Texte intégral
J'ai le sentiment qu'une vraie rencontre s'est opérée entre acteurs venus d'horizons différents, mais animés du même souci d'oeuvrer pour le développement économique et l'emploi dans les quartiers en difficulté.
J'avais la conviction qu'un processus vertueux pouvait être enclenché et je crois qu'il l'a été à Nantes, même s'il reste beaucoup à faire pour mobiliser l'ensemble des partenaires. Je suis par exemple un peu déçu que l'ANPE n'ait pas été davantage présente ; je suis en revanche agréablement surpris par la présence - qui n'était pas gagnée - de représentants du monde de l'économie.
Les perspectives ouvertes par le rapport parlementaire de Chantal ROBIN-RODRIGO et Pierre BOURGUIGNON, enrichies de vos débats et propositions, ouvrent la voie d'une nouvelle politique, que je veux maintenant vous présenter.
Le gouvernement a obtenu en 2 ans des résultats sur le front de l'emploi qu'aucun autre depuis longtemps ne peut revendiquer. La relance de la consommation a permis de redémarrer l'économie sur des bases saines, comme en témoignent les investissements des entreprises et les créations d'emploi. Les emplois jeunes et les 35 heures, ont contribué à enrichir la croissance en emplois, et à mettre un projet de société plus solidaire au cur du développement de notre pays.
Pourtant, je vous le disais hier en introduction, la profonde mutation économique et sociale accomplie en 30 ans a laissé des cicatrices profondes dans notre société urbaine. Les forces du marché, les égoïsmes locaux ont laissé se développer une ville à deux vitesses, ont condamné certains quartiers et leur population à la relégation, leur ont interdit l'accès à notre société.
Aujourd'hui, alors que la croissance redémarre sans que les habitants des quartiers en ressentent toujours les effets, et alors que la publicité véhicule une image du bonheur par la consommation, cette situation est devenue inacceptable. Elle est ressentie comme une injustice de plus et menace les fondements de notre prospérité et du pacte républicain.
Ces journées de NANTES doivent rester comme le signal d'une mobilisation générale pour l'emploi dans les quartiers. Comme nous avons su affronter la reconversion de notre appareil industriel en prenant des mesures exceptionnelles dans les pôles de conversion, il nous faut faire de même avec nos villes, atteintes par une crise urbaine sans précédent.
J'entends par mesures exceptionnelles, des dispositions financières, réglementaires, mais aussi une organisation du territoire et des méthodes de travail radicalement nouvelles.
La loi Voynet sur l'aménagement du territoire comme le projet de loi sur l'intercommunalité de JP Chevènement nous en fourniront les premiers cadres, mais il faudra aller plus loin et inventer de nouvelles formes d'action publique, plus proches plus participatives, plus légitimes.
J'ai été très attentif à ce qui s'est dit dans vos ateliers sur l'initiative locale. Il faut reconnaître la force d'innovation qui existe dans ces quartiers souvent stigmatisés, d'abord grâce à la jeunesse de leur population.
Je ne veux pas pour autant enfermer les quartiers dans un mode de développement spécifique, en vase clos. Tout au contraire j'aspire à leur banalisation, à leur intégration dans la ville, ce qui veut dire tout faire pour leur redonner les conditions d'une vie normale.
C'est pourquoi je refuse une vision uniforme de la vie des quartiers et de leur devenir, y compris en terme d'emplois et d'activités économiques. Les quartiers populaires ont comme d'autres leur identité et leur histoire et il faut y être attentif. Ce n'est donc pas de Paris mais bien localement que se construira leur devenir en misant, selon la belle formule des parlementaires sur " l' intelligence des territoires ", et des hommes qui les font vivre, serais-je tenté d'ajouter.
Fort de ces constats, qui recouvrent largement vos débats et les propositions des parlementaires, je proposerai au gouvernement de travailler dans les semaines qui viennent autour des priorités suivantes :
Premièrement je veux garantir qu'une attention particulière sera portée à celles et ceux qui sont le plus menacés d'exclusion durable : je pense en particulier aux jeunes qui sortent sans aucune qualification du système scolaire et aux demandeurs d'emploi les plus en difficulté.
Cela passe par l'élaboration d'une réponse globale, au niveau local, de tous les acteurs et de toutes les mesures existantes. Les contrats de ville seront d'ailleurs le vecteur privilégié de la loi de lutte contre les exclusions dans les territoires concernés.
Aux jeunes qui sortent du système scolaire sans projet, je veux pouvoir dire que la société ne les abandonne pas. Claude ALLEGRE a annoncé à Tours, lors des rencontres nationales des acteurs de l'éducation, son programme " Nouvelles chances " ; Georges Jollès a témoigné hier, de l'intérêt du MEDEF sur cette question. Je prendrai l 'initiative de coordonner l'action des différents intervenants pour qu 'aucun jeune ne soit désormais " perdu dans la nature ". Le monde des adultes ne peut en aucun cas s'acquitter de ses responsabilités en se contentant de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans.
