Déclaration de M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget, sur la modernisation de la gestion financière des Etablissements Publics Nationaux à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP), Paris, le 7 mai 1999

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Circonstance : Colloque "Assurer efficacement la gestion financière des établissements publics scientifiques, culturels et professionnels", à Paris, le 7 mai 1999

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Présidents,
Madame la directrice de l'enseignement supérieur,
Monsieur le directeur général de la comptabilité publique,
Mesdames et Messieurs les agents comptables,
Mesdames et Messieurs les secrétaires généraux,
D'Etablissements Publics Nationaux à caractère scientifique, culturel et professionnel.
Je suis heureux de vous accueillir ce matin au centre de conférences
Pierre Mendès France du Ministère de l'économie, des Finances et de l'industrie, pour ouvrir ce colloque consacré à la modernisation de la gestion financière des Etablissements Publics Nationaux à caractère scientifique, culturel et professionnel, (EPSCP).
Je voudrais tout d'abord remercier :
- le Ministère de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie. Je salue à cette occasion M. Jean-Richard Cyterman, Directeur-adjoint du Cabinet de Claude Allègre,
- le Professeur Legrand, Président de l'université de Paris X Nanterre, Premier vice-président de la Conférence des Présidents d'Universités qui tout deux ont contribué au succès d'audience de cette rencontre.
Je souhaite également remercier de leur présence les représentants :
-de la Cour des Comptes ;
-de l'inspection générale des finances ;
-de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale.
Leur présence montre tout l'intérêt que les grands corps de contrôle portent à cette manifestation.
Je salue également les recteurs, les secrétaires généraux et les trésoriers-payeurs généraux présents parmi nous aujourd'hui.
Accueillir ce matin les responsables financiers d'établissements comme le Collège de France, le Muséum National d'Histoire Naturelle, les Ecoles Normales Supérieures, des écoles d'ingénieurs et bien sûr tant d'universités, sans oublier l'Institut de Physique du Globe, particulièrement cher à Claude Allègre, constitue pour moi un événement important de la vie du Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie.
Les missions définies par la loi de 1984 sur l'enseignement supérieur confèrent à vos établissements un statut et une place tout particuliers dans notre organisation institutionnelle : l'Enseignement et la Recherche jouent un rôle décisif dans l'avenir scientifique et économique de notre pays et doivent être organisés selon des modalités spécifiques.
L'autre raison qui contribue, s'il le fallait, à justifier la tenue d'un colloque sur les EPSCP au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, est l'importance de vos établissements dans notre économie et plus particulièrement dans le budget de l'Etat.
L'Université a affronté un choc démographique exceptionnel puisque le nombre d'étudiants a augmenté de près de la moitié entre 1988 et 1993. Je rappelle les chiffres :
-943000 étudiants à la rentrée en 1983,
-1052000 en 1988,
-1505000 en 1993,
-1527000 en 1998.
Les moyens ont dans l'ensemble suivi. Sur une base 100 en 1983, les étudiants sont à l'indice 160 en 1998, le budget de l'enseignement supérieur est à l'indic 180 et les emplois d'enseignants à l'indice 160.
Le choc a été surmonté et ce succès exceptionnel est à mettre au crédit de l'ensemble des responsables et des personnels de l'enseignement supérieur.
La gestion a su absorber des transformations profondes. Maintenant le moment est venu d'améliorer la transparence et de faire de la comptabilité, j'oserais dire analytique, un instrument performant de gestion pour les responsables que vous êtes, mais aussi un outil de contrôle a posteriori comme le prévoit la loi de 1984.
Une difficulté vient de la grande diversité des EPSCP entre eux et aussi de l'hétérogénéité qui peut régner au sein de chacun de ces établissements.
Le budget moyen d'un EPSCP s'élève à 164 millions de francs, même s'il existe une grande disparité en la matière puisque l'échelle des budgets des EPSCP varie de 15 millions à 726 millions.
S'agissant du bilan patrimonial de vos établissements, la moyenne est estimée à 361 millions de francs. Toutefois, plusieurs EPSCP ont un bilan supérieur au milliard de francs.
Et bien évidemment les 128000 agents, dont 77000 enseignants et 51000 administratifs comme les 1527000 étudiants sont répartis de façon très diverse entre les EPSCP.
Ces quelques données chiffrées conduisent à penser que la gestion financière des EPSCP ne peut être complètement uniforme, compte tenu des différentes tailles de vos établissements. Pour autant cette diversité n'interdit pas d'essayer de déterminer quelques grandes lignes communes de modernisation.
C'est ce que vous allez faire ensemble dans le cadre de ce colloque portant sur la modernisation et l'amélioration de la gestion financière des EPSCP. C'est l'occasion pour moi d'affirmer l'engagement fort de mon ministère dans ce mouvement vers la transparence et l'intelligence des chiffres.
Cet engagement est en effet tout à fait logique dans la mesure où la volonté de modernisation des établissements dont vous avez la charge participe de manière parfaitement cohérente à l'action entreprise depuis plusieurs années par le ministère en matière de tenue des comptes publics.
