Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, avec BFMTV le 27 août 2018, sur la politique économique du gouvernement.

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Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Notre invité ce matin, Gérald DARMANIN, ministre des Comptes publics, bonjour.
GERALD DARMANIN, MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Deux sujets majeurs, évidemment le budget, et évidemment le prélèvement à la source, l'impôt sur le revenu. Alors le budget, le budget est prêt, les choix sont faits, nous savons maintenant ce qui nous attend, le président de la République a fait ce choix d'encourager le travail avec, en 2019, la suppression totale des cotisations salariales chômage et maladie, et le 1er septembre 2019 la suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, dans le privé et dans le public ?
GERALD DARMANIN
Tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans le privé et dans le public ?
GERALD DARMANIN
Partout.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est un pouvoir d'achat pour les salariés, pouvoir d'achat supplémentaire ?
GERALD DARMANIN
Pour ceux qui travaillent, en effet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ceux qui travaillent et ceux qui ont des heures supplémentaires.
GERALD DARMANIN
Vous savez effectivement la suppression des cotisations, que les Français salariés vont voir au mois d'octobre, ils l'ont vu un petit peu au début d'année, mais beaucoup au mois d'octobre, la prime d'activité qui va continuer à augmenter, qui augmente cette année et qui augmentera l'année prochaine, pour quelqu'un au SMIC c'est 130 euros de plus par mois, donnés par l'Etat, pour travailler, pour qu'il travaille, c'était la promesse du président de la République dans sa campagne. Et les heures supplémentaires, vous savez à quel point j'y suis personnellement attaché, c'est-à-dire les gens qui travaillent, en général les employés, les ouvriers, c'est majoritairement eux qui en font le plus, en général les gens de moins de 45 ans, donc plutôt les jeunes générations, et plutôt dans les PME, c'est-à-dire tout le tissu de notre pays, et ça c'est vraiment très important, c'est 11 % de plus de pouvoir d'achat quand on fait 1 heure supplémentaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais on ne va pas jusqu'à la défiscalisation des heures supplémentaires, que vous connaissez bien ! C'était une mesure de Nicolas SARKOZY.
GERALD DARMANIN
Nicolas SARKOZY avait fait la désocialisation, ce que nous faisons, on retire des cotisations, et la défiscalisation, qui était intéressante, mais qui ne touchait pas tout le monde, tout le monde ne paie pas d'impôt sur le revenu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça coûtait plus cher à l'Etat aussi.
GERALD DARMANIN
Non, mais ce que nous avons fait
JEAN-JACQUES BOURDIN
Si, 4,5 milliards contre 2 milliards.
GERALD DARMANIN
Non, mais c'est ce que nous avons fait, Monsieur BOURDIN, ce que n'avait pas fait Nicolas SARKOZY, c'est nous supprimons des cotisations, par ailleurs, sur le salaire. C'est-à-dire que la grande différence – j'entends la critique sur les heures supplémentaires, je rappelle d'ailleurs que mes amis de droite, que je n'avais pas soutenus jusqu'à la fin, puisque je rappelle que François FILLON n'était pas favorable au retour des heures supplémentaires, comme François HOLLANDE les avait supprimées, il n'y a qu'Emmanuel MACRON qui a porté les heures supplémentaires pendant sa campagne – eh bien je rappelle que nous supprimons des cotisations sociales sur les salaires, ce qui fait que les mesures, pour les salariés, en pouvoir d'achat, sont bien plus importantes que les mesures précédentes qui ont été prises par d'autres gouvernements. En tout cas, les heures supplémentaires, c'est la France qui travaille, c'est extrêmement important pour les ouvriers, les employés, et je suis très heureux que le président de la République ait fait le choix de les faire dès cette année.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, suppression progressive de la taxe d'habitation, ça on savait, augmentation des aides sociales essentielles, ça aussi on savait, c'est confirmé, prime d'activité, minimum vieillesse, allocation adulte handicapé. Autre choix, toutes les prestations familiales, dont les Allocations familiales, les APL et les pensions de retraite de la Sécurité sociale, ne seront plus indexées sur l'inflation. Là c'est un vrai changement.
