Texte intégral
F. Laborde.- Avec S. Royal, nous allons évidemment parler de droits de la famille et des enfants. Demain, vous vous rendez à Budapest pour préparer le futur sommet mondial sur le droit des enfants qui se tiendra à Yokohama en décembre et où vous représenterez le gouvernement français. La semaine dernière, un certain nombre de mesures ont été annoncées, dont peut-être la plus spectaculaire est celle qui vise à combattre la prostitution des enfants, avec pour une fois la mise en cause des "clients."
- "C'est une grande avancée qui marque une très forte détermination politique. Le corps des enfants n'est pas un jouet, n'est pas une marchandise. Il faut lutter sur le territoire français, puisqu'un certain nombre de réseaux mafieux et délinquants utilisent les enfants pour développer la prostitution. D'autre part, il y a aussi un certain développement du tourisme sexuel. Tout cela n'est pas une fatalité. Il faut frapper très fort pour condamner, pour réprimer et pour faire savoir au monde entier que nous ne tolérerons pas que le corps des enfants soit instrumentalisé et soit une source de profits."
Il y a eu tout récemment un fait divers particulièrement sordide en la matière, où on a vu dans la région du nord de la France, une famille qui livrait ses quatre enfants à la prostitution pour payer les factures de fin de mois... Et un certain nombre de notables locaux étaient "clients"
- "C'est abominable. On se demande le niveau de destruction de valeurs morales ou de réflexes les plus élémentaires de l'humanité qui sont bafoués dans une histoire comme celle-là. Cela veut dire que l'école a un rôle très important à jouer. Cela commence d'ailleurs à porter ses fruits, puisque maintenant, depuis quatre ans, nous formons les enfants au respect de leur corps. Nous leur apprenons très tôt, avec un petit document qui s'appelle "Le passeport de prudence" ou avec des outils pédagogiques qui leur disent que leur corps leur appartient, qu'ils doivent dire "non", que les adultes, y compris dans leur propre famille, n'ont pas le droit de toucher leur corps ou d'attenter à leur pudeur. Je crois que c'est la société tout entière aussi qui est mobilisée, la télévision aussi. Il faut en finir avec une forme d'exhibitionnisme de la sexualité, de l'intimité : dans les émissions de variétés, dans la publicité."
Vous avez l'impression qu'il y a une régression de ce point de vue ?
- "Il y a une montée de l'exhibitionnisme qui fait que les enfants et les adolescents ont beaucoup de mal à s'y retrouver. C'est la société adulte tout entière qui est en charge de la transmission d'un certain nombre de valeurs, de réflexes fondamentaux. On ne peut pas d'un côté vilipender certains comportements, et de l'autre, dans le quotidien, faire comme si tout pouvait être mélangé."
Quand vous dites "exhibitionnisme", qu'est-ce que cela signifie ? Les cassettes pornos sont en vente libre... On ne va pas revenir là-dessus...
- "C'est dans le code pénal. Qui sait aujourd'hui que la diffusion d'une cassette pornographique à un mineur tombe sous le coup de la corruption de mineurs ? Je voudrais par exemple que toutes les cassettes pornographiques intègrent cet article du code pénal qui dirait très clairement aux adultes quelles sont leurs responsabilités et que la diffusion d'une telle cassette tombe sous le coup de la loi et peut conduire à des peines de prison par exemple. De même que la détention de matériel pornographique mettant en scène des enfants fera aussi l'objet d'une nouvelle incrimination, qui viendra compléter le dispositif qu'a annoncé L. Jospin. Il faut renforcer l'arsenal répressif, mais en même temps mettre toute la société au clair sur ses responsabilités. Je crois que le monde des adultes est responsable de ce qu'il transmet aux enfants."
Parmi les propositions que vous faites, il y en a une qui est importante, même si on n'en a pas encore beaucoup parlé : vous préconisez que l'amnistie traditionnelle après l'élection présidentielle ne s'applique pas en ce qui concerne les crimes sexuels et les délits visant les enfants...
