Déclaration de Mme Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d'Etat au logement, sur la relance du logement social par des démolitions et des reconstructions, sur l'objectif de mixité sociale et de renouvellement urbain, sur la sécurité et la sécurisation des immeubles HLM, le 11 mai 2001.

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Circonstance : Assemblée générale des sociétés anonymes d'HLM

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Jacques BERKE,
Monsieur le Président de l'Union,
Messieurs les Présidents de Fédérations du mouvement HLM et tout particulièrement Monsieur le Président de la Fédération des Offices (j'espère que je n'ai pas oublié les autres),
Mesdames, Messieurs les Présidents ou Directeurs de sociétés d'HLM,
Mesdames, Messieurs les élus,
Mesdames, Messieurs,
C'est d'abord un grand plaisir pour moi d'être parmi vous aujourd'hui ; ce n'est pas tout à fait nouveau et entre les 9 ans qui me séparent de ma précédente fonction ministérielle, j'ai eu l'occasion de participer à vos travaux assez régulièrement car le monde des militants du logement au sens large et du logement social en particulier est finalement un monde restreint ; on peut le regretter ; je vois souvent d'anciens ministres (Monsieur PERISSOL était là tout à l'heure) qui se ressemblent, non pas du tout dans leur politique mais dans leur attention pour le monde HLM et pour les sociétés anonymes.
Donc, pour moi, un univers où je me sens tout à fait en terrain connu ; je me sens donc une certaine liberté de ton que l'on peut se permettre entre amis.
Tout d'abord, pour vous demander d'être des acteurs réactifs au plan de relance qui a été engagé par mon prédécesseur Louis BESSON.
Nous n'arriverons pas dans la société française à transformer l'image du logement social (et vous savez que le mot social est assez galvaudé pour que, quand on licencie massivement des gens, on appelle cela "un plan social") ; il n'en demeure pas moins que si l'on veut que cette idée du logement social et que l'objectif de construire et de réaliser du logement social sur l'ensemble du territoire puisse se concrétiser, nous avons besoin de faire la preuve que les acteurs du mouvement social eux-mêmes, les sociétés, les Offices, l'ensemble du mouvement HLM sont acteurs déterminés de cette politique de relance, de la construction et de la réalisation ; car nous le savons bien, dans l'ancien, il y a de nombreuses opportunités, qui doivent nous permettre de changer la forme du parc traditionnel HLM.
Ce mouvement est déjà engagé pour une part, en terme de qualité, de manière de faire, de manière de concevoir ; ce qui n'est pas engagé, c'est encore le nombre suffisant de réussites de ces opérations sur le territoire ; nous ne pouvons pas accepter que la lente décrue, engagée depuis plusieurs années de constructions de logements HLM, se poursuive.
J'ai la conviction que les nouvelles dispositions qui ont été prises par Louis BESSON permettent de faire. Pour être certaine que les objectifs soient atteints, j'ai essayé de mettre une méthode en place, qui est celle que j'ai appelée "des groupes d'appui" pour les programmes d'actions prioritaires, et parmi ces actions, il y a la relance du logement social.
Avec l'Union, avec Michel DELEBARRE, nous allons organiser un tour de France des régions, pas forcément toujours nous deux, mais l'ensemble de nos services, de nos responsables, de mon Cabinet, pour non seulement mobiliser les acteurs, mais aussi pour entendre ce qui pourrait ici ou là bloquer : est-ce que les crédits du 1 % qui sont dégagés sont bien mobilisés, facilement, pour ceux qui en ont besoin ? Est-ce que les démarches administratives que nous avons mises en place ne surajoutent pas des obstacles à ceux qui existent déjà ? Comment convaincre parfois des élus locaux ? Comment aussi veiller à ce que les financements soient bien ajustés ? Car il y a souvent des marges de manuvre financières laissées à la discrétion des directions départementales de l'équipement, des acteurs de terrain, qui ne sont pas toujours utilisées, et pas forcément de leur part par mauvaise foi, mais parce qu'aussi les trésoriers payeurs généraux sont assez exigeants, etc.
