Texte intégral
Mesdames,
Messieurs,
Il me revient la tâche délicate de conclure les débats de haute qualité qui se sont tenus au cours de ces deux jours, et qui ont fait intervenir des personnalités d'horizons variés, abordant un ensemble large de thématiques, alliant la question des besoins, ceux de l'usager, comme celui des institutions, à la question de l'offre, du point de vue des professionnels mais aussi des décideurs, dans le domaine de la santé et de l'assurance maladie.
Je voudrais faire quelques remarques sur des changements en cours, et esquisser quelques directions prospectives pour le long terme.
Aujourd'hui, on envisage la santé comme un processus dynamique, d'adaptation continuelle aux multiples événements extérieurs, auxquels l'individu fait face chaque jour, en interaction avec son environnement.
Ce changement du concept de santé, qui d'un modèle définissant la santé comme l'absence de maladie a évolué vers un modèle plus global, définissant la santé comme "un état de complet bien être physique, mental et social", n'est pas récent.
Mais cette approche, globale et interactive avec l'environnement, n'est pas encore entrée dans les faits.
Pourtant, cette conception humaniste me paraît profondément utile, car à aucun moment elle ne fige la situation d'un individu, mais préserve en permanence sa capacité d'évolution personnelle. Elle doit susciter un autre regard de la part des professionnels du soin et du social.
Qu'observons nous maintenant et demain ?
L'émergence de nouveaux problèmes de santé : les maladies liées à l'environnement, au sens large, incluant les questions de sécurité alimentaire, mais aussi l'impressionnante croissance des pathologies allergiques, liée à la fois à la pollution atmosphérique, mais aussi à nos changements de mode de vie.
Je pense aussi à d'autres problèmes de santé qui apparaissent également au premier plan : les troubles de la santé mentale, qu'ils soient transitoires ou plus prolongés, les accidents et morts violentes, notamment les suicides.
Autant de sujets qui nous demandent de réfléchir plus globalement aux fragilités, mal être, violences sociales ainsi révélées, aux difficultés d'adaptation à nos nouveaux modes de vie.
Et en même temps,
nous devons faire face à des inégalités de santé particulièrement fortes, sociales, ou géographiques, qui ne peuvent être expliquées de façon univoque : ainsi les surmortalités que l'on retrouve dans certaines catégories socio-professionnelles ne s'expliquent pas seulement par des facteurs individuels, mais sont à relier à des facteurs d'exposition à des risques environnementaux, en particulier les expositions en milieu professionnel.
nous devons prendre en compte le vieillissement de la population, donnée majeure pour les prochaines années.
Dans un certain nombre de départements français, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus a dépassé celui des moins de 20 ans ; selon l'INSEE ce phénomène sera généralisé à l'ensemble de la France aux alentours de 2025. L'accroissement de la longévité, et la baisse de la fécondité expliquent ces changements démographiques.
Les plus de 75 ans, 7 % de la population en 1995, en constitueront 9 % en 2010 et plus de 15 % en 2050.
Le vieillissement aujourd'hui n'apparaît plus comme une maladie, mais comme un processus biologique naturel.
Néanmoins, c'est souvent après 60 ans que se manifestent un certain nombre de maladies chroniques et invalidantes, souvent consécutives à l'accumulation pendant des dizaines d'années de facteurs de risques (tabac, alcool, sédentarité, exposition à des substances toxiques, etc..).
Elles perturbent davantage la qualité de vie quand on avance en âge, à partir de 75 voire 80 ans.
Mais l'évolution physiologique fait aussi apparaître d'autres facteurs de risques, tels l'ostéoporose, avec des risques de chutes, des modifications hormonales avec des incidences sur la sexualité, des perturbations sensorielles.
Ces perspectives démographiques interpellent fortement le système de santé, car il devra intégrer davantage des démarches de prévention, il devra être en mesure d'apporter des soins adaptés au grand âge, chez des personnes fragilisées, en risque de perte d'autonomie.
Plus globalement, c'est l'environnement qu'il faut repenser pour que chacun trouve naturellement sa place, quelles que soient ses difficultés.
En même temps, il faudra profondément rénover le système d'hospitalisation et d'hébergement des personnes âgées. Les établissements pour personnes âgées comme la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital ont longtemps été le parent pauvre de notre système de santé et le restent encore largement malgré les efforts entrepris.
