Texte intégral
Chers amis,
Nous voilà réunis pour notre dernier point de l'année concernant les questions de sécurité sanitaire et de santé publique.
C'est un peu l'occasion de faire avec vous un bilan du travail fait tout au long de l'année.
Nous avions prévu de nous voir tous les 2 mois pour débattre des questions d'actualité, et évoquer ensemble les grands dossiers de santé publique qui constituent le plan santé du Gouvernement.
Nous avons, je pense, tenu cet engagement, et je vous remercie pour votre présence, pour votre vigilance sur toutes ces questions, et pour le rôle d'information que vous jouez auprès de la population.
Les 9 mois qui viennent de s'écouler ont été particulièrement fertiles en alerte de tous ordres, des légionelloses aux statines, des risques sur les sites industriels (kodak) aux risques de VIMY ou à la catastrophe de Toulouse, la maîtrise des risques a nécessité beaucoup d'expertise certes, mais aussi, et surtout, beaucoup de pédagogie. Votre rôle a été très important dans les modes d'information des citoyens.
La tâche n'est jamais facile, et je crois que nous avons mis au point ensemble une méthode qui me paraît répondre à ce souci de transparence, de vérité, en vous informant au plus tôt, dans un dialogue régulier.
Le développement de la démocratie sanitaire, à laquelle aspirent les malades, leurs familles, le monde associatif nécessite cette information régulière qui permet de dire ce que nous faisons, de faire ce que nous disons, et de maintenir dans le dialogue la prise en compte des inquiétudes et des besoins exprimés par tous.
C'est ainsi que nous répondons aux attentes de nos concitoyens, c'est ainsi que nous pouvons assurer notre responsabilité en matière de politique de santé, et notamment de gestion des risques.
Nous avons de façon permanente associé les usagers, les associations de malades dans toutes nos démarches, et cette façon de faire, qui était très souhaitée depuis les Etats Généraux de la santé, me semble de plus en plus la seule façon de nous faire entendre, et de nous faire comprendre, mais aussi de savoir entendre ceux qui n'ont pas la parole, ceux qui sont en situation de marginalisation
C'est aussi la seule façon d'obtenir une réelle adhésion de la population à ces programmes de santé publique.
Ainsi avons nous conçu les programmes de prévention du VIH qui font l'objet de la campagne actuelle avec les associations elles-mêmes.
C'est également par l'écoute des inquiétudes exprimées par les familles que nous avons pris par exemple la décision de fermer l'école de Vincennes, alors même qu'aucune donnée objective ne forçait cette décision.
C'est avec ce souci de participation des personnes atteintes, des malades ou des personnes concernées que nous conduisons la mise en uvre du plan santé que j'ai présenté en début d'année.
Je ne reprendrai pas la liste des différents programmes que nous avons lancés ces 9 derniers mois.
Je soulignerai seulement que nous avons tenu très précisément le calendrier de travail que nous nous étions fixés : Sida, IRC, antibiotiques, alcool, santé mentale, nutrition, diabète, pour n'en citer que quelques-uns uns, témoignent de l'importance des transformations de notre système, et du souci améliorer la qualité du service rendu aux malades.
Certains nous ont presque " reproché " d'en faire trop ! ! !
Pourtant il y a encore beaucoup à faire, et je ne vois pas quel programme est superflu, ni quelle décision devrait être différée.
Au contraire, il faut que nous sachions aller plus rapidement, car comme vous le savez, le temps nous est compté, et nous avons encore quelques projets importants à boucler dans les 5 mois à venir.
Il ne s'agit donc pas de chercher une quelconque autosatisfaction, il s'agit de souligner que ce n'est pas parce que notre système a été classé parmi les meilleurs du monde, ou le meilleur, qu'il ne faut pas avoir le souci permanent de mieux répondre aux attentes des malades, et donc de mettre en place les transformations indispensables.
C'est ce que nous faisons, prenant en compte, avec vous, les programmes sur le moyen ou le long terme que nous vous avons présenté tout au long de l'année,
et, dans l'urgence, les situations d'alertes qui constituent le quotidien de la veille sanitaire.
Ces alertes n'ont pas manqué ces derniers mois.
Je pense tout particulièrement aux alertes liées au bio-terrorisme, et aux réponses fournies par le plan Biotox,
à l'urgence du dispositif de sécurité sanitaire qu'il a fallu renforcer et sécuriser,
à la nécessité d'informer nos citoyens aussi complètement que possible,
en prévenant également toute panique, malgré les multiples fausses alertes liées aux tristes comportements de nombre de nos concitoyens, si portés dans notre pays sur la lettre de dénonciation ou de vengeance.
Et puis nous ne devons pas oublier les victimes de l'accident de Toulouse qui, pour beaucoup d'entre elles vivent encore dans une situation difficile sur laquelle nous allons revenir.
Cette catastrophe a mis en évidence l'importance des risques industriels au sein des villes, la complexité de rassembler dans la cité le développement de certaines usines génératrices d'emploi, et d'assurer la sécurité de ces installations.
Notre monde veut tout à la fois un développement des technologies, médicales notamment, et une maîtrise des risques inhérents à ces techniques !
Nous voudrions tous les médicaments, mais aucun des effets indésirables,
Nous voudrions toutes les préventions, mais aucune des contraintes des comportements qu'elles supposent !
Nous ne sommes sans doute pas toujours doués de raison face à la gestion des risques, et c'est pour cela qu'il nous faut poursuivre, avec vous cette démarche de pédagogie du risque.
Je voudrai ainsi revoir avec vous les principaux dossiers de sécurité sanitaire pour lesquels nous avons à prévoir des actions, et une surveillance en 2002.
1. sécurité sanitaire
1.1 Parmi les dossiers de sécurité sanitaire qui ont alimenté le plus l'inquiétude de la population se trouve le dossier de l'ESB et celui de la MCJ nouveau variant.
Un nouveau cas probable de personne atteinte de la forme variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob vient d'être notifié à l'InVS. Cela porte à 5 le nombre de cas recensés en France depuis 1996.
De nombreuses inconnues persistent concernant l'épidémiologie de cette maladie, sa durée d'incubation, la susceptibilité des personnes exposées et l'importance de l'épidémie à venir.
Les études de modélisation récemment publiées sont relativement rassurantes. Une étude publiée dans " Sciences ", travail commun d'épidémiologistes français et anglais, montre que l'épidémie de la forme variante de la MCJ en Grande -Bretagne devrait rester faible, au regard des prévisions initiales.
