Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver à l'occasion de cette cérémonie des vux. Cette année, grâce à l'accueil du ministre des Affaires étrangères, Hubert VÉDRINE, je vous reçois au Quai d'Orsay. En effet, l'Hôtel de Matignon, où d'importants travaux de réfection sont en cours après l'incendie du 31 août dernier, n'aurait pu vous rassembler tous.
Après ces travaux, je laisserai à mon successeur, ou à celle qui me succèdera - car j'ai noté qu'il n'y avait pas de féminin à successeur, ni " successrice ", ni " successeuse ", ce qui témoigne d'un machisme qui envahit tout y compris Matignon- un Hôtel de Matignon rénové, modernisé et plus sûr. C'était souhaitable, car cette maison est au centre du pouvoir politique et administratif, le lieu où bat le cur de l'action gouvernementale. Vers lui remontent les crises, les difficultés et des interpellations de tous ordres. C'est pourquoi le " 57, rue de Varenne " est pour vous tous, journalistes, un endroit clef dans le paysage politique français. J'ai eu le plaisir de vous y voir souvent. Vous entretenez également des contacts réguliers avec les membres de mon cabinet, en particulier Olivier SCHRAMECK, Dominique MARCEL, Yves COLMOU -qui a succédé à Manuel VALLS-, Marie d'OUINCE, Isabelle CLAP, Jean-Michel GRAU -qui a succédé à Henri PETITGAND- et Nathalie MERCIER, nouvellement arrivée. Je me réjouis de la qualité des rapports noués avec vous même si Jean-François BEGE a fait allusion à quelques " affrontements virils " -que par un brin de flatterie à son égard, je lierai à notre commune culture du Sud-Ouest. S'il m'est arrivé quelquefois d'être un peu vif dans l'échange d'idées, dans la défense de choses auxquelles je crois, en tout cas jamais moi-même où mes collaborateurs n'avons fait pression sur vous et je vous ai tous respectés.
Je remercie votre Président, Jean-François BEGE, des vux qu'il vient de former en votre nom. A mon tour, je vous adresse à tous, ainsi qu'à vos confrères qui n'ont pu se joindre à nous, mes vux les plus cordiaux pour 2002.
A l'entendre évoquer les cinq fois où nous nous sommes présentés ces voeux, j'ai bien compris qu'il était temps que j'exauce votre vu le plus secret, qui est de ne pas me voir vous les présenter une sixième fois -à Matignon Pendant ces cinq années, la presse a joué son rôle d'information de nos concitoyens et nous nous sommes efforcés de l'y aider. Je veux saluer tous les journalistes -de la presse écrite quotidienne ou hebdomadaire, nationale ou régionale, de la télévision ou de la radio, et maintenant d'internet-, qui font vivre la liberté de penser et d'écrire, nourrissent le débat public et concourent à la vigueur de notre démocratie.
La liberté de la presse est une valeur fondamentale. Je le dis avec une pensée particulière pour les journalistes qui, au cours de l'année passée, ont payé de leur vie leur engagement au service de l'information, pour Pierre BILLAUD, de RTL, et Johanne SUTTON, de RFI, assassinés en Afghanistan, comme six de vos confrères étrangers. Je me réjouis que Michel PEYRARD, de Paris Match, retenu en otage, ait pu être libéré grâce notamment à l'intervention de notre diplomatie. A chaque fois, le Gouvernement a fait tout ce qui était possible pour se tenir aux côtés des familles, et je vous sais gré, Monsieur le Président, de l'avoir senti et de l'avoir dit. Ces drames ont souligné les risques extrêmes que peuvent courir les reporters dans l'accomplissement passionné de leur métier, en particulier lorsque, comme en 2001, l'année est marquée par des événements graves et dramatiques.
2001 s'inscrira en effet dans l'histoire comme l'année des attentats du 11 septembre à Washington et à New York. Cet événement effroyable, presque inimaginable, nous a bouleversés. Il a eu des conséquences mondiales. Les Etats-Unis ont réagi avec toute la vigueur de leur puissance. Les pouvoirs publics de notre pays, sa diplomatie, sa défense, se sont mobilisés pour apporter de manière claire, résolue et coordonnée les réponses qu'appelait le défi lancé par le terrorisme.