Tous ces obstacles, nous les connaissons, vous Monsieur le Président, vous, Mesdames et Messieurs les acteurs du logement social, et pour une part l'ensemble de l'administration ; donc, pour lever ces obstacles, nous avons pensé que la bonne méthode était d'être autour d'une table au niveau national et pourquoi pas au niveau régional de façon plus décentralisée, pour regarder, opération par opération, projet par projet, ce qui peut bloquer.
Car je le dis : la relance du logement social exige que tout ce qui peut se faire, tout ce qui porte projet, parce que déjà des gens ont envie de le faire, puisse se réaliser effectivement.
Donc, je compte sur vous pour être à la fois (comme on dit dans le langage franglais assez classique désormais dans notre société) "pushing", mais en même temps, soyez convaincus que vous aurez du côté de l'administration, de l'Etat, une attente, en tous les cas une écoute pour que les obstacles soient levés.
Je crois que cela nous permettra aussi, au bout d'une année, de faire le point sur les dispositions, la manière d'évaluer ce que l'on peut déjà alléger dans nos démarches, qui soit de nature à éviter que l'on fasse recours, parce qu'on voudrait réaliser un projet et que finalement, on n'y arrive pas.
Deuxième sujet que vous avez évoqué : la question de la restructuration urbaine et des quartiers.
J'y attache personnellement une grande importance, mais je voudrais dire qu'elle ne pourra être entendue et réalisée que si dans le même moment la relance de la construction et du nombre de logements sociaux s'engage, car sinon, ce sera vécu par toute une partie de la population comme étant purement et simplement la volonté de gommer la question sociale, et non pas de la régler autrement. Or, l'enjeu est bien de la régler autrement.
Donc, ces démolitions, Monsieur le Président, vous l'avez dit, font partie de cette restructuration urbaine ; j'ai fait d'un engagement chiffré d'une relance de la démolition une des premières interventions qui étaient la mienne.
Pourquoi ? Parce que j'ai vécu comme vous, comme beaucoup des acteurs qui le font, l'énorme temps qu'il y a entre le moment où l'on décide et le moment où l'on peut faire ; il y a le temps humain nécessaire ; le temps humain est qu'il y a des personnes qui habitent dans ces logements, il faut les reloger, il ne s'agit pas de chasser brutalement des gens qui ont quand même souvent vécu longtemps dans ces habitations ; c'est quasi incontournable, dirais-je.
Mais tout le reste doit pouvoir être fondamentalement raccourci.
Une des raisons pour lesquelles ces démolitions ont du mal à se faire procède probablement d'une difficulté à ajuster le coût, à avoir une juste estimation du coût, pour être certain qu'elle soit correctement financée. Dans le même état d'esprit que ce que j'ai annoncé pour la relance, nous avons mis en place un groupe d'action, d'appui, pour ce programme prioritaire ; j'ai la conviction qu'un fonds unique sera à terme nécessaire ; faut-il encore en définir le cadre, la façon de faire, les coûts ; car il ne faudrait pas non plus tomber dans la standardisation que par ailleurs, on regrette souvent dans nos systèmes de financement du logement social ; mais en tout cas, ce groupe d'appui verra, détail par détail, toutes les opérations ; non pas pour donner un feu vert : quand elles peuvent se faire, ce n'est pas du tout la peine d'aller remonter au niveau national ce qui peut se réaliser sur le terrain ; en revanche, quand il y a blocage, le groupe d'appui sera là pour lever les blocages, pour en faire une analyse exhaustive, et pour dégager des méthodes généralisables pour l'avenir ; c'est la méthode expérimentale, mais non pas pour l'expérimentation qu'on va laisser dans les tiroirs, mais bien l'expérimentation qui sert à la généralisation rapide des processus.