Le vieillissement de la population pèsera sur l'évolution du système de santé dans les 30 prochaines années.
J'ai la conviction qu'à travers ces dispositifs, c'est la refonte du système de santé pour toute la population de demain que nous sommes en train de préparer : en personnalisant toujours d'avantage l'offre de soins, en rapprochant les lieux de prise en charge, qu'ils soient sanitaires ou sociaux, en associant les usagers et leur entourage à l'organisation des soins qui leur sont destinés, nous dessinons des axes qui sont aussi valables pour l'ensemble du système de santé.
Et du point de vue de nos concitoyens, quelles attentes ?
Ils intègrent pleinement ces évolutions ou même les précèdent ; ainsi leur vigilance dans des domaines comme celui de la sécurité alimentaire, ou environnementale, fait désormais d'eux des partenaires actifs pour repérer les problèmes.
Et ce sont eux aussi, nos concitoyens qui par leurs associations, je pense aux malades du Sida, mais aussi aux associations de personnes handicapées, font évoluer considérablement la reconnaissance de leurs droits, les rapports avec les professionnels et posent la question de leur qualité de vie, comme celle de leur entourage.
Tout récemment les familles des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer ont ainsi pu dire leurs besoins d'aide et la nécessité d'une réponse des pouvoirs publics dans une sphère qui n'est plus seulement celle de la vie familiale, mais qui concerne aussi l'ensemble de la collectivité.
Ainsi, nos concitoyens nous interpellent-ils dans ce domaine qui concerne chacun dans son intimité, sa perception du bien être et de sa qualité de vie, celle de ses proches, en demandant de nouvelles formes d'intervention de l'Etat ou des collectivités territoriales pour que chacun soit respecté dans ses capacités et soit en mesure d'occuper sa place de citoyen, gage de cohésion sociale.
Une meilleure reconnaissance des droits des personnes, pour garantir le respect de leurs libertés est un engagement fort de l 'action du Gouvernement.
Ces attentes ont été prises en compte par des dispositions législatives nouvelles et importantes concernant les droits individuels :
- Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en cours de discussion au parlement, qui non seulement précise les droits de toute personne dans ses relations avec le système de santé mais donne également au malade les moyens d'exprimer sa volonté.
- Le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, qui là aussi garantit les droits fondamentaux des personnes
- La loi APA votée en juillet dernier, qui crée un droit universel et égal pour toutes les personnes âgées en perte d'autonomie, pour mieux garantir la dignité et la citoyenneté de ces personnes fragilisées.
Mais au delà de ces droits individuels essentiels, c'est de plus en plus, l'aspiration à un droit à une prise en charge globale et continue qu'il nous faudra satisfaire.
Quelles conséquences pouvons nous tirer de ces évolutions ?
Dans une vision prospective, mais aussi volontariste, de notre système de santé au sens le plus large, j'ai envie d'insister sur trois points :
l'avenir est à une meilleure coordination des soins et de l'accompagnement autour de la personne, à une meilleure complémentarité entre approche sanitaire et approche sociale
l'avenir est à une organisation des métiers centrés sur le domicile
l'avenir est aussi à la reconnaissance d'une cohérence territoriale de développement sanitaire et social
Le premier point, comment lier une dimension sanitaire et une dimension sociale, a été un souci constant dans la façon dont nous avons construit la politique d'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie ; la volonté d'intégrer ces deux dimensions se retrouve ainsi aussi bien dans le dispositif de l'allocation personnalisée d'autonomie, que dans le plan destiné aux personnes souffrant de maladie d'Alzheimer, ou dans le développement de la gériatrie.
Il s'agit là de prendre en compte les besoins de la personne en matière de prévention, de dépistage, de soins, en développant des interventions pluriprofessionnelles et des modalités souples, hôpital de jour, HAD ; il s'agit aussi de répondre aux besoins d'accompagnement à domicile par des aides variées.