La France a pleinement participé à l'action de la communauté internationale contre le terrorisme : dans toutes les instances -au sein de l'Union européenne, au G8, au GAFI, à l'ONU- et sur tous les plans -judiciaire, financier, policier et militaire. Nos forces ont contribué, à la mesure de ce qui leur a été demandé, à la campagne militaire conduite par les Américains, notamment par l'engagement de moyens aériens et du groupe aéronaval. A Mazar-e-Charif, à Kaboul, nos forces concourent aux premiers éléments de la présence internationale souhaitée par l'ONU pour faciliter l'installation d'institutions politiques représentatives, qui doivent rendre aux Afghans leur droit à vivre dans la sécurité et dans la liberté et affranchir les femmes de leur asservissement. Avec la chute du régime des talibans et grâce à l'accord de Bonn, l'Afghanistan a cessé de fournir une base au terrorisme international, même si la lutte contre Al-Qaïda doit se poursuivre.
En ce début d'année, nous restons confrontés à de sérieuses incertitudes. Les ramifications des réseaux terroristes dans le monde n'ont pas disparu avec la libération de Kaboul ou la chute de Kandahar. L'hypothèse de menaces liées à la dissémination d'armes de destruction massive ne doit pas être surestimée mais encore moins traitée avec légèreté. Des tensions inquiétantes sont réapparues entre l'Inde et le Pakistan. Au Proche-Orient, la spirale des violences meurtrières a mis en cause les bases mêmes du dialogue, et l'indispensable reprise de la négociation, conformément aux principes de droit constamment rappelés par la France, apparaît désormais plus difficile à atteindre. Nous devrons cette année saisir toutes les occasions pour faire entendre la voix de la raison et pour redonner un espoir aux peuples de la région.
Le monde a besoin de paix. Celle-ci doit parfois être restaurée par la force, mise au service du droit : c'est ce qui est en cause en Afghanistan. Mais la paix se construit surtout par la justice et le respect des droits de chaque être humain : les libertés fondamentales, le développement économique et le progrès social, la préservation de son environnement, le respect de son identité et de sa culture. Que ces droits soient bafoués, et c'est la paix qui est fragilisée.
Les identités culturelles doivent être affirmées et défendues. Le marché uniformise peu à peu les habitudes de consommation, les modes de vie, mais aussi les pratiques culturelles. La diversité des cultures humaines est pourtant un bien précieux pour l'humanité : c'est cette conviction qui anime tous ceux qui, depuis longtemps, se battent pour la diversité culturelle. C'est au nom de cette conviction que mon gouvernement a mis un terme aux négociations sur l'AMI, cet accord qui envisageait de traiter les uvres de l'esprit comme des marchandises, qu'il a veillé à maintenir la culture hors du champ de la conférence de l'OMC à Doha ; c'est pourquoi il agit dans l'Union pour la défense des cultures européennes.
Ce combat n'est pas mené pour la sauvegarde de la seule culture française. Mais pour celle de toutes les cultures et c'est pourquoi il est juste de parler de diversité culturelle.
Mais pour faire vivre cette diversité, il est souvent indispensable de défendre l'exception culturelle. Les uvres de l'esprit ont besoin, pour éclore et s'épanouir, d'un environnement favorable et de ne pas être sacrifiées au nom du seul profit. Il faut donc savoir protéger l'acte de création et permettre aux jeunes talents de trouver leur place, ce qui prend souvent du temps. Disant cela, je pense en particulier au cinéma. C'est pourquoi nous pouvons nous féliciter que la France, en conservant des mécanismes de soutien à la création qui échappent partiellement aux règles du marché, ait réussi à préserver et à développer une puissance et une originalité de création que nous envient nos voisins -et qu'elle en ait fait aussi profiter d'autres. Je recevais récemment à Matignon Youssef CHAHINE après la projection de son dernier film et il me disait combien de films d'Egyptiens, d'Iraniens, d'Iraniennes ou d'Asiatiques n'auraient pu voir le jour s'ils n'avaient pu bénéficier de ces mécanismes d'aides et de protections que l'organisation du cinéma français et de notre droit a permis. C'est bien là où l'on voit que l'exception culturelle, loin d'être une exception française, peut elle-même nourrir et faire vivre la diversité culturelle. Ces mécanismes ont été renforcés par mon gouvernement et nous sommes convaincus qu'ils peuvent inspirer les politiques publiques ailleurs dans le monde.