Une deuxième difficulté est liée à la question de la reconstruction : là, j'insiste très lourdement pour que nous réfléchissions à l'ensemble des formes de reconstruction qui sont nécessaires à la mixité sociale ; il y a celles que l'on a besoin de faire sur le site, ou en tout cas dans le quartier, où a eu lieu la démolition, et il y a ceux qu'il faut impérativement faire ailleurs ; car nous ne ferons pas de la mixité sociale uniquement en travaillant sur les quartiers eux-mêmes si dans les centres villes, si dans l'ensemble du bassin d'habitat, nous ne sommes pas capables de varier l'offre de logement social, évidemment nous nous retrouverons avec des problèmes majeurs, et en particulier l'offre de logements sociaux de petite taille, pas les logements mais les opérations ; car pour les logements, il y a quand même, il faut être honnête, en France, un gros problème de logement pour les familles nombreuses, qui sont trop souvent la façon déguisée de faire de la ségrégation sociale, voire raciale.
On fait trop peu de F5 ou de grands appartements, ou l'on acquiert de façon insuffisante des pavillons pour ces familles nombreuses ; et si nous voulons que les quartiers ne soient pas le lieu de la ségrégation, même en plus petit nombre, répétant inlassablement le mécanisme de ségrégation sociale, répétant inlassablement la fracture sociale, nous avons besoin de construire, partout, du logement social en mixant les populations, en mixant les tailles de logements et en jouant des lieux d'implantation variés et diversifiés.
Dans cet esprit, j'ai souhaité que nous lancions un concours d'idées sur de petites résidences, de petites villas, voire en tout petit nombre de logements, une dizaine, une vingtaine de logements ; je sais les coûts de fonctionnement, les coûts de réalisation importants ; cela, pour que nous soyons en situation, sur notamment la zone urbaine dense, où le foncier est rare et coûteux, de pouvoir réaliser cette mixité partout. Et je compte sur vous pour convaincre nos élus que l'objectif des 20 %, qui est quand même un objectif bien étalé dans le temps, puisse concrètement se mettre en uvre.
Il faut que ce soit le mouvement HLM lui-même, dans sa diversité, qui explique qu'il y a un plus dans la société française quand on construit et réalise du logement social, que c'est un mieux pour tout le monde et que rien n'est pire que ces villes à l'américaine où l'on croit pouvoir se protéger en mettant dans des ghettos une partie de la population ; on ne protège personne, on accroît les inégalités sociales.
Je suis donc tout à fait ouverte à toutes les propositions qui mettraient en évidence les difficultés de faire, qui nous permettraient d'améliorer la possibilité de faire ; mais il faut la volonté de faire ; je crois que vous l'avez, vous l'avez souvent manifestée ; en tout cas, il me semble que vous aurez toujours un écho favorable de l'Etat dans cette direction.
Il y a ce qu'il faut faire dans les quartiers ; je crois qu'il faut là aussi, avec beaucoup de pragmatisme, se rendre compte des opportunités sur chacun des territoires : accession sociale à la propriété, diversification des formes d'habitat et, j'y viendrai tout à l'heure, la nécessité d'opérateurs qui puissent incarner cette mixité des réponses.
Vous avez parlé des logements pédagogiques, qui sont la formule allemande ; l'allemand est toujours assez difficile à traduire en français et réciproquement ; celui d'entre vous qui aura trouvé comment on dit en allemand " laïcité " sera honoré de la République assez durablement !
(Rires)
Ce que je veux néanmoins réaffirmer c'est que, connaissant assez bien la société allemande, je crois qu'en France, nous avons quand même cette vieille tradition à laquelle je crois qu'il faut que l'on s'arc-boute, de l'égalité républicaine ; si les logements doivent concourir à l'intégration, il faut que leur qualité, et la manière dont ils sont organisés, ne soient pas différents des autres logements ; c'était une vieille bataille que nous avons menée, tous en commun je crois, dans le mouvement HLM, pour que par exemple les logements d'insertion ne soient pas des sous-logements ou des logements de sous-qualité, et soient plutôt conçus avec des financements appropriés pour garantir la qualité égale.
Il me semble que pour la problématique que vous lancez, l'état d'esprit doit être le même : en revanche, les formes d'action doivent être adaptées.
J'en viens donc au cur du sujet : quels sont les acteurs de ces politiques ?