Le modèle statistique prend en compte une durée d'incubation de 12 à 23 ans (16,7 ans en moyenne) sur 97 cas cliniques enregistrés au 1er mai 2001 en Grande Bretagne. Dans ces conditions, le nombre total de cas à venir pourrait être compris entre 200 et 400 cas au maximum. Nous sommes là très en deçà de certaines prédictions beaucoup plus alarmistes.
Le haut niveau de précaution que nous mettons en uvre, que ce soit dans le domaine alimentaire ou dans le domaine des soins doit cependant être maintenu. Citons ainsi dans le domaine alimentaire :
le renforcement des mesures sur les bovins (testés systématiquement dans toute l'Europe pour les animaux de plus de 30 mois, et dès 24 mois en France),
la mesure de précaution consistant au retrait des vertèbres,
Le renforcement des mesures sur les ovins : épidémiosurveillance renforcée, programme de test dès 2002, élargissement de la liste des matériels à risques spécifiés, police sanitaire, sélection génétique, avec pour objectif à moyen terme l'éradication de la tremblante.
Dans le domaine des soins, nous avons renforcé les mesures de désinfection et de stérilisation et le développement des matériels à usage unique (pinces à biopsie digestive.
A cet effet, un groupe de travail a été mis en place auprès de l'AFSSAPS afin de donner un avis sur les dispositifs médicaux réutilisables, eu égard au risque de transmission d'agents transmissibles non conventionnels comme le prion.
Je me félicite par ailleurs de l'effort exceptionnel consenti par le Gouvernement pour le développement de la recherche avec plus de 210 MF cette année.
En ce qui concerne les espoirs de traitement par la quinacrine, le recul est à ce jour insuffisant pour apprécier l'efficacité et la tolérance de cette molécule dans cette indication.
1.2 les questions liées à l'environnement
Les risques sanitaires liés à notre environnement sont de plus en plus souvent un sujet de préoccupation et les actions d'évaluation de ces risques, de leur surveillance et de mise en uvre de mesures de prévention font l'objet de travaux interministériels nombreux.
Je ne reviendrai pas sur la question des pesticides auxquels nous avons consacré le dernier Comité de sécurité sanitaire.
Amiante dans l'habitat
En revanche, je voudrais souligner l'action conduite vis-à-vis de l'amiante dans l'habitat.
Un décret du 13 septembre est venu renforcer les mesures de prévention vis à vis des risques sanitaires liés à l'amiante dans l'habitat. Ces mesures consistent notamment à abaisser les seuils de déclenchement des travaux de désamiantage afin de réduire l'exposition des occupants, à instaurer une démarche de repérage de matériaux amiantés, et, bien sûr, à améliorer les modalités d'information des " utilisateurs " de bâtiment dans ce domaine.
Risque lié au radon
Le radon est un gaz radioactif, d'origine naturelle, reconnu comme un des agents responsables du cancer du poumon par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) suite aux études épidémiologiques menées chez des populations de mineurs. Aussi, dès 1999, une première campagne officielle de mesure du radon dans les établissements recevant du public a été lancée, accompagnée d'une campagne d'information auprès des élus et des responsables d'établissements. Depuis mars, un article de loi (L.1333-10) a introduit l'obligation, pour les responsables de lieux ouverts au public, de "mettre en uvre des mesures de surveillance de l'exposition aux rayonnements naturels, lorsque celle-ci est de nature à porter atteinte à la santé du public". Cette obligation législative permettra de renforcer les actions de santé publique que les DDASS ont menées depuis plus de deux ans, et qui ont été intensifiés en juillet dernier.
Téléphone portable
Avec environ 34 millions d'utilisateurs en France et 30 000 stations-relais implantées sur le territoire national, l'usage du téléphone mobile s'est généralisé en quelques années. Ce développement soulève régulièrement des questions quant aux risques sanitaires liés à l'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par ces appareils. Sur la base d'un rapport d'experts, nous venons de diffuser le 16 octobre 2001 une circulaire sur les stations-relais qui rappelle les recommandations européennes d'exposition et précise les règles techniques pour établir des périmètres de sécurité autour des différents types de station relais. Les structures de concertation instaurées auprès des Préfets pour traiter les aspects environnementaux, devront prendre en compte également les aspects sanitaires et associeront des représentants d'associations intéressées.
Par cette circulaire, le Gouvernement entend renforcer les modalités de concertation et de transparence sur l'implantation des émetteurs de téléphonie mobile.
Risque lié aux légionelles
En ce qui concerne les risques liés à l'eau, notons que le rapport du Conseil supérieur d'hygiène publique de France sur la gestion du risque lié aux légionelles vient d'être finalisé et figure sur le site Internet du Ministère.
Les experts du Conseil supérieur d'hygiène publique de France ont pointé plusieurs incertitudes : la pathogénicité des souches, la dose minimale infectieuse, la variabilité des concentrations en légionelles, la durée d'exposition, la susceptibilité des personnes exposées et les difficultés de retrouver l'origine précise de la contamination.
Des moyens de prévention sont recensés et des propositions sont formulées concernant les réseaux d'eau chaude sanitaire en particulier. Un travail interministériel sera engagé sur la base de ces recommandations. L'InVS conduira une étude sur les légionelloses dites " sporadiques " afin d'explorer le rôle de la transmission au domicile et à partir des sources communautaires et collectives.
En ce qui concerne les hôpitaux et cliniques, des recommandations spécifiques, prenant en compte les caractéristiques de susceptibilité aux infections des patients accueillis, et proposant des mesures pratiques de prévention sera diffusée en début d'année prochaine (je précise par ailleurs, en ce qui concerne le cas de légionellose signalé en octobre dernier à l'HEGP que le typage de la souche du patient est différent de celui de la souche de légionelle qui circule à Paris, et notamment à l'HEGP, comme quoi il faut toujours nous garder des conclusions hâtives).
1.3 Sécurité sanitaire et bon usage des produits de santé.
Notre vigilance doit rester soutenue vis à vis des produits de santé.
Si ceux-ci sont toujours plus performants, les risques liés à leur utilisation persistent et doivent être pris en compte par les professionnels de santé. Dans le cas des médicaments, nous en avons eu plusieurs illustrations qui ont donné lieu à la diffusion d'informations par l'AFSSAPS, et notamment en septembre dernier, d'un avis du Comité des spécialités pharmaceutiques sur les pilules de 3ème génération.