- "Lors des états généraux que j'ai organisés la semaine dernière, c'était une demande très forte. Des magistrats, des avocats, des associations de protection de l'enfance demandent instamment - et je suis tout à fait d'accord avec eux -, s'il y a une loi d'amnistie après l'élection présidentielle, qu'en aucun cas, elle ne puisse porter sur les crimes et délits commis sur les enfants, y compris sur l'exhibitionnisme. Il y a une affaire récente d'un exhibitionniste qui a bénéficié de la loi d'amnistie. Rien n'était à son casier judiciaire, et comme il est passé à des actes plus graves, il n'avait pas pu être suivi. C'est aussi l'intérêt des auteurs de se faire soigner par rapport à ce type de comportement."
Vous préconisez aussi la prévention dès la grossesse pour empêcher les parents d'être violents et donc parfois les enfants de subir - et eux-mêmes de reproduire - ces gestes de violence. On l'a vu, là encore, dans des faits divers récents : la violence à l'égard des enfants est de tous les milieux...
- "Oui et en même temps, il y a des choses positives. Une forme de maltraitance diminue : celle qui est liée aux difficultés économiques. Je crois que c'est le résultat de l'action de ce gouvernement : l'aide à l'enfance, la politique familiale auprès des familles en situation de précarité, la couverture maladie universelle, le recul du chômage. Ces familles sont beaucoup mieux épaulées. En revanche, ce qui reste important, c'est la maltraitance liée aux carences éducatives, au délaissement d'enfants, à l'abandon, aux enfants en situation de solitude, aux conflits conjugaux, aux conflits familiaux. Et cela touche tous les milieux. L'idée est de renforcer la prévention très tôt, c'est-à-dire de repérer les femmes enceintes qui sont en situation de fragilité ou de détresse pour les accompagner le plus tôt possible. L'idée, c'est de développer la médiation familiale pour que les adultes règlent leurs conflits et ne les fassent pas subir à leurs enfants. C'est d'encadrer aussi les enfants, les pré-adolescents : il n'y a pas de fatalité à l'augmentation de la délinquance adolescente. Il faut encadrer les enfants très tôt, au début du collège, en particulier lorsque les horaires deviennent irréguliers. C'est pour cela que se développent des petits internats sociaux de proximité, où les parents gardent leur rôle mais où en même temps, les enfants sont encadrés sur le plan des horaires, de l'alimentation, du travail scolaire."
Vous allez fabriquer, faire construire des petites cités à l'intérieur des collèges, récupérer des bâtiments ? Comment cela va-t-il s'organiser ?
- "L'idée - parce qu'il en existe déjà, qui s'appelle les "internats-relais" - c'est de récupérer des appartements sociaux où les enfants sont recadrés par quatre ou cinq, où les parents continuent à jouer un rôle en proximité, notamment les mères seules qui ont du mal à élever leurs adolescents, qui se regroupent en réseaux."
C'est un appartement loué par l'Etat ou par le Conseil général, avec des animateurs qui surveillent ?
- "Des éducateurs, des maîtres d'internat qui sont là en relais avec les parents. Les parents peuvent aussi s'impliquer dans ces internats scolaires. Mais le principe, c'est la régularité des horaires, la régularité de l'alimentation, le soutien scolaire - les enfants font leurs devoirs, sont encadrés. Et il y a une articulation avec le collège en proximité. C'est très efficace. C'est à partir de la sixième. Quand un enfant passe du CM2 à la sixième, il passe d'un enseignant à huit, donc il est déjà un peu déstabilisé quand il n'est pas cadré chez lui. Ensuite, les horaires deviennent irréguliers ; il n'y a pas forcément d'encadrement après les cours. Sixième-cinquième, c'est là un peu où tout se joue. Donc si les enfants sont bien cadrés à ce moment-là, on les fait cheminer dans ce qui est le plus important pour eux."
Combien d'encadrants par enfant ?
- "Les internats scolaires sont des structures souples. Certains se mettent déjà en place. Ce qui est important, c'est de les encourager ; les conseillers généraux lors des états généraux que j'ai organisés, se sont engagés, pour plusieurs d'entre eux. Je vais signer avec eux des conventions-pilotes dans le cadre desquelles ils vont mettre en place des structures d'accueil pour les enfants de dix à douze ans."
Tout cela fait partie des choses dont vous parlerez, y compris à Yokohama...