Le mouvement HLM a un rôle déterminant, majeur, même s'il n'est pas le seul ; je me réjouis (j'ai dû apercevoir Monsieur PELLETIER) de voir que l'ANAH a réussi cette année à faire en sorte que 35 000 nouveaux logements qui étaient vacants soient de nouveau des logements habités et rarement ces logements sont de très haut standing ; ils concourent donc eux aussi au droit au logement ; je me réjouis que l'on voie de plus en plus la volonté de l'ANAH d'avoir des PST (des programmes sociaux thématiques) ; ces partenariats public/privé sont rendus plus faciles avec les nouvelles dispositions de Louis BESSON. Mais le logement social, le mouvement HLM reste le grand acteur du logement social en France et de la mixité sociale en France.
Le logement social n'est pas uniquement le logement des très pauvres ; j'ai toujours été très attachée à l'esprit même de la fondation du logement social, c'est-à-dire pour la majorité des Français ; le logement moyen, mais dans moyen, il y a le très pauvre comme le moyen ; il ne faut pas perdre de vue cette logique, car c'est celle qui va nous distinguer de la question européenne.
Autant l'Europe nous ouvre des opportunités et parfois des contraintes, autant elle doit nous amener à réfléchir de façon moins hexagonale dans nos têtes, moins refermée sur nous-mêmes, plus disponibles à ce que les autres ont réussi positivement, autant, elle ne doit pas nous amener à abandonner un certain nombre d'idées forces qui font l'identité française dans le monde et qui doit être notre apport à l'Europe ; et je veux parler là du service public au sens noble du terme, que nos amis européens appellent "le service économique d'intérêt général", dont procède le logement social.
La grande différence avec les Anglo-saxons, voire parfois les sociaux-démocrates allemands, est notre tradition française, attachée à l'idée de service public ; dans le service public, doit aussi rester ce qui est profitable, ce qui est intéressant, ce qui marche bien, produit de la synergie financière ou de savoir-faire et pas nécessairement ce qui pose problème, pour ce qui est coûteux, pour ce qui est déficitaire ; vieille formule : il ne faut pas privatiser les bénéfices et socialiser les pertes !
Or, si le mouvement HLM n'a pas en son sein la capacité de réaliser une synergie entre l'ensemble de ces dynamiques, le risque est grand de ce que l'on appelle "la banalisation des acteurs" ; et ensuite, quelle réponse donne la puissance publique ? C'est l'aide individualisée dont on sait bien que pour une large part, elle installe les gens dans l'assistance, et par ailleurs, ne marche pas en terme de vrai filet de sécurité pour tous.
Donc, cette philosophie de l'action, de la mission de service public, de la mission économique d'intérêt général, doit rester notre objectif commun, notre façon de faire non pas de façon défensive auprès des Européens, mais de façon dynamique, pour montrer qu'à la fois, on accepte un certain nombre de règles de la concurrence, mais qu'on sait les dépasser pour faire vivre l'intérêt général.
Concrètement, comment cela peut-il se faire ?
J'ai pour ma part, vous l'avez dit, Monsieur le Président, ouvert la porte à ce que les sociétés anonymes d'HLM soient en mesure de pouvoir réaliser des opérations de type amortissement BESSON ; pourquoi et comment ?
Pourquoi ? Parce qu'observatrice du terrain, je sais qu'il est des lieux où les élus locaux souhaitent des opérations de cette nature, auraient des opportunités en terme de besoins locaux qui s'expriment, mais ne trouvent pas d'acteur pour le faire ; et force est de constater que c'est souvent pas très loin des secteurs en contrat ville, en zone de recomposition urbaine.
Je me dis que le mouvement HLM qui veut incarner la mixité urbaine peut être un des acteurs de ce type de savoir-faire, quand il y a manifestement défaillance des acteurs privés.
Donc, il y a possibilité de discuter entre nous sur ce qu'il est possible de faire, pour élargir les compétences dans ce domaine, du côté des sociétés anonymes d'HLM.
Vous savez bien que ce sujet est sensible, car c'est toujours la question du curseur, le débat permanent sur le pâté de grive et le pâté de cheval ! Le cheval doit rester le logement social, le logement social cur de cible. Cela doit être clairement à la marge de votre activité que se trouverait l'amortissement BESSON.