Toutefois, l'exemple le plus marquant de ces derniers mois a été le retrait des spécialités à base de cérivastatine. Le rapport que j'avais demandé à l'époque sur les conditions de ce retrait vient de m'être remis.
Il ne met pas en lumière de manquements particulièrement graves. Toutefois, il fait apparaître deux problèmes :
quelques cas de décès n'ont pas été déclarés à l'AFSSAPS,
et les informations précises et complètes concernant le motif du retrait n'ont pas été transmises immédiatement aux autorités sanitaires, ce qui a singulièrement compliqué l'exercice de la mission d'information du public.
Il est indispensable que les laboratoires soient, en toutes circonstances, des partenaires de notre politique de sécurité sanitaire. Il leur appartient de faire l'analyse de toutes les données qu'ils collectent sur la sécurité d'utilisation de leur produit et de communiquer toute information utile aux autorités de santé.
A ce titre, un projet de décret sur la pharmacovigilance en cours de finalisation, permettra de mieux préciser les obligations des laboratoires et des professionnels dans ce domaine.
Les personnes malades pourraient participer de manière plus directe au dispositif signalement des effets indésirables. Ainsi, l'Afssaps va coordonner une étude pilote de notification directe par les patients des effets indésirables liés aux thérapies anti-rétrovirales.
La sécurité sanitaire des dispositifs médicaux est en plein développement. La matériovigilance s'est doté d'un outil de hiérarchisation des incidents signalés : la criticité. L'objectif de cet outil est de permettre de prioriser le traitement des événements signalés pour intervenir au plus tôt sur les problèmes les plus urgents.
Les signalements d'incidents ou risques d'incidents conduisent parfois à réévaluer toute une famille de dispositifs. Ce fut le cas des endoprothèses dont l'évaluation a conduit à mettre en place un protocole de suivi particulier des patients traités.
La complexité croissante et la multiplication des stratégies thérapeutiques justifient le renforcement de l'information spécifique des professionnels de santé. La récente création du fonds de promotion de l'information médicale et médico économique complètera les dispositifs d'information existants dans le cadre de l'ANAES et des agences de sécurité sanitaire.
2. la surveillance de la population
La surveillance de la population demeure la vigie de notre politique de santé.
Nous avons un système désormais très performant, capable de déclencher des alertes dés qu'un cas d'une maladie est signalé sur le territoire qu'il s'agisse de méningite, ou de salmonellose. La survenue d'un seul cas de méningite justifie, en effet, une intervention urgente locale.
Une nouvelle circulaire a été diffusée le 8 novembre dernier concernant en particulier la conduite à tenir en cas de suspicion de purpura fulminans, cette forme clinique gravissime de la méningite cérébro-spinale qui peut être mortelle en quelques heures.
Notre système de surveillance repose ainsi pour une part sur le signalement de maladies à déclaration obligatoire.
Ces dispositions ne sont pas nouvelles, le système existe depuis un siècle : nous allons d'ailleurs fêter en 2002 le centenaire de la grande loi de santé publique qui a fondé nos démarches communautaires.
Ce dispositif nous l'adaptons régulièrement aux exigences nouvelles de la situation épidémiologique et en fonction de l'évolution des risques.
Ainsi avons nous introduit dans la liste des maladies à déclaration obligatoire (DO) le charbon en raison des risques nouveaux qui ont émergé avec la menace du bio terrorisme.
L'évolution des besoins d'information dans le domaine du VIH nous a également conduit, comme vous le savez, à faire entrer la séropositivité VIH dans les maladies à déclaration obligatoire.
Cette disposition sera effective en 2002.
Nous mettrons en uvre des circuits sécurisés pour protéger la confidentialité des données.
Le saturnisme chez l'enfant doit également être notifié aux autorités sanitaires.
Nous avons également étendu cette obligation de signalement aux infections nosocomiales, et nous aurons prochainement les premiers bilans de cette politique.
Ces dispositions mettent en évidence la nécessité d'une participation active des professionnels de santé à ces politiques de surveillance : notification des maladies à DO, notification aussi des effets indésirables des médicaments ;
La mobilisation et l'adhésion des professionnels est un autre impératif indissociable de cette politique de sécurité sanitaire : car il ne s'agit pas que de notifier les problèmes, il faut aussi les prévenir, et cette prévention passe par une meilleure maîtrise de la prescription des actes et des produits de santé :
prescription plus rationnelle des antibiotiques
danger des associations médicamenteuses
danger des antiviraux dans le sida avec les multiples effets secondaires aujourd'hui mis en avant.
La surveillance des cancers de la thyroïde
En mars dernier j'ai demandé à l'IVS de mettre en place des études épidémiologiques pour savoir si l'augmentation de l'incidence des cancers de la thyroïde était imputable aux retombées de l'accident de Tchernobyl.
Un groupe des travail multidisciplinaire a été mis en place présidé par le Dr. Leenardt et le Dr. Grosclaude. Un rapport intermédiaire vient d'être diffusé disponible sur le site internet de l'IVS.
Ces premières conclusions soulignent que l'accroissement de l'incidence de ces cancers ne paraissent pas imputables à un " effet Tchernobyl ". Un rapport final sera publié en 2002 proposant d'optimiser le système de surveillance des cancers de la thyroïde. Une étude complémentaire sera mise en uvre sur les facteurs de risques des pathologies thyroïdiennes en France.
En outre des campagnes de mesures radiologiques sont effectuées dans les départements où les retombées de l'accident de Tchernobyl sont considérées comme les plus importantes. Les résultats de cette étude, demandée à l'origine par les élus corses, seront présentés lors d'un séminaire qui se tiendra en Corse au début de 2002.
La catastrophe de Toulouse
Vous le savez la catastrophe de Toulouse a été dramatique : 30 morts plus de 1000 blessés ; des dégâts matériels considérables, des conséquences durables sur les structures de santé. Je voudrai, ici, rendre hommage à l'exceptionnelle mobilisation des toulousains et notamment des professionnels de santé dans les hôpitaux pour faire face en urgence, avec une rare efficacité, aux innombrables besoins de prise en charge. Il nous faut accélérer la réparation des dégâts encore très présents. Il nous faut surtout assurer le suivi des personnes vulnérables et les accompagner dans un processus de réparation physique et psychique. Il nous faut aussi mettre en place un plan de prévention de maîtrise des risques liés aux sites industriels. L'InVS et la DRASS ont mis en place un dispositif de suivi des conséquences sanitaires.