- "Oui et l'idée est que la politique de l'enfance n'est pas distincte de celle de la famille. Le droit premier de l'enfant, c'est d'être élevé par ses parents. Donc aidons les parents à exercer leurs responsabilités et leur autorité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)
- "C'est une grande avancée qui marque une très forte détermination politique. Le corps des enfants n'est pas un jouet, n'est pas une marchandise. Il faut lutter sur le territoire français, puisqu'un certain nombre de réseaux mafieux et délinquants utilisent les enfants pour développer la prostitution. D'autre part, il y a aussi un certain développement du tourisme sexuel. Tout cela n'est pas une fatalité. Il faut frapper très fort pour condamner, pour réprimer et pour faire savoir au monde entier que nous ne tolérerons pas que le corps des enfants soit instrumentalisé et soit une source de profits."
Il y a eu tout récemment un fait divers particulièrement sordide en la matière, où on a vu dans la région du nord de la France, une famille qui livrait ses quatre enfants à la prostitution pour payer les factures de fin de mois... Et un certain nombre de notables locaux étaient "clients"
- "C'est abominable. On se demande le niveau de destruction de valeurs morales ou de réflexes les plus élémentaires de l'humanité qui sont bafoués dans une histoire comme celle-là. Cela veut dire que l'école a un rôle très important à jouer. Cela commence d'ailleurs à porter ses fruits, puisque maintenant, depuis quatre ans, nous formons les enfants au respect de leur corps. Nous leur apprenons très tôt, avec un petit document qui s'appelle "Le passeport de prudence" ou avec des outils pédagogiques qui leur disent que leur corps leur appartient, qu'ils doivent dire "non", que les adultes, y compris dans leur propre famille, n'ont pas le droit de toucher leur corps ou d'attenter à leur pudeur. Je crois que c'est la société tout entière aussi qui est mobilisée, la télévision aussi. Il faut en finir avec une forme d'exhibitionnisme de la sexualité, de l'intimité : dans les émissions de variétés, dans la publicité."
Vous avez l'impression qu'il y a une régression de ce point de vue ?
- "Il y a une montée de l'exhibitionnisme qui fait que les enfants et les adolescents ont beaucoup de mal à s'y retrouver. C'est la société adulte tout entière qui est en charge de la transmission d'un certain nombre de valeurs, de réflexes fondamentaux. On ne peut pas d'un côté vilipender certains comportements, et de l'autre, dans le quotidien, faire comme si tout pouvait être mélangé."
Quand vous dites "exhibitionnisme", qu'est-ce que cela signifie ? Les cassettes pornos sont en vente libre... On ne va pas revenir là-dessus...
- "C'est dans le code pénal. Qui sait aujourd'hui que la diffusion d'une cassette pornographique à un mineur tombe sous le coup de la corruption de mineurs ? Je voudrais par exemple que toutes les cassettes pornographiques intègrent cet article du code pénal qui dirait très clairement aux adultes quelles sont leurs responsabilités et que la diffusion d'une telle cassette tombe sous le coup de la loi et peut conduire à des peines de prison par exemple. De même que la détention de matériel pornographique mettant en scène des enfants fera aussi l'objet d'une nouvelle incrimination, qui viendra compléter le dispositif qu'a annoncé L. Jospin. Il faut renforcer l'arsenal répressif, mais en même temps mettre toute la société au clair sur ses responsabilités. Je crois que le monde des adultes est responsable de ce qu'il transmet aux enfants."
Parmi les propositions que vous faites, il y en a une qui est importante, même si on n'en a pas encore beaucoup parlé : vous préconisez que l'amnistie traditionnelle après l'élection présidentielle ne s'applique pas en ce qui concerne les crimes sexuels et les délits visant les enfants...
- "Lors des états généraux que j'ai organisés la semaine dernière, c'était une demande très forte. Des magistrats, des avocats, des associations de protection de l'enfance demandent instamment - et je suis tout à fait d'accord avec eux -, s'il y a une loi d'amnistie après l'élection présidentielle, qu'en aucun cas, elle ne puisse porter sur les crimes et délits commis sur les enfants, y compris sur l'exhibitionnisme. Il y a une affaire récente d'un exhibitionniste qui a bénéficié de la loi d'amnistie. Rien n'était à son casier judiciaire, et comme il est passé à des actes plus graves, il n'avait pas pu être suivi. C'est aussi l'intérêt des auteurs de se faire soigner par rapport à ce type de comportement."
