Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Madame et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le commissaire général,
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs
Je suis heureuse de vous accueillir aujourd'hui, au moment d'installer cette commission nationale pour l'autonomie des jeunes
Il s'agit de sa première séance, et paradoxalement cette commission a déjà une longue histoire.
C'est en effet le 12 décembre 2000, il y a presque un an, que sa création a été proposée par l'Assemblée nationale, par le biais d'une proposition de loi déposée par Alain BOCQUET et le groupe communistes et apparentés et dont M. MALAVIEILLE fut le rapporteur - M. MALAVIELLE est d'ailleurs avec nous aujourd'hui puisqu'il fait partie des trois députés qui ont été désignés pour siéger dans cette commission.
La procédure était déjà exceptionnelle. Il est rare, en effet, pour ne pas dire unique, que le Parlement prenne ainsi l'initiative de lancer de cette façon une réflexion sur un sujet, en créant lui-même une commission, et il est plus rare encore qu'une commission créée pour faire des propositions au Parlement et au Gouvernement soit composée de manière aussi large et variée.
Il n'est pas habituel en effet que se côtoient dans une même instance des parlementaires, des élus locaux, des fonctionnaires, des personnalités qualifiées et des représentants de la société civile, dans sa plus grande diversité. Syndicats, mutuelles, associations de parents d'élèves, sans oublier les représentants des jeunes eux-mêmes, sont en effet présents autour de cette table.
Parvenir à réunir tant de personnes, venant d'horizons aussi différents, n'a pas été chose aisée. Vous êtes en tout 72 ; outre le Sénat et l'Assemblée nationale, 13 ministères et 39 organismes ou institutions différentes ont été saisis pour y désigner un ou plusieurs représentants ; vous comprendrez dans ces conditions qu'il ait fallu davantage que quelques jours pour que nous puissions obtenir toutes les réponses, une fois paru le décret d'application de la loi, en septembre dernier. Mais c'est aujourd'hui chose faite.
Je tiens à cet égard à remercier Jean-Baptiste de FOUCAULD qui aura la lourde responsabilité de présider vos travaux, mais aussi chacune et chacun d'entre vous d'avoir accepté la responsabilité d'y siéger.
La genèse quelque peu exceptionnelle de cette commission lui donne une exposition particulière et vous donne, à tous qui allez la faire vivre dans les prochains mois, une responsabilité particulière. Vous avez tous été personnellement choisis, directement par le gouvernement pour certains ou par l'organisme ou l'institution que vous représentez pour les autres, pour faire des propositions aux pouvoirs publics sur un sujet important, dont le Gouvernement et le Parlement souhaitent qu'il soit désormais au cur du débat public.
Nous vous laisserons le temps nécessaire pour mener votre réflexion. La date du 31 décembre 2001, pour la remise du rapport de la commission, avait été fixée l'année dernière dans le texte de la proposition de loi, sans tenir compte de ses délais d'adoption. Mais la proposition de loi n'a pu être examinée qu'en juin par le Sénat, qui préféré ne pas en modifier le texte, permettant ainsi son adoption définitive. Il n'a donc pas été possible alors de revoir la date de remise du rapport, qui n'était déjà plus réaliste, comme l'ont montré les délais nécessaires à la mise en place de la commission, que j'ai rappelés tout à l'heure.
Il me paraît néanmoins important, alors que notre pays se prépare à des échéances importantes l'année prochaine, que la commission ait pu achever ses travaux et remettre ses conclusions avant l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. C'est pourquoi la date du 31 mars 2002 me paraît plus raisonnable pour la remise du rapport. Je pense que Jean-Baptiste de FOUCAULD aura l'occasion tout à l'heure de revenir sur ce point, et sur la façon dont il entend conduire vos travaux.
Une chose est sûre néanmoins : vous ne manquerez pas de matière ; et l'épaisseur des dossiers qui vous ont été remis aujourd'hui en est la preuve. L'autonomie des jeunes est a de fait déjà fait l'objet de nombreuses contributions ces dernières années, de la part de la société civile comme de l'administration ou des assemblées - les auteurs des deux travaux sur cette question les plus remarqués au début de cette année, M. Hubert BRIN pour le compte du Conseil économique et social et M. Dominique CHARVET pour le compte du commissariat général au Plan, siègent d'ailleurs ici aujourd'hui en tant que personnes qualifiées. Qu'ils en soient remerciés.