Je suis en tout cas ouverte à ce débat, pour trouver les formes les plus appropriées, mais je le rappelle, pas dans l'esprit de la banalisation des acteurs ; d'ailleurs, je vais vous le dire très franchement : plus vous vous banaliserez, plus vos avantages fiscaux et financiers vont fondre comme neige au soleil ! Donc, je ne crois pas que les acteurs qui veulent vraiment réussir sur le terrain aient intérêt à cette banalisation.
Deuxièmement : territorialisation, décentralisation.
J'étais pour ma part très sensible à ce grand message de Pierre MAUROY ; permettez-moi de dire que, pas tout à fait 20 ans après (car il a fallu le temps de les faire) les lois de décentralisation, qui ont donné l'impulsion de la décentralisation en France, j'écoute avec beaucoup d'intérêt cet artisan de la décentralisation qu'a été Pierre MAUROY et cet homme convaincu ; il nous dit et il a raison, qu'il faut décentraliser la politique du logement.
Une fois que l'on a affirmé cela, la difficulté est le comment ; car vous connaissez assez l'enchevêtrement des compétences pour savoir que ce ne sera pas facile ; car entre celui qui finance, celui qui délivre le permis de construire et celui qui attribue le logement, la chaîne est parfois complexe, les convergences ne sont pas toujours évidentes ; mais c'est notre travail commun, et je vous remercie, Monsieur le Président, d'avoir engagé vos sociétés à faire les propositions concrètes sur cette décentralisation ; on peut dès à présent avancer sur la territorialisation des acteurs.
Sur la territorialisation des acteurs, vous avez donné l'exemple d'EVRY : j'y suis pour ma part très favorable, à la condition que nous n'atteignions pas le système dit "du monopole des acteurs", car la rationalité est partout la même : on concentre. On concentre dans l'industrie, on concentre dans l'économie, on concentre sur les territoires les opérateurs ; sans être une fanatique de la concurrence pour tout, ce n'est quand même pas un hasard si elle fonctionne comme un des profonds moteurs des sociétés modernes.
Je souhaite qu'il y ait à la fois rassemblement des acteurs, mais pas trop d'unicité des acteurs sur le terrain, car il me semble qu'une certaine stimulation est nécessaire pour agir au mieux. Je suis donc favorable à travailler sur le cas d'EVRY et plus fondamentalement, à travailler, peut-être dans le même groupe, ou celui des compétences, sur la manière de favoriser des regroupements. Mais aussi, pourquoi pas, je souhaite travailler à la manière de faire naître de plus grands nombres d'agréments, voire même pour donner à certaines sociétés ou certains organismes d'HLM (pour moi la question ne se limite pas aux sociétés anonymes d'HLM) une capacité d'intervention sur des territoires beaucoup plus larges.
En tout cas, nous avons besoin d'acteurs rénovés et je crois que notre ministère est prêt avec vous à préparer cette rénovation du mouvement HLM que vous avez déjà pour une part engagée.
Je vais terminer mes propos sur la sécurité, la convivialité, la gestion de proximité ; j'observe comme vous les préoccupations montantes, et pas seulement en période électorale, de nos concitoyens sur leur sécurité, et il n'y a pas de droits plus fondamentaux que ceux d'avoir le droit au logement d'une part et le droit à la sécurité d'autre part ; c'est tellement essentiel pour chaque individu !
Le Gouvernement a lancé les contrats locaux de sécurité et la police de proximité, qui n'est pas toujours en place partout, puisque vous savez qu'il y a une certaine programmation de sa mise en uvre.
Pour avoir été acteur de contrats locaux de sécurité, j'ai observé que les bailleurs en général y participaient ; je ne saurais vous inciter que davantage à y aller ; mais ce que j'ai observé aussi, c'est leur difficulté à répondre aux problèmes pour deux raisons :
D'abord, des problèmes matériels : résidentialisation, sécurisation des halls, sécurisation des parkings, etc., sujets que vous connaissez parfaitement ; le Gouvernement a décidé de rajouter 200 millions de francs dès cette année à la ligne "qualité de service" pour financer des opérations qui concourent à la sécurité de nos concitoyens ; je sais qu'il y avait beaucoup de demandes "crédit qualité de service" qui n'arrivaient pas à être satisfaites.