3. le plan Biotox
L'actualité liée aux événements terroristes du 11 septembre a conduit les autorités sanitaires à se mobiliser pour faire face à cette menace. C'est ainsi qu'ont été renforcées et actualisées les mesures de prévention et de surveillance, de préparation à l'intervention en cas de crise, d'information et de communication.
Ces termes sont ceux de la santé publique, car, je l'ai dit dès le 5 octobre, lorsque j'ai présenté ici même les grandes lignes du plan Biotox interministériel, il s'agit de mesures de protection de la santé pour l'ensemble de la population.
Je ne détaillerai pas l'ensemble des actions menées dans ce cadre, je les ai régulièrement décrites lors des conférences de presse hebdomadaires que nous avons tenues, en présence du Secrétaire Général de la Défense Nationale et des représentants des autres ministères impliqués : Défense, Justice, Intérieur
Une synthèse des ces actions figure dans le dossier de presse et un grand nombre d'informations est disponible sur les sites Internet du Ministère de la Santé, de l'AFSSAPS et de l'InVS.
De retour de Washington, je ne peux manquer de souligner le formidable élan de coopération qui s'est engagé dans ce domaine, tant au plan européen qu'au plan international.
4.les questions d'actualité
Nous avons souvent abordé dans cette enceinte la question du statut légal des drogues ; je me souviens avoir indiqué à de nombreuses reprises que je partageais l'avis exprimé par le Conseil National du Sida dans son rapport sur les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique : régler cette question sous le seul aspect - certes important - de la dépénalisation, serait réducteur. La loi doit affirmer et organiser l'effectivité des priorités données à la prévention et aux politiques de réduction des risques.
C'est en moyenne à 13 ans qu'un jeune fume sa première cigarette.
C' est dire l'importance de la prévention et le rôle essentiel des associations de lutte contre le tabagisme qui concourent avec les pouvoirs publics à mettre en place des actions de prévention destinées à prévenir le tabagisme des jeunes ou à retarder son initiation.
Or le tribunal de Paris vient de condamner, certes en référé, le Comité National Contre les Maladies Respiratoires (président : M. Duroux) à retirer l'ensemble des supports édités dans le cadre de sa nouvelle campagne de prévention en direction des jeunes au motif qu'étant un pastiche des publicités d'un fabricant de tabac, il constituerait une atteinte manifestement illicite aux droits dudit fabricant.
Ne vous y trompez pas, je ne critique pas une décision de justice, je suis persuadé que le juge a fait une stricte application de la loi. En tout cas, il y a urgence à débattre du rôle de la loi dans les politiques de santé publique et de la modifier. Il ne me paraît pas admissible qu'aujourd'hui le droit positif fasse prévaloir les intérêts économiques d'une industrie à l'origine d'un problème de santé publique majeur au détriment de la protection de la santé des jeunes.
J'en terminerai sur les questions d'éthique que posent le développement de certaines recherches en France.
J'ai confié au Pr. F. Lemaire en avril dernier une mission de réflexion et de propositions sur l'évolution du cadre législatif applicable à la recherche biomédicale.
En effet, il existe une forte demande de modernisation de la loi Huriet. Les conclusions de ce rapport viennent de m'être remises.
De fait, la loi Huriet apparaît inadaptée pour certains points concernant la recherche clinique qui s'est développée en dehors de la recherche médicamenteuse proprement dite. Il existe une lourdeur de fonctionnement liée à la distinction entre recherche "sans bénéfice individuel direct" et "avec bénéfice individuel direct".
Nous envisageons de permettre des améliorations dans les plus brefs délais par des amendements sur la loi "droits des malades et qualité du système de santé" qui viendra en discussion au Sénat en janvier prochain.
L'information et la protection renforcées des patients constituera l'un de ces objectifs.
Je voudrais pour terminer évoquer les questions posées par deux Arrêts rendus par l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation la semaine dernière concernant l'Arrêt Perruche.
Je n'entends pas revenir sur l'ensemble de ce dossier ni commenter une décision de justice, mais tout de même
Il me semble indispensable d'ouvrir un débat à ce sujet.
Personne ne remet en cause la question de la responsabilité médicale vis-à-vis du préjudice subi par la mère. Celle-ci, du fait d'une faute médicale qui n'a pas décelé le risque pour l'enfant à naître, n'a pas bénéficié du choix d'interrompre sa grossesse.
Mais en revanche, peut-on considérer que la demande de réparation formulée par l'enfant dont le handicap n'est pas imputable au médecin est fondée ?
Peut-on considérer que le choix de l'enfant serait de ne pas naître, ou que le fait de naître avec un handicap non imputable à la faute du médecin nécessite réparation par le médecin ?
Nous devons affirmer que la vie handicapée n'est pas un dommage en elle-même, et que nul n'est fondé à se plaindre de sa naissance.
S'il apparaît légitime qu'un professionnel réponde d'une faute caractérisée, l'interprétation extensive du lien de causalité entre la faute et le dommage, faite par la Cour de Cassation dans la jurisprudence Perruche, perturbe l'ensemble du système de soins, et remet en question la valeur même de toute vie.
CONCLUSION
2002 va donc s'ouvrir sur des questions majeures d'éthique et de respect de la vie.
Beaucoup reste à faire
Quelques rendez vous importants nous attendent en 2002 . !
Le suivi du plan Biotox, bien sûr,
Mais aussi des éléments importants du plan santé : en particulier les programmes spécifiques vis à vis des jeunes, des personnes agées, des femmes vulnérables
La loi sur les droits des malades et la révision des lois de bioéthique reviendront en discussion dans les premières semaines de janvier.
J'ai décidé également que nous tiendrions en février 2002 un colloque sur : "la décision médicale ".
Nous le voyons, les contraintes croissantes liées aux processus de sécurité, les obligations de résultats, la nécessaire information des patients, la responsabilité avec ou sans faute, pèsent lourdement sur la décision médicale. Parfois même on ne sait plus qui décide : le patient, l'administration, le médecin personne ?
Nous devrons clarifier les éléments de choix et de la responsabilité des médecins, continuer avec cette volonté et ce souci de transparence à faire progresser notre système de santé, sans déresponsabiliser ses principaux acteurs.
Quoiqu'il arrive, nous garderons cette méthode de transparence et de dialogue, pour une plus grande démocratie sanitaire.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 12 décembre 2001
Nous voilà réunis pour notre dernier point de l'année concernant les questions de sécurité sanitaire et de santé publique.