Aussi dans la " sphère sociale ", après l'introduction dans la Constitution de la nécessité de voter chaque année une loi de financement de la sécurité sociale et la mise en uvre d'une comptabilité en droits constatés dans tous les organismes de sécurité sociale, nous travaillons actuellement avec le ministère de l'emploi et de la solidarité, à l'élaboration d'un plan comptable commun aux différents régimes. Vaste chantier qui nécessite dialogue, écoute et changement de méthode radical.
En ce qui concerne les collectivités locales, la mise en place d'une nouvelle " norme " comptable effective pour les communes - la M14 - dont la presse s'est largement fait l'écho, d'ailleurs proche de celle que connaissent les établissements publics nationaux, a constitué un acte fort de modernisation de la gestion financière de ces organismes publics.
En ce qui concerne l'Etat, la direction générale de la comptabilité publique et la direction du budget m'ont présenté récemment un projet informatique dénommé ACCORD qui permettra à terme de passer d'une approche juridique des comptes de l'Etat à une présentation autorisant une gestion plus moderne de la dépense.
A ce titre, je m'arrêterai sur deux aspects de cette vaste réforme, qui vous concernent :
-la mise en place progressive d'une comptabilité en droits constatés pour l'Etat représente une avancée par rapport au dispositif actuel organisé principalement autour d'un enregistrement des encaissements-décaissements ;
-une mise à disposition accélérée à des informations financières.
Sur le premier point, il s'agit pour l'Etat, de s'inspirer davantage des normes issues du Plan comptable général. En France, comme les autres pays industrialisés, les enjeux en matière de maîtrise des finances publiques conduisent à faire évoluer les systèmes d'information comptable dans le sens d'une meilleure connaissance du patrimoine de l'Etat et d'une approche plus fine des coûts.
Sans remettre en cause fondamentalement notre mode de budgétisation, l'enrichissement du système d'information budgétaire et comptable de l'Etat a pour objectif d'offrir aux gestionnaires un nouveau cadre et aux décideurs un outil de pilotage plus performant.
Il s'agit d'un vaste chantier très complexe. En la matière, les établissements publics ont à jouer un rôle de précurseurs puisque l'application des normes comptables issues du secteur privé est pour eux une règle depuis longtemps établie.
S'agissant de la mise à disposition rapide de l'information, pour l'Etat, le mouvement de réduction de la durée de la période complémentaire initié en 1995, a permis de gagner un mois dans la connaissance du solde budgétaire et un mois et demi dans la production des comptes définitifs de l'Etat.
Cet effort de mise à disposition plus rapide de l'information répond aux besoins d'une meilleure gestion de l'exécution budgétaire et au souci d'accélérer la reddition des comptes annuels de l'Etat : l'information de la Cour des comptes et du Parlement est effectuée dans des délais raccourcis et dans la plus grande transparence.
Sur cet aspect, si l'Etat a été le précurseur, il doit maintenant être rejoint par les autres organismes publics.
A ce titre, le ministère des finances, et plus particulièrement la direction générale de la comptabilité publique, travaille actuellement sur un projet de réduction de la période complémentaire dans les établissements publics. L'objectif recherché est d'amener les organismes à produire leurs comptes plus tôt, non pour ajouter de nouvelles contraintes, mais dans un souci d'amélioration de la gestion par et pour les gestionnnaires eux-mêmes.
En effet, un ordonnateur et un agent comptable qui sont capables de présenter leurs comptes dans les trois mois suivant la clôture de l'exercice démontrent la qualité de leur gestion et la fiabilité de leur organisation budgétaire et comptable.
Enfin et surtout, les décideurs des établissements publics disposent plus tôt des informations sur les conditions et les résultats de la gestion qui s'achève et peuvent donc définir de nouvelles orientations en toute connaissance de cause.
Je ne doute pas que vous êtes convaincus de l'intérêt d'une telle démarche.
Une expérimentation, sur la base du volontariat des agents comptables et, j'insiste, des ordonnateurs, sera tentée pour la fin d'exercice 99. Je crois savoir que certains EPSCP ont déjà fait connaître leur accord. Je tiens d'ailleurs à souligner qu'une réforme de cette ampleur ne pourrait se faire sans leur participation et que leur expérience nous sera précieuse.
Une fois de plus, les EPSCP peuvent prouver leur dynamisme et je tiens à vous en remercier aujourd'hui.
Je souhaiterais aussi m'arrêter sur une réforme en cours au Ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie dont l'importance n'est pas négligeable pour vos établissements : celle de la commande publique.
L'achat public représente un enjeu économique important. Les administrations publiques - l'Etat, les collectivités locales, les établissements publics - consomment et investissent chaque année plus de 700 milliards de francs, c'est-à-dire environ 8 % du PIB, pour des prestations et des produits très divers.
L'importance dans l'économie des différentes formes de commande publique justifie qu'elles s'appuient sur un corps de règles claires, compréhensibles et reconnues. J'ai le sentiment que cela n'est pas entièrement le cas aujourd'hui. Le code des marchés publics est souvent perçu, sans doute avec raison, comme un ensemble de règles complexes, dont la justification n'apparaît pas toujours avec une aveuglante clarté.