GERALD DARMANIN
Non, c'est un choix politique que de choisir le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah c'est un choix politique, vous choisissez le travail…
GERALD DARMANIN
On choisit deux choses, on choisit la baisse des impôts, baisse d'impôt sur les sociétés, baisse de la taxe d'habitation, nous avons tout un tas de réformes que nous verrons fin septembre lors du budget présenté, si j'ose dire, que le ministre de l'Economie et des Finances et moi-même feront…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
GERALD DARMANIN
De continuité de baisse des impôts, on aura l'occasion d'en reparler…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez continuer à baisser les impôts ?
GERALD DARMANIN
Tout à fait, exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les particuliers ?
GERALD DARMANIN
Comme pour les entreprises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les particuliers ?
GERALD DARMANIN
On en discutera. Et puis vous avez…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quels impôts pour les particuliers, vous pourriez baisser ?
GERALD DARMANIN
Non… à la fin du mois de septembre Monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais vous avez des pistes.
GERALD DARMANIN
Bien sûr qu'on a des pistes, nous préparons un budget…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors quels impôts ?
GERALD DARMANIN
Nous continuons à baisser les impôts, en tout cas il n'y a aucune augmentation d'impôts, et il n'y en aura aucune dans le quinquennat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez annoncer de nouvelles baisses d'impôts fin septembre ?
GERALD DARMANIN
Eh bien nous continuons par exemple la deuxième tranche de taxe d'habitation, par exemple. Monsieur Bruno LE MAIRE…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On savait ça.
GERALD DARMANIN
Monsieur Bruno LE MAIRE a évoqué la deuxième tranche de baisse de l'IS, Impôt sur les sociétés, par ailleurs une réforme sur la politique sur les brevets, c'est très important pour les entreprises, on aura l'occasion, fin septembre, d'y revenir. Et puis, deuxième choix, à part la baisse des impôts, qui est très importante, le travail. Par ailleurs il y a trois grandes réformes structurelles annoncées par le président, la réforme des retraites, qui n'est pas une réforme comme les autres gouvernements l'ont fait. Qu'est-ce qu'ils ont fait les autres gouvernements ? Ils ont soit augmenté l'âge de départ à la retraite, et par ailleurs ils ont parfois augmenté les difficultés des Français vis-à-vis de la maladie, quand on dit des IJ, les fameux jours de congés payés par la Sécurité sociale, plus on va vers un âge avancé de retraite, plus les gens sont parfois malades, donc c'est parfois un jeu à somme nulle. Nous n'avons pas choisi d'augmenter les cotisations, pour les gens qui travaillent, parce qu'on considère que ces cotisations il faut plutôt les baisser, ce que nous faisons, mais il y a une grande réforme des retraites, et en attendant cette grande réforme des retraites, nous avons choisi en effet de mettre l'accent sur le travail. Puis, deuxième grande réforme, annoncée par le Premier ministre, il reçoit les partenaires sociaux cette semaine, l'Assurance chômage, réforme extrêmement importante, extrêmement difficile, mais particulièrement forte dans la structuration de notre pays, là je crois que dans les prochains jours, les prochaines semaines, Madame PENICAUD et le Premier ministre auront l'occasion de préciser les choses. Et troisième grande réforme, qui est extrêmement importante, c'est la réforme de l'hôpital. Et comme nous voulons tenir nos comptes publics, comme nous ne voulons pas augmenter notre dette, comme nous ne voulons pas augmenter la pression fiscale, nous avons choisi effectivement de mettre l'essentiel de notre énergie et de notre argent sur le travail. Parce que nous pensons que c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et de l'effort demandé aux Français. Vous encouragez les Français, ceux qui travaillent…
GERALD DARMANIN
A travailler.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A travailler…
GERALD DARMANIN
Ou à reprendre le travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous demandez des efforts aux Français qui eux sont à la retraite, qui touchent des prestations familiales, donc des allocations familiales, oui, vous demandez des efforts à ces…
GERALD DARMANIN
Si je puis me permettre, ce n'est pas vrai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ce n'est pas vrai ?
GERALD DARMANIN
Pour deux raisons.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les pensions de retraite, on va expliquer, 0,3 %, on est bien d'accord, cette année, 0,3 % l'année prochaine, c'est bien cela ?