La proposition émise par Chantal RODRIGO et Pierre BOURGUIGNON de mettre en place un Contrat Unique Temporaire d'Insertion a retenu toute mon attention. La démarche initiée par Martine AUBRY à travers le programme TRACE a ouvert un chemin qui nous permettra d'aller plus loin, d'abord pour tous les publics et pas seulement les jeunes. Il est clair qu'il ne s'agit pas seulement de mettre de la cohérence dans les réponses, mais aussi de la stabilité, en offrant une reconnaissance sociale lisible par tous, sous forme de contrat unique.
Ma deuxième priorité est de favoriser et d'accompagner les porteurs de projet.
J'ai entendu les appels à davantage de souplesse et de simplicité dans les instruments publics à la disposition des acteurs locaux, au nom d'un droit à l'expérimentation. J'ai commencé ce travail en obtenant en décembre dernier une simplification radicale des procédures de financement de la politique de la ville, notamment au profit des petites associations. Il faut aller plus loin, faire en sorte que l'Etat, même s'il n'est pas seul en cause, passe de la culture du contrôle à la culture du partenariat.
Les habitants des quartiers qui veulent entreprendre doivent pouvoir accéder à des dispositifs performants d'accompagnement à la création d'entreprise, qui prennent en compte leurs besoins spécifiques. Il me paraît nécessaire que chaque territoire prioritaire de la politique de la ville puisse bénéficier d'outils comme les plate-formes d'initiative, des systèmes d'avances, de garantie et de couplage avec le crédit bancaire, mais aussi de dispositifs de formation et d'accompagnement. Les assises nationales de la création d'entreprise, organisées par Marylise LEBRANCHU à l'automne, prendront en compte cet objectif.
Au-delà, je veux aider à la concrétisation de toutes les initiatives et élargir le champ de l'économie à toutes les formes d'activités qui créent de la richesse (y compris par le rétablissement du lien social). Il y a de la place dans notre société pour différentes formes d'entreprises, selon le but qu'elles poursuivent et les moyens qu'elles se donnent. Je suis particulièrement sensible à celles qui se réclament de l'économie solidaire. Elles sont nombreuses, notamment dans les quartiers en difficulté, où elles savent travailler tant sur l'économie que sur le social. Leur place est encore mal reconnue, et je compte prochainement, avec Martine AUBRY et le délégué interministériel à l'économie et à l'innovation sociale, engager un chantier pour asseoir plus solidement le rôle de ces entreprises.
Afin de concrétiser un nouveau " droit à l'initiative ", je propose que tous ceux qui contribuent à l'accompagnement des projets, se réunissent dans des " maisons de l'initiative ", afin que rien ne se perde de l'énergie existant dans ces quartiers, afin que chaque habitant qui le souhaite sache bien qu'il peut être acteur de sa ville. Les entreprises et les banques devraient pouvoir s'associer à la mise en place de ces réseaux d'initiative et, pourquoi pas, se structurer en " clubs d'entrepreneurs pour la ville " ?
L'exclusion financière est un autre sujet sur lequel je serai amené à faire des propositions concrètes, en lien avec les établissements financiers. Daniel LEBEGUE, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, rappelait récemment que 6 millions de personnes étaient exclues du système bancaire, que 8 entreprises sur 10 se créaient sans avoir accès au crédit bancaire, qu'il en était de même pour les associations. Cette situation est inacceptable, elle est injuste socialement et prive le pays d'un potentiel considérable d'initiatives, particulièrement dans les quartiers en difficulté. Maria NOVAK et Martin VIAL l'ont justement relevé il y a un instant.
J'ai été également sensible aux propositions des parlementaires en ce qui concerne l'émergence de nouveaux besoins sociaux dans les quartiers, qui peuvent nécessiter dans certains cas le recours à des adultes, inspiré du modèle des emplois jeunes, dont 20% doivent bénéficier aux quartiers . En reconnaissant le rôle social des adultes, souvent dévalorisés par l'éloignement de l'emploi, c'est également la fonction de parent que nous conforterons, et le regard des jeunes sur la société.
Je souhaite que tous ces métiers nouveaux, par exemple au tour de la médiation sociale, bénéficient d'une reconnaissance et de vrais débouchés professionnels.
Ma troisième grande priorité est d'offrir un environnement favorable à l'investissement privé dans les quartiers, pour y faire venir des activités ou des équipements et donner à ces quartiers les conditions d'une vie normale.
