Texte intégral
Madame la Secrétaire d'Etat,
Monsieur le Président de la FIFA,
Madame la Vice-Présidente du CIO,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier très chaleureusement pour votre invitation.
Lorsque le Président Blatter m'a proposé de participer à cette rencontre internationale sur le football féminin, j'ai accepté avec enthousiasme.
J'ai en effet la conviction que le développement du football féminin, ainsi qu'un changement de grande ampleur sur la place des femmes dans le sport, ont besoin de l'engagement des gouvernements.
Bien évidemment, cette action des pouvoirs publics ne doit pas se confondre avec celle des associations sportives, nationales et internationales.
L'une et l'autre sont indispensables mais complémentaires.
Je veux donc très simplement vous dire de quelle manière le gouvernement français agit dans ce domaine.
D'abord, nous sommes partis d'une réalité : la situation des jeunes filles et des femmes dans le sport reste marquée par de criantes inégalités, et de véritables discriminations.
Prenons l'exemple du football:
inégalités au niveau de la pratique, avec près de 2 millions de licenciés masculins, et seulement 31800 chez les femmes.
inégalités de statut : sur les 800 professionnels, pas une seule femme.
inégalités dans les instances dirigeantes : aucune femme présidente d'une ligue ou d'un district. Et le conseil National du Football amateur compte une seule femme parmi ses 25 membres, qui est d'ailleurs présente parmi nous, et que je tiens à saluer.
inégalités au niveau de l'encadrement technique, avec, par exemple, 1% de femmes chez les arbitres.
inégalités et discriminations quand des équipes féminines se voient refuser l'accès à certains terrains de football.
Ce constat, qui pourrait être dressé dans beaucoup d'autres sports, ne signifie pas que rien n'ait changé.
Miroir de la société, le football renvoie aussi l'image d'un espace que de plus en plus de femmes veulent conquérir.
Ainsi, après la coupe du Monde remportée par la France il y a tout juste un an, le nombre de footballeuses a augmenté de 15%.
De la même manière, il faut apprécier le développement important des équipes mixtes jusqu'à l'âge de 14 ans.
Enfin, quand on se souvient que la gardienne actuelle de l'équipe de France a évolué très jeune à ce poste parce que c'était le seul où elle pouvait se faire passer pour un garçon en portant une casquette, on se dit qu'en effet, certaines choses ont évolué.
Mais ces changements restent trop lents, trop limités. Et surtout, ils restent encore très éloignés des attentes des femmes, de leur perception du football qui s'est considérablement modifiée, et de ce qu'elles apportent déjà au sport.
A ce propos, je me souviens de ce que disaient les médias, y compris la presse féminine, avant la coupe du Monde en France.
Les femmes, jugées à priori ignorantes des choses du ballon rond, étaient promises à endurer quatre semaines de cauchemar. On leur proposait des tarifs réduits au théâtre, et des soirées exclusivement féminines.
Toutes ces prévisions, qui se fondaient sur des clichés paternalistes et sexistes, ont été balayées par la vie. Et ce qui reste dans nos mémoires, c'est l'enthousiasme des femmes pour un évènement dont la portée est allée bien au-delà des terrains de football.
Un évènement auquel des millions de femmes se sont identifiées, parce qu'il est apparu porteur de générosité, de solidarité, et d'universalité.
C'est précisément cette forte adhésion des femmes aux valeurs que devraient toujours incarner le football et le sport, qui rend d'autant plus innaceptable la persistance d'inégalités et de discriminations.
Certes, la situation faite aux femmes dans le sport est bien souvent à l'image de leur place dans la vie économique, sociale et politique. Un philosophe du 19è siècle disait que le degré d'émancipation des femmes donne toujours la mesure du degré d'émancipation d'une société.
Cette réflexion n'a pas pris une ride.
Pour autant, nous ne devons pas faire dépendre l'évolution de la situation des femmes dans le sport, d'une évolution d'ensemble de la société.