Cette même ligne d'ailleurs pourra servir aussi à une opération que nous appelons "mieux vivre au quotidien" où complémentairement à la sécurité et la sécurisation des immeubles, nous financerons des opérations d'amélioration de l'espace public ; car si l'on veut que la sécurisation et la résidentialisation ne soient pas le renfermement sur son univers familial ou sur sa résidence comme une sorte de protection et de défense par rapport à l'espace public, qui lui resterait un espace de tension, de violence ou de délinquance, qui serait de toute façon un leurre de sécurisation, ou en tout cas une sécurisation insuffisamment ressentie par les populations, nous avons besoin des deux mouvements en même temps : sécuriser, résidentialiser l'habitat, améliorer la qualité du service public et la présence de la police de proximité.
Donc, les crédits "qualité de service" vous aideront à réaliser des opérations dès cette année si vous avez des projets en cours, n'hésitez pas à les présenter aux directions départementales de l'équipement.
Mais nous savons désormais qu'il ne suffit pas de dispositifs techniques pour régler le problème de l'incivilité, du manque de civisme, voire de la délinquance ; et vous avez bien fait de dire que j'ai été assez "raide" dans mes propos, sur la nécessité de gardiens dans l'ensemble du parc HLM.
Pourquoi ? Je ne crois pas que les gardiens doivent se substituer à la nécessaire présence de la police. Vous ne m'avez pas entendue parler que des quartiers en difficulté, classés en Zus et autres choses. Je connais beaucoup de petites résidences HLM qui ne sont pas en Zus et où pourtant, nous avons des jeunes qui, installés dans une cage d'escalier, rendent la vie impossible à toute la cage d'escalier et parfois, au delà de la cage d'escalier, et où le nombre de gardiens n'est pas toujours très grand, voire parfois très limité ; et les jeunes en question comprennent la catégorie des très durs, de ceux qui sont dans un comportement déjà très délinquant, mais avant d'arriver à cela, il y a souvent eu des étapes intermédiaires.
Mon souci est donc qu'il y ait sur le terrain des personnels, que l'on appelait historiquement gardiens ; j'ai une vieille expérience politique, vous savez, quand on veut commencer à changer les noms, c'est que l'on a du mal à assumer les réalités ; les femmes de ménage qui deviennent "des agents d'entretien de surfaces", les partis politiques qui croient qu'en changeant de nom, ils changent de réalité, tout cela, j'ai déjà beaucoup vu, comme vous ! Et le mot gardien avait bien une idée ; c'est un beau mot ; ce n'est pas un policier, un gardien ; c'est un homme de vigilance et il a historiquement toujours contribué à la fois à la convivialité, à l'entretien et au maintien du lien social.
En même temps, pas de dogmatisme : si les noms heurtent et que les réalités sont assumées, je n'ai pas d'inquiétude, on arrivera à se mettre d'accord.
Je connais parfaitement la difficulté pour ces gardiens de vivre sur place. Une partie d'entre eux auraient des pressions sur leurs familles qui poseraient des problèmes ; je connais parfaitement aussi le fait qu'ils ne peuvent pas assumer leur présence la nuit ; d'abord, il y a des lois sociales dans ce pays, on ne travaille pas 24 heures sur 24, heureusement, et il en est encore besoin d'autres, mais néanmoins, pour ce qui est de la présence nocturne, je peux très bien comprendre cela ; car déjà, lorsque la police hésite à entrer dans certains halls d'immeubles ou dans certaines résidences, j'imagine bien que ce n'est pas le gardien qui va faire ce qu'on n'est pas capable de faire du côté de la police et que la police doit faire.