Mais en même temps, il faut également intégrer une préoccupation pour l'entourage, et je pense notamment aux groupes de paroles pour les aidants, dans le cas de la maladie d'Alzheimer
Il s'agit enfin de prendre en compte le point de vue des professionnels, en leur offrant des formations adaptées, aussi bien en formation initiale, qu'en formation continue sur des problèmes d'éthique, dans l'approche des malades d'Alzheimer ou des personnes en fin de vie ; les démarches entreprises dans le cadre des soins palliatifs me paraissent à cet égard exemplaires
Une approche qui prenne en compte en même temps les dimensions du soin et du social, c'est aussi, clairement, un enjeu important dans d'autres champs, comme celui de la psychiatrie, c'est une urgence dans le cadre de la lutte contre les exclusions. Parmi les plus exclus, parmi ceux qui sont le plus éloignés du marché de l'emploi, il y a un noyau important de personnes souffrant de troubles psychiques, ou qui, sans présenter de pathologie caractérisée, vivent dans une situation de détresse psychologique ou les histoires personnelles et les facteurs sociaux sont complètement imbriqués.
A l'évidence, seule une approche globale et un accompagnement à la fois sanitaire et social apportent une réponse satisfaisante à des besoins complexes et il nous faut être en mesure de répondre à des demandes qui s'expriment de façon croissante à domicile.
En effet à mes yeux, et c'est le second point que je souhaite développer brièvement, la meilleure reconnaissance de tout le secteur des métiers à domicile est un impératif pour les années à venir.
Dans le secteur social, les réformes en cours vont apporter des réponses, en terme de formation, professionnalisation, valorisation.
Il faut, en respectant les métiers existant favoriser la pluridisciplinarité, casser les catégorisations trop étroites, qui laissent des trous dans la chaîne des soins et de l'accompagnement.
C'est dans cet esprit qu'un travail est amorcé pour mieux articuler les formations à un même niveau de qualification, et je pense notamment aux aides à domicile, Aides Médico-Psychologiques et aides soignantes, afin de favoriser la fluidité dans les métiers d'accompagnement de la personne malade ou en perte d'autonomie.
En revanche, à ce jour, la réflexion n'est pas encore suffisamment engagée sur l'organisation des soins à domicile ; et c'est à mes yeux une priorité pour les mois à venir, car face aux manques actuels et aux besoins croissants, il est essentiel de travailler autour de quelques pistes de réflexion :
premier point : mieux cerner le contenu des prises en charge à domicile : par exemple entre une HAD, l'intervention d'un SSIAD, ou celle d'une infirmière libérale ;
en second lieu, examiner l'évolution du contenu des métiers, en matière de prévention notamment ;
troisième point : permettre plus de mobilité des professionnels entre ville, hôpital, domicile, établissement pour instaurer plus de souplesse et de continuité dans les prises en charge
enfin il faudra aborder la question de la coordination des intervenants, la place des réseaux de soins dans le dispositif.
Cette question de la coordination est un enjeu fort pour les années à venir ; pour les personnes âgées, la création et la montée en charge du dispositif des CLIC, centres locaux d'information et de coordination gérontologique, répond au souci d'instaurer un partenariat entre les différents acteurs du système de santé et du champ social, dans un territoire géographique donné.
La question du territoire sera centrale dans l'avenir de nos réflexions sur le système de santé, et je veux soutenir un développement sanitaire et social fondé sur une cohérence territoriale.
Aujourd'hui, le niveau régional a pris une place essentielle dans la construction et la mise en uvre des politiques de santé, dans un souci de cohérence entre définition des besoins, organisation des soins hospitaliers, et programmes régionaux de santé.
Cette étape nécessaire devra s'accompagner à mon sens d'une réflexion plus approfondie sur les liens ville hôpital, abordés à travers la problématique des réseaux, et d'une façon plus générale sur l'ouverture de l'hôpital vers l'extérieur.
Les évolutions démographiques des médecins et des autres professionnels de santé, mais aussi la modification des comportements des usagers, par exemple le recours fréquent à l'hôpital pour les urgences devront guider nos réflexions pour mieux définir le rôle de chacun, les complémentarités dans une zone géographique entre
* libéraux, médecins, infirmiers et autres professionnels de santé
* services de soins infirmiers à domicile, centres de santé
* établissements de santé, y compris les hôpitaux locaux.
