Lettre de M. Emmanuel Macron, Président de la République, adressée aux maires de France, à l'occasion du 100e Congrès des maires de France, le 16 novembre 2018.

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Circonstance : 100e Congrès des maires de France, du 20 au 23 novembre 2018

Texte intégral

Madame, Monsieur le Maire,
Vous le savez mieux que personne : il n'est de réussite que collective. Une commune, un territoire ne peuvent se développer que si se mobilisent en son sein, citoyens, élus, acteurs économiques, culturels, associatifs, pour porter des projets en commun. Et ce n'est pas la moindre responsabilité des Maires que celle de fédérer toutes ces énergies.
Ce qui est vrai pour une commune, un territoire, est vrai pour un pays. La France ne connaîtra un renouveau durable que si ses forces vives, et en particulier ses Maires, travaillent de concert, regardent ensemble dans la même direction. Cette conviction a toujours été la mienne. Je l'ai développée tout au long de la campagne présidentielle. Je l'ai ré gui i ère ment partagée avec les organisations vous représentant depuis un an et demi. Et à chaque fois que je me déplace sur le terrain, à chaque fois que je dialogue avec vous, avec vos équipes municipales, je suis renforcé dans cette idée que face aux défis contemporains, notre pays ne peut réussir que par la mobilisation de toute la Nation, c'est-à-dire le gouvernement, les élus locaux, les forces économiques et sociales et bien sûr les citoyens. A cet égard les maires jouent un rôle mobilisateur essentiel.
Voilà pourquoi, lors du 100ème Congrès des maires de France le 23 novembre 2017, j'avais pris devant vous plusieurs engagements, en faisant la promesse d'en rendre compte chaque année. C'est cette parole que j'honore aujourd'hui en écrivant personnellement à chacune et chacun d'entre vous.
Ma première promesse était de préserver vos moyens financiers. Aujourd'hui, elle est tenue. Pour la deuxième année consécutive, la Dotation Globale de Fonctionnement des communes sera préservée. Bien sûr, comme vous avez pu le constater, cette dotation connaît dans votre commune une évolution à la hausse ou à la baisse en fonction de paramètres multiples tels que la dynamique démographique ou l'effort supplémentaire de péréquation pour les communes les plus pauvres. Mais nationalement, la DGF est stable. Après quatre années de baisse continue, c'est historique. Stables également, les dotations d'investissement comme la DSIL ou la DETR. Et si ces sigles sont à coup sûr obscurs pour bien des Français, vous savez qu'en filigrane, il y a pour vous, une capacité à investir reconstituée, une capacité à mettre en oeuvre des projets retrouvée. Vous savez que cette stabilisation des concours financiers va vous permettre de construire là une école, ici une crèche, ailleurs un terrain de football ou un centre culturel, ou de réhabiliter la voirie communale, vous savez en un mot que vous allez pouvoir continuer à améliorer la vie quotidienne de vos administrés.
L'Etat ne peut pas perdre de vue pour autant la nécessaire maîtrise de la dépense publique. Le Gouvernement n'a toutefois demandé qu'aux seules 322 plus importantes collectivités de s'engager contractuellement à limiter à 1,2% par an la croissance maximale de leurs dépenses de fonctionnement. 99% des communes ne sont donc pas concernées. C'est notre conception de la solidarité territoriale.
Sur ce sujet financier, je suis conscient des inquiétudes qui se sont faites jour à propos de la suppression annoncée de la taxe d'habitation. Cette réforme est une mesure de justice - comment admettre en effet qu'une personne vivant dans le centre de Paris ne paie que quelques centaines d'euros quand un habitant d'une ville moyenne ou d'une commune rurale, qui ne bénéficie pas des infrastructures d'une métropole, paie parfois mille euros ou plus ? Mais, en aucun cas, je n'aurais accepté qu'une telle mesure réduise vos ressources. Aussi ai-je demandé au Gouvernement de veiller à ce que la suppression de cet impôt soit compensée à l'euro près. A moyen terme, il s'agira de repenser totalement, en concertation avec l'ensemble des élus, notre système de fiscalité locale. Une réforme globale sera présentée au printemps 2019. Elle visera à donner à toutes les collectivités de France les moyens de porter leur développement.