C'est un peu l'occasion de faire avec vous un bilan du travail fait tout au long de l'année.
Nous avions prévu de nous voir tous les 2 mois pour débattre des questions d'actualité, et évoquer ensemble les grands dossiers de santé publique qui constituent le plan santé du Gouvernement.
Nous avons, je pense, tenu cet engagement, et je vous remercie pour votre présence, pour votre vigilance sur toutes ces questions, et pour le rôle d'information que vous jouez auprès de la population.
Les 9 mois qui viennent de s'écouler ont été particulièrement fertiles en alerte de tous ordres, des légionelloses aux statines, des risques sur les sites industriels (kodak) aux risques de VIMY ou à la catastrophe de Toulouse, la maîtrise des risques a nécessité beaucoup d'expertise certes, mais aussi, et surtout, beaucoup de pédagogie. Votre rôle a été très important dans les modes d'information des citoyens.
La tâche n'est jamais facile, et je crois que nous avons mis au point ensemble une méthode qui me paraît répondre à ce souci de transparence, de vérité, en vous informant au plus tôt, dans un dialogue régulier.
Le développement de la démocratie sanitaire, à laquelle aspirent les malades, leurs familles, le monde associatif nécessite cette information régulière qui permet de dire ce que nous faisons, de faire ce que nous disons, et de maintenir dans le dialogue la prise en compte des inquiétudes et des besoins exprimés par tous.
C'est ainsi que nous répondons aux attentes de nos concitoyens, c'est ainsi que nous pouvons assurer notre responsabilité en matière de politique de santé, et notamment de gestion des risques.
Nous avons de façon permanente associé les usagers, les associations de malades dans toutes nos démarches, et cette façon de faire, qui était très souhaitée depuis les Etats Généraux de la santé, me semble de plus en plus la seule façon de nous faire entendre, et de nous faire comprendre, mais aussi de savoir entendre ceux qui n'ont pas la parole, ceux qui sont en situation de marginalisation
C'est aussi la seule façon d'obtenir une réelle adhésion de la population à ces programmes de santé publique.
Ainsi avons nous conçu les programmes de prévention du VIH qui font l'objet de la campagne actuelle avec les associations elles-mêmes.
C'est également par l'écoute des inquiétudes exprimées par les familles que nous avons pris par exemple la décision de fermer l'école de Vincennes, alors même qu'aucune donnée objective ne forçait cette décision.
C'est avec ce souci de participation des personnes atteintes, des malades ou des personnes concernées que nous conduisons la mise en uvre du plan santé que j'ai présenté en début d'année.
Je ne reprendrai pas la liste des différents programmes que nous avons lancés ces 9 derniers mois.
Je soulignerai seulement que nous avons tenu très précisément le calendrier de travail que nous nous étions fixés : Sida, IRC, antibiotiques, alcool, santé mentale, nutrition, diabète, pour n'en citer que quelques-uns uns, témoignent de l'importance des transformations de notre système, et du souci améliorer la qualité du service rendu aux malades.
Certains nous ont presque " reproché " d'en faire trop ! ! !
Pourtant il y a encore beaucoup à faire, et je ne vois pas quel programme est superflu, ni quelle décision devrait être différée.
Au contraire, il faut que nous sachions aller plus rapidement, car comme vous le savez, le temps nous est compté, et nous avons encore quelques projets importants à boucler dans les 5 mois à venir.
Il ne s'agit donc pas de chercher une quelconque autosatisfaction, il s'agit de souligner que ce n'est pas parce que notre système a été classé parmi les meilleurs du monde, ou le meilleur, qu'il ne faut pas avoir le souci permanent de mieux répondre aux attentes des malades, et donc de mettre en place les transformations indispensables.
C'est ce que nous faisons, prenant en compte, avec vous, les programmes sur le moyen ou le long terme que nous vous avons présenté tout au long de l'année,
et, dans l'urgence, les situations d'alertes qui constituent le quotidien de la veille sanitaire.
Ces alertes n'ont pas manqué ces derniers mois.
Je pense tout particulièrement aux alertes liées au bio-terrorisme, et aux réponses fournies par le plan Biotox,
à l'urgence du dispositif de sécurité sanitaire qu'il a fallu renforcer et sécuriser,
à la nécessité d'informer nos citoyens aussi complètement que possible,
en prévenant également toute panique, malgré les multiples fausses alertes liées aux tristes comportements de nombre de nos concitoyens, si portés dans notre pays sur la lettre de dénonciation ou de vengeance.
Et puis nous ne devons pas oublier les victimes de l'accident de Toulouse qui, pour beaucoup d'entre elles vivent encore dans une situation difficile sur laquelle nous allons revenir.
Cette catastrophe a mis en évidence l'importance des risques industriels au sein des villes, la complexité de rassembler dans la cité le développement de certaines usines génératrices d'emploi, et d'assurer la sécurité de ces installations.
Notre monde veut tout à la fois un développement des technologies, médicales notamment, et une maîtrise des risques inhérents à ces techniques !
Nous voudrions tous les médicaments, mais aucun des effets indésirables,
Nous voudrions toutes les préventions, mais aucune des contraintes des comportements qu'elles supposent !
Nous ne sommes sans doute pas toujours doués de raison face à la gestion des risques, et c'est pour cela qu'il nous faut poursuivre, avec vous cette démarche de pédagogie du risque.
Je voudrai ainsi revoir avec vous les principaux dossiers de sécurité sanitaire pour lesquels nous avons à prévoir des actions, et une surveillance en 2002.
1. sécurité sanitaire
1.1 Parmi les dossiers de sécurité sanitaire qui ont alimenté le plus l'inquiétude de la population se trouve le dossier de l'ESB et celui de la MCJ nouveau variant.
Un nouveau cas probable de personne atteinte de la forme variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob vient d'être notifié à l'InVS. Cela porte à 5 le nombre de cas recensés en France depuis 1996.
De nombreuses inconnues persistent concernant l'épidémiologie de cette maladie, sa durée d'incubation, la susceptibilité des personnes exposées et l'importance de l'épidémie à venir.
Les études de modélisation récemment publiées sont relativement rassurantes. Une étude publiée dans " Sciences ", travail commun d'épidémiologistes français et anglais, montre que l'épidémie de la forme variante de la MCJ en Grande -Bretagne devrait rester faible, au regard des prévisions initiales.