L'expérience des hôpitaux locaux est riche d'enseignements, en termes d'ouverture sur la médecine de ville et la coordination médico-sociale, comme en terme d'ancrage sur un territoire. Il nous faut réinventer la proximité, pas seulement pour les hôpitaux locaux mais aussi pour des établissements généraux de moyenne importance, parce que la demande est là, d'une prise en charge hospitalière plus courte, voire hors les murs, parce que la télémédecine et les nouvelles technologies mettent le progrès technique à la disposition du plus grand nombre. J'ai en tête des exemples d'hôpitaux locaux, mais aussi de centres hospitaliers généraux de grandes villes qui font le pari de mettre en pratique une politique d'organisation des soins inscrite dans la proximité.
Pour le secteur social et médico-social, le choix fait est clairement celui de la proximité, aussi bien dans la mise en uvre des politiques que comme niveau de planification à travers les schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale.
L'enjeu sera donc de définir des territoires cohérents pour la mise en uvre des politiques sanitaire et sociales, à un échelon qui permette l'articulation des interventions et leur interaction, en établissant des partenariats clairs entre ville et hôpital, Etat et collectivités locales, assurance maladie et autres caisses, pouvant nécessiter d'imaginer de nouvelles formes de coordination, et de participation des usagers.
C'est au niveau des territoires que l'on peut le mieux assurer une régulation non exclusivement comptable des dépenses, répondre à la demande de proximité, inscrire la santé et le social dans une démarche d'aménagement du territoire et de développement local.
Je veux, pour conclure, insister encore sur le rôle des politiques sanitaires et sociales dans l'aménagement du territoire ; s'il est évident qu'un hôpital apporte des emplois, les politiques de soutien des soins et d'aide à domicile contribuent aussi largement à l'aménagement du territoire : en créant des emplois directs et indirects, en maintenant des activités, une animation locale, elles aident les communes ou regroupements de communes notamment en zone rurale à conserver une vitalité, et à lutter contre l'isolement.
Il nous reste encore beaucoup de chemin à faire, pour mettre en place une vraie coordination de l'action sociale, de la prévention, des soins dans un territoire donné, mais je suis convaincue que, vous, professionnels de santé, saurez y contribuer, car face à la complexité croissante des demandes qui se font jour, nous devrons trouver ensemble les moyens d'apporter des réponses à la fois personnalisées et globales.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 2 janvier 2002)
Messieurs,
Il me revient la tâche délicate de conclure les débats de haute qualité qui se sont tenus au cours de ces deux jours, et qui ont fait intervenir des personnalités d'horizons variés, abordant un ensemble large de thématiques, alliant la question des besoins, ceux de l'usager, comme celui des institutions, à la question de l'offre, du point de vue des professionnels mais aussi des décideurs, dans le domaine de la santé et de l'assurance maladie.
Je voudrais faire quelques remarques sur des changements en cours, et esquisser quelques directions prospectives pour le long terme.
Aujourd'hui, on envisage la santé comme un processus dynamique, d'adaptation continuelle aux multiples événements extérieurs, auxquels l'individu fait face chaque jour, en interaction avec son environnement.
Ce changement du concept de santé, qui d'un modèle définissant la santé comme l'absence de maladie a évolué vers un modèle plus global, définissant la santé comme "un état de complet bien être physique, mental et social", n'est pas récent.
Mais cette approche, globale et interactive avec l'environnement, n'est pas encore entrée dans les faits.
Pourtant, cette conception humaniste me paraît profondément utile, car à aucun moment elle ne fige la situation d'un individu, mais préserve en permanence sa capacité d'évolution personnelle. Elle doit susciter un autre regard de la part des professionnels du soin et du social.
Qu'observons nous maintenant et demain ?
L'émergence de nouveaux problèmes de santé : les maladies liées à l'environnement, au sens large, incluant les questions de sécurité alimentaire, mais aussi l'impressionnante croissance des pathologies allergiques, liée à la fois à la pollution atmosphérique, mais aussi à nos changements de mode de vie.
Je pense aussi à d'autres problèmes de santé qui apparaissent également au premier plan : les troubles de la santé mentale, qu'ils soient transitoires ou plus prolongés, les accidents et morts violentes, notamment les suicides.
Autant de sujets qui nous demandent de réfléchir plus globalement aux fragilités, mal être, violences sociales ainsi révélées, aux difficultés d'adaptation à nos nouveaux modes de vie.
