Texte intégral
Mesdames et Messieurs,
Cette journée, votre journée, que le groupe inter-associatif tient au Ministère de la Santé, illustre l'évolution des relations entre les scientifiques, les associations et les politiques.
Le groupe inter-associatif TRT-5 regroupe les associations majeures de la lutte contre le sida. Ces associations sont aujourd'hui directement engagées dans une évaluation des besoins des malades, dans une évaluation des effets des traitements, dans une démarche également de proposition pour améliorer les modes de prise en charge de l'infection à VIH. C'est là, et encore une fois dans le domaine du sida, que les associations se montrent parmi les plus actives, y compris très clairement dans le champ de la thérapeutique traditionnellement réservé aux scientifiques. Cette évolution s'inscrit directement dans ce que nous avons appelé le processus de démocratie sanitaire qui doit comprendre nécessairement une amélioration de l'accès aux données scientifiques disponibles pour les malades, et je dirais globalement pour tous les malades.
Nous devons avoir également une attention permanente sur l'évolution de leurs besoins et la participation des malades et des associations qui les représentent est nécessaire, je dirais indispensable, à l'amélioration des choix en matière de politique de santé, qu'il s'agisse de prévention ou de prise en charge thérapeutique. Et d'ailleurs dans cet amphithéâtre, il y a deux ou trois ans, peut-être un peu plus, nous avons reçu pour la première fois les associations de malades ensemble, qui n'étaient jamais rentrées dans ce Ministère. Quelques unes avaient eu des rendez-vous, avaient obtenu un entretien, mais en tant que telle, une journée des associations de malades, ça n'avait jamais été fait. Bien entendu je souhaite poursuivre ces échanges et nous avons multiplié les occasions de le faire. Les Etats Généraux de la Santé avaient clairement souligné ces besoins de transparence et de participation. La loi de modernisation du système de santé qui sera soumise au Parlement j'espère dans les mois qui viennent, répondra à cette attente. J'espère dans les mois qui viennent parce que j'espère que ce sera avant les vacances, si ce n'est pas avant les vacances parce qu'il n'y a pas assez de place, ce sera je pense avant la fin de l'année.
Aujourd'hui, il convient d'analyser les nouveaux besoins dans l'infection à VIH pour adapter nos modes de prise en charge. Ces journées organisées par TRT-5 mettent en avant l'importance du problème posé par les effets indésirables des traitements antirétroviraux et la nécessité de renforcer la pharmacovigilance à leur sujet. A quels défis sommes nous donc confrontés aujourd'hui dans le développement de ces thérapeutiques ? A la décennie 80 qui fut celle du dénuement thérapeutique, avec tout de même l'avènement de l'AZT en 87, à la décennie 90 qui fut celle de l'espoir que les médicaments enrayeraient définitivement la progression du virus, avec notamment l'avènement des antiprotéases en 1996 et le début des trithérapies, ont succédé les années 2000 qui se sont ouvertes sur une forme de désenchantement ou de désillusion devant un double problème.
D'abord celui de la tolérance des traitements au long cours avec la survenue de multiples effets indésirables ou complications venant s'opposer à l'observance régulière indispensable. Ensuite celui de l'échappement thérapeutique, c'est-à-dire la résistance développée par le virus grâce à ses mutations fréquentes vis-à-vis de la plupart des antirétroviraux.
Ajoutons, même si ce n'est pas le sujet de cette journée, de votre journée, que le principal problème du traitement, c'est, dans le monde, celui de l'accès pour tous aux antirétroviraux, si vous permettez. Et je ne peux que déplorer la lenteur des progrès accomplis sur ce sujet depuis 3 ans, quand nous avions lancé cet appel d'Abidjan à la solidarité internationale pour que se constitue un fonds de solidarité thérapeutique. A l'heure où nous débattons ici des effets indésirables des médicaments, nous ne pouvons pas ne pas évoquer la situation de ceux, si nombreux, les plus nombreux, qui n'ont accès à aucun traitement. Des initiatives permettent d'espérer des améliorations, qu'il s'agisse du développement de recours aux génériques, qu'il s'agisse de réductions des prix consenties par l'industrie pharmaceutique ou qu'il s'agisse du problème des brevets, c'est-à-dire de la fabrication, avec le procès d'Afrique du Sud ou ce qui se passe au Brésil. Aucune de ces voies ne doit être négligée pour que les traitements arrivent enfin là où ils doivent être disponibles, c'est-à-dire partout où les malades les attendent.