Mesdames, Messieurs,
Dans notre monde globalisé mais qui reste fragmenté et instable, nous pouvons saluer, en ce début d'année, un grand événement. Dans la tranquillité et une forme de fierté collective, 300 millions d'Européens viennent d'adopter leur nouvelle monnaie : l'euro. Ainsi, douze nations confortent leur stabilité face aux désordres qui perturbent le système financier international. Grâce à la monnaie unique, l'Europe vient de franchir une étape concrète et décisive pour son avenir.
Aujourd'hui, l'euro s'impose, presque naturellement, dans la vie du pays. Cette réussite est celle de tous les Français. Le Gouvernement en a pris toute sa part. Il y a trois ans, il a qualifié la France pour l'euro. Puis il en a préparé l'introduction, veillant en particulier à la sécurité des opérations, à l'information de nos concitoyens et à la stabilité des prix. Sur ce dernier point, soyez en sûr, notre vigilance ne se relâchera pas. Depuis deux ans, ce travail a été mené par les services de l'Etat, en particulier ceux du ministère des Finances, et ceux de la Banque de France, en étroite collaboration avec les professions concernées. Je veux rendre hommage à tous les commerçants qui ont aidé nos concitoyens à faire leurs premiers gestes en euros, aux personnels des banques et de La Poste, aux transporteurs de fonds et aux agents de sécurité. C'est sur cet accomplissement qu'a débouché le travail gouvernemental mené en 2001.
Tout au long de l'année passée, d'importantes réformes législatives ont été engagées, qu'il s'agisse de la sécurité intérieure, de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, des nouvelles régulations économiques, de l'épargne salariale, du statut de la magistrature, de la Corse, de la refonte de l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances ou encore de la loi sur la modernisation sociale avec ses avancées, malgré la suppression d'une de ses dispositions. Au 1er janvier 2002 sont entrées en vigueur, outre la revalorisation de plusieurs minima sociaux, deux importantes réformes. L'allocation personnalisée d'autonomie bénéficiera à 800.000 personnes âgées ayant besoin d'aide pour accomplir les actes essentiels de la vie. Cette allocation sera plus généreuse et plus équitable que les dispositifs qu'elle remplace. Le congé de paternité permet désormais aux pères d'être présents pour accueillir leur enfant. C'est là un progrès symbolique, concret et novateur pour la vie familiale.
Pendant l'année 2001, le Gouvernement a fait face à plusieurs situations de crise : les inondations en Bretagne puis dans la Somme, la sécurisation du site d'explosifs de Vimy, la catastrophe de l'usine AZF à Toulouse, la mise en place du plan Vigipirate renforcé et du plan Biotox contre les menaces d'attaques biologiques après les attentats du 11 septembre. A chaque fois, le Gouvernement, soucieux de parer à l'urgence puis d'agir dans la durée, a mobilisé les services de l'Etat pour organiser la solidarité nationale, protéger les personnes et les biens, reconstruire ce qui pouvait l'être. C'est avec la même volonté que, sans démagogie, il a poursuivi son action contre la violence et l'insécurité.
Nous avons réagi rapidement au ralentissement économique international. Les attentats du 11 septembre ont accentué le choc pour l'économie mondiale. Depuis quelques mois, cette dégradation a provoqué une remontée du chômage. Nous agissons pour inverser cette tendance et muscler l'économie. Le Gouvernement fait le maximum pour que reprenne le mouvement historique de baisse du chômage engagé en 1997 : plus de 900.000 chômeurs en moins, depuis quatre ans et demi, malgré la remontée récente.
