Texte intégral
J.-P. Elkabbach
En huit jours, l'euro a donc gagné. Les Français ont assuré sa réussite. Est-ce que vous pouvez le dire maintenant ?
- "Oui, je pense que - si ce n'est pas une plaisanterie un peu osée de façon matinale - c'est un franc succès."
On aurait pu dire un "euro succès". Prochain rendez-vous, prochaine épreuve : après-demain, les soldes. Est-ce que vous avez un souci ou alors une recommandation à faire ?
- "Je n'ai pas de souci. Je suis à la fois confiant et vigilant. Maintenant, je crois qu'il y a deux aspects auxquels il faut faire très attention. Il y a la question de la sécurité. Dès le début, elle a été très présente. Et puis, il y a la question des prix. Or, de ce point de vue là, les soldes sont positifs, puisque ce sont des baisses de prix. Voilà, les deux points qui me soucient. Vigilance en matière de la sécurité et des prix dans les semaines qui viennent."
Des sommes considérables ont circulé en peu de jours. Est-ce qu'avec vos services vous avez déjà évalué le montant du bas de laine des Français ?
- "Oui, au total, il y avait une thésaurisation, comme on dit, de 150 milliards de francs. Il y en a à peu près 100 milliards qui sont déjà revenus dans les caisses."
Il faudra beaucoup de temps pour reconstituer le bas de laine en euros ?
- "Cela mettra plus de temps, parce que des spécialistes nous disent que la déthésaurisation est plus rapide que la rethésaurisation. Cela mettra probablement deux ans."
Les banques ont mal pris les réprimandes que vous leur avait adressées, J.-C. Trichet après vous. Elles ne veulent pas jouer les boucs émissaires, étant donné les efforts qu'elles ont faits. Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir été entendu ?
- "Il faut éviter toujours les boucs émissaires, mais mon rôle - ou celui du gouverneur de la Banque de France - est, lorsque nous constatons qu'il y a une difficulté, de le dire. Il y a déjà quelques semaines, j'avais attiré l'attention sur les dérapages possibles des prix, parce qu'à ce moment-là, chez les commerçants, je voyais qu'il y avait des dérapages possibles. Un peu plus récemment, j'ai attiré l'attention sur le problème des grèves. Effectivement, les grèves, soit se sont arrêtées, soit n'ont pas eu lieu. Et puis, l'autre jour, à cause même du succès de l'euro qui est considérable, beaucoup de gens se sont précipités vers les banques. Du coup, il y a eu la queue, du coup, un certain nombre d'établissements bancaires ont dit aux gens : "Ecoutez, on ne peut pas changer". Mon rôle ou celui de J.-C. Trichet a été de dire : "Attention, il faut respecter les engagements". Cela dit, l'effort de tous a été considérable et je veux vraiment remercier toutes celles et tous ceux qui ont permis ce succès."
Même les banques ?
- "Y compris bien sûr les banques, les commerçants, les artisans, les enseignants, les pouvoirs publics, les collectivités locales et ces millions d'anonymes qui font que c'est un succès."
Justement, de là où vous êtes, à Bercy, vous qui avez préparé avec d'autres depuis peut-être un an ou un an et demi cette arrivée de l'euro, comment interprétez--vous cette précipitation des Français, soit à se débarrasser du franc, soit à acquérir les nouveaux euros ?
- "J'explique cela assez simplement. On a fait une énorme campagne pour préparer l'euro pratique au 1er janvier. Il arrive et c'est un grand succès. A partir de là, beaucoup de gens se disent : "Il faut passer en euros complètement. Si j'ai encore des francs, je vais aller les dépenser immédiatement". Voilà ce qui explique cette rapidité. Mais je vais rappeler quand même la règle : on a du temps, on a jusqu'au 17 février pour la double circulation. Pour changer ses francs, on a jusqu'au mois de juin. On aurait même plusieurs années ensuite."
Certains disent qu'avant le 17 février, on ne verra plus de francs ?
- "Oui, je pense qu'à la fin de la semaine prochaine, on devrait avoir plus de 80 % des francs qui auront disparu. Encore une fois, il n'y a pas besoin de se précipiter, parce que les choses vont se faire naturellement maintenant."
Est-ce que pour vous c'est un mauvais coup aux souverainistes, ce qui est en train de se passer ?