Ces quartiers ne sont pas attractifs, en particulier pour les investisseurs privés. Il faut améliorer la rentabilité économique des opérations qui s'y réalisent, et qui de fait sont confrontés à des charges supérieures à ce qu'elles trouveraient ailleurs. Les parlementaires ont fait deux séries de propositions qui me paraissent particulièrement pertinentes, et sur lesquelles le gouvernement va travailler, notamment dans le cadre de la loi sur l'habitat et l'urbanisme et du vaste programme de renouvellement urbain qu'il prépare pour les prochaines années, et qui mobilisera des moyens publics considérables.
Je retiens en particulier l'idée - soutenue par Daniel LEBEGUE - de sociétés d'investissement pour acquérir à titre transitoire les terrains et immeubles pouvant accueillir un jour des entreprises, et réaliser les premiers investissements.
De la même manière, afin d'amorcer les flux d'investissement privés, je ne suis pas opposé à l'idée d'une incitation fiscale spécifique.
Les politiques fiscales à mobiliser en faveur des quartiers tireront les leçons de l'expérimentation sur 44 sites de zones franches urbaines, que le gouvernement va moraliser, comme il s'y est engagé. L'outil fiscal - pour être légitime et efficace - doit s'inscrire dans le cadre d'un véritable projet de développement. Le gouvernement n'accordera pas d'avantages fiscaux aveugles aux entreprises.
Enfin, l'ampleur du chantier nécessitera de mobiliser plus fortement l'épargne populaire, et de trouver de nouvelles formes d'épargne de proximité, en s'inspirant par exemple du financement de l'industrie du cinéma.
*
La concrétisation de toutes ces orientations doit directement se manifester dans le volet économie et emploi des contrats de ville que vous allez élaborer d'ici la fin de l'année.
La politique de la ville a peu investi par le passé le champ de l'emploi et du développement économique. Sans doute était-elle trop ciblée sur l'échelle du quartier, sans doute le service public de l'emploi a-t-il toujours privilégié les publics sur les territoires, sans doute aussi n'a-t-on pas su mobiliser les entreprises. A présent que l'environnement économique s'améliore, que les contrats de ville s'ouvrent aux agglomérations, avec des moyens renforcés, cet objectif est à portée de la main et nécessaire. Il faut aujourd'hui que se dégage de ces engagements contractuels un véritable axe en faveur de l'emploi.
Cette exigence conduit aujourd'hui à ouvrir un chantier où tout le monde a sa place.
Hier, le milieu économique a été très largement absent des contrats de ville, même s'il faut saluer l'implication des réseaux consulaires, en particulier les chambres de commerce et d'industrie. Le sondage que nous avons découvert lundi - et qui a été réalisé à la demande de mon ministère avec la caisse des dépôts et consignations - nous montre que beaucoup d'entreprises sont prêtes à s'engager. Elles sont nombreuses à être convaincues qu'il n'y a pas de prospérité durable dans un environnement social dégradé. Nous sommes au début d'un mouvement, j'en suis convaincu comme Jacques RIGAUD, ainsi qu'en témoigne le développement du mécénat, qui est souvent une première approche pour de nombreuses entreprises, et qui mérite d'être encouragé.
Ces nouveaux acteurs doivent être au centre de la négociation sur le volet emploi et économie des prochains contrats de ville.
La construction de ce volet des contrats de ville consistera en un véritable projet de développement local urbain au niveau des villes et des agglomérations, identifiant les atouts et les handicaps des territoires, et engageant chacune des parties prenantes sur la base d'objectifs communs. Je dis " projet " et non " contrat ", comme le suggéraient les parlementaires, car il ne faut pas donner l'impression que l'on crée une nouvelle procédure. Mais l'esprit est le même.
Ces objectifs communs, ce sont les vôtres, ceux que vous avez dégagés lors de vos travaux, et que je fais miens. Ils concernent à la fois l'accès à l'emploi et le développement de l'activité.
- sur l'accès à l'emploi tout d'abord,
Pour ceux qui devraient accéder naturellement à un emploi vous avez souligné la nécessité de combattre par tous les moyens la discrimination dont ils sont l'objet ; la reconnaissance par les entreprises de cette réalité, dans le sondage, est peut-être la fin d'un tabou, la prise de conscience du danger que court une société qui ne se reconnaît pas dans ses entreprises ou dans ses services publics, François ROUSSELY l'a dit.
Jean-Pierre CHEVENEMENT l'a encore dit avec force ce matin : la montée inquiétante des violences urbains est alimentée par un profond sentiment d'injustice ressenti par de nombreux habitants face à l'accès à l'emploi. Je veux en particulier parler de ces jeunes qui vivent chaque jour les manifestations de racisme d'une société crispée, incapable de leur faire la place à laquelle ils aspirent.
Pour ceux qui sont plus éloignés de l'emploi, vous avez insisté sur l'accompagnement d'abord social, et sur les notions de cohérence des interventions et de parcours d'insertion.
