Texte intégral
Monsieur le Gouverneur,
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un réel plaisir que je me trouve ce soir parmi vous à Macapá, à l'occasion de ces troisièmes consultations entre nos deux pays en matière de coopération transfrontalière. Je tiens à vous remercier, Monsieur le Gouverneur, pour votre accueil chaleureux et amical.
J'ai souvent eu l'occasion de travailler avec des pays voisins des outre-mers français, j'ai souvent eu l'occasion d'évoquer avec eux des questions de coopération et de frontières. Mais ce qui me frappe aujourd'hui, c'est la proximité entre nos deux régions, la Guyane et l'Amapà. La frontière qui sépare nos deux Etats ne différencie pas pour autant deux cultures, deux manières d'être ou deux civilisations. C'est le contraire qui est vrai : la Guyane et l'Amapa ont des traits communs et se ressemblent fortement. De part et d'autre, les modes de vie sont proches, parce que les conditions de vie sont semblables. Des fleuves identiques, un même écosystème, des ressources semblables : tout nous réunit. Ces deux régions sont pareillement diverses : diversité biologique (une multiplicité sans pareil d'espèces animales et végétales), diversité humaine également (sur un même territoire, des populations dont les différences restent marquées et qui sont attachées à leur identité). Cette diversité, nous voulons en France comme au Brésil, qu'elle soit pour ces régions frontalières un atout. Nous avons pour cela à vaincre les déséquilibres durablement créés et les inégalités qui les produisent. Voilà aussi ce qui nous réunit : les mêmes défis à relever et, je crois, la volonté de les relever ensemble.
Cela implique bien sûr que nous échangions et que nous entendions sur les projets à mener. Je me félicite que, depuis quelques années, nous ayons pris l'habitude de nous rencontrer périodiquement, Brésiliens et Français, habitants de la Guyane et de l'Amapà. Nous nous efforçons ainsi de gérer au mieux le patrimoine que nous avons en commun, nous nous efforçons également de remédier aux problèmes frontaliers, de santé, de formation ou d'agriculture et de sécurité. Notre efficacité, évidemment, sera d'autant plus grande que nous agirons ensemble, dans la concertation.
C'est le développement économique, social, culturel et environnemental de cette région qui est en jeu dans cette coopération régionale que nous voulons renforcée. Les mieux placés pour débattre, avec leurs homologues, des projets à initier et des moyens à engager ce sont avant tout les dirigeants et les élus locaux. C'est pour cela que le gouvernement auquel j'appartiens a décidé, dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer, de confier davantage de responsabilités aux élus locaux en matière de coopération internationale. Le Président du Conseil Régional de la Guyane, les élus des deux assemblées font partie, pour cette raison, de la délégation française. La France a aussi souhaité confier au Président Antoine Karam la présidence de sa délégation à la commission bilatérale qui est chargée de piloter la construction d'un pont sur l'Oyapock. Ce pont, c'est tout un symbole, le signe que nous sommes liées et reliés, le signe aussi que les échanges entre les deux régions seront désormais plus faciles. La route nationale 2 en Guyane y contribuera également. Je me félicite que le Président Karam ait accepté la délicate mission que le gouvernement lui a confiée.
Les travaux des troisièmes consultations, que je vous remercie, Monsieur le Gouverneur, d'accueillir cette année à Macapà, ont déjà commencé. Depuis quelques jours, les responsables des différentes secteurs techniques se réunissent pour examiner, ensemble, les problèmes que nous avons en commun. Une séance plénière est prévue demain, que j'aurai l'honneur de co-présider.
La coopération régionale entre nos deux pays est très largement engagée et nous lui donnerons une impulsion nouvelle, dans ces consultations comme dans les rendez-vous qui suivront. Tout pousse en effet qu'elle soit aujourd'hui renforcée : la proximité qui nous unit, les nombreux problèmes que nous devons envisager ensemble parce qu'ils nous sont communs et parce qu'il n'est pas de solution séparée, et plus largement, le commerce qu'entretiennent nos deux pays. Commerce, en son sens moderne, c'est bien sûr l'échange des marchandises et des services, commerce en son sens ancien, la circulation des personnes et, avec elle je l'espère, celle des idées.
Coopérer, ce n'est pas seulement régler ensemble des problèmes frontaliers, comme ceux que j'ai déjà évoqués, mais c'est aussi savoir dépasser, lorsqu'il le faut, nos frontières. Car ces frontières ont leurs limites, celles que nous assigne un monde toujours plus global. Bien sûr, les Etats restent des espaces de souveraineté légitimes, bien sûr l'action publique sur les territoires nationaux reste ce levier puissant et nécessaire au développement économique et à l'égalité sociale. On n'oubliera pas cependant qu'il est des responsabilités partagées et qui ne se réduisent pas à un territoire donné.