Car s'il est essentiel que soit débattu aujourd'hui, ici, le problème des effets indésirables des médicaments, il nous faut rappeler qu'ils ont permis une réduction majeure de la mortalité et de la morbidité liées à l'infection à VIH. Vous connaissez tous les chiffres, il est inutile de les rappeler, simplement, tout de même, il y a eu 8 fois moins de décès par sida en 1999 par rapport à 1994. Et cette réduction de la mortalité a également, malheureusement, fait reculer certaines craintes vis-à-vis de cette maladie et conduit à un relâchement préoccupant des conduites de prévention comme nous l'avons lu il y a quelques jours.
La prévention est un autre sujet. Mais il faut que notre stratégie de maîtrise du VIH redéfinisse certains axes précisément quand nous voyons aujourd'hui les limites et les difficultés des traitements antirétroviraux. Notre plan de prévention est en cours de redéfinition, nous en avons parlé ce matin, il devra être particulièrement ciblé sur les groupes aujourd'hui les plus exposés, les plus vulnérables à l'infection, notamment dans les lieux de rencontre et de pratique sexuelle. Mais il faut également prendre en compte la situation spécifique des femmes vis-à-vis du VIH, en particulier des femmes insuffisamment informées ou soumises à des violences, ou à des activités les exposant gravement à une contamination.
Car le constat que nous devons faire aujourd'hui c'est que le traitement de cette maladie est un traitement de durée indéfinie, tout au long de la vie, un traitement lourd de conséquences, très contraignant pour les malades en raison du poids des effets secondaires et de toutes les contraintes que suppose cette thérapeutique. Les effets indésirables des médicaments ne sont pas quelque chose de nouveau ; tous les médicaments sont concernés. Mieux connaître la fréquence et le type de ces effets est exactement le rôle de la pharmacovigilance. Nous disposons sans doute de l'un des meilleurs systèmes européens sur ce sujet. Mais nous savons que la déclaration des effets indésirables, des effets iatrogènes des médicaments, n'est pas toujours correctement effectuée par les médecins. Une sous-estimation des problèmes en résulte, ou même une méconnaissance de certains effets. C'est pourquoi il faut réfléchir à ce que pourrait être une déclaration des effets indésirables par les patients eux-mêmes. C'est une pratique qu'il nous faut encourager, encadrer, travailler avec vous. D'autres pays, notamment la Belgique, ont étudié ce mode de surveillance avec des perspectives intéressantes ; c'est aussi une façon d'avancer sur la voie de la responsabilisation et de la participation du patient à son dossier médical. Ceci sera concrétisé par cette loi dont j'ai parlé.
Mieux connaître les effets indésirables est un préalable pour mieux les prévenir. La prévention de ces effets secondaires passe d'abord par le bon usage de ces médicaments, par les choix pertinents en matière d'association médicamenteuse pour renforcer l'efficacité et réduire ces effets indésirables. Le choix du moment pour débuter son traitement demeure parfois difficile. La décision doit tenir compte de paramètres médicaux, en particulier de la charge virale plasmatique, des lymphocytes CD4, mais également de la préparation et de l'adhésion de la personne vis-à-vis des contraintes de ce traitement. Non seulement la date du traitement mais le choix des molécules doit être pesé. La surveillance mise en place depuis l'avènement des trithérapies associant systématiquement une antiprotéase nous a révélé l'importance des problèmes de tolérance, parfois à court terme, très fréquemment à long terme. Ces effets touchent de 30 à 60% des patients. Les troubles du métabolisme des lipides, les hyperlipidémies, et les lipoatrophies sont des effets secondaires qu'il faut impérativement prendre en compte. D'une part ils peuvent avoir pour conséquence des troubles vasculaires mais d'autre part ces lipoatrophies ont des conséquences visibles notamment au niveau du visage et constituent une contrainte physique et psychologique majeure. Le caractère visible de cette lipoatrophie peut conduire à une reconnaissance de la maladie par des personnes tierces, elle peut donc être stigmatisante, elle peut conduire à des abandons de traitement avec les conséquences sur la progression de la maladie que nous devinons. Elle nécessite donc une prise en charge. Permettre une meilleure tolérance du traitement est un véritable impératif de qualité de prise en charge et une aide à l'observance du traitement. Nous devons donc étudier les modalités de prise en charge par l'assurance maladie de ces produits de comblement. Une étude est en cours d'évaluation à la Pitié Salpêtrière, et les résultats provisoires semblent répondre aux attentes. Il nous faut étudier également le coût de prise en charge en fonction du nombre de patients à traiter et du rythme de répétition de ce traitement. Plus généralement, c'est le statut de ces produits de réparation qu'il faut revoir à la lumière de ces nouvelles indications. J'ai pris avec les représentants du TRT-5 que j'ai rencontrés mardi dernier un certain nombre d'engagements pour prendre la mesure des dispositions nécessaires.