Et en même temps,
nous devons faire face à des inégalités de santé particulièrement fortes, sociales, ou géographiques, qui ne peuvent être expliquées de façon univoque : ainsi les surmortalités que l'on retrouve dans certaines catégories socio-professionnelles ne s'expliquent pas seulement par des facteurs individuels, mais sont à relier à des facteurs d'exposition à des risques environnementaux, en particulier les expositions en milieu professionnel.
nous devons prendre en compte le vieillissement de la population, donnée majeure pour les prochaines années.
Dans un certain nombre de départements français, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus a dépassé celui des moins de 20 ans ; selon l'INSEE ce phénomène sera généralisé à l'ensemble de la France aux alentours de 2025. L'accroissement de la longévité, et la baisse de la fécondité expliquent ces changements démographiques.
Les plus de 75 ans, 7 % de la population en 1995, en constitueront 9 % en 2010 et plus de 15 % en 2050.
Le vieillissement aujourd'hui n'apparaît plus comme une maladie, mais comme un processus biologique naturel.
Néanmoins, c'est souvent après 60 ans que se manifestent un certain nombre de maladies chroniques et invalidantes, souvent consécutives à l'accumulation pendant des dizaines d'années de facteurs de risques (tabac, alcool, sédentarité, exposition à des substances toxiques, etc..).
Elles perturbent davantage la qualité de vie quand on avance en âge, à partir de 75 voire 80 ans.
Mais l'évolution physiologique fait aussi apparaître d'autres facteurs de risques, tels l'ostéoporose, avec des risques de chutes, des modifications hormonales avec des incidences sur la sexualité, des perturbations sensorielles.
Ces perspectives démographiques interpellent fortement le système de santé, car il devra intégrer davantage des démarches de prévention, il devra être en mesure d'apporter des soins adaptés au grand âge, chez des personnes fragilisées, en risque de perte d'autonomie.
Plus globalement, c'est l'environnement qu'il faut repenser pour que chacun trouve naturellement sa place, quelles que soient ses difficultés.
En même temps, il faudra profondément rénover le système d'hospitalisation et d'hébergement des personnes âgées. Les établissements pour personnes âgées comme la prise en charge des personnes âgées à l'hôpital ont longtemps été le parent pauvre de notre système de santé et le restent encore largement malgré les efforts entrepris.
Le vieillissement de la population pèsera sur l'évolution du système de santé dans les 30 prochaines années.
J'ai la conviction qu'à travers ces dispositifs, c'est la refonte du système de santé pour toute la population de demain que nous sommes en train de préparer : en personnalisant toujours d'avantage l'offre de soins, en rapprochant les lieux de prise en charge, qu'ils soient sanitaires ou sociaux, en associant les usagers et leur entourage à l'organisation des soins qui leur sont destinés, nous dessinons des axes qui sont aussi valables pour l'ensemble du système de santé.
Et du point de vue de nos concitoyens, quelles attentes ?
Ils intègrent pleinement ces évolutions ou même les précèdent ; ainsi leur vigilance dans des domaines comme celui de la sécurité alimentaire, ou environnementale, fait désormais d'eux des partenaires actifs pour repérer les problèmes.
Et ce sont eux aussi, nos concitoyens qui par leurs associations, je pense aux malades du Sida, mais aussi aux associations de personnes handicapées, font évoluer considérablement la reconnaissance de leurs droits, les rapports avec les professionnels et posent la question de leur qualité de vie, comme celle de leur entourage.
Tout récemment les familles des personnes atteintes de maladie d'Alzheimer ont ainsi pu dire leurs besoins d'aide et la nécessité d'une réponse des pouvoirs publics dans une sphère qui n'est plus seulement celle de la vie familiale, mais qui concerne aussi l'ensemble de la collectivité.
Ainsi, nos concitoyens nous interpellent-ils dans ce domaine qui concerne chacun dans son intimité, sa perception du bien être et de sa qualité de vie, celle de ses proches, en demandant de nouvelles formes d'intervention de l'Etat ou des collectivités territoriales pour que chacun soit respecté dans ses capacités et soit en mesure d'occuper sa place de citoyen, gage de cohésion sociale.
Une meilleure reconnaissance des droits des personnes, pour garantir le respect de leurs libertés est un engagement fort de l 'action du Gouvernement.
Ces attentes ont été prises en compte par des dispositions législatives nouvelles et importantes concernant les droits individuels :
- Le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé, en cours de discussion au parlement, qui non seulement précise les droits de toute personne dans ses relations avec le système de santé mais donne également au malade les moyens d'exprimer sa volonté.