Chacun sait ainsi l'importance de la forêt amazonienne dans l'écosystème de notre planète. Chacun sait également qu'elle n'est pas une ressource qu'on peut exploiter indéfiniment sans songer à sa protection. La forêt est épaisse, elle est immense mais elle est fragile. Nous ne la possédons pas ni ne la maîtrisons pas : elle n'appartient ni au Brésil ni à la France, elle est un bien commun régional et même universel, et la préserver nous incombe, en partage, à nous Brésiliens et Français.
La préserver, ce n'est pas cesser d'en exploiter les ressources. C'est veiller à ne pas les épuiser, c'est concilier l'activité économique et la protection de l'environnement. C'est aussi associer le développement des techniques et les savoir-faire traditionnels, conjuguer la croissance et l'égalité sociale. S'inventent ici, dans l'Amapà et en Guyane, des modèles jumeaux de développement durable, qui ne sont pas dictés depuis Brasilia ou Paris, mais qui laissent aux populations, à leurs élus, le soin d'imaginer leur avenir. Je souhaite que des deux côtés on s'inspire les uns des autres. Les initiatives prises ici, en matière de formation notamment, sont remarquables. Elles méritent d'être davantage connues en Guyane.
La modernité, si le terme a encore un sens, ce n'est certainement pas imposer, en tous lieux, des modèles définis ailleurs, ce n'est certainement pas plaquer au Sud les certitudes du Nord. C'est à mes yeux l'inverse, c'est-à-dire une invitation à apprendre les uns des autres, à mettre en commun nos savoirs, à étudier ensemble les conditions d'une mondialisation équitable et non pas laissée aux seules forces du marché, une mondialisation plus solidaire. C'est aussi à cela que nous invite, plus au Sud, le Forum social de Porto Allegre, où je me rendrai dans quelques jours. Et c'est à tout cela également que nous incite le dialogue fructueux que nouent et noueront encore l'Amapà et la Guyane, si semblables, si proches.
Je sais, et l'on connaît en France, le travail courageux engagé ici dans l'Amapà par le gouverneur Capiberibe et par son équipe. Je sais les obstacles qu'il a fallu franchir, les oppositions prêtes à se relever. Je sais combien ce qui a été engagé ici depuis 1994 s'apparente à une insurrection de l'imagination politique, avec une obligation de résultats concrets. C'est pourquoi je suis venu participer à ces rencontres, pour coopérer plus, mais aussi pour comprendre et pour apprendre.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 février 2002)
Mesdames, Messieurs,
C'est avec un réel plaisir que je me trouve ce soir parmi vous à Macapá, à l'occasion de ces troisièmes consultations entre nos deux pays en matière de coopération transfrontalière. Je tiens à vous remercier, Monsieur le Gouverneur, pour votre accueil chaleureux et amical.
J'ai souvent eu l'occasion de travailler avec des pays voisins des outre-mers français, j'ai souvent eu l'occasion d'évoquer avec eux des questions de coopération et de frontières. Mais ce qui me frappe aujourd'hui, c'est la proximité entre nos deux régions, la Guyane et l'Amapà. La frontière qui sépare nos deux Etats ne différencie pas pour autant deux cultures, deux manières d'être ou deux civilisations. C'est le contraire qui est vrai : la Guyane et l'Amapa ont des traits communs et se ressemblent fortement. De part et d'autre, les modes de vie sont proches, parce que les conditions de vie sont semblables. Des fleuves identiques, un même écosystème, des ressources semblables : tout nous réunit. Ces deux régions sont pareillement diverses : diversité biologique (une multiplicité sans pareil d'espèces animales et végétales), diversité humaine également (sur un même territoire, des populations dont les différences restent marquées et qui sont attachées à leur identité). Cette diversité, nous voulons en France comme au Brésil, qu'elle soit pour ces régions frontalières un atout. Nous avons pour cela à vaincre les déséquilibres durablement créés et les inégalités qui les produisent. Voilà aussi ce qui nous réunit : les mêmes défis à relever et, je crois, la volonté de les relever ensemble.
Cela implique bien sûr que nous échangions et que nous entendions sur les projets à mener. Je me félicite que, depuis quelques années, nous ayons pris l'habitude de nous rencontrer périodiquement, Brésiliens et Français, habitants de la Guyane et de l'Amapà. Nous nous efforçons ainsi de gérer au mieux le patrimoine que nous avons en commun, nous nous efforçons également de remédier aux problèmes frontaliers, de santé, de formation ou d'agriculture et de sécurité. Notre efficacité, évidemment, sera d'autant plus grande que nous agirons ensemble, dans la concertation.