De la même façon, nous savons avec quelle fréquence l'infection à VIH et les traitements antirétroviraux ont des effets secondaires concernant la peau. Les manifestations dermatologiques dues à la maladie ou aux traitements doivent également faire l'objet de cette évaluation et d'une demande de prise en charge. Un effort dans l'accès à ces produits doit pouvoir être consenti au niveau des pharmacies hospitalières. Là aussi je me suis engagé à travailler en ce sens.
Reste à débattre de la question du Viagra. Le principe du remboursement d'un médicament contre les troubles de l'érection est acquis. L'Edex ( ?), ce médicament qui s'utilise par voie injectable, sera remboursé sous condition de maladies organiques responsables de ces troubles, maladies neurologiques ou diabète notamment. Faut-il étendre ce remboursement au Viagra ? Faut-il inscrire la maladie à VIH dans la liste des maladies donnant droit à ce remboursement ? Il nous faut en débattre, (et nous allons là encore...) je ne peux pas faire ces démarches avant d'en évaluer le coût. Ainsi le principe de ces modes de prise en charge doivent être clairs.
Tout ce qui aidera les personnes atteintes à mieux vivre leur maladie, à mieux tolérer leur traitement, à mieux adhérer à leur thérapeutique, doit être pris en compte dans les stratégies de prise en charge.
J'ai fait aussi de la lutte contre la douleur une priorité clairement affichée il y a quelques années. Lutter contre les effets indésirables c'est encore lutter contre la douleur. Douleur du traitement à supporter, douleur des effets visibles du traitement, douleur de la perte possible d'une activité sexuelle. Mais il faut aussi faire preuve de prudence. Les effets secondaires du Viagra, ses interactions avec les autres médicaments sont à prendre en compte, en particulier en ce qui concerne les antiprotéases.
Le deuxième problème que je voudrais évoquer, et le plus préoccupant sans doute, est celui de l'échec thérapeutique, de la perte d'efficacité des antirétroviraux du fait des mutations de virus générant des résistances. Cet échappement thérapeutique concerne un nombre croissant de malades. Vos estimations portent sur 5000 à 8000 patients concernés par ces phénomènes de résistances, demain sans doute nettement plus. Que pouvons nous faire ? Le développement rapide de la résistance du virus remet en cause les succès thérapeutiques enregistrés. Ce sont nos espoirs de maîtrise de la maladie qui sont remis en cause. Ce n'est pas là le thème précis de notre colloque mais la question est si importante qu'elle mérite d'être posée ce matin devant vous. Bien entendu c'est de la recherche thérapeutique que viendront les solutions. Il peut s'agir de nouvelles molécules. Il faut encourager, favoriser, le développement de ces nouvelles thérapeutiques, notamment et surtout s'il s'agit d'une nouvelle famille de médicaments. C'est le rôle de l'ANRS en liaison avec l'AFSSAPS de favoriser le développement de ces recherches à notre échelle en France. Je pense aux espoirs suscités par ce produit nouveau intitulé T-20 des laboratoires Roche. Il s'agit du premier représentant d'un nouvelle classe pharmacologique, les inhibiteurs de fusion. Il faut que nous sachions trouver les voies permettant le développement le plus rapide pour les travaux de recherche, mais aussi respecter les différentes phases d'essais cliniques pour ne pas céder à la tentation de brûler les étapes et de mettre à la disposition des malades des médicaments qui n'auraient pas fait preuve de leur sécurité d'emploi. Dès que les espoirs apparaissent fondés, c'est-à-dire dès la phase II, il faut favoriser la mise à disposition compassionnelle. Cette mise à disposition doit être envisagée avant la phase III - envisagée, pas permise - envisagée avant la phase III pour que les quantités de produits disponibles répondent à la fois aux besoins des études de phase III et aux besoins de prescription à titre compassionnel.