. Vous avez enfin souligné la nécessité de s'adapter aux besoins de main d'uvre des entreprises, qui vont croître dans les années qui viennent. La pyramide des âges conforte votre analyse, et de nombreux secteurs commencent à avoir des difficultés de recrutement. En anticipant les investissements sur un territoire donné, en aidant les employeurs à identifier leurs besoins futurs, on peut bâtir des stratégies efficaces de formation et d'accès à l'emploi.
- sur le développement de l'activité, ensuite :
De nombreux quartiers restent marqués par leur vocation initiale d'habitat social qui leur a donné un statut spécifique ; l'implantation d'activités peut précisément permettre de diversifier les fonctions de ces quartiers et de créer les conditions d'une vie normale;
La priorité doit être de restaurer un lien entre le quartier et les lieux d'échanges économiques. Vous avez en particulier dénoncé le fonctionnement de certaines grandes agglomérations où l'absence de vision globale conduit à la fracture territoriale, où la croissance des entreprises s'arrête aux frontières des quartiers populaires ;
Vous avez également insisté sur le maintien et le développement du tissu commercial, dans un pays qui, à l'inverse de l'Italie par exemple, a privilégié la grande distribution. Des instruments comme le FISAC ou l'EPARECA doivent être davantage utilisés, dans le cadre d'une stratégie d'agglomération que permettra le projet de développement local urbain.
De manière générale, vous avez insisté, comme dans le sondage, sur la nécessité de mener une politique globale et massive pour améliorer simultanément l'urbanisme, la sécurité, les transports et l'emploi.
Nous le voyons, la réussite des contrats de ville viendra des passerelles que les acteurs sauront établir entre l'économie et l'emploi, entre le développement et l'insertion. Cela nécessitera dans chaque contrat de ville la mise en place d'une véritable " force de frappe" mobilisant tous les partenaires, une ingénierie forte et pluridisciplinaire pour établir le diagnostic et traduire dans les faits ces objectifs politiques.
Nous devons nous appuyer à cet égard sur l'expérience des plans locaux d'insertion économique (PLIE), qui doivent évoluer en application de la loi de lutte contre les exclusions, pour prendre en compte toutes les actions en faveur de l'emploi.
Je crois qu'il faut aller encore plus loin pour nos territoires urbains en crise. Les contrats de ville devront ancrer les PLIE dans un véritable projet territorial de développement, et davantage mobiliser les entreprises afin qu'elles offrent des perspectives durables d'insertion professionnelle.
Je souhaite également que la politique de la ville, notamment dans sa dimension économique, bénéficie pleinement des apports de l'Europe, à la fois en terme de méthode, comme dans le cadre de PIC URBAN qui a été reconduit, mais bien sûr aussi aux travers de ses fonds structurels et notamment des interventions du Fonds Social Européen. Je souhaite en particulier mobiliser l'effet levier du FSE pour faciliter l'accès à la mobilité, promouvoir l'égalité hommes femmes, encourager la création d'activité, appuyer le développement de nouveaux services dans les quartiers, développer l'initiation et l'apprentissage à la vie professionnelle, lutter enfin contre toutes les formes de discrimination.
Pour mener à bien ces différents chantiers, pour construire ensemble ce projet de développement local urbain, toutes les énergies doivent être mobilisées. La délégation interministérielle à la ville sera particulièrement sollicitée, pour être à votre écoute et vous accompagner dans l'élaboration et le suivi des prochains contrats de ville.
Il faut qu'au niveau local des rencontres soient organisées pour poursuivre le travail de reconnaissance et de diagnostic, et construire un nouveau partenariat. Il faut que les entreprises soient interpellées et se sentent concernées. Je leur lance un appel solennel.
La dynamique de l'appel à expériences, présentée ici à Nantes, doit être entretenue. Aussi je m'engage à ce qu'une banque de données interactive soit désormais mise à votre disposition. Elle permettra à tous les acteurs de la politique de la ville de poursuivre les échanges commencés ici et de nourrir leur action propre. Je retiens d'ailleurs la proposition de Christopher Brooks, d'organiser des contacts entre villes européennes.
Vous le voyez le programme est bien chargé. J'aurais pu citer d'autres éléments, et notamment la clause d'insertion dans les marchés publics, sur laquelle je proposerai des réformes. L'attente est forte et je sais que je peux compter sur vous. Je tiens à vous remercier particulièrement pour la mobilisation et le professionnalisme des échanges qui ont eu lieu.