- Le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, qui là aussi garantit les droits fondamentaux des personnes
- La loi APA votée en juillet dernier, qui crée un droit universel et égal pour toutes les personnes âgées en perte d'autonomie, pour mieux garantir la dignité et la citoyenneté de ces personnes fragilisées.
Mais au delà de ces droits individuels essentiels, c'est de plus en plus, l'aspiration à un droit à une prise en charge globale et continue qu'il nous faudra satisfaire.
Quelles conséquences pouvons nous tirer de ces évolutions ?
Dans une vision prospective, mais aussi volontariste, de notre système de santé au sens le plus large, j'ai envie d'insister sur trois points :
l'avenir est à une meilleure coordination des soins et de l'accompagnement autour de la personne, à une meilleure complémentarité entre approche sanitaire et approche sociale
l'avenir est à une organisation des métiers centrés sur le domicile
l'avenir est aussi à la reconnaissance d'une cohérence territoriale de développement sanitaire et social
Le premier point, comment lier une dimension sanitaire et une dimension sociale, a été un souci constant dans la façon dont nous avons construit la politique d'accompagnement des personnes âgées en perte d'autonomie ; la volonté d'intégrer ces deux dimensions se retrouve ainsi aussi bien dans le dispositif de l'allocation personnalisée d'autonomie, que dans le plan destiné aux personnes souffrant de maladie d'Alzheimer, ou dans le développement de la gériatrie.
Il s'agit là de prendre en compte les besoins de la personne en matière de prévention, de dépistage, de soins, en développant des interventions pluriprofessionnelles et des modalités souples, hôpital de jour, HAD ; il s'agit aussi de répondre aux besoins d'accompagnement à domicile par des aides variées.
Mais en même temps, il faut également intégrer une préoccupation pour l'entourage, et je pense notamment aux groupes de paroles pour les aidants, dans le cas de la maladie d'Alzheimer
Il s'agit enfin de prendre en compte le point de vue des professionnels, en leur offrant des formations adaptées, aussi bien en formation initiale, qu'en formation continue sur des problèmes d'éthique, dans l'approche des malades d'Alzheimer ou des personnes en fin de vie ; les démarches entreprises dans le cadre des soins palliatifs me paraissent à cet égard exemplaires
Une approche qui prenne en compte en même temps les dimensions du soin et du social, c'est aussi, clairement, un enjeu important dans d'autres champs, comme celui de la psychiatrie, c'est une urgence dans le cadre de la lutte contre les exclusions. Parmi les plus exclus, parmi ceux qui sont le plus éloignés du marché de l'emploi, il y a un noyau important de personnes souffrant de troubles psychiques, ou qui, sans présenter de pathologie caractérisée, vivent dans une situation de détresse psychologique ou les histoires personnelles et les facteurs sociaux sont complètement imbriqués.
A l'évidence, seule une approche globale et un accompagnement à la fois sanitaire et social apportent une réponse satisfaisante à des besoins complexes et il nous faut être en mesure de répondre à des demandes qui s'expriment de façon croissante à domicile.
En effet à mes yeux, et c'est le second point que je souhaite développer brièvement, la meilleure reconnaissance de tout le secteur des métiers à domicile est un impératif pour les années à venir.
Dans le secteur social, les réformes en cours vont apporter des réponses, en terme de formation, professionnalisation, valorisation.
Il faut, en respectant les métiers existant favoriser la pluridisciplinarité, casser les catégorisations trop étroites, qui laissent des trous dans la chaîne des soins et de l'accompagnement.
C'est dans cet esprit qu'un travail est amorcé pour mieux articuler les formations à un même niveau de qualification, et je pense notamment aux aides à domicile, Aides Médico-Psychologiques et aides soignantes, afin de favoriser la fluidité dans les métiers d'accompagnement de la personne malade ou en perte d'autonomie.