Nous avons pris des mesures fortes pour soutenir la consommation et préserver la confiance : d'abord les baisses d'impôt au mois de septembre, puis le doublement de la prime pour l'emploi grâce au versement que recevront, d'ici le 18 janvier, près de neuf millions de Français aux revenus modestes. Ainsi, un couple au SMIC avec deux enfants va toucher 520 euros, puis 1040 euros en septembre 2002. Sur l'année 2002, cette famille percevra au titre de la prime pour l'emploi un complément de revenu équivalant à un mois et demi de salaire.
Nous agissons aussi directement sur le front de l'emploi. J'insiste sur la nécessaire mobilisation de nos administrations, des collectivités locales, des associations afin que les demandeurs d'emploi puissent rapidement bénéficier des dizaines de milliers d'emplois disponibles, que ce soit au titre des emplois jeunes ou des CES.
Cette action et nos choix antérieurs de politique économique expliquent que la France résiste mieux que les autres pays européens au ralentissement mondial. La confiance des Français s'est maintenue, car leur pouvoir d'achat a continué de progresser, et la consommation est robuste. Malgré la conjoncture moins favorable de la fin de l'année passée, nous aurons au minimum une croissance de 2 % en 2001, une des meilleures des pays du G7. La France devrait être une des mieux placées dans la seconde partie de 2002, si les premiers signes d'un changement de climat économique qui apparaissent aux Etats-Unis et en Europe se confirment.
Réformes, gestion des crises, soutien de la croissance : le Gouvernement, appuyé par sa majorité, a assumé les responsabilités qui étaient les siennes.
Mesdames, Messieurs,
C'est précisément l'esprit de responsabilité que j'avais revendiqué, il y a bientôt cinq ans, lors de ma déclaration de politique générale prononcée devant la Représentation nationale. Mon gouvernement " négociera sa route mais il ne se laissera pas dévier de son but. () Il n'y aura ni pause, ni recul, ni reniement ", concluais-je alors.
Cette route fut parfois malaisée. Nous avons forcément rencontré des obstacles. C'est le lot de tout gouvernement qui agit dans la durée mais nous avons redoublé d'efforts pour les franchir. Nous avons connu des échecs. Mais nous avons toujours cherché à en tirer les leçons. Nous avons obtenu aussi des résultats solides et mené à bien de belles réformes qui ont remis en mouvement notre société. La baisse très forte du chômage, notamment grâce aux emplois jeunes et aux 35 heures, qui a rendu l'espoir à des millions de Français. La parité, qui marque une étape historique dans la marche pour l'égalité entre les femmes et les hommes. La Couverture maladie universelle, qui a permis à des millions de Français d'accéder vraiment aux soins. Le PACS, qui a pris en compte l'évolution des modes de vie. La limitation du cumul des mandats qui, bien qu'inachevée, contribue à répondre au besoin exprimé par les Français d'une modernisation de la vie politique.
L'esprit de responsabilité, nous avons voulu, jusqu'au bout, l'assumer. Mon gouvernement aura refusé l'alternative dans laquelle on a souvent voulu l'enfermer : l'abandon de ses valeurs ou l'échec face au réel. Nous sommes restés fidèles à nos convictions. Et nous avons fait avancer notre pays. Nous avons tracé un sillon profond et qui ira loin.
Mesdames, Messieurs,
Pour ce gouvernement, l'année 2002 sera courte. Et donc le temps devant nous sera d'autant plus mis à profit. L'adaptation de la loi sur la présomption d'innocence pour mieux lutter contre l'impunité, le sort des enfants handicapés, la révision des lois de bioéthique, la lutte contre les pollutions de l'eau ou encore les droits des malades sont autant de motifs pour poursuivre les réformes.
Bientôt va s'ouvrir un nouveau temps pour notre pays. Le temps du débat, de la confrontation, du rendez-vous démocratique.
Le peuple français débattra des projets qui lui seront soumis, entendra les candidats et les candidates qui se présenteront à son suffrage. Puis il se prononcera. Il sera attentif aux discours mais il jugera aussi sur les actes. Ainsi, il choisira son avenir.