C'est le développement économique, social, culturel et environnemental de cette région qui est en jeu dans cette coopération régionale que nous voulons renforcée. Les mieux placés pour débattre, avec leurs homologues, des projets à initier et des moyens à engager ce sont avant tout les dirigeants et les élus locaux. C'est pour cela que le gouvernement auquel j'appartiens a décidé, dans le cadre de la loi d'orientation pour l'outre-mer, de confier davantage de responsabilités aux élus locaux en matière de coopération internationale. Le Président du Conseil Régional de la Guyane, les élus des deux assemblées font partie, pour cette raison, de la délégation française. La France a aussi souhaité confier au Président Antoine Karam la présidence de sa délégation à la commission bilatérale qui est chargée de piloter la construction d'un pont sur l'Oyapock. Ce pont, c'est tout un symbole, le signe que nous sommes liées et reliés, le signe aussi que les échanges entre les deux régions seront désormais plus faciles. La route nationale 2 en Guyane y contribuera également. Je me félicite que le Président Karam ait accepté la délicate mission que le gouvernement lui a confiée.
Les travaux des troisièmes consultations, que je vous remercie, Monsieur le Gouverneur, d'accueillir cette année à Macapà, ont déjà commencé. Depuis quelques jours, les responsables des différentes secteurs techniques se réunissent pour examiner, ensemble, les problèmes que nous avons en commun. Une séance plénière est prévue demain, que j'aurai l'honneur de co-présider.
La coopération régionale entre nos deux pays est très largement engagée et nous lui donnerons une impulsion nouvelle, dans ces consultations comme dans les rendez-vous qui suivront. Tout pousse en effet qu'elle soit aujourd'hui renforcée : la proximité qui nous unit, les nombreux problèmes que nous devons envisager ensemble parce qu'ils nous sont communs et parce qu'il n'est pas de solution séparée, et plus largement, le commerce qu'entretiennent nos deux pays. Commerce, en son sens moderne, c'est bien sûr l'échange des marchandises et des services, commerce en son sens ancien, la circulation des personnes et, avec elle je l'espère, celle des idées.
Coopérer, ce n'est pas seulement régler ensemble des problèmes frontaliers, comme ceux que j'ai déjà évoqués, mais c'est aussi savoir dépasser, lorsqu'il le faut, nos frontières. Car ces frontières ont leurs limites, celles que nous assigne un monde toujours plus global. Bien sûr, les Etats restent des espaces de souveraineté légitimes, bien sûr l'action publique sur les territoires nationaux reste ce levier puissant et nécessaire au développement économique et à l'égalité sociale. On n'oubliera pas cependant qu'il est des responsabilités partagées et qui ne se réduisent pas à un territoire donné.
Chacun sait ainsi l'importance de la forêt amazonienne dans l'écosystème de notre planète. Chacun sait également qu'elle n'est pas une ressource qu'on peut exploiter indéfiniment sans songer à sa protection. La forêt est épaisse, elle est immense mais elle est fragile. Nous ne la possédons pas ni ne la maîtrisons pas : elle n'appartient ni au Brésil ni à la France, elle est un bien commun régional et même universel, et la préserver nous incombe, en partage, à nous Brésiliens et Français.
La préserver, ce n'est pas cesser d'en exploiter les ressources. C'est veiller à ne pas les épuiser, c'est concilier l'activité économique et la protection de l'environnement. C'est aussi associer le développement des techniques et les savoir-faire traditionnels, conjuguer la croissance et l'égalité sociale. S'inventent ici, dans l'Amapà et en Guyane, des modèles jumeaux de développement durable, qui ne sont pas dictés depuis Brasilia ou Paris, mais qui laissent aux populations, à leurs élus, le soin d'imaginer leur avenir. Je souhaite que des deux côtés on s'inspire les uns des autres. Les initiatives prises ici, en matière de formation notamment, sont remarquables. Elles méritent d'être davantage connues en Guyane.
La modernité, si le terme a encore un sens, ce n'est certainement pas imposer, en tous lieux, des modèles définis ailleurs, ce n'est certainement pas plaquer au Sud les certitudes du Nord. C'est à mes yeux l'inverse, c'est-à-dire une invitation à apprendre les uns des autres, à mettre en commun nos savoirs, à étudier ensemble les conditions d'une mondialisation équitable et non pas laissée aux seules forces du marché, une mondialisation plus solidaire. C'est aussi à cela que nous invite, plus au Sud, le Forum social de Porto Allegre, où je me rendrai dans quelques jours. Et c'est à tout cela également que nous incite le dialogue fructueux que nouent et noueront encore l'Amapà et la Guyane, si semblables, si proches.
Je sais, et l'on connaît en France, le travail courageux engagé ici dans l'Amapà par le gouverneur Capiberibe et par son équipe. Je sais les obstacles qu'il a fallu franchir, les oppositions prêtes à se relever. Je sais combien ce qui a été engagé ici depuis 1994 s'apparente à une insurrection de l'imagination politique, avec une obligation de résultats concrets. C'est pourquoi je suis venu participer à ces rencontres, pour coopérer plus, mais aussi pour comprendre et pour apprendre.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 14 février 2002)