L'AFSSAPS et l'ANRS déploient avec vous, associations, des efforts considérables pour renforcer cette accessibilité aux traitements. Une révision des critères d'enregistrement des antirétroviraux est à l'étude. Nous devons dans cette approche tenir compte de la dimension européenne de la pharmacovigilance. Les partenariats européens doivent être l'occasion de renforcer et d'accélérer la recherche clinique en permettant notamment une inclusion plus rapide des patients nécessaires à une phase III. Je pense qu'il faut dès à présent prévoir des dispositions renforçant la réponse aux besoins pour les malades en échappement thérapeutique grave. Comme je l'ai dit à vos représentants mardi, j'engagerai une rencontre avec les firmes pharmaceutiques concernées. Nous le faisons ensemble d'ailleurs.
Je voudrais saluer ces efforts, vos efforts à tous, et vous dire que nous sommes là pour trouver ensemble les voies d'une thérapeutique plus efficace et mieux tolérée. Demain sans doute, d'autres stratégies seront disponibles : celle des traitements séquentiels, soulageant les malades de ces prises quotidiennes ininterrompues, celle de l'immunothérapie associée aux antirétroviraux et un jour, celle du vaccin. D'ici là, nos efforts doivent permettre aux personnes atteintes par le VIH, aux malades du sida, de vivre avec le VIH, de travailler avec le VIH, d'avoir une vie sociale et familiale sur laquelle les contraintes des traitements, leurs effets indésirables soient au mieux maîtrisés. Restez je vous en prie ces acteurs vigilants de la santé publique que je salue aujourd'hui une fois de plus. Nous avons besoin de vous. Nous le voyons, la participation des malades et des associations d'usagers à la politique de santé, à la politique du médicament, à la politique de soins en général, est une contribution nécessaire à la qualité, et sans doute parfois la seule manière de contourner, comment dirais-je, les pesanteurs, les conservatismes et les résistances. Merci beaucoup.
(source http://www.trt.5.free.fr, le 30 janvier 2002)
Cette journée, votre journée, que le groupe inter-associatif tient au Ministère de la Santé, illustre l'évolution des relations entre les scientifiques, les associations et les politiques.
Le groupe inter-associatif TRT-5 regroupe les associations majeures de la lutte contre le sida. Ces associations sont aujourd'hui directement engagées dans une évaluation des besoins des malades, dans une évaluation des effets des traitements, dans une démarche également de proposition pour améliorer les modes de prise en charge de l'infection à VIH. C'est là, et encore une fois dans le domaine du sida, que les associations se montrent parmi les plus actives, y compris très clairement dans le champ de la thérapeutique traditionnellement réservé aux scientifiques. Cette évolution s'inscrit directement dans ce que nous avons appelé le processus de démocratie sanitaire qui doit comprendre nécessairement une amélioration de l'accès aux données scientifiques disponibles pour les malades, et je dirais globalement pour tous les malades.
Nous devons avoir également une attention permanente sur l'évolution de leurs besoins et la participation des malades et des associations qui les représentent est nécessaire, je dirais indispensable, à l'amélioration des choix en matière de politique de santé, qu'il s'agisse de prévention ou de prise en charge thérapeutique. Et d'ailleurs dans cet amphithéâtre, il y a deux ou trois ans, peut-être un peu plus, nous avons reçu pour la première fois les associations de malades ensemble, qui n'étaient jamais rentrées dans ce Ministère. Quelques unes avaient eu des rendez-vous, avaient obtenu un entretien, mais en tant que telle, une journée des associations de malades, ça n'avait jamais été fait. Bien entendu je souhaite poursuivre ces échanges et nous avons multiplié les occasions de le faire. Les Etats Généraux de la Santé avaient clairement souligné ces besoins de transparence et de participation. La loi de modernisation du système de santé qui sera soumise au Parlement j'espère dans les mois qui viennent, répondra à cette attente. J'espère dans les mois qui viennent parce que j'espère que ce sera avant les vacances, si ce n'est pas avant les vacances parce qu'il n'y a pas assez de place, ce sera je pense avant la fin de l'année.