Les objectifs du Gouvernement en la matière sont les suivants :
-Ouvrir plus largement la commande publique aux PME, parce que ces dernières constituent un secteur dynamique et créateur d'emploi, et parce qu'il en résultera une concurrence accrue dont les acheteurs publics bénéficieront ;
-Renforcer la transparence des procédures et la sécurité juridique des acheteurs publics ; le renforcement de la concurrence, la collégialité des décisions, mais aussi la clarification et la simplification des règles relèvent de cet objectif ;
-Clarifier le champ d'application d'un droit de la commande publique rénové et simplifié, afin de prévenir la multiplication d'organismes parapublics au statut incertain au regard du code des marchés publics et de mieux définir les frontières avec les autres modalités d'intervention (délégations de service public) ;
-Améliorer l'efficacité de la commande publique et les pratiques de l'achat public, par une utilisation accrue des nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Bien évidemment, s'inscrivant dans la démarche plus générale de modernisation de la réforme de l'Etat, cette réforme s'appuiera sur une large concertation avec l'ensemble des parties prenantes à cet question.
Les universités devront naturellement être partie prenante de cette réflexion.
J'ai évoqué de grands chantiers sur lesquels le ministère de l'économie des finances et de l'industrie travaille et qui auront un impact direct sur la gestion de vos établissements. Je voudrais souligner la disponibilité de ce ministère et des agents comptables pour participer activement à la modernisation de la gestion financière de vos établissements.
La tenue d'un colloque me paraît particulièrement opportune. Cela permet de faire le point à la fois sur les réformes entreprises et mises en uvre et sur celles qui restent à formaliser. Mais bien entendu, pour ancrer dans les pratiques des changements de modes de gestion aussi essentiels, ce colloque doit un moment fort d'une concertation permanente entre les différents acteurs de ces réformes.
Tels sont mon souhait et la volonté de mes services, vous pouvez en être assurés.
Vous allez aujourd'hui débattre de la modernisation de la gestion financière de vos établissements autour de trois thèmes.
L'exercice des responsabilités financières constitue un premier sujet. Vos établissements sont complexes et les responsabilités peuvent s'en trouver diluées. Or, cette dilution peut constituer une entrave à la mise en place d'une gestion moderne, dynamique et efficace, surtout pour vous qui avez en charge la direction de ces établissements.
A cet égard, si la loi de 1984 prévoit des dispositions claires en principe, un échange entre " praticiens " et " tutelles " ne paraît pas inutile.
Notre objectif est clairement de réaffirmer les prérogatives de l'ordonnateur principal, l'unité du budget et la détermination des grands équilibres, au niveau de l'établissement principal.
Le deuxième point est celui des instruments de gestion financière. Le nouveau cadre budgétaire dont vous avez été récemment dotés s'inscrit dans cette démarche.
Au-delà, il constitue l'élément essentiel qui va vous permettre d'acquérir une juste appréciation de la situation de vos établissements.
En effet, la transparence doit être la règle et cette transparence passe par la lisibilité des comptes de vos établissements. Un des aspects essentiels est celui de l'évaluation de votre patrimoine et de la mise en place d'une véritable politique d'amortissement.
Cette évolution est d'autant plus d'actualité au moment où les EPSCP vont devoir faire face à de nouveaux défis qui constituent le thème de votre troisième table ronde.
L'un d'eux est contenu dans les dispositions du projet de loi sur l'innovation et la recherche actuellement discuté par le Parlement.
L'objectif du gouvernement en la matière est de créer le cadre législatif adéquat, pour un transfert optimal, équilibré et transparent aux entreprises des résultats obtenus par la recherche publique, dont la qualité est incontestable. Il sera ainsi possible de valoriser le potentiel français de technologie moderne afin d'assurer une croissance plus vive et de permettre un accroissement durable de l'emploi dans notre pays.
J'en profite pour éclaircir un problème fiscal que posent les activités industrielles et commerciales de vos établissements. Grâce à la future loi ils pourront disposer d'un cadre de gestion suffisamment flexible, adapté à ces activités très différentes de vos missions principales d'enseignement.
Cet effort d'adaptation montrera que la gestion publique n'est pas si rigide que certains le prétendent parfois, car il existe des modes d'organisation financière qui peuvent répondre à des besoins variés dans la sphère des établissements publics.
En outre, le fait de doter vos établissements d'un cadre juridique clair pour le suivi des activités industrielles et commerciales vous permettra de mieux connaître les obligations fiscales qui s'attachent à ces activités.
Dans l'immédiat et pour tenir compte de l'inadéquation du cadre actuel dans ces domaines particuliers, j'ai informé tout récemment Claude Allègre que je demandais à mes services d'abandonner toutes les procédures de redressement en cours sous réserve, bien entendu, que les activités industrielles et commerciales de vos établissements soient soumises aux impôts commerciaux dès l'entrée en vigueur de cette loi.
Je ne doute pas qu'avec des sujets aussi essentiels, les débats qui vont suivre seront particulièrement nourris.
Je vous remercie de votre attention et je vous souhaite de fructueux échanges.
(Source http://www.finances.gouv.fr, le 7 mai 1999)