Déclaration de Mme Dominique Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement, sur la pêche et la protection du milieu aquatique, Paris le 17 novembre 1997.

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Circonstance : Clôture de l'assemblée générale de l'Union Nationale pour la pêche et la protection du milieu aquatique à Paris le 17 novembre 1997

Texte intégral

Je suis particulièrement heureuse de pouvoir être parmi vous pour conclure cette assemblée générale qui marque le cinquantenaire de votre union nationale. La militante associative que je suis est évidemment particulièrement sensible au rôle essentiel que vous jouez pour la protection de nos rivières. Vous êtes 2,3 millions de pêcheurs, plus de 4.000 associations agréées ! Voilà qui fait de votre union, à l'évidence, une représentante de poids du milieu associatif.
La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement que je suis y est sensible à ce double titre. Bien entendu vous êtes des acteurs précieux de la protection de l'environnement. Lors des pollutions, accidentelles ou chroniques de nos cours d'eau, ou lors des travaux hydrauliques qui trop souvent encore tendent à les transformer en "fossés anti-chars", se sont les pêcheurs qui "montent au créneau", se portent partie civile, et obtiennent les condamnations qui petit à petit incitent les mentalités à évoluer.
Mais votre rôle est également majeur dans l'aménagement du territoire : la pêche permet de maintenir et de développer une activité économique dans les territoires ruraux. Elle contribue ainsi à lutter contre la désertification de nos campagnes.
Ce poids économique de la pêche n'est encore pas toujours parfaitement perçu. Pourtant, les 15 000 emplois et les 6 milliards de francs de chiffre d'affaires que vous engendrez sont tout à fait essentiels à la dynamisation du monde rural.
En ce qui concerne cette question de l'emploi, j'ai appris avec beaucoup de plaisir votre volonté de prendre toute votre place dans la mise en uvre du plan gouvernemental pour l'emploi des jeunes. Cette volonté se concrétisera très prochainement par la signature d'un protocole d'accord associant votre union nationale, le conseil supérieur de la pêche et mon ministère, pour la création de 200 emplois jeunes.
Je voudrais que l'esprit de ce plan soit bien compris : il ne s'agit pas de vouloir "faire du chiffre" en inventant de nouveaux "petits boulots" précaires et peu qualifiés, mais bien de permettre l'émergence de nouveaux métiers. Je suis convaincue que les domaines de l'aménagement du territoire et de l'environnement offrent de nombreuses opportunités pour ces métiers. En ce qui vous concerne, de tels gisements existent dans l'entretien et la restauration des rivières, la mise en valeur des milieux aquatiques, l'élaboration de plans de gestion pour ces milieux, et l'information et la formation des jeunes et des citadins.
Je souhaite insister tout particulièrement sur la mission de gestionnaire des milieux aquatiques et des ressources piscicoles qui vous incombe. La pêche, telle que je la comprend et telle que, j'en suis sûre, vous la comprenez aussi, ce n'est évidemment pas de déverser des tonnes de poissons la veille de l'ouverture pour avoir le plaisir, un peu gratuit, de les repêcher le lendemain !
L'objectif qui nous unit tous doit être la reconquête de rivières en bonne santé qui permettent le développement d'un peuplement piscicole, naturel, abondant et diversifié. Avec le soutien efficace du Conseil Supérieur de la Pêche, que je souhaite saluer tout particulièrement, en la présence notamment de son président M. GRAMMONT et de son directeur général M. TENDRON, vous avez pris à bras le corps cette mission de gestionnaire.
Vous avez ainsi, par exemple, élaboré des schémas départementaux de vocation piscicole. Je souhaite que cette action puisse encore se renforcer, par la mise en uvre de plans de gestion adaptés à chaque milieu. Voilà un domaine dans lequel les jeunes que vous emploierez dans le cadre du plan gouvernemental pourront vous être particulièrement utiles.
La question des plans d'eau
J'en viens maintenant aux réponses qui peuvent être apportées à certains des vux que vous avez exprimés aujourd'hui, je commencerai par la question des plans d'eau. Je partage dans l'ensemble votre préoccupation à ce sujet : la multiplication incontrôlée de plans d'eau a en effet un impact significatif sur le fonctionnement des écosystèmes aquatiques ; elle contribue également à un mitage du paysage qui peut être très inesthétique.
La réglementation en vigueur soumet, d'ores et déjà, à autorisation tout plan d'eau impliquant une dérivation de cours d'eau. En ce qui concerne les "eaux closes", j'ai demandé à mes services d'étudier les modalités d'un abaissement des seuils d'autorisation, dans le cadre de la révision de la nomenclature "police de l'eau", et de définir les prescriptions techniques qui s'appliqueraient au plan d'eau restant soumis à simple déclaration.
Cependant, la mise au point d'un arsenal législatif et réglementaire efficace n'est pas suffisante ; encore faut il que cette réglementation soit respectée. Ceci passe par une meilleure connaissance des plans d'eau existants, qu'ils soient en situation régulière ou non. Un tel inventaire est un gros travail. Je souhaite toutefois qu'il soit mené à bien dès que possible, en commençant par des "départements tests". Enfin, des instructions seront données au service déconcentré de l'Etat dans le sens d'une grande fermeté pour toutes créations de nouveaux plans d'eau.
L'eau et les riverains