- "Moi, je n'ai jamais cru à la thèse : "l'euro est la fin de la souveraineté nationale". Je crois qu'au contraire, en partageant notre souveraineté, on la regagne. Il y a un point important là-dedans. Les francs - que ce soit les pièces ou les billets - en soi, cela n'a aucune valeur. Quand vous regardez un billet, cela ne vaut rien. Ce qu'il y a de formidable - c'est ce qui politiquement est très important -, c'est que nous faisons à ce point confiance à l'Europe que ces objets qui, en eux mêmes, n'ont aucune valeur, nous leur conférons la valeur que la collectivité européenne dit qu'ils ont. C'est là où l'on voit que désormais, l'euro c'est l'Europe et que nous avons un petit bout d'Europe dans notre poche."
C'est un des messages de l'Europe et de l'euro ?
- "Oui, tout à fait. C'est le fait que maintenant, il y a une réalité européenne, une confiance européenne qui est plus forte."
Mais prenons, si vous le permettez votre cas : comme tous les ministres de l'Economie du franc et à l'époque du franc, vous étiez fort ? Les ministres sont représentés comme étant fort à Bercy. Aujourd'hui, à l'époque de l'euro, est-ce que vous et vos collègues, vous n'allez pas trouver vos pouvoirs réduits ?
- "Pas du tout. D'abord parce que l'euro existe depuis le 1er janvier 1999. Ensuite parce que le franc est une monnaie qu'on a tous beaucoup aimée, mais depuis 50 ans, il a été dévaluée 20 fois. Il ne faut pas non plus survaloriser les choses. La réalité est que de plus en plus, nous travaillons de plus en plus européennement et nationalement. Nous sommes inscrits dans ce cadre. Cela ne diminue pas nos responsabilités. Il faut s'habituer de plus en plus. C'est la même chose pour non collègue espagnol, allemand à travailler en semble et en équipe."
Est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'à 15, vous êtes plus forts que seuls pour l'Europe et dans la mondialisation d'aujourd'hui ?
- "Bien sûr. Ce qu'apporte l'euro, c'est à la fois plus de transactions, plus de stabilité - on le voit bien par rapport à la tourmente internationale - et plus de sécurité face à la globalisation. Parce qu'une monnaie qui représente plus de 300 millions de personnes qui ont le premier pouvoir d'achat dans le monde, c'est plus fort évidemment qu'une monnaie qui représente que 60 millions de personnes."
Mais il y a le "couac" en Italie : l'euro a provoqué une crise politique. Le ministre des Affaires étrangères pro-européen a démissionné. Comment l'Europe peut-elle progresser et est-ce qu'elle peut le faire avec un gouvernement Berlusconi, hostile ou réfractaire ? Alors que l'Italie était un des pays fondateur de l'Europe !
- "L'Italie est effectivement un des piliers de l'Europe et on peut être assez préoccupé. Je pense qu'il y a besoin au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, d'une certaine clarification."
De la part de M. Berlusconi ?
- "Oui, il faut qu'il y ait une explication. Je crois qu'il faut qu'il y ait une confirmation de l'engagement européen de l'Italie, c'est très important."
La grande bataille, avez-vous dit, est maintenant d'éviter la hausse des prix. Est-ce que l'euro peut éviter d'être égal à inflation ?
- "Bien sûr, l'euro, au contraire, doit conduire à terme à une baisse de prix parce que l'euro va renforcer la concurrence. Je prends l'exemple dune voiture : si vous achetez une Renault, vous pouvez l'acheter en Espagne, en France etc... Les prix vont pouvoir être comparés facilement, puisqu'ils sont exprimés dans la même monnaie. A partir de ce moment-là, je pense qu'il y aura une pression à la concurrence sur les prix. Il faut éviter qu'à très court terme, certains profitent de l'euro pour augmenter les prix. Il faut donc faire attention."
S'il y a des infractions, vous frapperez ?
- "Il y a évidemment des enquêtes administratives permanents. Il y a des possibilités de sanctions. Mais je crois aussi moi au pouvoir des consommateurs. S'il y a des dérapages, il y a dans chaque département un observatoire départemental des prix placé auprès du préfet, que l'on peut saisir."
Vous montrez bien que le citoyen consommateur va devenir plus exigeant et qu'il va comparer ?
- "C'est dans l'intérêt de tout le monde : c'est l'intérêt du consommateur et du commerçant. Et les commerçants le comprennent bien."
A terme, vous, vous prévoyez des baisses de prix dans quels types de produits, par exemple ?