Je crois au contraire que cette transformation d'ensemble se gagne dans chaque domaine. Sur les terrains de football, comme dans les Conseils d'Administration. Sur les pistes d'athlétisme, comme dans les assemblées nationales.
C'est précisément à partir de cette démarche que, depuis deux ans, le développement du sport féminin est devenu un objectif prioritaire de l'action de mon ministère.
Les premières assises nationales femmes et sport ont eu lieu au mois de mai.
Cette rencontre a permis d'adopter des propositions précises.
Nous avons notamment retenu la nécessité d'inscrire dans les statuts des fédérations sportives nationales, l'obligation d'une représentation féminine dans les instances dirigeantes et l'encadrement.
Nous avons également retenu la nécessité de modifier les critères permettant d'accéder au statut de sportif de haut-niveau, en prenant en compte les aspects spécifiques au sport féminin.
Certaines propositions vont figurer dans le projet de loi sur le sport que le Gouvernement présentera au Parlement avant la fin de cette année.
D'autres mesures très concrètes seront mises en oeuvre conjointement par les pouvoirs publics et les fédérations sportives.
Ainsi, dans quelques jours, nous allons signer avec la Fédération Française de Football une convention sur l'utilisation des bénéfices de la Coupe du Monde "France 98".
Je peux d'ores et déjà vous dire qu'une partie de cet argent sera consacrée au développement du football féminin.
Cela va permettre, d'une part, d'apporter un soutien financier aux clubs qui créeront une équipe féminine. Et, d'autre part, d'avoir dans chaque région, une animatrice à plein temps pour le football féminin.
Par ailleurs, les subventions versées par l'Etat aux fédérations sportives donnent lieu, chaque année, à la signature d'une convention d'objectifs. Dans ce cadre, nous allons demander aux fédérations d'inscrire dans leur convention des mesures spécifiques aux femmes.
On avance souvent l'idée, et à juste titre, que le football, comme d'autres sports, peut favoriser l'insertion sociale de jeunes en grande difficulté. Or, il faut bien constater que dans des quartiers où les jeunes filles sont confrontées à des phénomènes d'exclusion, d'atteinte à leurs droits de citoyenne, elles se retouvent bien souvent écartées des programmes liant sport et insertion sociale.
Je crois qu'à partir du moment où ces actions reçoivent des aides publiques, il est de notre responsabilité de veiller à ce qu'elles permettent à de nombreuses jeunes filles, de trouver, par le sport, une part de leur liberté, de leur citoyeneté.
En conclusion, je dirai que dans un pays comme la France, où l'Etat et le mouvement sportif ont de fortes relations contractuelles, le développement du football féminin interpelle directement les politiques publiques.
Dans le sport comme dans beaucoup d'autres domaines, l'expérience nous a appris une chose essentielle : il n'existe nulle part de "tendance naturelle" à reconnaître les femmes à la mesure de leur apport.
Je crois que cette "tendance naturelle" est encore plus vraie dans un sport collectif et très structuré comme l'est le football.
C'est pourquoi j'ai la conviction qu'une reconnaissance et un développement du football féminini passent nécessairement par une politique volontariste.
N'inversons pas les rôles.
Ce n'est pas aux femmes de démonter ce qu'elles apportent au football. Cette démonstration est déjà faite quand on sait qu'en France, 40% des téléspectateurs de football sont des téléspectratices et 30 % du public dans les stades sont des femmes.
Cette démonstration est déjà faite quand on voit le haut-niveau et le succès de cette Coupe du Monde 99.
Non, n'inversons pas les rôles.
C'est bien aux pouvoirs publics, aux instances sportives, aux médias et aux investisseurs économiques de comprendre que le football féminin est l'avenir du football.
De le comprendre, et de le reconnaître par des actes.