Cette manifestation n'était pas une fin en soi. C'est au contraire le début d'un mouvement. Vous disposez désormais de tous les ingrédients pour fabriquer, selon les situations spécifiques auxquelles vous avez à faire face, des contrats qui soient de réels engagements et qui osent enfin s'attaquer radicalement au scandale du chômage de masse dans les quartiers. Et ce sera à la chaussure de s'adapter au pied, comme nous y invitait Danièle dans le reportage que nous avons pu visionner ce matin
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 11 août 1999)
J'avais la conviction qu'un processus vertueux pouvait être enclenché et je crois qu'il l'a été à Nantes, même s'il reste beaucoup à faire pour mobiliser l'ensemble des partenaires. Je suis par exemple un peu déçu que l'ANPE n'ait pas été davantage présente ; je suis en revanche agréablement surpris par la présence - qui n'était pas gagnée - de représentants du monde de l'économie.
Les perspectives ouvertes par le rapport parlementaire de Chantal ROBIN-RODRIGO et Pierre BOURGUIGNON, enrichies de vos débats et propositions, ouvrent la voie d'une nouvelle politique, que je veux maintenant vous présenter.
Le gouvernement a obtenu en 2 ans des résultats sur le front de l'emploi qu'aucun autre depuis longtemps ne peut revendiquer. La relance de la consommation a permis de redémarrer l'économie sur des bases saines, comme en témoignent les investissements des entreprises et les créations d'emploi. Les emplois jeunes et les 35 heures, ont contribué à enrichir la croissance en emplois, et à mettre un projet de société plus solidaire au cur du développement de notre pays.
Pourtant, je vous le disais hier en introduction, la profonde mutation économique et sociale accomplie en 30 ans a laissé des cicatrices profondes dans notre société urbaine. Les forces du marché, les égoïsmes locaux ont laissé se développer une ville à deux vitesses, ont condamné certains quartiers et leur population à la relégation, leur ont interdit l'accès à notre société.
Aujourd'hui, alors que la croissance redémarre sans que les habitants des quartiers en ressentent toujours les effets, et alors que la publicité véhicule une image du bonheur par la consommation, cette situation est devenue inacceptable. Elle est ressentie comme une injustice de plus et menace les fondements de notre prospérité et du pacte républicain.
Ces journées de NANTES doivent rester comme le signal d'une mobilisation générale pour l'emploi dans les quartiers. Comme nous avons su affronter la reconversion de notre appareil industriel en prenant des mesures exceptionnelles dans les pôles de conversion, il nous faut faire de même avec nos villes, atteintes par une crise urbaine sans précédent.
J'entends par mesures exceptionnelles, des dispositions financières, réglementaires, mais aussi une organisation du territoire et des méthodes de travail radicalement nouvelles.
La loi Voynet sur l'aménagement du territoire comme le projet de loi sur l'intercommunalité de JP Chevènement nous en fourniront les premiers cadres, mais il faudra aller plus loin et inventer de nouvelles formes d'action publique, plus proches plus participatives, plus légitimes.
J'ai été très attentif à ce qui s'est dit dans vos ateliers sur l'initiative locale. Il faut reconnaître la force d'innovation qui existe dans ces quartiers souvent stigmatisés, d'abord grâce à la jeunesse de leur population.
Je ne veux pas pour autant enfermer les quartiers dans un mode de développement spécifique, en vase clos. Tout au contraire j'aspire à leur banalisation, à leur intégration dans la ville, ce qui veut dire tout faire pour leur redonner les conditions d'une vie normale.
C'est pourquoi je refuse une vision uniforme de la vie des quartiers et de leur devenir, y compris en terme d'emplois et d'activités économiques. Les quartiers populaires ont comme d'autres leur identité et leur histoire et il faut y être attentif. Ce n'est donc pas de Paris mais bien localement que se construira leur devenir en misant, selon la belle formule des parlementaires sur " l' intelligence des territoires ", et des hommes qui les font vivre, serais-je tenté d'ajouter.
Fort de ces constats, qui recouvrent largement vos débats et les propositions des parlementaires, je proposerai au gouvernement de travailler dans les semaines qui viennent autour des priorités suivantes :
Premièrement je veux garantir qu'une attention particulière sera portée à celles et ceux qui sont le plus menacés d'exclusion durable : je pense en particulier aux jeunes qui sortent sans aucune qualification du système scolaire et aux demandeurs d'emploi les plus en difficulté.
Cela passe par l'élaboration d'une réponse globale, au niveau local, de tous les acteurs et de toutes les mesures existantes. Les contrats de ville seront d'ailleurs le vecteur privilégié de la loi de lutte contre les exclusions dans les territoires concernés.
Aux jeunes qui sortent du système scolaire sans projet, je veux pouvoir dire que la société ne les abandonne pas. Claude ALLEGRE a annoncé à Tours, lors des rencontres nationales des acteurs de l'éducation, son programme " Nouvelles chances " ; Georges Jollès a témoigné hier, de l'intérêt du MEDEF sur cette question. Je prendrai l 'initiative de coordonner l'action des différents intervenants pour qu 'aucun jeune ne soit désormais " perdu dans la nature ". Le monde des adultes ne peut en aucun cas s'acquitter de ses responsabilités en se contentant de la scolarité obligatoire jusqu'à 16 ans.