- "Je prends l'exemple des automobiles. Je crois qu'il y aura une pression de la concurrence plus forte et dans toute une série de biens de consommation."
Mais de votre côté, vous l'Etat est-ce que vous baisserez la TVA sur les voitures neuves ? Est-ce que vous baisserez la TVA pour la restauration et l'hôtellerie qui est souvent réclamée ?
- "Ce qu'il va y avoir, à coup sûr - mais cela prendra un peu plus de temps -, c'est une certaine harmonisation de ce qui détermine les prix. A partir du moment où les prix sont exprimés partout dans la même monnaie, ce qui détermine les prix va avoir tendance à s'harmoniser - pas à être totalement identique, mais à converger."
Quand vous verrez vos collègues européens, il y a des propositions que vous avez envie de faire dans le domaine à la fois politique ou économique ?
- "La principale proposition sur le plan économique, c'est qu'il faut qu'on se coordonne bien d'avantage. Il n'est pas possible qu'un pays dise : "Je vais faire cela", sans tenir compte de ce qui se passe ailleurs, puisque maintenant, nous avons une responsabilité commune. Cela veut dire que de plus en plus, les ministres des Finances devront passer un tiers, un quart, une moitié de leur temps à se coordonner avec leurs voisins, puisque nous sommes tous attelés à la même charrue."
Un jour, il y aura un ministre des Finances ou de l'Economie de toute l'Europe ?
- "On n'en est pas encore là, mais je crois qu'il va y a voir de plus en plus un travail en commun."
Est-ce que l'Europe aura, quand on voit ce qui est en train de se passer si vite, une place et sa place dans la prochaine campagne électorale française ?
- "Elle devra l'avoir, pas sur la question de l'euro. Parce qu'à partir du moment où c'est un succès, tout le monde va s'en réclamer. Mais je crois qu'il y a une ou deux grandes questions qui vont être posées aux futurs candidats. Comment aborde-t-on l'élargissement, qui va être évidemment un changement considérable. Il faut absolument que nous modifions notre manière de travailler, nos modes de décision avant l'élargissement, faute de quoi cet élargissement ne serra pas un renforcement, mais une dilution. C'est le premier point ; l'autre point : vous avez parlez de la globalisation. Elle doit être plus humaine et cela demande une Europe plus forte, parce que je crois que le modèle européen à quelque chose à apporter aux autres."
Certains disent que la prochaine campagne présidentielle se gagne à gauche, d'autres à droite, d'autres au centre...
- "Je ne crois pas. Je crois qu'elle se gagne en avant. On célèbre le bicentenaire de Hugo : "Je suis une force qui va". C'est la force qui va et qui entraînera tous les autres."
On vous disait agacer, parce que vous ne saviez pas qu'elle allait être votre place durant la campagne. Cela va maintenant ?
- "Ne croyez pas ce qu'on vous dit..."
Mais ça va ?
- "Oui, ça va bien ! Et vous ?"
Moi, ça va très bien...
- "Tant mieux !"
Mais moi, je ne vais pas avoir un rôle dans la campagne, sinon ici. Mais vous, vous l'aurez ?
- "Bien sûr et mon premier rôle pour aider L. Jospin est de réussir dans le domaine qu'il m'a confié au Gouvernement. C'est ce que j'essaie de faire."
Sans que cela paraissent incongru : Y. Saint Laurent, après une quarantaine d'années de création, annoncerait aujourd'hui qu'il arrête. Il entre dans l'histoire pour ce qu'il a apporté à la mode et à la femme. Qu'en pensez-vous ?
- "Je ne connais pas personnellement Y. Saint Laurent, mais j'ai beaucoup d'admiration pour lui parce que c'est un grand créateur. Je pense que ce qui fait avancer la France, ce sont d'abord les créateurs. J'aimerais que la France soit le paradis des créateurs. Bravo à Saint Laurent !"
Oui, mais le couturier n'est-il pas victime, en l'occurrence des financiers ?
- "A quoi pensez-vous ?"
Eh bien, au groupe dans lequel il est... Si vous voulez que je vous donne des noms, je vous les donne !
- "Je crois simplement que je veux saluer le grand créateur qu'il a été et qu'il est, parce qu'il a fait avancer beaucoup de choses, et sur le plan économique où nous situons. Cela a représenté un progrès, des emplois, des ressources, c'est-à-dire un plus pour la France."
Le mythe Saint Laurent existe et part...
- "Et il existera..."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 janvier 2002)
En huit jours, l'euro a donc gagné. Les Français ont assuré sa réussite. Est-ce que vous pouvez le dire maintenant ?