Le modèle statistique prend en compte une durée d'incubation de 12 à 23 ans (16,7 ans en moyenne) sur 97 cas cliniques enregistrés au 1er mai 2001 en Grande Bretagne. Dans ces conditions, le nombre total de cas à venir pourrait être compris entre 200 et 400 cas au maximum. Nous sommes là très en deçà de certaines prédictions beaucoup plus alarmistes.
Le haut niveau de précaution que nous mettons en uvre, que ce soit dans le domaine alimentaire ou dans le domaine des soins doit cependant être maintenu. Citons ainsi dans le domaine alimentaire :
le renforcement des mesures sur les bovins (testés systématiquement dans toute l'Europe pour les animaux de plus de 30 mois, et dès 24 mois en France),
la mesure de précaution consistant au retrait des vertèbres,
Le renforcement des mesures sur les ovins : épidémiosurveillance renforcée, programme de test dès 2002, élargissement de la liste des matériels à risques spécifiés, police sanitaire, sélection génétique, avec pour objectif à moyen terme l'éradication de la tremblante.
Dans le domaine des soins, nous avons renforcé les mesures de désinfection et de stérilisation et le développement des matériels à usage unique (pinces à biopsie digestive.
A cet effet, un groupe de travail a été mis en place auprès de l'AFSSAPS afin de donner un avis sur les dispositifs médicaux réutilisables, eu égard au risque de transmission d'agents transmissibles non conventionnels comme le prion.
Je me félicite par ailleurs de l'effort exceptionnel consenti par le Gouvernement pour le développement de la recherche avec plus de 210 MF cette année.
En ce qui concerne les espoirs de traitement par la quinacrine, le recul est à ce jour insuffisant pour apprécier l'efficacité et la tolérance de cette molécule dans cette indication.
1.2 les questions liées à l'environnement
Les risques sanitaires liés à notre environnement sont de plus en plus souvent un sujet de préoccupation et les actions d'évaluation de ces risques, de leur surveillance et de mise en uvre de mesures de prévention font l'objet de travaux interministériels nombreux.
Je ne reviendrai pas sur la question des pesticides auxquels nous avons consacré le dernier Comité de sécurité sanitaire.
Amiante dans l'habitat
En revanche, je voudrais souligner l'action conduite vis-à-vis de l'amiante dans l'habitat.
Un décret du 13 septembre est venu renforcer les mesures de prévention vis à vis des risques sanitaires liés à l'amiante dans l'habitat. Ces mesures consistent notamment à abaisser les seuils de déclenchement des travaux de désamiantage afin de réduire l'exposition des occupants, à instaurer une démarche de repérage de matériaux amiantés, et, bien sûr, à améliorer les modalités d'information des " utilisateurs " de bâtiment dans ce domaine.
Risque lié au radon
Le radon est un gaz radioactif, d'origine naturelle, reconnu comme un des agents responsables du cancer du poumon par l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) suite aux études épidémiologiques menées chez des populations de mineurs. Aussi, dès 1999, une première campagne officielle de mesure du radon dans les établissements recevant du public a été lancée, accompagnée d'une campagne d'information auprès des élus et des responsables d'établissements. Depuis mars, un article de loi (L.1333-10) a introduit l'obligation, pour les responsables de lieux ouverts au public, de "mettre en uvre des mesures de surveillance de l'exposition aux rayonnements naturels, lorsque celle-ci est de nature à porter atteinte à la santé du public". Cette obligation législative permettra de renforcer les actions de santé publique que les DDASS ont menées depuis plus de deux ans, et qui ont été intensifiés en juillet dernier.
Téléphone portable
Avec environ 34 millions d'utilisateurs en France et 30 000 stations-relais implantées sur le territoire national, l'usage du téléphone mobile s'est généralisé en quelques années. Ce développement soulève régulièrement des questions quant aux risques sanitaires liés à l'exposition du public aux champs électromagnétiques émis par ces appareils. Sur la base d'un rapport d'experts, nous venons de diffuser le 16 octobre 2001 une circulaire sur les stations-relais qui rappelle les recommandations européennes d'exposition et précise les règles techniques pour établir des périmètres de sécurité autour des différents types de station relais. Les structures de concertation instaurées auprès des Préfets pour traiter les aspects environnementaux, devront prendre en compte également les aspects sanitaires et associeront des représentants d'associations intéressées.
Par cette circulaire, le Gouvernement entend renforcer les modalités de concertation et de transparence sur l'implantation des émetteurs de téléphonie mobile.
Risque lié aux légionelles
En ce qui concerne les risques liés à l'eau, notons que le rapport du Conseil supérieur d'hygiène publique de France sur la gestion du risque lié aux légionelles vient d'être finalisé et figure sur le site Internet du Ministère.
Les experts du Conseil supérieur d'hygiène publique de France ont pointé plusieurs incertitudes : la pathogénicité des souches, la dose minimale infectieuse, la variabilité des concentrations en légionelles, la durée d'exposition, la susceptibilité des personnes exposées et les difficultés de retrouver l'origine précise de la contamination.
Des moyens de prévention sont recensés et des propositions sont formulées concernant les réseaux d'eau chaude sanitaire en particulier. Un travail interministériel sera engagé sur la base de ces recommandations. L'InVS conduira une étude sur les légionelloses dites " sporadiques " afin d'explorer le rôle de la transmission au domicile et à partir des sources communautaires et collectives.
En ce qui concerne les hôpitaux et cliniques, des recommandations spécifiques, prenant en compte les caractéristiques de susceptibilité aux infections des patients accueillis, et proposant des mesures pratiques de prévention sera diffusée en début d'année prochaine (je précise par ailleurs, en ce qui concerne le cas de légionellose signalé en octobre dernier à l'HEGP que le typage de la souche du patient est différent de celui de la souche de légionelle qui circule à Paris, et notamment à l'HEGP, comme quoi il faut toujours nous garder des conclusions hâtives).
1.3 Sécurité sanitaire et bon usage des produits de santé.
Notre vigilance doit rester soutenue vis à vis des produits de santé.
Si ceux-ci sont toujours plus performants, les risques liés à leur utilisation persistent et doivent être pris en compte par les professionnels de santé. Dans le cas des médicaments, nous en avons eu plusieurs illustrations qui ont donné lieu à la diffusion d'informations par l'AFSSAPS, et notamment en septembre dernier, d'un avis du Comité des spécialités pharmaceutiques sur les pilules de 3ème génération.