Ma seconde promesse était de vous donner davantage de liberté de gestion. Quand je vous rencontre sur le terrain, vous me dites souvent une chose : « faites-nous confiance ». Et c'est vrai que l'Etat a pris cette mauvaise habitude de tout encadrer, de tout réglementer depuis Paris, sans prendre en compte la diversité du pays. Je crois en l'intelligence des territoires. L'unité de la République, ce ne peut être l'uniformité. C'est pourquoi toutes les mesures adoptées depuis dix-huit mois visent à vous donner davantage de souplesse. Je ne reviens pas sur la réforme des rythmes scolaires. Nous vous avons rendu une liberté, vous l'avez prise. Je ne reviens pas non plus sur la réduction enfin engagée du nombre de normes. Aujourd'hui lorsqu'une norme est créée, deux normes sont supprimées.
Je souhaite ici insister sur trois grands sujets des mois à venir. D'abord, sur la gestion des ressources humaines dans vos administrations. La réforme de la fonction publique territoriale vous donnera plus de liberté de recrutement- notamment par le recours aux contractuels- et de gestion de vos personnels ce qui est essentiel pour vos collectivités. Second sujet : la répartition des compétences. La mise en oeuvre accélérée de la réforme de l 'intercommunalité sur certains territoires et l'application mécanique et parfois trop stricte de la loi NOTRe ont pu être sources de dysfonctionnements et de déceptions. Le Gouvernement a demandé aux préfets de recenser avec vous ces difficultés afin d'y apporter des réponses concrètes. J'ai demandé au Gouvernement d'être pragmatique et, s'il le faut de proposer de modifier la loi. Troisième sujet : je souhaite que la différenciation territoriale soit inscrite dans la Constitution, c'est-à-dire la capacité d'adapter l'exercice des compétences, l'organisation de l'Etat et des collectivités territoriales aux spécificités de chaque territoire. Je crois à la décentralisation de projet. L'action publique ne peut avoir les mêmes règles, les mêmes normes dans une commune périurbaine et dans une ville d'autre-mer, au coeur d'une grande métropole et dans une commune rurale en Corse ou dans le massif central. Il nous faut faire du cousu-main, du sur-mesure. C'est le sens de la nouvelle République décentralisée que je souhaite construire avec vous.
Enfin, ma troisième promesse était de transformer l'Etat pour qu'il puisse mieux vous accompagner. Nous devons sortir de l'ère de l'État qui bride les énergies, pour entrer dans celle de l'Etat qui les libère. C'est pourquoi j'ai voulu que soit créé un grand Ministère des territoires. Madame Jacqueline GOURAUL T, et auprès d'elle, Messieurs Julien DENORMANDIE et Sébastien LECORNU sont désormais vos interlocuteurs. Je leur ai donné un mandat : que ce Ministère des territoires devienne celui du dialogue et de la confiance. Pour agir, ils pourront s'appuyer prochainement sur une Agence nationale de fa cohésion des territoires dont la création a été votée en première lecture par le Sénat et qui aura pour mission de vous accompagner dans vos projets. Vous tirerez également profit d'une réforme de l'organisation territoriale de l'Etat que nous allons engager, qui se traduira par une présence publique accrue dans les territoires, au plus près de vous et des habitants, contrairement à la concentration régionale que vous venez de connaître.
Sécurité, accès aux soins, aménagement, transports, éducation, formation développement économique : dans l'ensemble des champs de l'action publique, je veillerai à ce que l'Etat soit au rendez-vous pour accompagner chaque commune de France. Il s'agit de vous permettre d'anticiper les transitions économiques, sociales et écologiques qui sont devant nous. li s'agit de résorber ces fractures territoriales qui traversent trop souvent nos villes comme nos campagnes. Il s'agit de donner à chacun de nos compatriotes la maîtrise de son destin.
Je l'ai souvent dit : la France ne serait pas la même sans ses Maires. Je sais bien que c'est à vous que nos concitoyens s'adressent lorsqu'ils peinent à finir leurs fins de mois, qu'ils ont perdu leur emploi ou quand, hélas, une catastrophe naturelle a emporté leur logement. Que c'est vous qui, trouvant les mots pour panser les plaies et proposant les solutions pour permettre à chacun de rebondir, permettez à notre société de se tenir unie, à notre République de se tenir debout. Et, pour nombre d'entre vous, vous accomplissez toutes ces missions en plus du reste et à titre bénévole ou presque.
La France ne serait pas la même sans vous, parce que vous êtes des artisans de la transformation du pays. Notre Nation est une addition d'ambitions portées par des passionnés de l'intérêt général dont vous êtes. Je sais le temps que vous consacrez à la République. C'est pourquoi je me tiendrai toujours à vos côtés. Parce qu'être aux côtés des Maires de France, c'est être aux côtés des Français.
Avec mes sentiments très cordiaux et toute ma confiance.
Source https://www.lagazettedescommunes.com, le 23 novembre 2018