GERALD DARMANIN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Inflation, quelle inflation à la fin de l'année ?
GERALD DARMANIN
On n'en sait rien, absolument, elle sera plus importante que 0,3…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle sera à 1,5 ou à 2.
GERALD DARMANIN
D'abord, Monsieur BOURDIN, ce n'est pas extrêmement nouveau, la dernière augmentation des retraites c'était 0,8. Donc, une pension moyenne en France c'est à peu près 1500 euros, il y a des gens qui touchent moins, il y a des gens qui touchent plus, c'est à peu près 1500 euros, à 0,8 c'est à peu près 10 euros d'augmentation par mois, avec 0,3 c'est à peu près 4 euros d'augmentation par mois, donc il y a une différence de 6 euros par mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec une inflation à 2 %.
GERALD DARMANIN
Donc, les retraites ne baissent pas, elles continueront…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire une… de 30 euros par mois pour celui qui touche 1500 euros.
GERALD DARMANIN
Elles continueront un petit peu à augmenter. Par ailleurs, il y a deux solutions, soit on fait comme avant, on augmente les prestations de quelques euros et on augmente les impôts, nous on a fait le contraire. Nous augmentons très modérément, c'est vrai, les retraites, mais par ailleurs nous supprimons de la fiscalité pour les retraités. Prenons un retraité, à Tourcoing, qui touche 1500 euros de retraite, bien sûr il n'aura que 4 euros d'augmentation par mois, au lieu des 10 euros à 0,8, mais il a la suppression de sa taxe d'habitation, la moyenne c'est 600 euros de taxe d'habitation, l'année prochaine, Monsieur BOURDIN, c'est 400 euros de moins de fiscalité, il a donc un pouvoir d'achat qui s'agrandit, si j'ose dire, de 40 euros par mois. Simplement, au lieu de faire un tour de passe-passe, où en général, dans le gouvernement précédent, on augmentait des prestations, mais on augmentait les impôts, nous on choisit de baisser les impôts. Les retraités français vont bénéficier, comme tous les salariés français, si j'ose dire, de la baisse de la taxe d'habitation, 400 euros par mois (sic), c'est à peu près 30 à 35 euros par mois de moins de taxe d'habitation, ils ont donc une augmentation de pouvoir d'achat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais le Français salarié qui évidemment va bénéficier de vos efforts…
GERALD DARMANIN
Ce salarié c'est celui qui va le plus bénéficié.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Voilà, sauf que s'il a des enfants et des allocations familiales, il va voir les allocations familiales augmenter de 0,3 % seulement…
GERALD DARMANIN
Non mais, le choix politique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, le choix politique est clair, mais vous l'assumez ?
GERALD DARMANIN
Non, mais le choix politique c'est on arrête la politique qui consiste toujours d'augmenter les dépenses publiques, qui ne règle rien des problèmes des Français depuis 30 ans. Moi depuis que j'ai l'âge de regarder la télévision, de faire de la politique, on a toujours les mêmes problèmes en France, le chômage très important, un déficit très important, des difficultés très importantes, des systèmes de retraite dont chaque gouvernement dit il faudra faire une réforme parce qu'on ne sait pas la financer, des problèmes de démographie. On n'a pas réglé, alors qu'on a des vieilles solutions, on n'a pas réglé les problèmes des Français. Emmanuel MACRON dit on va changer ça structurellement, on va régler, enfin, le problème du chômage, le problème des retraites, le problème de l'hôpital, donc ce n'est pas avec des vieilles solutions qu'on va trouver, si j'ose dire, des réformes structurantes. Donc, ce nous faisons, nous…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le taux de chômage qui est encore à plus de 9 % !
GERALD DARMANIN
Mais il a baissé Monsieur BOURDIN, il va continuer à baisser, il faut de la constance quand on fait de la politique, on ne juge pas un match au bout de la deuxième minute, on est bien d'accord ? donc on va regarder déjà ce qui va se passer, on n'est même pas à la mi-temps du quinquennat, donc il faut de la constance, du courage, de la cohérence, toutes les mesures du président de la République sont dans le budget, aucun reniement, et ce que nous vous disons c'est qu'au lieu d'augmenter sans regarder de façon aveugle les allocations, nous préférons baisser des impôts, voilà. C'est un choix politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous voulez réduire les dépenses publiques, ça aussi c'est un choix, clair, assumé, vous diminuez les aides publiques qui sont peu efficaces pour l'emploi, ça aussi vous l'assumez, les contrats aidés par exemple. Est-ce qu'il n'y en n'aura plus ?