Par ailleurs, vous demandez l'application de l'article L235.5 du Code Rural. Lorsque des propriétaires riverains de cours d'eau non domaniaux demandent des subventions publiques pour la restauration ou l'entretien de leurs rivières, ce texte prévoit que le droit de pêche soit, en contrepartie, cédé gratuitement à une association de pêche.
Comme vous, je trouve scandaleux qu'une disposition prévue par un texte de loi, voté qui plus est à l'unanimité, reste inappliqué depuis maintenant plus de 13 ans. J'ai donc demandé à mes services d'entamer dans les meilleurs délais les consultations nécessaires pour l'application de cet article. Votre union nationale serait évidemment étroitement associée à ces consultations.
L'eau et l'agriculture
De même, nous sommes, de toute évidence, sur la même longueur d'ondes en ce qui concerne la protection de la ressource en eau, en particulier contre les prélèvements excessifs. La question du développement de l'irrigation se pose. Cette question doit être traitée dans le cadre plus général de la politique agricole. Les conséquences du développement de l'agriculture intensive sur l'environnement et les territoires ont trop longtemps été négligées.
La future réforme de la politique agricole commune est l'occasion d'inciter au développement d'une agriculture plus respectueuse de l'environnement, et qui contribue à la dynamisation des campagnes. Je soutiens les efforts en ce sens de Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, qui se sont d'ores et déjà traduit par une première réduction de la "surprime" versée aux agriculteurs irriguants.
De même, il est essentiel que la future politique agricole commune fasse d'avantage de place aux mesures agri-environnementales, qui permet notamment de financer la mise en place de bandes boisées ou enherbées en bordures des cours d'eau, et de les protéger ainsi dans une certaine mesure des pollutions d'origine agricole.
La nécessaire police de l'eau
Pour tous ces points que je viens d'aborder, il est indispensable de disposer d'une police de l'eau efficace. Les gardes pêche du Conseil supérieur de la pêche jouent là un rôle essentiel : compétents, motivés par la protection des milieux aquatiques et effectivement présents sur le terrain, ils sont les mieux à même de constater toute atteinte au milieu aquatique, et de dresser les procès verbaux qui permettront d'engager des poursuites.
Vous estimez que le financement par la taxe piscicole ne doit pas être le seul financement de cette police de l'eau confiée aux gardes pêche. Je tiens toutefois à rappeler que cette taxe piscicole, acquittée par les pêcheurs, est bel et bien de l'argent public, qu'il est donc légitime d'utiliser pour des missions d'intérêt public, dont la police de l'eau fait partie.
Toutefois, je suis très attachée comme vous à ce que cette police de l'eau soit la plus efficace possible, et j'ai bien conscience de l'insuffisance des moyens qui lui sont actuellement alloués.
Pour y remédier, plusieurs pistes sont envisageables, tel qu'une participation des agences de l'eau à son fonctionnement. Le Premier Ministre m'a demandé de lui soumettre des propositions de réforme des soutiens publics dans le domaine de l'eau. Ces propositions seront présentées en conseil des ministres, en février prochain. L'amélioration du fonctionnement de la police de l'eau et de son financement en feront partie.
La question des cormorans
Je ne terminerai pas cette intervention sans évoquer deux sujets qui vous préoccupent tout particulièrement : la question des cormorans, et la mise en uvre de la directive communautaire "Habitat".
En ce qui concerne les cormorans, il me semble que vous avez déjà obtenu des avancées significatives. Depuis cette année, un dispositif national visant à maîtriser la population des cormorans présents dans notre pays a été mis en uvre. Il fonctionne selon les principes suivants : prélèvements de 12 % des effectifs en priorité autour des piscicultures extensives en étang, et interventions expérimentales sur les eaux libres dont l'intérêt piscicole est particulièrement élevé. En outre, le cormoran a été retiré, le 29 juillet dernier, de la liste européenne des espèces d'oiseaux nécessitant une protection particulière. Un premier bilan de ce dispositif de régulation pourra être dressé, dès le printemps prochain.
La directive Habitat
La directive Habitats a déjà fait couler beaucoup d'encre. J'ai souhaité relancer la constitution du réseau dans le plus étroit partenariat avec l'ensemble des acteurs concernés, et en particulier les gestionnaires et utilisateurs de milieux naturels que vous êtes. Je l'ai déjà dit, notamment devant le comité national de suivi, il ne s'agit pas de créer des sanctuaires de nature dont toute activité humaine serait exclue. Bien au contraire, une gestion équilibrée des milieux est la meilleure garantie de leur préservation à terme. Cette gestion ne peut valablement être mise en uvre qu'avec ceux qui, comme vous, connaissent et apprécient ces milieux.
Il faut cesser de considérer Natura 2000 comme une menace. Bien au contraire c'est un label, une reconnaissance de la qualité exceptionnelle de nombreuses zones naturelles de notre pays. Nous devons ce patrimoine exceptionnel à la bonne gestion des amoureux de la nature et de ses usagers que sont les ruraux comme les pêcheurs.
En conclusion, je reprendrai l'image du trépied chère au président SOLELHAC : en France, la politique de gestion de la pisciculture et de protection des milieux aquatiques repose sur trois piliers solides : le Conseil supérieur de la pêche (CSP), le Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement et bien sûr l'Union nationale. J'ai confiance sur la solidité de ce trépied, et sur la qualité du partenariat que nous saurons faire vivre.
Je vous remercie.
(source http://www.environnement.gouv.fr, le 29 novembre 2001)