Mesdames, Messieurs,
Au seuil de cette nouvelle année, je vous présente, ainsi qu'à tous ceux qui vous sont chers, mes voeux chaleureux et cordiaux pour 2002.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2002)
Mesdames, Messieurs,
Je suis heureux de vous retrouver à l'occasion de cette cérémonie des vux. Cette année, grâce à l'accueil du ministre des Affaires étrangères, Hubert VÉDRINE, je vous reçois au Quai d'Orsay. En effet, l'Hôtel de Matignon, où d'importants travaux de réfection sont en cours après l'incendie du 31 août dernier, n'aurait pu vous rassembler tous.
Après ces travaux, je laisserai à mon successeur, ou à celle qui me succèdera - car j'ai noté qu'il n'y avait pas de féminin à successeur, ni " successrice ", ni " successeuse ", ce qui témoigne d'un machisme qui envahit tout y compris Matignon- un Hôtel de Matignon rénové, modernisé et plus sûr. C'était souhaitable, car cette maison est au centre du pouvoir politique et administratif, le lieu où bat le cur de l'action gouvernementale. Vers lui remontent les crises, les difficultés et des interpellations de tous ordres. C'est pourquoi le " 57, rue de Varenne " est pour vous tous, journalistes, un endroit clef dans le paysage politique français. J'ai eu le plaisir de vous y voir souvent. Vous entretenez également des contacts réguliers avec les membres de mon cabinet, en particulier Olivier SCHRAMECK, Dominique MARCEL, Yves COLMOU -qui a succédé à Manuel VALLS-, Marie d'OUINCE, Isabelle CLAP, Jean-Michel GRAU -qui a succédé à Henri PETITGAND- et Nathalie MERCIER, nouvellement arrivée. Je me réjouis de la qualité des rapports noués avec vous même si Jean-François BEGE a fait allusion à quelques " affrontements virils " -que par un brin de flatterie à son égard, je lierai à notre commune culture du Sud-Ouest. S'il m'est arrivé quelquefois d'être un peu vif dans l'échange d'idées, dans la défense de choses auxquelles je crois, en tout cas jamais moi-même où mes collaborateurs n'avons fait pression sur vous et je vous ai tous respectés.
Je remercie votre Président, Jean-François BEGE, des vux qu'il vient de former en votre nom. A mon tour, je vous adresse à tous, ainsi qu'à vos confrères qui n'ont pu se joindre à nous, mes vux les plus cordiaux pour 2002.
A l'entendre évoquer les cinq fois où nous nous sommes présentés ces voeux, j'ai bien compris qu'il était temps que j'exauce votre vu le plus secret, qui est de ne pas me voir vous les présenter une sixième fois -à Matignon Pendant ces cinq années, la presse a joué son rôle d'information de nos concitoyens et nous nous sommes efforcés de l'y aider. Je veux saluer tous les journalistes -de la presse écrite quotidienne ou hebdomadaire, nationale ou régionale, de la télévision ou de la radio, et maintenant d'internet-, qui font vivre la liberté de penser et d'écrire, nourrissent le débat public et concourent à la vigueur de notre démocratie.
La liberté de la presse est une valeur fondamentale. Je le dis avec une pensée particulière pour les journalistes qui, au cours de l'année passée, ont payé de leur vie leur engagement au service de l'information, pour Pierre BILLAUD, de RTL, et Johanne SUTTON, de RFI, assassinés en Afghanistan, comme six de vos confrères étrangers. Je me réjouis que Michel PEYRARD, de Paris Match, retenu en otage, ait pu être libéré grâce notamment à l'intervention de notre diplomatie. A chaque fois, le Gouvernement a fait tout ce qui était possible pour se tenir aux côtés des familles, et je vous sais gré, Monsieur le Président, de l'avoir senti et de l'avoir dit. Ces drames ont souligné les risques extrêmes que peuvent courir les reporters dans l'accomplissement passionné de leur métier, en particulier lorsque, comme en 2001, l'année est marquée par des événements graves et dramatiques.
2001 s'inscrira en effet dans l'histoire comme l'année des attentats du 11 septembre à Washington et à New York. Cet événement effroyable, presque inimaginable, nous a bouleversés. Il a eu des conséquences mondiales. Les Etats-Unis ont réagi avec toute la vigueur de leur puissance. Les pouvoirs publics de notre pays, sa diplomatie, sa défense, se sont mobilisés pour apporter de manière claire, résolue et coordonnée les réponses qu'appelait le défi lancé par le terrorisme.