Toutefois, l'exemple le plus marquant de ces derniers mois a été le retrait des spécialités à base de cérivastatine. Le rapport que j'avais demandé à l'époque sur les conditions de ce retrait vient de m'être remis.
Il ne met pas en lumière de manquements particulièrement graves. Toutefois, il fait apparaître deux problèmes :
quelques cas de décès n'ont pas été déclarés à l'AFSSAPS,
et les informations précises et complètes concernant le motif du retrait n'ont pas été transmises immédiatement aux autorités sanitaires, ce qui a singulièrement compliqué l'exercice de la mission d'information du public.
Il est indispensable que les laboratoires soient, en toutes circonstances, des partenaires de notre politique de sécurité sanitaire. Il leur appartient de faire l'analyse de toutes les données qu'ils collectent sur la sécurité d'utilisation de leur produit et de communiquer toute information utile aux autorités de santé.
A ce titre, un projet de décret sur la pharmacovigilance en cours de finalisation, permettra de mieux préciser les obligations des laboratoires et des professionnels dans ce domaine.
Les personnes malades pourraient participer de manière plus directe au dispositif signalement des effets indésirables. Ainsi, l'Afssaps va coordonner une étude pilote de notification directe par les patients des effets indésirables liés aux thérapies anti-rétrovirales.
La sécurité sanitaire des dispositifs médicaux est en plein développement. La matériovigilance s'est doté d'un outil de hiérarchisation des incidents signalés : la criticité. L'objectif de cet outil est de permettre de prioriser le traitement des événements signalés pour intervenir au plus tôt sur les problèmes les plus urgents.
Les signalements d'incidents ou risques d'incidents conduisent parfois à réévaluer toute une famille de dispositifs. Ce fut le cas des endoprothèses dont l'évaluation a conduit à mettre en place un protocole de suivi particulier des patients traités.
La complexité croissante et la multiplication des stratégies thérapeutiques justifient le renforcement de l'information spécifique des professionnels de santé. La récente création du fonds de promotion de l'information médicale et médico économique complètera les dispositifs d'information existants dans le cadre de l'ANAES et des agences de sécurité sanitaire.
2. la surveillance de la population
La surveillance de la population demeure la vigie de notre politique de santé.
Nous avons un système désormais très performant, capable de déclencher des alertes dés qu'un cas d'une maladie est signalé sur le territoire qu'il s'agisse de méningite, ou de salmonellose. La survenue d'un seul cas de méningite justifie, en effet, une intervention urgente locale.
Une nouvelle circulaire a été diffusée le 8 novembre dernier concernant en particulier la conduite à tenir en cas de suspicion de purpura fulminans, cette forme clinique gravissime de la méningite cérébro-spinale qui peut être mortelle en quelques heures.
Notre système de surveillance repose ainsi pour une part sur le signalement de maladies à déclaration obligatoire.
Ces dispositions ne sont pas nouvelles, le système existe depuis un siècle : nous allons d'ailleurs fêter en 2002 le centenaire de la grande loi de santé publique qui a fondé nos démarches communautaires.
Ce dispositif nous l'adaptons régulièrement aux exigences nouvelles de la situation épidémiologique et en fonction de l'évolution des risques.
Ainsi avons nous introduit dans la liste des maladies à déclaration obligatoire (DO) le charbon en raison des risques nouveaux qui ont émergé avec la menace du bio terrorisme.
L'évolution des besoins d'information dans le domaine du VIH nous a également conduit, comme vous le savez, à faire entrer la séropositivité VIH dans les maladies à déclaration obligatoire.
Cette disposition sera effective en 2002.
Nous mettrons en uvre des circuits sécurisés pour protéger la confidentialité des données.
Le saturnisme chez l'enfant doit également être notifié aux autorités sanitaires.
Nous avons également étendu cette obligation de signalement aux infections nosocomiales, et nous aurons prochainement les premiers bilans de cette politique.
Ces dispositions mettent en évidence la nécessité d'une participation active des professionnels de santé à ces politiques de surveillance : notification des maladies à DO, notification aussi des effets indésirables des médicaments ;
La mobilisation et l'adhésion des professionnels est un autre impératif indissociable de cette politique de sécurité sanitaire : car il ne s'agit pas que de notifier les problèmes, il faut aussi les prévenir, et cette prévention passe par une meilleure maîtrise de la prescription des actes et des produits de santé :
prescription plus rationnelle des antibiotiques
danger des associations médicamenteuses
danger des antiviraux dans le sida avec les multiples effets secondaires aujourd'hui mis en avant.
La surveillance des cancers de la thyroïde
En mars dernier j'ai demandé à l'IVS de mettre en place des études épidémiologiques pour savoir si l'augmentation de l'incidence des cancers de la thyroïde était imputable aux retombées de l'accident de Tchernobyl.
Un groupe des travail multidisciplinaire a été mis en place présidé par le Dr. Leenardt et le Dr. Grosclaude. Un rapport intermédiaire vient d'être diffusé disponible sur le site internet de l'IVS.
Ces premières conclusions soulignent que l'accroissement de l'incidence de ces cancers ne paraissent pas imputables à un " effet Tchernobyl ". Un rapport final sera publié en 2002 proposant d'optimiser le système de surveillance des cancers de la thyroïde. Une étude complémentaire sera mise en uvre sur les facteurs de risques des pathologies thyroïdiennes en France.
En outre des campagnes de mesures radiologiques sont effectuées dans les départements où les retombées de l'accident de Tchernobyl sont considérées comme les plus importantes. Les résultats de cette étude, demandée à l'origine par les élus corses, seront présentés lors d'un séminaire qui se tiendra en Corse au début de 2002.
La catastrophe de Toulouse
Vous le savez la catastrophe de Toulouse a été dramatique : 30 morts plus de 1000 blessés ; des dégâts matériels considérables, des conséquences durables sur les structures de santé. Je voudrai, ici, rendre hommage à l'exceptionnelle mobilisation des toulousains et notamment des professionnels de santé dans les hôpitaux pour faire face en urgence, avec une rare efficacité, aux innombrables besoins de prise en charge. Il nous faut accélérer la réparation des dégâts encore très présents. Il nous faut surtout assurer le suivi des personnes vulnérables et les accompagner dans un processus de réparation physique et psychique. Il nous faut aussi mettre en place un plan de prévention de maîtrise des risques liés aux sites industriels. L'InVS et la DRASS ont mis en place un dispositif de suivi des conséquences sanitaires.