Aujourd'hui, il convient d'analyser les nouveaux besoins dans l'infection à VIH pour adapter nos modes de prise en charge. Ces journées organisées par TRT-5 mettent en avant l'importance du problème posé par les effets indésirables des traitements antirétroviraux et la nécessité de renforcer la pharmacovigilance à leur sujet. A quels défis sommes nous donc confrontés aujourd'hui dans le développement de ces thérapeutiques ? A la décennie 80 qui fut celle du dénuement thérapeutique, avec tout de même l'avènement de l'AZT en 87, à la décennie 90 qui fut celle de l'espoir que les médicaments enrayeraient définitivement la progression du virus, avec notamment l'avènement des antiprotéases en 1996 et le début des trithérapies, ont succédé les années 2000 qui se sont ouvertes sur une forme de désenchantement ou de désillusion devant un double problème.
D'abord celui de la tolérance des traitements au long cours avec la survenue de multiples effets indésirables ou complications venant s'opposer à l'observance régulière indispensable. Ensuite celui de l'échappement thérapeutique, c'est-à-dire la résistance développée par le virus grâce à ses mutations fréquentes vis-à-vis de la plupart des antirétroviraux.
Ajoutons, même si ce n'est pas le sujet de cette journée, de votre journée, que le principal problème du traitement, c'est, dans le monde, celui de l'accès pour tous aux antirétroviraux, si vous permettez. Et je ne peux que déplorer la lenteur des progrès accomplis sur ce sujet depuis 3 ans, quand nous avions lancé cet appel d'Abidjan à la solidarité internationale pour que se constitue un fonds de solidarité thérapeutique. A l'heure où nous débattons ici des effets indésirables des médicaments, nous ne pouvons pas ne pas évoquer la situation de ceux, si nombreux, les plus nombreux, qui n'ont accès à aucun traitement. Des initiatives permettent d'espérer des améliorations, qu'il s'agisse du développement de recours aux génériques, qu'il s'agisse de réductions des prix consenties par l'industrie pharmaceutique ou qu'il s'agisse du problème des brevets, c'est-à-dire de la fabrication, avec le procès d'Afrique du Sud ou ce qui se passe au Brésil. Aucune de ces voies ne doit être négligée pour que les traitements arrivent enfin là où ils doivent être disponibles, c'est-à-dire partout où les malades les attendent.
Car s'il est essentiel que soit débattu aujourd'hui, ici, le problème des effets indésirables des médicaments, il nous faut rappeler qu'ils ont permis une réduction majeure de la mortalité et de la morbidité liées à l'infection à VIH. Vous connaissez tous les chiffres, il est inutile de les rappeler, simplement, tout de même, il y a eu 8 fois moins de décès par sida en 1999 par rapport à 1994. Et cette réduction de la mortalité a également, malheureusement, fait reculer certaines craintes vis-à-vis de cette maladie et conduit à un relâchement préoccupant des conduites de prévention comme nous l'avons lu il y a quelques jours.
La prévention est un autre sujet. Mais il faut que notre stratégie de maîtrise du VIH redéfinisse certains axes précisément quand nous voyons aujourd'hui les limites et les difficultés des traitements antirétroviraux. Notre plan de prévention est en cours de redéfinition, nous en avons parlé ce matin, il devra être particulièrement ciblé sur les groupes aujourd'hui les plus exposés, les plus vulnérables à l'infection, notamment dans les lieux de rencontre et de pratique sexuelle. Mais il faut également prendre en compte la situation spécifique des femmes vis-à-vis du VIH, en particulier des femmes insuffisamment informées ou soumises à des violences, ou à des activités les exposant gravement à une contamination.
Car le constat que nous devons faire aujourd'hui c'est que le traitement de cette maladie est un traitement de durée indéfinie, tout au long de la vie, un traitement lourd de conséquences, très contraignant pour les malades en raison du poids des effets secondaires et de toutes les contraintes que suppose cette thérapeutique. Les effets indésirables des médicaments ne sont pas quelque chose de nouveau ; tous les médicaments sont concernés. Mieux connaître la fréquence et le type de ces effets est exactement le rôle de la pharmacovigilance. Nous disposons sans doute de l'un des meilleurs systèmes européens sur ce sujet. Mais nous savons que la déclaration des effets indésirables, des effets iatrogènes des médicaments, n'est pas toujours correctement effectuée par les médecins. Une sous-estimation des problèmes en résulte, ou même une méconnaissance de certains effets. C'est pourquoi il faut réfléchir à ce que pourrait être une déclaration des effets indésirables par les patients eux-mêmes. C'est une pratique qu'il nous faut encourager, encadrer, travailler avec vous. D'autres pays, notamment la Belgique, ont étudié ce mode de surveillance avec des perspectives intéressantes ; c'est aussi une façon d'avancer sur la voie de la responsabilisation et de la participation du patient à son dossier médical. Ceci sera concrétisé par cette loi dont j'ai parlé.