La France a pleinement participé à l'action de la communauté internationale contre le terrorisme : dans toutes les instances -au sein de l'Union européenne, au G8, au GAFI, à l'ONU- et sur tous les plans -judiciaire, financier, policier et militaire. Nos forces ont contribué, à la mesure de ce qui leur a été demandé, à la campagne militaire conduite par les Américains, notamment par l'engagement de moyens aériens et du groupe aéronaval. A Mazar-e-Charif, à Kaboul, nos forces concourent aux premiers éléments de la présence internationale souhaitée par l'ONU pour faciliter l'installation d'institutions politiques représentatives, qui doivent rendre aux Afghans leur droit à vivre dans la sécurité et dans la liberté et affranchir les femmes de leur asservissement. Avec la chute du régime des talibans et grâce à l'accord de Bonn, l'Afghanistan a cessé de fournir une base au terrorisme international, même si la lutte contre Al-Qaïda doit se poursuivre.
En ce début d'année, nous restons confrontés à de sérieuses incertitudes. Les ramifications des réseaux terroristes dans le monde n'ont pas disparu avec la libération de Kaboul ou la chute de Kandahar. L'hypothèse de menaces liées à la dissémination d'armes de destruction massive ne doit pas être surestimée mais encore moins traitée avec légèreté. Des tensions inquiétantes sont réapparues entre l'Inde et le Pakistan. Au Proche-Orient, la spirale des violences meurtrières a mis en cause les bases mêmes du dialogue, et l'indispensable reprise de la négociation, conformément aux principes de droit constamment rappelés par la France, apparaît désormais plus difficile à atteindre. Nous devrons cette année saisir toutes les occasions pour faire entendre la voix de la raison et pour redonner un espoir aux peuples de la région.
Le monde a besoin de paix. Celle-ci doit parfois être restaurée par la force, mise au service du droit : c'est ce qui est en cause en Afghanistan. Mais la paix se construit surtout par la justice et le respect des droits de chaque être humain : les libertés fondamentales, le développement économique et le progrès social, la préservation de son environnement, le respect de son identité et de sa culture. Que ces droits soient bafoués, et c'est la paix qui est fragilisée.
Les identités culturelles doivent être affirmées et défendues. Le marché uniformise peu à peu les habitudes de consommation, les modes de vie, mais aussi les pratiques culturelles. La diversité des cultures humaines est pourtant un bien précieux pour l'humanité : c'est cette conviction qui anime tous ceux qui, depuis longtemps, se battent pour la diversité culturelle. C'est au nom de cette conviction que mon gouvernement a mis un terme aux négociations sur l'AMI, cet accord qui envisageait de traiter les uvres de l'esprit comme des marchandises, qu'il a veillé à maintenir la culture hors du champ de la conférence de l'OMC à Doha ; c'est pourquoi il agit dans l'Union pour la défense des cultures européennes.
Ce combat n'est pas mené pour la sauvegarde de la seule culture française. Mais pour celle de toutes les cultures et c'est pourquoi il est juste de parler de diversité culturelle.
Mais pour faire vivre cette diversité, il est souvent indispensable de défendre l'exception culturelle. Les uvres de l'esprit ont besoin, pour éclore et s'épanouir, d'un environnement favorable et de ne pas être sacrifiées au nom du seul profit. Il faut donc savoir protéger l'acte de création et permettre aux jeunes talents de trouver leur place, ce qui prend souvent du temps. Disant cela, je pense en particulier au cinéma. C'est pourquoi nous pouvons nous féliciter que la France, en conservant des mécanismes de soutien à la création qui échappent partiellement aux règles du marché, ait réussi à préserver et à développer une puissance et une originalité de création que nous envient nos voisins -et qu'elle en ait fait aussi profiter d'autres. Je recevais récemment à Matignon Youssef CHAHINE après la projection de son dernier film et il me disait combien de films d'Egyptiens, d'Iraniens, d'Iraniennes ou d'Asiatiques n'auraient pu voir le jour s'ils n'avaient pu bénéficier de ces mécanismes d'aides et de protections que l'organisation du cinéma français et de notre droit a permis. C'est bien là où l'on voit que l'exception culturelle, loin d'être une exception française, peut elle-même nourrir et faire vivre la diversité culturelle. Ces mécanismes ont été renforcés par mon gouvernement et nous sommes convaincus qu'ils peuvent inspirer les politiques publiques ailleurs dans le monde.
