonds propres. C'est pour répondre à cette situation que j'ai souhaité la création du PPESV. Ce nouveau plan d'épargne salariale constitue une possibilité supplémentaire pour le salarié. Il ne peut être conclu que s'il dispose par ailleurs de la possibilité d'épargner dans le cadre d'un plan à 5 ans. La durée de blocage plus longue des sommes épargnées (10 ans) justifie également que soit choisi un régime fiscal et social favorable pour les revenus de cette épargne et que les employeurs soient autorisés à verser des abondements jusqu'à 3 fois supérieurs aux versements de leurs salariés dans la limite de 4 600 , soit le double du plafond des abondements versés dans les PEE.
Plus encore que le PEE, le PPESV constituera un support adapté aux augmentations de capital réservées aux salariés. La décote sur les titres, s'ils sont versés dans le PPESV, pourra atteindre 30 %. Vous le savez, les abondements des employeurs versés dans le PPESV donnent droit à la constitution d'une provision pour investissement en franchise d'impôt d'un montant égal à 25 % de celui des abondements. Si ces abondements sont investis en titres de l'entreprise, le taux de la provision est porté à 50 % du montant des abondements consacrés à cet emploi. L'avancée, chacun le constate, est réelle. J'y insiste parce que j'ai toujours considéré que pour être efficace, après le vote, il doit y avoir le service après vote.
Le PPESV est un outil qui va permettre aux salariés de bénéficier d'un rendement favorable de leur épargne afin de financer leurs projets. S'ils souhaitent en faire un complément d'épargne-retraite, ce sera leur libre choix. S'ils souhaitent en consacrer les revenus à un autre usage, libre à eux là aussi. Mais le PPESV est également, j'en suis convaincu, un outil adapté au développement de l'actionnariat salarié dans notre pays qui contribuera à une meilleure maîtrise de leurs fonds propres par les entreprises et, plus globalement, à l'accroissement des sources de financement stable dont notre économie a besoin.
J'ai entendu les remarques de certaines grandes entreprises qui regrettent que la mise en uvre des nouveaux dispositifs s'accompagne d'une homogénéisation des règles fiscales et sociales applicables aux conditions de paiement des titres qu'elles consentent à leurs salariés, soit directement, soit en recourant aux prestations d'un organisme bancaire. La rationalisation des règles applicables a l'avantage d'en permettre une meilleure compréhension par tous, y compris les services fiscaux et les URSSAF, donc de dissiper certaines ambiguïtés. Peut-être a-t-elle eu pour effet de mettre fin à certaines situations qui, non explicitement prévues, bénéficiaient de traitements particuliers. Nous avons veillé à ce que cette clarification ne remette pas en cause les modalités d'une opération passée ou en cours.
Mesdames et Messieurs, avant de conclure, deux observations liées à l'actualité économique. D'une part, constatons les faits. En raison des secousses internationales profondes, la conjoncture proche est médiocre, mais nous aurons - personne ne le conteste - un vigoureux redressement à moyen et long terme et nous agissons pour que ce rebond intervienne le plus tôt possible. Les observateurs ne doivent pas passer d'un hyperoptimisme à un hypercatastrophisme. Soyons à la fois volontaires et réalistes. Telle est la ligne que je m'efforce de suivre.
D'autre part, n'oublions pas que, si la conjoncture en France a été et reste meilleure que dans beaucoup d'autres pays, c'est notamment à cause de notre politique économique, sociale et fiscale. Nous avons su en particulier décider et appliquer des baisses d'impôts. J'ai parfois le sentiment qu'une partie de la " classe politique ", à la différence des Français eux-mêmes, a du mal à admettre que ce n'est pas en augmentant sans cesse les dépenses publiques qu'on encouragera le mieux l'emploi, qu'il faut savoir aussi, tout en assurant bien sûr les services publics, contenir les déficits et limiter les impôts et les charges, faute de quoi la compétitivité de la France en Europe - donc l'emploi et le pouvoir d'achat - en subiraient les conséquences. Je dirai les choses encore autrement : la politique de maîtrise et de meilleure efficacité des dépenses, de réduction des déficits et de limitation des prélèvements, est pour notre pays une nécessité de long terme.
Je reviens pour terminer à la loi sur l'épargne salariale. C'est une jeune loi mais elle est aussi une réforme structurelle. Elle a fait moins de bruit que d'autres, mais à long terme, je pense qu'elle sera une des plus importantes de cette législature. Elle vise à rendre possibles des améliorations durables dans notre économie et dans les relations sociales. Il faudra un certain temps pour que le maximum d'entreprises et de salariés s'emparent des outils qui sont désormais à leur disposition et les fassent vivre. Il faudra les y aider, les informer, les conseiller. C'est ce que vous faites, et fort bien. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation et votre action. Merci à tous.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 3 décembre 2001)