Mieux connaître les effets indésirables est un préalable pour mieux les prévenir. La prévention de ces effets secondaires passe d'abord par le bon usage de ces médicaments, par les choix pertinents en matière d'association médicamenteuse pour renforcer l'efficacité et réduire ces effets indésirables. Le choix du moment pour débuter son traitement demeure parfois difficile. La décision doit tenir compte de paramètres médicaux, en particulier de la charge virale plasmatique, des lymphocytes CD4, mais également de la préparation et de l'adhésion de la personne vis-à-vis des contraintes de ce traitement. Non seulement la date du traitement mais le choix des molécules doit être pesé. La surveillance mise en place depuis l'avènement des trithérapies associant systématiquement une antiprotéase nous a révélé l'importance des problèmes de tolérance, parfois à court terme, très fréquemment à long terme. Ces effets touchent de 30 à 60% des patients. Les troubles du métabolisme des lipides, les hyperlipidémies, et les lipoatrophies sont des effets secondaires qu'il faut impérativement prendre en compte. D'une part ils peuvent avoir pour conséquence des troubles vasculaires mais d'autre part ces lipoatrophies ont des conséquences visibles notamment au niveau du visage et constituent une contrainte physique et psychologique majeure. Le caractère visible de cette lipoatrophie peut conduire à une reconnaissance de la maladie par des personnes tierces, elle peut donc être stigmatisante, elle peut conduire à des abandons de traitement avec les conséquences sur la progression de la maladie que nous devinons. Elle nécessite donc une prise en charge. Permettre une meilleure tolérance du traitement est un véritable impératif de qualité de prise en charge et une aide à l'observance du traitement. Nous devons donc étudier les modalités de prise en charge par l'assurance maladie de ces produits de comblement. Une étude est en cours d'évaluation à la Pitié Salpêtrière, et les résultats provisoires semblent répondre aux attentes. Il nous faut étudier également le coût de prise en charge en fonction du nombre de patients à traiter et du rythme de répétition de ce traitement. Plus généralement, c'est le statut de ces produits de réparation qu'il faut revoir à la lumière de ces nouvelles indications. J'ai pris avec les représentants du TRT-5 que j'ai rencontrés mardi dernier un certain nombre d'engagements pour prendre la mesure des dispositions nécessaires.
De la même façon, nous savons avec quelle fréquence l'infection à VIH et les traitements antirétroviraux ont des effets secondaires concernant la peau. Les manifestations dermatologiques dues à la maladie ou aux traitements doivent également faire l'objet de cette évaluation et d'une demande de prise en charge. Un effort dans l'accès à ces produits doit pouvoir être consenti au niveau des pharmacies hospitalières. Là aussi je me suis engagé à travailler en ce sens.
Reste à débattre de la question du Viagra. Le principe du remboursement d'un médicament contre les troubles de l'érection est acquis. L'Edex ( ?), ce médicament qui s'utilise par voie injectable, sera remboursé sous condition de maladies organiques responsables de ces troubles, maladies neurologiques ou diabète notamment. Faut-il étendre ce remboursement au Viagra ? Faut-il inscrire la maladie à VIH dans la liste des maladies donnant droit à ce remboursement ? Il nous faut en débattre, (et nous allons là encore...) je ne peux pas faire ces démarches avant d'en évaluer le coût. Ainsi le principe de ces modes de prise en charge doivent être clairs.
Tout ce qui aidera les personnes atteintes à mieux vivre leur maladie, à mieux tolérer leur traitement, à mieux adhérer à leur thérapeutique, doit être pris en compte dans les stratégies de prise en charge.