Mesdames, Messieurs,
Dans notre monde globalisé mais qui reste fragmenté et instable, nous pouvons saluer, en ce début d'année, un grand événement. Dans la tranquillité et une forme de fierté collective, 300 millions d'Européens viennent d'adopter leur nouvelle monnaie : l'euro. Ainsi, douze nations confortent leur stabilité face aux désordres qui perturbent le système financier international. Grâce à la monnaie unique, l'Europe vient de franchir une étape concrète et décisive pour son avenir.
Aujourd'hui, l'euro s'impose, presque naturellement, dans la vie du pays. Cette réussite est celle de tous les Français. Le Gouvernement en a pris toute sa part. Il y a trois ans, il a qualifié la France pour l'euro. Puis il en a préparé l'introduction, veillant en particulier à la sécurité des opérations, à l'information de nos concitoyens et à la stabilité des prix. Sur ce dernier point, soyez en sûr, notre vigilance ne se relâchera pas. Depuis deux ans, ce travail a été mené par les services de l'Etat, en particulier ceux du ministère des Finances, et ceux de la Banque de France, en étroite collaboration avec les professions concernées. Je veux rendre hommage à tous les commerçants qui ont aidé nos concitoyens à faire leurs premiers gestes en euros, aux personnels des banques et de La Poste, aux transporteurs de fonds et aux agents de sécurité. C'est sur cet accomplissement qu'a débouché le travail gouvernemental mené en 2001.
Tout au long de l'année passée, d'importantes réformes législatives ont été engagées, qu'il s'agisse de la sécurité intérieure, de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, des nouvelles régulations économiques, de l'épargne salariale, du statut de la magistrature, de la Corse, de la refonte de l'ordonnance de 1959 relative aux lois de finances ou encore de la loi sur la modernisation sociale avec ses avancées, malgré la suppression d'une de ses dispositions. Au 1er janvier 2002 sont entrées en vigueur, outre la revalorisation de plusieurs minima sociaux, deux importantes réformes. L'allocation personnalisée d'autonomie bénéficiera à 800.000 personnes âgées ayant besoin d'aide pour accomplir les actes essentiels de la vie. Cette allocation sera plus généreuse et plus équitable que les dispositifs qu'elle remplace. Le congé de paternité permet désormais aux pères d'être présents pour accueillir leur enfant. C'est là un progrès symbolique, concret et novateur pour la vie familiale.
Pendant l'année 2001, le Gouvernement a fait face à plusieurs situations de crise : les inondations en Bretagne puis dans la Somme, la sécurisation du site d'explosifs de Vimy, la catastrophe de l'usine AZF à Toulouse, la mise en place du plan Vigipirate renforcé et du plan Biotox contre les menaces d'attaques biologiques après les attentats du 11 septembre. A chaque fois, le Gouvernement, soucieux de parer à l'urgence puis d'agir dans la durée, a mobilisé les services de l'Etat pour organiser la solidarité nationale, protéger les personnes et les biens, reconstruire ce qui pouvait l'être. C'est avec la même volonté que, sans démagogie, il a poursuivi son action contre la violence et l'insécurité.
Nous avons réagi rapidement au ralentissement économique international. Les attentats du 11 septembre ont accentué le choc pour l'économie mondiale. Depuis quelques mois, cette dégradation a provoqué une remontée du chômage. Nous agissons pour inverser cette tendance et muscler l'économie. Le Gouvernement fait le maximum pour que reprenne le mouvement historique de baisse du chômage engagé en 1997 : plus de 900.000 chômeurs en moins, depuis quatre ans et demi, malgré la remontée récente.