- "Oui, je pense que - si ce n'est pas une plaisanterie un peu osée de façon matinale - c'est un franc succès."
On aurait pu dire un "euro succès". Prochain rendez-vous, prochaine épreuve : après-demain, les soldes. Est-ce que vous avez un souci ou alors une recommandation à faire ?
- "Je n'ai pas de souci. Je suis à la fois confiant et vigilant. Maintenant, je crois qu'il y a deux aspects auxquels il faut faire très attention. Il y a la question de la sécurité. Dès le début, elle a été très présente. Et puis, il y a la question des prix. Or, de ce point de vue là, les soldes sont positifs, puisque ce sont des baisses de prix. Voilà, les deux points qui me soucient. Vigilance en matière de la sécurité et des prix dans les semaines qui viennent."
Des sommes considérables ont circulé en peu de jours. Est-ce qu'avec vos services vous avez déjà évalué le montant du bas de laine des Français ?
- "Oui, au total, il y avait une thésaurisation, comme on dit, de 150 milliards de francs. Il y en a à peu près 100 milliards qui sont déjà revenus dans les caisses."
Il faudra beaucoup de temps pour reconstituer le bas de laine en euros ?
- "Cela mettra plus de temps, parce que des spécialistes nous disent que la déthésaurisation est plus rapide que la rethésaurisation. Cela mettra probablement deux ans."
Les banques ont mal pris les réprimandes que vous leur avait adressées, J.-C. Trichet après vous. Elles ne veulent pas jouer les boucs émissaires, étant donné les efforts qu'elles ont faits. Est-ce que vous avez le sentiment d'avoir été entendu ?
- "Il faut éviter toujours les boucs émissaires, mais mon rôle - ou celui du gouverneur de la Banque de France - est, lorsque nous constatons qu'il y a une difficulté, de le dire. Il y a déjà quelques semaines, j'avais attiré l'attention sur les dérapages possibles des prix, parce qu'à ce moment-là, chez les commerçants, je voyais qu'il y avait des dérapages possibles. Un peu plus récemment, j'ai attiré l'attention sur le problème des grèves. Effectivement, les grèves, soit se sont arrêtées, soit n'ont pas eu lieu. Et puis, l'autre jour, à cause même du succès de l'euro qui est considérable, beaucoup de gens se sont précipités vers les banques. Du coup, il y a eu la queue, du coup, un certain nombre d'établissements bancaires ont dit aux gens : "Ecoutez, on ne peut pas changer". Mon rôle ou celui de J.-C. Trichet a été de dire : "Attention, il faut respecter les engagements". Cela dit, l'effort de tous a été considérable et je veux vraiment remercier toutes celles et tous ceux qui ont permis ce succès."
Même les banques ?
- "Y compris bien sûr les banques, les commerçants, les artisans, les enseignants, les pouvoirs publics, les collectivités locales et ces millions d'anonymes qui font que c'est un succès."
Justement, de là où vous êtes, à Bercy, vous qui avez préparé avec d'autres depuis peut-être un an ou un an et demi cette arrivée de l'euro, comment interprétez--vous cette précipitation des Français, soit à se débarrasser du franc, soit à acquérir les nouveaux euros ?
- "J'explique cela assez simplement. On a fait une énorme campagne pour préparer l'euro pratique au 1er janvier. Il arrive et c'est un grand succès. A partir de là, beaucoup de gens se disent : "Il faut passer en euros complètement. Si j'ai encore des francs, je vais aller les dépenser immédiatement". Voilà ce qui explique cette rapidité. Mais je vais rappeler quand même la règle : on a du temps, on a jusqu'au 17 février pour la double circulation. Pour changer ses francs, on a jusqu'au mois de juin. On aurait même plusieurs années ensuite."
Certains disent qu'avant le 17 février, on ne verra plus de francs ?
- "Oui, je pense qu'à la fin de la semaine prochaine, on devrait avoir plus de 80 % des francs qui auront disparu. Encore une fois, il n'y a pas besoin de se précipiter, parce que les choses vont se faire naturellement maintenant."
Est-ce que pour vous c'est un mauvais coup aux souverainistes, ce qui est en train de se passer ?