Mais en même temps, j'ai trop vu la fragmentation des fonctions, entre l'entretien, la surveillance, le lien social, qui fait que finalement, il n'y a plus cette présence humaine repérée, connue, référente, sur les territoires, par petits bouts de quartiers, de cités et d'immeubles pour savoir qu'on ne peut pas se contenter de dire que l'on instaure une fonction pour qu'elle soit remplie ; car la manière dont la fonction est remplie est déterminante.
Vous avez bien compris : pas de dogmatisme sur une obligation de mettre tant de gardiens par logements encore qu'il soit quand même un peu cocasse de voir que l'on me reproche parfois de reprendre les textes de Monsieur PASQUA ; pour le coup, je suis d'accord avec la loi où il indiquait ce cadre ; mais je suis prête à ouvrir un groupe de travail rapide, car il faut que nous aboutissions rapidement, pour que l'on réfléchisse ensemble, en prenant appui sur les expériences qui ont bien marché et qu'il faut faire connaître ; car si a contrario, on connaît des situations qui vont mal, il y a des endroits où le mouvement HLM et en particulier vos sociétés anonymes d'HLM ont été extrêmement innovantes et efficaces dans la façon de faire.
Nous allons donc prendre appui sur cette expérience positive, voir comment on se donne, à la fois la contrainte de la présence humaine sur le terrain en nombre suffisant et au bon moment, mais pas quand il est impossible de l'assumer, et deuxièmement, de décliner ensuite comment les modes opératoires peuvent avoir une certaine flexibilité, puisqu'il semble que le mot soit à la mode.
L'état d'esprit est celui-là : une présence humaine, et là, il y a le coût, et il faudra discuter sur le coût, car vous savez qu'il se reporte sur le locataire et parfois sur l'organisme ; vous savez que les exonérations de TFPB auront leurs contreparties avec, notamment, cette année, la signature des contrats de gestion de proximité ; nous avons là un premier outil qui doit nous permettre d'avancer dans l'esprit que j'ai indiqué.
Mesdames et Messieurs, j'ai l'intime conviction qu'en cette fin de 20ème siècle, le bel idéal de la République, qui est un patrimoine commun à la grande masse des Français, cette belle idée de la République vacille parfois ; elle vacille parce que dans le monde contemporain, les hommes et les femmes qui s'y réfèrent sont finalement assez peu nombreux et que le modèle anglo-saxon, le modèle des villes à l'américaine, le modèle d'une société qui n'est pas fondée sur les valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité, a quand même une large tendance à submerger l'ensemble du monde.
Autant nous devons nous ouvrir à l'extérieur, autant nous devons être fidèles à ce bel idéal né de 1789. Mais les mots ne suffisent pas ; nous ne pourrons convaincre les autres dans la planète qu'il y a une autre façon de concevoir la globalisation, qu'il y a une autre façon de penser l'Europe que d'être le décalque de ce modèle, qu'à la condition que dans notre pays, dans nos villes, pour les jeunes générations, ceux qui doutent des valeurs d'aujourd'hui, ceux qui peuvent basculer vers l'incivisme, parce qu'ils n'ont plus de repères, on leur donne ces repères.
Et ces repères, c'est le droit au logement, c'est la mixité sociale, c'est la déclinaison urbaine des idéaux de la République : la liberté, l'égalité et la fraternité. Inventons les outils modernes, et je suis convaincue que le mouvement HLM et les sociétés anonymes d'HLM avec leurs spécificités, dans la façon un peu plus différenciée de mêler l'intervention privée historique de vos actionnaires, et l'intervention de missions de service public, ont avec l'ensemble du mouvement HLM une responsabilité qui n'est pas simplement de bien gérer notre patrimoine (et il faut le faire), de bien construire (et faites-le beaucoup), de bien démolir (et il faut aussi accélérer la donne), vous avez la mission de porter un idéal qui est la déclinaison dans la ville du bel idéal républicain.
(Applaudissements chaleureux)
M. LE PRESIDENT - Merci Madame la Ministre. Nous vous remercions vivement pour vos propos.
(La séance est suspendue à 10 heures 10)

(source http://www.logement.equipement.gouv.fr, le 14 février 2002)