En revanche, à ce jour, la réflexion n'est pas encore suffisamment engagée sur l'organisation des soins à domicile ; et c'est à mes yeux une priorité pour les mois à venir, car face aux manques actuels et aux besoins croissants, il est essentiel de travailler autour de quelques pistes de réflexion :
premier point : mieux cerner le contenu des prises en charge à domicile : par exemple entre une HAD, l'intervention d'un SSIAD, ou celle d'une infirmière libérale ;
en second lieu, examiner l'évolution du contenu des métiers, en matière de prévention notamment ;
troisième point : permettre plus de mobilité des professionnels entre ville, hôpital, domicile, établissement pour instaurer plus de souplesse et de continuité dans les prises en charge
enfin il faudra aborder la question de la coordination des intervenants, la place des réseaux de soins dans le dispositif.
Cette question de la coordination est un enjeu fort pour les années à venir ; pour les personnes âgées, la création et la montée en charge du dispositif des CLIC, centres locaux d'information et de coordination gérontologique, répond au souci d'instaurer un partenariat entre les différents acteurs du système de santé et du champ social, dans un territoire géographique donné.
La question du territoire sera centrale dans l'avenir de nos réflexions sur le système de santé, et je veux soutenir un développement sanitaire et social fondé sur une cohérence territoriale.
Aujourd'hui, le niveau régional a pris une place essentielle dans la construction et la mise en uvre des politiques de santé, dans un souci de cohérence entre définition des besoins, organisation des soins hospitaliers, et programmes régionaux de santé.
Cette étape nécessaire devra s'accompagner à mon sens d'une réflexion plus approfondie sur les liens ville hôpital, abordés à travers la problématique des réseaux, et d'une façon plus générale sur l'ouverture de l'hôpital vers l'extérieur.
Les évolutions démographiques des médecins et des autres professionnels de santé, mais aussi la modification des comportements des usagers, par exemple le recours fréquent à l'hôpital pour les urgences devront guider nos réflexions pour mieux définir le rôle de chacun, les complémentarités dans une zone géographique entre
* libéraux, médecins, infirmiers et autres professionnels de santé
* services de soins infirmiers à domicile, centres de santé
* établissements de santé, y compris les hôpitaux locaux.
L'expérience des hôpitaux locaux est riche d'enseignements, en termes d'ouverture sur la médecine de ville et la coordination médico-sociale, comme en terme d'ancrage sur un territoire. Il nous faut réinventer la proximité, pas seulement pour les hôpitaux locaux mais aussi pour des établissements généraux de moyenne importance, parce que la demande est là, d'une prise en charge hospitalière plus courte, voire hors les murs, parce que la télémédecine et les nouvelles technologies mettent le progrès technique à la disposition du plus grand nombre. J'ai en tête des exemples d'hôpitaux locaux, mais aussi de centres hospitaliers généraux de grandes villes qui font le pari de mettre en pratique une politique d'organisation des soins inscrite dans la proximité.
Pour le secteur social et médico-social, le choix fait est clairement celui de la proximité, aussi bien dans la mise en uvre des politiques que comme niveau de planification à travers les schémas départementaux d'organisation sociale et médico-sociale.
L'enjeu sera donc de définir des territoires cohérents pour la mise en uvre des politiques sanitaire et sociales, à un échelon qui permette l'articulation des interventions et leur interaction, en établissant des partenariats clairs entre ville et hôpital, Etat et collectivités locales, assurance maladie et autres caisses, pouvant nécessiter d'imaginer de nouvelles formes de coordination, et de participation des usagers.
C'est au niveau des territoires que l'on peut le mieux assurer une régulation non exclusivement comptable des dépenses, répondre à la demande de proximité, inscrire la santé et le social dans une démarche d'aménagement du territoire et de développement local.
Je veux, pour conclure, insister encore sur le rôle des politiques sanitaires et sociales dans l'aménagement du territoire ; s'il est évident qu'un hôpital apporte des emplois, les politiques de soutien des soins et d'aide à domicile contribuent aussi largement à l'aménagement du territoire : en créant des emplois directs et indirects, en maintenant des activités, une animation locale, elles aident les communes ou regroupements de communes notamment en zone rurale à conserver une vitalité, et à lutter contre l'isolement.
Il nous reste encore beaucoup de chemin à faire, pour mettre en place une vraie coordination de l'action sociale, de la prévention, des soins dans un territoire donné, mais je suis convaincue que, vous, professionnels de santé, saurez y contribuer, car face à la complexité croissante des demandes qui se font jour, nous devrons trouver ensemble les moyens d'apporter des réponses à la fois personnalisées et globales.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 2 janvier 2002)