- "Moi, je n'ai jamais cru à la thèse : "l'euro est la fin de la souveraineté nationale". Je crois qu'au contraire, en partageant notre souveraineté, on la regagne. Il y a un point important là-dedans. Les francs - que ce soit les pièces ou les billets - en soi, cela n'a aucune valeur. Quand vous regardez un billet, cela ne vaut rien. Ce qu'il y a de formidable - c'est ce qui politiquement est très important -, c'est que nous faisons à ce point confiance à l'Europe que ces objets qui, en eux mêmes, n'ont aucune valeur, nous leur conférons la valeur que la collectivité européenne dit qu'ils ont. C'est là où l'on voit que désormais, l'euro c'est l'Europe et que nous avons un petit bout d'Europe dans notre poche."
C'est un des messages de l'Europe et de l'euro ?
- "Oui, tout à fait. C'est le fait que maintenant, il y a une réalité européenne, une confiance européenne qui est plus forte."
Mais prenons, si vous le permettez votre cas : comme tous les ministres de l'Economie du franc et à l'époque du franc, vous étiez fort ? Les ministres sont représentés comme étant fort à Bercy. Aujourd'hui, à l'époque de l'euro, est-ce que vous et vos collègues, vous n'allez pas trouver vos pouvoirs réduits ?
- "Pas du tout. D'abord parce que l'euro existe depuis le 1er janvier 1999. Ensuite parce que le franc est une monnaie qu'on a tous beaucoup aimée, mais depuis 50 ans, il a été dévaluée 20 fois. Il ne faut pas non plus survaloriser les choses. La réalité est que de plus en plus, nous travaillons de plus en plus européennement et nationalement. Nous sommes inscrits dans ce cadre. Cela ne diminue pas nos responsabilités. Il faut s'habituer de plus en plus. C'est la même chose pour non collègue espagnol, allemand à travailler en semble et en équipe."
Est-ce que vous allez jusqu'à dire qu'à 15, vous êtes plus forts que seuls pour l'Europe et dans la mondialisation d'aujourd'hui ?
- "Bien sûr. Ce qu'apporte l'euro, c'est à la fois plus de transactions, plus de stabilité - on le voit bien par rapport à la tourmente internationale - et plus de sécurité face à la globalisation. Parce qu'une monnaie qui représente plus de 300 millions de personnes qui ont le premier pouvoir d'achat dans le monde, c'est plus fort évidemment qu'une monnaie qui représente que 60 millions de personnes."
Mais il y a le "couac" en Italie : l'euro a provoqué une crise politique. Le ministre des Affaires étrangères pro-européen a démissionné. Comment l'Europe peut-elle progresser et est-ce qu'elle peut le faire avec un gouvernement Berlusconi, hostile ou réfractaire ? Alors que l'Italie était un des pays fondateur de l'Europe !
- "L'Italie est effectivement un des piliers de l'Europe et on peut être assez préoccupé. Je pense qu'il y a besoin au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, d'une certaine clarification."
De la part de M. Berlusconi ?
- "Oui, il faut qu'il y ait une explication. Je crois qu'il faut qu'il y ait une confirmation de l'engagement européen de l'Italie, c'est très important."
La grande bataille, avez-vous dit, est maintenant d'éviter la hausse des prix. Est-ce que l'euro peut éviter d'être égal à inflation ?
- "Bien sûr, l'euro, au contraire, doit conduire à terme à une baisse de prix parce que l'euro va renforcer la concurrence. Je prends l'exemple dune voiture : si vous achetez une Renault, vous pouvez l'acheter en Espagne, en France etc... Les prix vont pouvoir être comparés facilement, puisqu'ils sont exprimés dans la même monnaie. A partir de ce moment-là, je pense qu'il y aura une pression à la concurrence sur les prix. Il faut éviter qu'à très court terme, certains profitent de l'euro pour augmenter les prix. Il faut donc faire attention."
S'il y a des infractions, vous frapperez ?
- "Il y a évidemment des enquêtes administratives permanents. Il y a des possibilités de sanctions. Mais je crois aussi moi au pouvoir des consommateurs. S'il y a des dérapages, il y a dans chaque département un observatoire départemental des prix placé auprès du préfet, que l'on peut saisir."
Vous montrez bien que le citoyen consommateur va devenir plus exigeant et qu'il va comparer ?
- "C'est dans l'intérêt de tout le monde : c'est l'intérêt du consommateur et du commerçant. Et les commerçants le comprennent bien."
A terme, vous, vous prévoyez des baisses de prix dans quels types de produits, par exemple ?
- "Je prends l'exemple des automobiles. Je crois qu'il y aura une pression de la concurrence plus forte et dans toute une série de biens de consommation."