GERALD DARMANIN
Il y en aura toujours.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
GERALD DARMANIN
Le président de la République a dit qu'il y en aura pour la ruralité, qu'il y en aura pour l'Outre-mer et qu'il y en aura pour l'Education, pour le reste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien ?
GERALD DARMANIN
Nous considérons qu'il vaut mieux que les gens aient des vrais contrats, pas des contrats précaires subventionnés. Dans ma commune, moi j'en ai embauchés des contrats aidés, le gouvernement nous encourageait beaucoup. Vous savez ce que c'était un contrat aidé ? C'était quelqu'un qui était payé 600 euros par mois en moyenne, pour 20 heures par semaine, et il ne pouvait pas renouveler plus de 2 fois son contrat. Si même le type travaillait très bien, il n'était pas absent, il voulait un contrat, le maire voulait, on disait « non, la loi l'interdit », c'était complètement idiot.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de contrats aidés ?
GERALD DARMANIN
On ne peut pas savoir le montant exact des contrats aidés puisque ce qu'il faut regarder, c'est l'enveloppe globale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, on ne peut pas savoir le montant, mais moins de 100 000.
GERALD DARMANIN
Madame la Ministre du Travail aura l'occasion de le préciser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moins de 100 000.
GERALD DARMANIN
Parce que ce que j'ai offert, si j'ose dire, avec elle aux préfets, c'est la possibilité sur le terrain de dire aux élus, par exemple : « Prenez plutôt des emplois francs », c'est-à-dire des emplois qui pour le coup ne sont pas aidés. Ce n'est pas des emplois à 20 heures par semaine – des emplois sans charges. Aidons les entreprises. Le territoire 0 chômeur lancé par le gouvernement précédent d'ailleurs et par monsieur GRANDGUILLAUME, c'est quelque chose qui marche très bien. Allons plutôt vers ce genre de dispositif d'emploi franc. Dans mon quartier des Phalempins à Tourcoing, un quartier qui connaît des difficultés sociales, il vaut mieux faire des emplois francs, des gens qui ont du vrai travail, qui durent 35 heures sans charges plutôt que d'avoir des contrats aidés, subventionnés par l'argent des Français et qui ne donnent pas de baisse du chômage.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai trois questions précises. La diminution des postes de fonctionnaires : dans la fonction publique d'Etat, 4 500 si j'ai bien compris en 2019.
GERALD DARMANIN
Cette année, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous irez jusqu'à 50 000 en 2022, il va falloir faire des efforts dans les années qui viennent. Donc 15 000 par an, j'ai bien calculé à peu près, entre 12 et 15 000 par an à partir de 2020.
GERALD DARMANIN
Mais soit vous faites une politique du rabot et chaque année vous dites : « On fait 10 000 », soit vous dites : « On fait des transformations et donc, du coup, on fait des économies. » Quand on supprime la taxe d'habitation…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faudra atteindre 50 000.
GERALD DARMANIN
Bien sûr. Mais je prends l'exemple, monsieur BOURDIN. Quand on supprime la taxe d'habitation, elle sera totalement supprimée en 2020, il y a des milliers d'agents aux finances publiques qui s'occupent de la taxe d'habitation. Soit vous dites : « Chaque année on supprime d'un dans le service » et ça désespère tout le monde. Soit vous dites : « On change les missions et il faut du temps pour changer les missions. » Par exemple, on supprime un impôt et donc à la fin des fins, on a des économies d'emplois. On ne peut pas les avoir au début du quinquennat. On a fait 4 500, l'année dernière on était à 1 500 et l'année prochaine on sera à beaucoup plus. Le Premier ministre l'a dit. Il appartient au Premier ministre de le faire mais on sera normalement autour de 10 000 agents en 2020.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Au moins 10 000, au moins 10 000. 120 000 dans la fonction publique au total.
GERALD DARMANIN
70 000 en collectivités territoriales, 50 000 dans l'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous atteindrez cet objectif.