Vous préconisez aussi la prévention dès la grossesse pour empêcher les parents d'être violents et donc parfois les enfants de subir - et eux-mêmes de reproduire - ces gestes de violence. On l'a vu, là encore, dans des faits divers récents : la violence à l'égard des enfants est de tous les milieux...
- "Oui et en même temps, il y a des choses positives. Une forme de maltraitance diminue : celle qui est liée aux difficultés économiques. Je crois que c'est le résultat de l'action de ce gouvernement : l'aide à l'enfance, la politique familiale auprès des familles en situation de précarité, la couverture maladie universelle, le recul du chômage. Ces familles sont beaucoup mieux épaulées. En revanche, ce qui reste important, c'est la maltraitance liée aux carences éducatives, au délaissement d'enfants, à l'abandon, aux enfants en situation de solitude, aux conflits conjugaux, aux conflits familiaux. Et cela touche tous les milieux. L'idée est de renforcer la prévention très tôt, c'est-à-dire de repérer les femmes enceintes qui sont en situation de fragilité ou de détresse pour les accompagner le plus tôt possible. L'idée, c'est de développer la médiation familiale pour que les adultes règlent leurs conflits et ne les fassent pas subir à leurs enfants. C'est d'encadrer aussi les enfants, les pré-adolescents : il n'y a pas de fatalité à l'augmentation de la délinquance adolescente. Il faut encadrer les enfants très tôt, au début du collège, en particulier lorsque les horaires deviennent irréguliers. C'est pour cela que se développent des petits internats sociaux de proximité, où les parents gardent leur rôle mais où en même temps, les enfants sont encadrés sur le plan des horaires, de l'alimentation, du travail scolaire."
Vous allez fabriquer, faire construire des petites cités à l'intérieur des collèges, récupérer des bâtiments ? Comment cela va-t-il s'organiser ?
- "L'idée - parce qu'il en existe déjà, qui s'appelle les "internats-relais" - c'est de récupérer des appartements sociaux où les enfants sont recadrés par quatre ou cinq, où les parents continuent à jouer un rôle en proximité, notamment les mères seules qui ont du mal à élever leurs adolescents, qui se regroupent en réseaux."
C'est un appartement loué par l'Etat ou par le Conseil général, avec des animateurs qui surveillent ?
- "Des éducateurs, des maîtres d'internat qui sont là en relais avec les parents. Les parents peuvent aussi s'impliquer dans ces internats scolaires. Mais le principe, c'est la régularité des horaires, la régularité de l'alimentation, le soutien scolaire - les enfants font leurs devoirs, sont encadrés. Et il y a une articulation avec le collège en proximité. C'est très efficace. C'est à partir de la sixième. Quand un enfant passe du CM2 à la sixième, il passe d'un enseignant à huit, donc il est déjà un peu déstabilisé quand il n'est pas cadré chez lui. Ensuite, les horaires deviennent irréguliers ; il n'y a pas forcément d'encadrement après les cours. Sixième-cinquième, c'est là un peu où tout se joue. Donc si les enfants sont bien cadrés à ce moment-là, on les fait cheminer dans ce qui est le plus important pour eux."
Combien d'encadrants par enfant ?
- "Les internats scolaires sont des structures souples. Certains se mettent déjà en place. Ce qui est important, c'est de les encourager ; les conseillers généraux lors des états généraux que j'ai organisés, se sont engagés, pour plusieurs d'entre eux. Je vais signer avec eux des conventions-pilotes dans le cadre desquelles ils vont mettre en place des structures d'accueil pour les enfants de dix à douze ans."
Tout cela fait partie des choses dont vous parlerez, y compris à Yokohama...
- "Oui et l'idée est que la politique de l'enfance n'est pas distincte de celle de la famille. Le droit premier de l'enfant, c'est d'être élevé par ses parents. Donc aidons les parents à exercer leurs responsabilités et leur autorité."
(Source http://sig.premier-ministre.gouv.fr, le 23 novembre 2001)