La proposition émise par Chantal RODRIGO et Pierre BOURGUIGNON de mettre en place un Contrat Unique Temporaire d'Insertion a retenu toute mon attention. La démarche initiée par Martine AUBRY à travers le programme TRACE a ouvert un chemin qui nous permettra d'aller plus loin, d'abord pour tous les publics et pas seulement les jeunes. Il est clair qu'il ne s'agit pas seulement de mettre de la cohérence dans les réponses, mais aussi de la stabilité, en offrant une reconnaissance sociale lisible par tous, sous forme de contrat unique.
Ma deuxième priorité est de favoriser et d'accompagner les porteurs de projet.
J'ai entendu les appels à davantage de souplesse et de simplicité dans les instruments publics à la disposition des acteurs locaux, au nom d'un droit à l'expérimentation. J'ai commencé ce travail en obtenant en décembre dernier une simplification radicale des procédures de financement de la politique de la ville, notamment au profit des petites associations. Il faut aller plus loin, faire en sorte que l'Etat, même s'il n'est pas seul en cause, passe de la culture du contrôle à la culture du partenariat.
Les habitants des quartiers qui veulent entreprendre doivent pouvoir accéder à des dispositifs performants d'accompagnement à la création d'entreprise, qui prennent en compte leurs besoins spécifiques. Il me paraît nécessaire que chaque territoire prioritaire de la politique de la ville puisse bénéficier d'outils comme les plate-formes d'initiative, des systèmes d'avances, de garantie et de couplage avec le crédit bancaire, mais aussi de dispositifs de formation et d'accompagnement. Les assises nationales de la création d'entreprise, organisées par Marylise LEBRANCHU à l'automne, prendront en compte cet objectif.
Au-delà, je veux aider à la concrétisation de toutes les initiatives et élargir le champ de l'économie à toutes les formes d'activités qui créent de la richesse (y compris par le rétablissement du lien social). Il y a de la place dans notre société pour différentes formes d'entreprises, selon le but qu'elles poursuivent et les moyens qu'elles se donnent. Je suis particulièrement sensible à celles qui se réclament de l'économie solidaire. Elles sont nombreuses, notamment dans les quartiers en difficulté, où elles savent travailler tant sur l'économie que sur le social. Leur place est encore mal reconnue, et je compte prochainement, avec Martine AUBRY et le délégué interministériel à l'économie et à l'innovation sociale, engager un chantier pour asseoir plus solidement le rôle de ces entreprises.
Afin de concrétiser un nouveau " droit à l'initiative ", je propose que tous ceux qui contribuent à l'accompagnement des projets, se réunissent dans des " maisons de l'initiative ", afin que rien ne se perde de l'énergie existant dans ces quartiers, afin que chaque habitant qui le souhaite sache bien qu'il peut être acteur de sa ville. Les entreprises et les banques devraient pouvoir s'associer à la mise en place de ces réseaux d'initiative et, pourquoi pas, se structurer en " clubs d'entrepreneurs pour la ville " ?
L'exclusion financière est un autre sujet sur lequel je serai amené à faire des propositions concrètes, en lien avec les établissements financiers. Daniel LEBEGUE, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, rappelait récemment que 6 millions de personnes étaient exclues du système bancaire, que 8 entreprises sur 10 se créaient sans avoir accès au crédit bancaire, qu'il en était de même pour les associations. Cette situation est inacceptable, elle est injuste socialement et prive le pays d'un potentiel considérable d'initiatives, particulièrement dans les quartiers en difficulté. Maria NOVAK et Martin VIAL l'ont justement relevé il y a un instant.
J'ai été également sensible aux propositions des parlementaires en ce qui concerne l'émergence de nouveaux besoins sociaux dans les quartiers, qui peuvent nécessiter dans certains cas le recours à des adultes, inspiré du modèle des emplois jeunes, dont 20% doivent bénéficier aux quartiers . En reconnaissant le rôle social des adultes, souvent dévalorisés par l'éloignement de l'emploi, c'est également la fonction de parent que nous conforterons, et le regard des jeunes sur la société.
Je souhaite que tous ces métiers nouveaux, par exemple au tour de la médiation sociale, bénéficient d'une reconnaissance et de vrais débouchés professionnels.
Ma troisième grande priorité est d'offrir un environnement favorable à l'investissement privé dans les quartiers, pour y faire venir des activités ou des équipements et donner à ces quartiers les conditions d'une vie normale.