3. le plan Biotox
L'actualité liée aux événements terroristes du 11 septembre a conduit les autorités sanitaires à se mobiliser pour faire face à cette menace. C'est ainsi qu'ont été renforcées et actualisées les mesures de prévention et de surveillance, de préparation à l'intervention en cas de crise, d'information et de communication.
Ces termes sont ceux de la santé publique, car, je l'ai dit dès le 5 octobre, lorsque j'ai présenté ici même les grandes lignes du plan Biotox interministériel, il s'agit de mesures de protection de la santé pour l'ensemble de la population.
Je ne détaillerai pas l'ensemble des actions menées dans ce cadre, je les ai régulièrement décrites lors des conférences de presse hebdomadaires que nous avons tenues, en présence du Secrétaire Général de la Défense Nationale et des représentants des autres ministères impliqués : Défense, Justice, Intérieur
Une synthèse des ces actions figure dans le dossier de presse et un grand nombre d'informations est disponible sur les sites Internet du Ministère de la Santé, de l'AFSSAPS et de l'InVS.
De retour de Washington, je ne peux manquer de souligner le formidable élan de coopération qui s'est engagé dans ce domaine, tant au plan européen qu'au plan international.
4.les questions d'actualité
Nous avons souvent abordé dans cette enceinte la question du statut légal des drogues ; je me souviens avoir indiqué à de nombreuses reprises que je partageais l'avis exprimé par le Conseil National du Sida dans son rapport sur les risques liés aux usages de drogues comme enjeu de santé publique : régler cette question sous le seul aspect - certes important - de la dépénalisation, serait réducteur. La loi doit affirmer et organiser l'effectivité des priorités données à la prévention et aux politiques de réduction des risques.
C'est en moyenne à 13 ans qu'un jeune fume sa première cigarette.
C' est dire l'importance de la prévention et le rôle essentiel des associations de lutte contre le tabagisme qui concourent avec les pouvoirs publics à mettre en place des actions de prévention destinées à prévenir le tabagisme des jeunes ou à retarder son initiation.
Or le tribunal de Paris vient de condamner, certes en référé, le Comité National Contre les Maladies Respiratoires (président : M. Duroux) à retirer l'ensemble des supports édités dans le cadre de sa nouvelle campagne de prévention en direction des jeunes au motif qu'étant un pastiche des publicités d'un fabricant de tabac, il constituerait une atteinte manifestement illicite aux droits dudit fabricant.
Ne vous y trompez pas, je ne critique pas une décision de justice, je suis persuadé que le juge a fait une stricte application de la loi. En tout cas, il y a urgence à débattre du rôle de la loi dans les politiques de santé publique et de la modifier. Il ne me paraît pas admissible qu'aujourd'hui le droit positif fasse prévaloir les intérêts économiques d'une industrie à l'origine d'un problème de santé publique majeur au détriment de la protection de la santé des jeunes.
J'en terminerai sur les questions d'éthique que posent le développement de certaines recherches en France.
J'ai confié au Pr. F. Lemaire en avril dernier une mission de réflexion et de propositions sur l'évolution du cadre législatif applicable à la recherche biomédicale.
En effet, il existe une forte demande de modernisation de la loi Huriet. Les conclusions de ce rapport viennent de m'être remises.
De fait, la loi Huriet apparaît inadaptée pour certains points concernant la recherche clinique qui s'est développée en dehors de la recherche médicamenteuse proprement dite. Il existe une lourdeur de fonctionnement liée à la distinction entre recherche "sans bénéfice individuel direct" et "avec bénéfice individuel direct".
Nous envisageons de permettre des améliorations dans les plus brefs délais par des amendements sur la loi "droits des malades et qualité du système de santé" qui viendra en discussion au Sénat en janvier prochain.
L'information et la protection renforcées des patients constituera l'un de ces objectifs.
Je voudrais pour terminer évoquer les questions posées par deux Arrêts rendus par l'Assemblée Plénière de la Cour de Cassation la semaine dernière concernant l'Arrêt Perruche.
Je n'entends pas revenir sur l'ensemble de ce dossier ni commenter une décision de justice, mais tout de même
Il me semble indispensable d'ouvrir un débat à ce sujet.
Personne ne remet en cause la question de la responsabilité médicale vis-à-vis du préjudice subi par la mère. Celle-ci, du fait d'une faute médicale qui n'a pas décelé le risque pour l'enfant à naître, n'a pas bénéficié du choix d'interrompre sa grossesse.
Mais en revanche, peut-on considérer que la demande de réparation formulée par l'enfant dont le handicap n'est pas imputable au médecin est fondée ?
Peut-on considérer que le choix de l'enfant serait de ne pas naître, ou que le fait de naître avec un handicap non imputable à la faute du médecin nécessite réparation par le médecin ?
Nous devons affirmer que la vie handicapée n'est pas un dommage en elle-même, et que nul n'est fondé à se plaindre de sa naissance.
S'il apparaît légitime qu'un professionnel réponde d'une faute caractérisée, l'interprétation extensive du lien de causalité entre la faute et le dommage, faite par la Cour de Cassation dans la jurisprudence Perruche, perturbe l'ensemble du système de soins, et remet en question la valeur même de toute vie.
CONCLUSION
2002 va donc s'ouvrir sur des questions majeures d'éthique et de respect de la vie.
Beaucoup reste à faire
Quelques rendez vous importants nous attendent en 2002 . !
Le suivi du plan Biotox, bien sûr,
Mais aussi des éléments importants du plan santé : en particulier les programmes spécifiques vis à vis des jeunes, des personnes agées, des femmes vulnérables
La loi sur les droits des malades et la révision des lois de bioéthique reviendront en discussion dans les premières semaines de janvier.
J'ai décidé également que nous tiendrions en février 2002 un colloque sur : "la décision médicale ".
Nous le voyons, les contraintes croissantes liées aux processus de sécurité, les obligations de résultats, la nécessaire information des patients, la responsabilité avec ou sans faute, pèsent lourdement sur la décision médicale. Parfois même on ne sait plus qui décide : le patient, l'administration, le médecin personne ?
Nous devrons clarifier les éléments de choix et de la responsabilité des médecins, continuer avec cette volonté et ce souci de transparence à faire progresser notre système de santé, sans déresponsabiliser ses principaux acteurs.
Quoiqu'il arrive, nous garderons cette méthode de transparence et de dialogue, pour une plus grande démocratie sanitaire.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 12 décembre 2001