Je vous remercie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 20 juillet 1999
Monsieur le Président de la FIFA,
Madame la Vice-Présidente du CIO,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier très chaleureusement pour votre invitation.
Lorsque le Président Blatter m'a proposé de participer à cette rencontre internationale sur le football féminin, j'ai accepté avec enthousiasme.
J'ai en effet la conviction que le développement du football féminin, ainsi qu'un changement de grande ampleur sur la place des femmes dans le sport, ont besoin de l'engagement des gouvernements.
Bien évidemment, cette action des pouvoirs publics ne doit pas se confondre avec celle des associations sportives, nationales et internationales.
L'une et l'autre sont indispensables mais complémentaires.
Je veux donc très simplement vous dire de quelle manière le gouvernement français agit dans ce domaine.
D'abord, nous sommes partis d'une réalité : la situation des jeunes filles et des femmes dans le sport reste marquée par de criantes inégalités, et de véritables discriminations.
Prenons l'exemple du football:
inégalités au niveau de la pratique, avec près de 2 millions de licenciés masculins, et seulement 31800 chez les femmes.
inégalités de statut : sur les 800 professionnels, pas une seule femme.
inégalités dans les instances dirigeantes : aucune femme présidente d'une ligue ou d'un district. Et le conseil National du Football amateur compte une seule femme parmi ses 25 membres, qui est d'ailleurs présente parmi nous, et que je tiens à saluer.
inégalités au niveau de l'encadrement technique, avec, par exemple, 1% de femmes chez les arbitres.
inégalités et discriminations quand des équipes féminines se voient refuser l'accès à certains terrains de football.
Ce constat, qui pourrait être dressé dans beaucoup d'autres sports, ne signifie pas que rien n'ait changé.
Miroir de la société, le football renvoie aussi l'image d'un espace que de plus en plus de femmes veulent conquérir.
Ainsi, après la coupe du Monde remportée par la France il y a tout juste un an, le nombre de footballeuses a augmenté de 15%.
De la même manière, il faut apprécier le développement important des équipes mixtes jusqu'à l'âge de 14 ans.
Enfin, quand on se souvient que la gardienne actuelle de l'équipe de France a évolué très jeune à ce poste parce que c'était le seul où elle pouvait se faire passer pour un garçon en portant une casquette, on se dit qu'en effet, certaines choses ont évolué.
Mais ces changements restent trop lents, trop limités. Et surtout, ils restent encore très éloignés des attentes des femmes, de leur perception du football qui s'est considérablement modifiée, et de ce qu'elles apportent déjà au sport.
A ce propos, je me souviens de ce que disaient les médias, y compris la presse féminine, avant la coupe du Monde en France.
Les femmes, jugées à priori ignorantes des choses du ballon rond, étaient promises à endurer quatre semaines de cauchemar. On leur proposait des tarifs réduits au théâtre, et des soirées exclusivement féminines.
Toutes ces prévisions, qui se fondaient sur des clichés paternalistes et sexistes, ont été balayées par la vie. Et ce qui reste dans nos mémoires, c'est l'enthousiasme des femmes pour un évènement dont la portée est allée bien au-delà des terrains de football.
Un évènement auquel des millions de femmes se sont identifiées, parce qu'il est apparu porteur de générosité, de solidarité, et d'universalité.
C'est précisément cette forte adhésion des femmes aux valeurs que devraient toujours incarner le football et le sport, qui rend d'autant plus innaceptable la persistance d'inégalités et de discriminations.
Certes, la situation faite aux femmes dans le sport est bien souvent à l'image de leur place dans la vie économique, sociale et politique. Un philosophe du 19è siècle disait que le degré d'émancipation des femmes donne toujours la mesure du degré d'émancipation d'une société.
Cette réflexion n'a pas pris une ride.
Pour autant, nous ne devons pas faire dépendre l'évolution de la situation des femmes dans le sport, d'une évolution d'ensemble de la société.