Ces quartiers ne sont pas attractifs, en particulier pour les investisseurs privés. Il faut améliorer la rentabilité économique des opérations qui s'y réalisent, et qui de fait sont confrontés à des charges supérieures à ce qu'elles trouveraient ailleurs. Les parlementaires ont fait deux séries de propositions qui me paraissent particulièrement pertinentes, et sur lesquelles le gouvernement va travailler, notamment dans le cadre de la loi sur l'habitat et l'urbanisme et du vaste programme de renouvellement urbain qu'il prépare pour les prochaines années, et qui mobilisera des moyens publics considérables.
Je retiens en particulier l'idée - soutenue par Daniel LEBEGUE - de sociétés d'investissement pour acquérir à titre transitoire les terrains et immeubles pouvant accueillir un jour des entreprises, et réaliser les premiers investissements.
De la même manière, afin d'amorcer les flux d'investissement privés, je ne suis pas opposé à l'idée d'une incitation fiscale spécifique.
Les politiques fiscales à mobiliser en faveur des quartiers tireront les leçons de l'expérimentation sur 44 sites de zones franches urbaines, que le gouvernement va moraliser, comme il s'y est engagé. L'outil fiscal - pour être légitime et efficace - doit s'inscrire dans le cadre d'un véritable projet de développement. Le gouvernement n'accordera pas d'avantages fiscaux aveugles aux entreprises.
Enfin, l'ampleur du chantier nécessitera de mobiliser plus fortement l'épargne populaire, et de trouver de nouvelles formes d'épargne de proximité, en s'inspirant par exemple du financement de l'industrie du cinéma.
*
La concrétisation de toutes ces orientations doit directement se manifester dans le volet économie et emploi des contrats de ville que vous allez élaborer d'ici la fin de l'année.
La politique de la ville a peu investi par le passé le champ de l'emploi et du développement économique. Sans doute était-elle trop ciblée sur l'échelle du quartier, sans doute le service public de l'emploi a-t-il toujours privilégié les publics sur les territoires, sans doute aussi n'a-t-on pas su mobiliser les entreprises. A présent que l'environnement économique s'améliore, que les contrats de ville s'ouvrent aux agglomérations, avec des moyens renforcés, cet objectif est à portée de la main et nécessaire. Il faut aujourd'hui que se dégage de ces engagements contractuels un véritable axe en faveur de l'emploi.
Cette exigence conduit aujourd'hui à ouvrir un chantier où tout le monde a sa place.
Hier, le milieu économique a été très largement absent des contrats de ville, même s'il faut saluer l'implication des réseaux consulaires, en particulier les chambres de commerce et d'industrie. Le sondage que nous avons découvert lundi - et qui a été réalisé à la demande de mon ministère avec la caisse des dépôts et consignations - nous montre que beaucoup d'entreprises sont prêtes à s'engager. Elles sont nombreuses à être convaincues qu'il n'y a pas de prospérité durable dans un environnement social dégradé. Nous sommes au début d'un mouvement, j'en suis convaincu comme Jacques RIGAUD, ainsi qu'en témoigne le développement du mécénat, qui est souvent une première approche pour de nombreuses entreprises, et qui mérite d'être encouragé.
Ces nouveaux acteurs doivent être au centre de la négociation sur le volet emploi et économie des prochains contrats de ville.
La construction de ce volet des contrats de ville consistera en un véritable projet de développement local urbain au niveau des villes et des agglomérations, identifiant les atouts et les handicaps des territoires, et engageant chacune des parties prenantes sur la base d'objectifs communs. Je dis " projet " et non " contrat ", comme le suggéraient les parlementaires, car il ne faut pas donner l'impression que l'on crée une nouvelle procédure. Mais l'esprit est le même.
Ces objectifs communs, ce sont les vôtres, ceux que vous avez dégagés lors de vos travaux, et que je fais miens. Ils concernent à la fois l'accès à l'emploi et le développement de l'activité.
- sur l'accès à l'emploi tout d'abord,
Pour ceux qui devraient accéder naturellement à un emploi vous avez souligné la nécessité de combattre par tous les moyens la discrimination dont ils sont l'objet ; la reconnaissance par les entreprises de cette réalité, dans le sondage, est peut-être la fin d'un tabou, la prise de conscience du danger que court une société qui ne se reconnaît pas dans ses entreprises ou dans ses services publics, François ROUSSELY l'a dit.
Jean-Pierre CHEVENEMENT l'a encore dit avec force ce matin : la montée inquiétante des violences urbains est alimentée par un profond sentiment d'injustice ressenti par de nombreux habitants face à l'accès à l'emploi. Je veux en particulier parler de ces jeunes qui vivent chaque jour les manifestations de racisme d'une société crispée, incapable de leur faire la place à laquelle ils aspirent.
Pour ceux qui sont plus éloignés de l'emploi, vous avez insisté sur l'accompagnement d'abord social, et sur les notions de cohérence des interventions et de parcours d'insertion.