Il faut maintenant faire en sorte que toutes ces réflexions trouvent une traduction concrète dans les politiques publiques. C'est l'objet de cette commission. Et c'est aussi la raison pour laquelle il est prévu, si elle le juge nécessaire, qu'elle puisse suggérer des expérimentations locales dans plusieurs départementaux des propositions qu'elle sera amenée à faire. Le fait est suffisamment exceptionnel pour être souligné.
Je crois en effet qu'il est temps de voir la question de l'autonomie des jeunes traitée au-delà des prismes administratifs et institutionnels à travers lesquelles elle est traditionnellement envisagée.
L'évolution des modes de vie a contribué à faire de la jeunesse, cette tranche d'âge qui par convention va de 16 à 25 ans, un véritable " âge de la vie " distinct de l'enfance comme de l'âge adulte. Et ses représentants, qu'on les désigne sous le terme de " jeunes ", de " grands enfants " ou, de plus en plus, de " jeunes adultes ", sont de ce fait de plus en plus porteurs de cette revendication d' " autonomie " qui traverse toute la société, et qui englobe pour eux des besoins multiples :
- Le désir d'autonomie familiale, cet âge étant celui où, sans cesser d'être l'enfant de ses parents, on souhaite s'affranchir de leur tutelle pour devenir un adulte responsable, et où l'on quitte le logis familial pour s'installer dans son propre logement ;
- Le désir d'autonomie financière, lorsque l'on ne dépend plus de la solidarité familiale et où l'on commence à gagner sa vie par ses propres moyens.
- La volonté d'autonomie sociale également, parce que c'est aussi le moment où l'on souhaite grâce aux études accéder à un métier en concordance avec ses souhaits et ses capacités.
Ce sont quelques unes des aspirations et il y en a beaucoup d'autres qui participent toutes du désir d'indépendance de chaque jeune, mais que nous traitons rarement de manière globale.
En effet, c'est presque devenu un lieu commun de le dire, la politique des pouvoirs publics en direction des jeunes se caractérise par la multiplicité des dispositifs, qui répondent chacun à un besoin (le logement, l'éducation et la formation, l'emploi) mais dont le nombre donne parfois l'impression d'un éparpillement et d'un manque de visibilité. La nature des aides est de plus très diverse : aides aux parents dans le cadre de la politique familiale, avec l'allongement de la période de perception des allocations familiales, aides directes aux jeunes comme avec les bourses de l'éducation nationale, création de 350 000 nouveaux emplois avec le dispositif " emplois jeunes ", et la liste est loin d'être exhaustive.
Or, bien souvent, les différents besoins des jeunes sont liés : comment trouver un logement seul si l'on n'a pas de ressources stables ? comment accéder à des ressources stables lorsque l'on n'a pas d'emploi et que l'on n'est pas soutenu par sa famille ? comment trouver un emploi lorsque l'on n'a pas de qualification ?
À l'époque où la plupart des gens rentraient dans la vie active avant 18 ans, ces questions ne se posaient guère. De même, lorsque la " jeunesse " s'est imposée avec la force de l'évidence comme une classe d'âge avec laquelle il fallait compter, dans les années 1960, le plein emploi et la croissance réglaient alors naturellement les conditions d'entrée dans l'âge adulte des 16-25 ans.
Chacun sait que ce n'est plus le cas aujourd'hui, et ces questions ont désormais pris une acuité particulière : la situation de l'emploi des jeunes, même si elle s'est améliorée ces dernières années, et la démocratisation de l'enseignement supérieur ont radicalement changé les choses.
Certes, tous les jeunes ne sont pas identiques. Placés dans des situations très diverses ils n'ont pas les mêmes besoins. C'est une évidence. Mais tous ont grandi avec cette conscience de l'existence d'une crise, et que demain ne serait pas forcément meilleur qu'aujourd'hui.