J'ai fait aussi de la lutte contre la douleur une priorité clairement affichée il y a quelques années. Lutter contre les effets indésirables c'est encore lutter contre la douleur. Douleur du traitement à supporter, douleur des effets visibles du traitement, douleur de la perte possible d'une activité sexuelle. Mais il faut aussi faire preuve de prudence. Les effets secondaires du Viagra, ses interactions avec les autres médicaments sont à prendre en compte, en particulier en ce qui concerne les antiprotéases.
Le deuxième problème que je voudrais évoquer, et le plus préoccupant sans doute, est celui de l'échec thérapeutique, de la perte d'efficacité des antirétroviraux du fait des mutations de virus générant des résistances. Cet échappement thérapeutique concerne un nombre croissant de malades. Vos estimations portent sur 5000 à 8000 patients concernés par ces phénomènes de résistances, demain sans doute nettement plus. Que pouvons nous faire ? Le développement rapide de la résistance du virus remet en cause les succès thérapeutiques enregistrés. Ce sont nos espoirs de maîtrise de la maladie qui sont remis en cause. Ce n'est pas là le thème précis de notre colloque mais la question est si importante qu'elle mérite d'être posée ce matin devant vous. Bien entendu c'est de la recherche thérapeutique que viendront les solutions. Il peut s'agir de nouvelles molécules. Il faut encourager, favoriser, le développement de ces nouvelles thérapeutiques, notamment et surtout s'il s'agit d'une nouvelle famille de médicaments. C'est le rôle de l'ANRS en liaison avec l'AFSSAPS de favoriser le développement de ces recherches à notre échelle en France. Je pense aux espoirs suscités par ce produit nouveau intitulé T-20 des laboratoires Roche. Il s'agit du premier représentant d'un nouvelle classe pharmacologique, les inhibiteurs de fusion. Il faut que nous sachions trouver les voies permettant le développement le plus rapide pour les travaux de recherche, mais aussi respecter les différentes phases d'essais cliniques pour ne pas céder à la tentation de brûler les étapes et de mettre à la disposition des malades des médicaments qui n'auraient pas fait preuve de leur sécurité d'emploi. Dès que les espoirs apparaissent fondés, c'est-à-dire dès la phase II, il faut favoriser la mise à disposition compassionnelle. Cette mise à disposition doit être envisagée avant la phase III - envisagée, pas permise - envisagée avant la phase III pour que les quantités de produits disponibles répondent à la fois aux besoins des études de phase III et aux besoins de prescription à titre compassionnel.
L'AFSSAPS et l'ANRS déploient avec vous, associations, des efforts considérables pour renforcer cette accessibilité aux traitements. Une révision des critères d'enregistrement des antirétroviraux est à l'étude. Nous devons dans cette approche tenir compte de la dimension européenne de la pharmacovigilance. Les partenariats européens doivent être l'occasion de renforcer et d'accélérer la recherche clinique en permettant notamment une inclusion plus rapide des patients nécessaires à une phase III. Je pense qu'il faut dès à présent prévoir des dispositions renforçant la réponse aux besoins pour les malades en échappement thérapeutique grave. Comme je l'ai dit à vos représentants mardi, j'engagerai une rencontre avec les firmes pharmaceutiques concernées. Nous le faisons ensemble d'ailleurs.
Je voudrais saluer ces efforts, vos efforts à tous, et vous dire que nous sommes là pour trouver ensemble les voies d'une thérapeutique plus efficace et mieux tolérée. Demain sans doute, d'autres stratégies seront disponibles : celle des traitements séquentiels, soulageant les malades de ces prises quotidiennes ininterrompues, celle de l'immunothérapie associée aux antirétroviraux et un jour, celle du vaccin. D'ici là, nos efforts doivent permettre aux personnes atteintes par le VIH, aux malades du sida, de vivre avec le VIH, de travailler avec le VIH, d'avoir une vie sociale et familiale sur laquelle les contraintes des traitements, leurs effets indésirables soient au mieux maîtrisés. Restez je vous en prie ces acteurs vigilants de la santé publique que je salue aujourd'hui une fois de plus. Nous avons besoin de vous. Nous le voyons, la participation des malades et des associations d'usagers à la politique de santé, à la politique du médicament, à la politique de soins en général, est une contribution nécessaire à la qualité, et sans doute parfois la seule manière de contourner, comment dirais-je, les pesanteurs, les conservatismes et les résistances. Merci beaucoup.
(source http://www.trt.5.free.fr, le 30 janvier 2002)