GERALD DARMANIN
Oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Croissance, 1,7-1,8 en 2018 ?
GERALD DARMANIN
Le Premier ministre a tablé sur une croissance de 1,7 %. Il y a encore des incertitudes. Ça peut être un peu plus, ça peut être un peu moins. Vous savez qu'en économie – on est au milieu de l'année – est encore une science qui n'est pas tout à fait exacte. Je signale d'ailleurs que quand j'avais présenté un budget – vous m'aviez d'ailleurs interrogé – nous avions prévu une croissance de 1,7 tout le long du quinquennat. On nous avait dit : « Vous êtes vraiment trop timorés. » Voilà. On s'aperçoit que finalement, nous avions raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 1,7. 2,5-2,7 le déficit public à la fin de l'année ?
GERALD DARMANIN
Le déficit sera en-dessous de 3 %. Le Premier ministre a dit qu'il y aura un léger rebond puisque la croissance est un peu moins bonne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça veut dire 2,5-2,7.
GERALD DARMANIN
Je ne sais pas encore tout à fait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Plus que 2,3.
GERALD DARMANIN
En tout cas, la France tiendra plus que 2,3. La France tiendra ses objectifs vis-à-vis de l'Europe de moins de 3 %. Ça n'avait pas été fait depuis douze ans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que les entreprises prendront en charge les arrêts maladie de courte durée de leurs salariés ?
GERALD DARMANIN
Le Premier ministre a écarté cette…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites non.
GERALD DARMANIN
Oui, exactement. Le Premier ministre l'a écartée. Il a dit qu'il y avait un sujet, ce qui est tout à fait vrai. L'entreprise comme la Sécurité sociale, comme les médecins évidemment ont un intérêt à en discuter avec la politique, je veux dire avec les gouvernements. Il a lancé une grande concertation. En tout cas, il n'y a pas de transfert aux entreprises de ce qu'on appelle des IJ, c'est-à-dire des indemnités journalières.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors grande réforme, réforme des retraites en 2019. J'ai écouté Laurent WAUQUIEZ qui vous dit : « Chiche. Suppression des régimes spéciaux, alignement des retraites du privé et du public. » Vous le ferez ?
GERALD DARMANIN
Monsieur WAUQUIEZ est à la fois duplice et contradictoire. Monsieur WAUQUIEZ nous dit – c'est marrant parce qu'il est à la fois de droite et puis en même temps il envoie des gens chez monsieur MELENCHON ; c'est un petit peu compliqué à comprendre – monsieur WAUQUIEZ nous dit : « Il faut baisser les impôts. » Très bien, Jacques a dit comme quand on était petit : « Jacques a dit, il faut baisser les impôts. » Très bien mais il ne vote, en tout cas son groupe Républicains à l'Assemblée, ni la baisse des cotisations, ni la baisse de la taxe d'habitation, ni, j'ai compris, la fin des heures supplémentaires. Maintenant, monsieur WAUQUIEZ et le parti des Républicains ne sont plus pour les heures supplémentaires. Ils sont très loin de l'héritage de Nicolas SARKOZY. Monsieur WAUQUIEZ nous dit : « Il faut baisser les dépenses publiques. » Il ne cite d'ailleurs aucune baisse de dépenses publiques. Et puis alors, quand on dit : « On va modérer les augmentations comme pour les retraites », il nous dit : « Il ne faut surtout pas faire ça. » Monsieur WAUQUIEZ nous dit : « Il faut faire une grande réforme en supprimant, par exemple, les régimes spéciaux », mais il ne soutient pas la réforme par points que propose Emmanuel MACRON qui, justement, met fin à ces différences, à ces 43 régimes – monsieur DELEVOYE y travaille beaucoup avec madame BUZYN. Donc moi, je dis chiche à monsieur WAUQUIEZ : l'année prochaine, pour une fois, ne faites pas le contraire de ce que vous dites. Allez à l'Assemblée nationale avec vos collègues et convertissez les députés LR de soutenir une politique pro-entreprise et pro-travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le prélèvement de l'impôt à la source à partir du 1er janvier.
GERALD DARMANIN
A partir de fin janvier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, de fin janvier. Ce n'est pas repoussé, on est bien d'accord.
GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas repoussé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous confirmez.
GERALD DARMANIN
C'est une réforme complexe qui demande beaucoup de travail. Je pense que j'y travaille beaucoup et il normal que le Premier ministre s'assure que les choses se passent bien. On aura des réunions tout le mois de septembre et les spots de télévision ont commencé, comme vous avez pu le voir hier, et j'ai écrit à tous les Français dans leur feuille d'impôts. Normalement, vous avez dû la recevoir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les entreprises de moins de 20 salariés ne collecteront pas l'impôt ?
GERALD DARMANIN
Elles auront une possibilité, pas que les entreprise d'ailleurs : les employeurs, ça peut être des associations aussi. On leur a donné une possibilité en passant par les URSSAF, par un dispositif qui s'appelle le TESE, t-e-s-e. Ils peuvent aller sur le site Internet tese.fr. Et on leur donne la possibilité – ils pourraient très bien continuer à le faire s'ils le souhaitent – de passer par les URSSAF pour payer l'impôt à la source, c'est-à-dire ne pas faire ce travail.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'URSSAF qui s'occupera du travail.
GERALD DARMANIN
Exactement. Vous savez, c'est quoi l'impôt à la source ? C'est la possibilité de payer ses impôts chaque mois de façon contemporain, c'est-à-dire pas décalé d'un an. Chacun voit aujourd'hui que les revenus que nous payons en impôts, c'est ceux parfois de janvier de l'année dernière, c'est-à-dire il y a très longtemps. Et deuxièmement, monsieur BOURDIN, c'est comme les cotisations sociales. Quand vous regardez votre feuille de salaire, il y a des cotisations qui sont payées directement par l'entreprise. Demain, l'impôt sur le revenu sera payé directement par l'employeur ou par celui qui vous donne de l'argent. Ça peut être la Sécurité sociale, ça peut être la caisse de retraite. Donc c'est simple, c'est pratique. Tous les Français dans tous les sondages d'opinion donnent un avis très favorable. Il n'y a plus que nous et la Suisse à ne pas mettre en place cet impôt mais j'ai compris que pour les petites boîtes, il peut y avoir des petites difficultés. J'ai entendu la CPME, j'ai entendu la CAPEB, et donc on leur propose aux moins de 20 salariés de le faire à leur place.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les employés de particuliers employeurs, eux, ne paieront pas d'impôts ?
GERALD DARMANIN
Vous avez deux systèmes. C'est un tout petit peu complexe si vous me permettez. Il y a ceux qui ont des gardes d'enfants ou des gens qui viennent faire le ménage chez eux et qui passent par des associations des entreprises. Eux, il n'y a pas de problème, ils paieront l'impôt à la source, c'est l'entreprise qui le fait. Et il y a ceux qui sont des particuliers employeurs et qui embauchent directement. Il y en a à peu près deux millions, deux millions et demi. Ceux-là, ils passent par des plateformes complexes : par la Paje, par le Cesu, parfois par des tickets papier. Et en fait, il n'y a que, si j'ose dire, un million de personnes qui sont embauchées par ces deux millions et demi de personnes, donc un million d'aides à domicile, deux millions et demi de personnes qui emploient et il n'y a que 250 000 personnes sur ce million qui payent des impôts. Et souvent, ce n'est pas leur entreprise, si j'ose dire, principale, sinon ils ne paieraient pas d'impôt sur le revenu. Donc en fait, le problème ne se situe pas pour les particuliers employés, il ne se situe pas pour les aides à domicile, il se situe pour les gens qui, peut-être vous ou moi, embauchent quelqu'un pour quelques heures de ménage chez soi. Donc on a fait le choix d'abord de simplifier ces plateformes – Paje, Cesu, papier – une seule plateforme. Donc on le fera cette année, et donc l'impôt à la source pour eux, pour ces 250 000 personnes-là, est reporté en janvier 2020.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Axel vous écrit : « Comment l'impôt à la source va se dérouler, le prélèvement, pour les saisonniers ? »
GERALD DARMANIN
Très naturellement justement. C'est quasiment fait pour eux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
« J'ai un taux pour mon salaire d'hiver, un taux pour celui d'été, un autre lorsque je suis au chômage. »
GERALD DARMANIN
Le cas d'Axel est justement l'une des raisons pour lesquelles on fait l'emploi à la source. Axel, il a sans doute une vie qui change avec une rémunération qui change selon son activité saisonnière. C'est aussi le cas des salariés agricoles. Son taux d'imposition, s'il a un taux à 4 % par exemple, s'il touche 2 000 euros au mois de janvier, février, mars parce qu'il est dans une station de ski par exemple, c'est 4 % de son salaire de 2 000 euros et s'il est au chômage au mois d'avril, mai, juin ou qu'il change d'activité et qu'il ne touche plus que 1 500 euros, il ne paiera que 4 % de 1 500 euros. Donc son impôt va s'adapter à sa vie. Pareil s'il divorce, pareil s'il se marie, pareil s'il a un enfant qui quitte son foyer, pareil s'il part en retraite. Voyez, il y a plein de gens qui ont des vies fiscales qui bougent et aujourd'hui, notre impôt n'est pas adapté à la vie fiscale qui bouge.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière chose. Les entreprises seront mises à contribution pour le budget 2019 même si elles vont bénéficier de, quoi, 20 milliards d'euros d'allègements de charges patronales.