Mais de votre côté, vous l'Etat est-ce que vous baisserez la TVA sur les voitures neuves ? Est-ce que vous baisserez la TVA pour la restauration et l'hôtellerie qui est souvent réclamée ?
- "Ce qu'il va y avoir, à coup sûr - mais cela prendra un peu plus de temps -, c'est une certaine harmonisation de ce qui détermine les prix. A partir du moment où les prix sont exprimés partout dans la même monnaie, ce qui détermine les prix va avoir tendance à s'harmoniser - pas à être totalement identique, mais à converger."
Quand vous verrez vos collègues européens, il y a des propositions que vous avez envie de faire dans le domaine à la fois politique ou économique ?
- "La principale proposition sur le plan économique, c'est qu'il faut qu'on se coordonne bien d'avantage. Il n'est pas possible qu'un pays dise : "Je vais faire cela", sans tenir compte de ce qui se passe ailleurs, puisque maintenant, nous avons une responsabilité commune. Cela veut dire que de plus en plus, les ministres des Finances devront passer un tiers, un quart, une moitié de leur temps à se coordonner avec leurs voisins, puisque nous sommes tous attelés à la même charrue."
Un jour, il y aura un ministre des Finances ou de l'Economie de toute l'Europe ?
- "On n'en est pas encore là, mais je crois qu'il va y a voir de plus en plus un travail en commun."
Est-ce que l'Europe aura, quand on voit ce qui est en train de se passer si vite, une place et sa place dans la prochaine campagne électorale française ?
- "Elle devra l'avoir, pas sur la question de l'euro. Parce qu'à partir du moment où c'est un succès, tout le monde va s'en réclamer. Mais je crois qu'il y a une ou deux grandes questions qui vont être posées aux futurs candidats. Comment aborde-t-on l'élargissement, qui va être évidemment un changement considérable. Il faut absolument que nous modifions notre manière de travailler, nos modes de décision avant l'élargissement, faute de quoi cet élargissement ne serra pas un renforcement, mais une dilution. C'est le premier point ; l'autre point : vous avez parlez de la globalisation. Elle doit être plus humaine et cela demande une Europe plus forte, parce que je crois que le modèle européen à quelque chose à apporter aux autres."
Certains disent que la prochaine campagne présidentielle se gagne à gauche, d'autres à droite, d'autres au centre...
- "Je ne crois pas. Je crois qu'elle se gagne en avant. On célèbre le bicentenaire de Hugo : "Je suis une force qui va". C'est la force qui va et qui entraînera tous les autres."
On vous disait agacer, parce que vous ne saviez pas qu'elle allait être votre place durant la campagne. Cela va maintenant ?
- "Ne croyez pas ce qu'on vous dit..."
Mais ça va ?
- "Oui, ça va bien ! Et vous ?"
Moi, ça va très bien...
- "Tant mieux !"
Mais moi, je ne vais pas avoir un rôle dans la campagne, sinon ici. Mais vous, vous l'aurez ?
- "Bien sûr et mon premier rôle pour aider L. Jospin est de réussir dans le domaine qu'il m'a confié au Gouvernement. C'est ce que j'essaie de faire."
Sans que cela paraissent incongru : Y. Saint Laurent, après une quarantaine d'années de création, annoncerait aujourd'hui qu'il arrête. Il entre dans l'histoire pour ce qu'il a apporté à la mode et à la femme. Qu'en pensez-vous ?
- "Je ne connais pas personnellement Y. Saint Laurent, mais j'ai beaucoup d'admiration pour lui parce que c'est un grand créateur. Je pense que ce qui fait avancer la France, ce sont d'abord les créateurs. J'aimerais que la France soit le paradis des créateurs. Bravo à Saint Laurent !"
Oui, mais le couturier n'est-il pas victime, en l'occurrence des financiers ?
- "A quoi pensez-vous ?"
Eh bien, au groupe dans lequel il est... Si vous voulez que je vous donne des noms, je vous les donne !
- "Je crois simplement que je veux saluer le grand créateur qu'il a été et qu'il est, parce qu'il a fait avancer beaucoup de choses, et sur le plan économique où nous situons. Cela a représenté un progrès, des emplois, des ressources, c'est-à-dire un plus pour la France."
Le mythe Saint Laurent existe et part...
- "Et il existera..."
(Source http://Sig.premier-ministre.gouv.fr, le 7 janvier 2002)