Nous avons pris des mesures fortes pour soutenir la consommation et préserver la confiance : d'abord les baisses d'impôt au mois de septembre, puis le doublement de la prime pour l'emploi grâce au versement que recevront, d'ici le 18 janvier, près de neuf millions de Français aux revenus modestes. Ainsi, un couple au SMIC avec deux enfants va toucher 520 euros, puis 1040 euros en septembre 2002. Sur l'année 2002, cette famille percevra au titre de la prime pour l'emploi un complément de revenu équivalant à un mois et demi de salaire.
Nous agissons aussi directement sur le front de l'emploi. J'insiste sur la nécessaire mobilisation de nos administrations, des collectivités locales, des associations afin que les demandeurs d'emploi puissent rapidement bénéficier des dizaines de milliers d'emplois disponibles, que ce soit au titre des emplois jeunes ou des CES.
Cette action et nos choix antérieurs de politique économique expliquent que la France résiste mieux que les autres pays européens au ralentissement mondial. La confiance des Français s'est maintenue, car leur pouvoir d'achat a continué de progresser, et la consommation est robuste. Malgré la conjoncture moins favorable de la fin de l'année passée, nous aurons au minimum une croissance de 2 % en 2001, une des meilleures des pays du G7. La France devrait être une des mieux placées dans la seconde partie de 2002, si les premiers signes d'un changement de climat économique qui apparaissent aux Etats-Unis et en Europe se confirment.
Réformes, gestion des crises, soutien de la croissance : le Gouvernement, appuyé par sa majorité, a assumé les responsabilités qui étaient les siennes.
Mesdames, Messieurs,
C'est précisément l'esprit de responsabilité que j'avais revendiqué, il y a bientôt cinq ans, lors de ma déclaration de politique générale prononcée devant la Représentation nationale. Mon gouvernement " négociera sa route mais il ne se laissera pas dévier de son but. () Il n'y aura ni pause, ni recul, ni reniement ", concluais-je alors.
Cette route fut parfois malaisée. Nous avons forcément rencontré des obstacles. C'est le lot de tout gouvernement qui agit dans la durée mais nous avons redoublé d'efforts pour les franchir. Nous avons connu des échecs. Mais nous avons toujours cherché à en tirer les leçons. Nous avons obtenu aussi des résultats solides et mené à bien de belles réformes qui ont remis en mouvement notre société. La baisse très forte du chômage, notamment grâce aux emplois jeunes et aux 35 heures, qui a rendu l'espoir à des millions de Français. La parité, qui marque une étape historique dans la marche pour l'égalité entre les femmes et les hommes. La Couverture maladie universelle, qui a permis à des millions de Français d'accéder vraiment aux soins. Le PACS, qui a pris en compte l'évolution des modes de vie. La limitation du cumul des mandats qui, bien qu'inachevée, contribue à répondre au besoin exprimé par les Français d'une modernisation de la vie politique.
L'esprit de responsabilité, nous avons voulu, jusqu'au bout, l'assumer. Mon gouvernement aura refusé l'alternative dans laquelle on a souvent voulu l'enfermer : l'abandon de ses valeurs ou l'échec face au réel. Nous sommes restés fidèles à nos convictions. Et nous avons fait avancer notre pays. Nous avons tracé un sillon profond et qui ira loin.
Mesdames, Messieurs,
Pour ce gouvernement, l'année 2002 sera courte. Et donc le temps devant nous sera d'autant plus mis à profit. L'adaptation de la loi sur la présomption d'innocence pour mieux lutter contre l'impunité, le sort des enfants handicapés, la révision des lois de bioéthique, la lutte contre les pollutions de l'eau ou encore les droits des malades sont autant de motifs pour poursuivre les réformes.
Bientôt va s'ouvrir un nouveau temps pour notre pays. Le temps du débat, de la confrontation, du rendez-vous démocratique.
Le peuple français débattra des projets qui lui seront soumis, entendra les candidats et les candidates qui se présenteront à son suffrage. Puis il se prononcera. Il sera attentif aux discours mais il jugera aussi sur les actes. Ainsi, il choisira son avenir.
Mesdames, Messieurs,
Au seuil de cette nouvelle année, je vous présente, ainsi qu'à tous ceux qui vous sont chers, mes voeux chaleureux et cordiaux pour 2002.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 janvier 2002)