Je crois au contraire que cette transformation d'ensemble se gagne dans chaque domaine. Sur les terrains de football, comme dans les Conseils d'Administration. Sur les pistes d'athlétisme, comme dans les assemblées nationales.
C'est précisément à partir de cette démarche que, depuis deux ans, le développement du sport féminin est devenu un objectif prioritaire de l'action de mon ministère.
Les premières assises nationales femmes et sport ont eu lieu au mois de mai.
Cette rencontre a permis d'adopter des propositions précises.
Nous avons notamment retenu la nécessité d'inscrire dans les statuts des fédérations sportives nationales, l'obligation d'une représentation féminine dans les instances dirigeantes et l'encadrement.
Nous avons également retenu la nécessité de modifier les critères permettant d'accéder au statut de sportif de haut-niveau, en prenant en compte les aspects spécifiques au sport féminin.
Certaines propositions vont figurer dans le projet de loi sur le sport que le Gouvernement présentera au Parlement avant la fin de cette année.
D'autres mesures très concrètes seront mises en oeuvre conjointement par les pouvoirs publics et les fédérations sportives.
Ainsi, dans quelques jours, nous allons signer avec la Fédération Française de Football une convention sur l'utilisation des bénéfices de la Coupe du Monde "France 98".
Je peux d'ores et déjà vous dire qu'une partie de cet argent sera consacrée au développement du football féminin.
Cela va permettre, d'une part, d'apporter un soutien financier aux clubs qui créeront une équipe féminine. Et, d'autre part, d'avoir dans chaque région, une animatrice à plein temps pour le football féminin.
Par ailleurs, les subventions versées par l'Etat aux fédérations sportives donnent lieu, chaque année, à la signature d'une convention d'objectifs. Dans ce cadre, nous allons demander aux fédérations d'inscrire dans leur convention des mesures spécifiques aux femmes.
On avance souvent l'idée, et à juste titre, que le football, comme d'autres sports, peut favoriser l'insertion sociale de jeunes en grande difficulté. Or, il faut bien constater que dans des quartiers où les jeunes filles sont confrontées à des phénomènes d'exclusion, d'atteinte à leurs droits de citoyenne, elles se retouvent bien souvent écartées des programmes liant sport et insertion sociale.
Je crois qu'à partir du moment où ces actions reçoivent des aides publiques, il est de notre responsabilité de veiller à ce qu'elles permettent à de nombreuses jeunes filles, de trouver, par le sport, une part de leur liberté, de leur citoyeneté.
En conclusion, je dirai que dans un pays comme la France, où l'Etat et le mouvement sportif ont de fortes relations contractuelles, le développement du football féminin interpelle directement les politiques publiques.
Dans le sport comme dans beaucoup d'autres domaines, l'expérience nous a appris une chose essentielle : il n'existe nulle part de "tendance naturelle" à reconnaître les femmes à la mesure de leur apport.
Je crois que cette "tendance naturelle" est encore plus vraie dans un sport collectif et très structuré comme l'est le football.
C'est pourquoi j'ai la conviction qu'une reconnaissance et un développement du football féminini passent nécessairement par une politique volontariste.
N'inversons pas les rôles.
Ce n'est pas aux femmes de démonter ce qu'elles apportent au football. Cette démonstration est déjà faite quand on sait qu'en France, 40% des téléspectateurs de football sont des téléspectratices et 30 % du public dans les stades sont des femmes.
Cette démonstration est déjà faite quand on voit le haut-niveau et le succès de cette Coupe du Monde 99.
Non, n'inversons pas les rôles.
C'est bien aux pouvoirs publics, aux instances sportives, aux médias et aux investisseurs économiques de comprendre que le football féminin est l'avenir du football.
De le comprendre, et de le reconnaître par des actes.
Je vous remercie.
(Source http://www.jeunesse-sports.gouv.fr, le 20 juillet 1999