GERALD DARMANIN
Exactement. Rien que le CICE transformé en baisses de charges. C'est quoi le CICE ? C'est une subvention. Pour faire très, très vite, la baisse de charges est structurelle, le président de la République l'avait promis. L'année prochaine au tour du SMIC, ce sera 0 euro pour embaucher quelqu'un, très important. C'est à peu près 20 milliards d'euros plus la baisse de l'impôt sur les sociétés. Donc nous assumons une politique pro-entreprise parce qu'elle crée de l'emploi. Mais le Premier ministre a annoncé avec le ministre de l'Economie et des finances Bruno LE MAIRE le décalage sur 20 milliards d'euros de deux milliards.
JEAN-JACQUES BOURDIN
De deux milliards, oui.
GERALD DARMANIN
C'est un peu technique, c'est quelques points supplémentaires du CICE qui n'auront pas lieu au 1er janvier mais au 1er octobre, ce qui nous permettra de tenir les comptes publics et notamment de financer les revalorisations pour les personnes les plus en difficultés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Gérald DARMANIN, une dernière question. Est-ce que la baisse de popularité du président de la République vous inquiète ?
GERALD DARMANIN
Non, elle ne m'inquiète pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et pourquoi ? Pourquoi ?
GERALD DARMANIN
Comme j'ai l'occasion de vous le dire, DE GAULLE disait : « On ne fait pas la politique de la France à la corbeille » à propos des marché financiers. On ne fait pas la politique de la France aux sondages.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, mais enfin…
GERALD DARMANIN
Non. Moi, ce que je peux vous dire, c'est qu'on est à quatorze mois de l'élection présidentielle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
66 % des Français ne font plus confiance à Emmanuel MACRON.
GERALD DARMANIN
Oui, mais ça ne veut rien dire. Ça ne veut rien dire parce que la confiance se joue au moment où vous avez prouvé que ce que vous aviez promis, vous le faites. Ce que je peux vous dire, c'est que je suis très fier d'être un ministre du Budget qui, pour le deuxième budget consécutif, malgré des aléas financiers importants internationaux – l'augmentation du pétrole, la baisse de la croissance – vous dit : « Aucune des promesses du président de la République ne sera reniée. » Tout le projet du président de la République, chacun peut le prendre sur Internet, tout est au rendez-vous, son contrat avec la population, du budget. Il n'y aura pas de baisse de ce qu'il avait prévu en augmentation, il n'y aura pas d'augmentation d'impôt, il n'a prévu que des baisses et il a prévu une réforme structurante du marché du travail, il l'a fait. Il a prévu, à mon avis, une France qui, demain, va mieux rémunérer le travail, va sortir de cette politique de gribouille et va être au rendez-vous des entreprises et de la création de richesse. On verra à la fin 2021, au début de l'année 2022, si cette cote de confiance continue à baisser ou à augmenter. Vous savez, ça va, ça vient et, comme dirait CHIRAC : « Il faut mépriser les hauts et repriser les bas. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Gérald DARMANIN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 septembre 2018