. Vous avez enfin souligné la nécessité de s'adapter aux besoins de main d'uvre des entreprises, qui vont croître dans les années qui viennent. La pyramide des âges conforte votre analyse, et de nombreux secteurs commencent à avoir des difficultés de recrutement. En anticipant les investissements sur un territoire donné, en aidant les employeurs à identifier leurs besoins futurs, on peut bâtir des stratégies efficaces de formation et d'accès à l'emploi.
- sur le développement de l'activité, ensuite :
De nombreux quartiers restent marqués par leur vocation initiale d'habitat social qui leur a donné un statut spécifique ; l'implantation d'activités peut précisément permettre de diversifier les fonctions de ces quartiers et de créer les conditions d'une vie normale;
La priorité doit être de restaurer un lien entre le quartier et les lieux d'échanges économiques. Vous avez en particulier dénoncé le fonctionnement de certaines grandes agglomérations où l'absence de vision globale conduit à la fracture territoriale, où la croissance des entreprises s'arrête aux frontières des quartiers populaires ;
Vous avez également insisté sur le maintien et le développement du tissu commercial, dans un pays qui, à l'inverse de l'Italie par exemple, a privilégié la grande distribution. Des instruments comme le FISAC ou l'EPARECA doivent être davantage utilisés, dans le cadre d'une stratégie d'agglomération que permettra le projet de développement local urbain.
De manière générale, vous avez insisté, comme dans le sondage, sur la nécessité de mener une politique globale et massive pour améliorer simultanément l'urbanisme, la sécurité, les transports et l'emploi.
Nous le voyons, la réussite des contrats de ville viendra des passerelles que les acteurs sauront établir entre l'économie et l'emploi, entre le développement et l'insertion. Cela nécessitera dans chaque contrat de ville la mise en place d'une véritable " force de frappe" mobilisant tous les partenaires, une ingénierie forte et pluridisciplinaire pour établir le diagnostic et traduire dans les faits ces objectifs politiques.
Nous devons nous appuyer à cet égard sur l'expérience des plans locaux d'insertion économique (PLIE), qui doivent évoluer en application de la loi de lutte contre les exclusions, pour prendre en compte toutes les actions en faveur de l'emploi.
Je crois qu'il faut aller encore plus loin pour nos territoires urbains en crise. Les contrats de ville devront ancrer les PLIE dans un véritable projet territorial de développement, et davantage mobiliser les entreprises afin qu'elles offrent des perspectives durables d'insertion professionnelle.
Je souhaite également que la politique de la ville, notamment dans sa dimension économique, bénéficie pleinement des apports de l'Europe, à la fois en terme de méthode, comme dans le cadre de PIC URBAN qui a été reconduit, mais bien sûr aussi aux travers de ses fonds structurels et notamment des interventions du Fonds Social Européen. Je souhaite en particulier mobiliser l'effet levier du FSE pour faciliter l'accès à la mobilité, promouvoir l'égalité hommes femmes, encourager la création d'activité, appuyer le développement de nouveaux services dans les quartiers, développer l'initiation et l'apprentissage à la vie professionnelle, lutter enfin contre toutes les formes de discrimination.
Pour mener à bien ces différents chantiers, pour construire ensemble ce projet de développement local urbain, toutes les énergies doivent être mobilisées. La délégation interministérielle à la ville sera particulièrement sollicitée, pour être à votre écoute et vous accompagner dans l'élaboration et le suivi des prochains contrats de ville.
Il faut qu'au niveau local des rencontres soient organisées pour poursuivre le travail de reconnaissance et de diagnostic, et construire un nouveau partenariat. Il faut que les entreprises soient interpellées et se sentent concernées. Je leur lance un appel solennel.
La dynamique de l'appel à expériences, présentée ici à Nantes, doit être entretenue. Aussi je m'engage à ce qu'une banque de données interactive soit désormais mise à votre disposition. Elle permettra à tous les acteurs de la politique de la ville de poursuivre les échanges commencés ici et de nourrir leur action propre. Je retiens d'ailleurs la proposition de Christopher Brooks, d'organiser des contacts entre villes européennes.
Vous le voyez le programme est bien chargé. J'aurais pu citer d'autres éléments, et notamment la clause d'insertion dans les marchés publics, sur laquelle je proposerai des réformes. L'attente est forte et je sais que je peux compter sur vous. Je tiens à vous remercier particulièrement pour la mobilisation et le professionnalisme des échanges qui ont eu lieu.
Cette manifestation n'était pas une fin en soi. C'est au contraire le début d'un mouvement. Vous disposez désormais de tous les ingrédients pour fabriquer, selon les situations spécifiques auxquelles vous avez à faire face, des contrats qui soient de réels engagements et qui osent enfin s'attaquer radicalement au scandale du chômage de masse dans les quartiers. Et ce sera à la chaussure de s'adapter au pied, comme nous y invitait Danièle dans le reportage que nous avons pu visionner ce matin
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 11 août 1999)