Dans ce nouveau contexte, où le désir d'autonomie de nombreux jeunes reste souvent sans réponse, vous allez devoir réfléchir à un mécanisme qui permette de le traiter dans toutes ses composantes, de façon globale.
Ce gouvernement a d'ores et déjà marqué sa volonté d'avancer très clairement dans cette direction. En créant par la loi de lutte contre les exclusions le programme Trajet d'accès à l'emploi (le programme TRACE), il a cherché précisément à apporter la réponse globale qu'attendaient ces jeunes pour lesquels il était illusoire d'aborder le retour à l'emploi sans voir traités l'ensemble de leurs besoins. Il a approfondi cette démarche dans le cadre du plan national de lutte contre les exclusions que j'ai présenté en juillet dernier, qui élargit très sensiblement le programme TRACE et qui crée un mécanisme qui permettra aux jeunes concernés de bénéficier d'un minimum de ressources durant toute la durée du programme.
Ce programme TRACE me paraît d'autant plus important pour la perspective dans laquelle vous allez travailler qu'il s'appuie sur un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi. Ce Gouvernement, en effet, a pour les jeunes une autre ambition que l'expérience précoce d'un revenu d'assistance.
À cet égard je voudrai vous dire clairement que nous ne voulons pas d'un RMI jeune. C'est pour cela que nous tenons à la notion de contrat autonomie de la jeunesse qui suppose un projet du jeune comme pour le programme TRACE plutôt qu'une allocation jeune qui serait sans contrepartie.
Je sais que c'est aussi l'optique de ceux qui sont à l'origine de cette proposition de loi, qui parle explicitement de la nécessité d'un projet personnel.
C'est une notion qui me paraît importante.
Je crois en effet que l'autonomie ne va pas sans la responsabilité. Acquérir son autonomie signifie certes accéder à la liberté et à l'indépendance, mais c'est aussi prendre conscience que l'on appartient à une collectivité. S'il est du devoir de la société de permettre à tous ses membres d'y trouver leur place, dans la dignité, il appartient à chacun d'entre eux de la rechercher effectivement.
Ce serait d'ailleurs faire injure aux jeunes que d'imaginer qu'ils n'auraient d'autre ambition que de percevoir un revenu d'assistance. Plus de vingt années de chômage massif ont grandement remis en cause leur vision de l'avenir, et la réalité de leur présent ; et les évolutions positives que nous avons connues ces dernières années en matière d'emploi des jeunes n'ont pas effacé toutes les conséquences de la crise, loin de là hélas.
Vos travaux nous obligeront collectivement à sortir des logiques institutionnelles pour faire ce travail de remise à plat d'ensemble, et de confrontation des instruments avec les besoins.
Mais je ne veux pas anticiper davantage sur vos travaux. Cette commission a été composée dans cette forme-ci précisément pour que ses débats soient les plus ouverts possibles ; et je ne voudrais pas vous donner l'impression que je souhaite, dès son installation, orienter les travaux de la commission dans un sens ou dans un autre.
Je veux enfin mentionner le travail de Bertrand SCHWARTZ qui a été la matrice de toutes les politiques d'insertion professionnelle des jeunes qu'ont mis en uvre par la suite les pouvoirs publics.
Je souhaite que, par vos travaux, vous puissiez être de la même manière la matrice pour les vingt années à venir des politiques en faveur de l'autonomie des jeunes.
Je vous remercie, et je passe maintenant la parole à Jean-Baptiste de FOUCAULD, qui présidera vos travaux dans les mois à venir.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 décembre 2001)
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Madame et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le commissaire général,
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs
Je suis heureuse de vous accueillir aujourd'hui, au moment d'installer cette commission nationale pour l'autonomie des jeunes
Il s'agit de sa première séance, et paradoxalement cette commission a déjà une longue histoire.
C'est en effet le 12 décembre 2000, il y a presque un an, que sa création a été proposée par l'Assemblée nationale, par le biais d'une proposition de loi déposée par Alain BOCQUET et le groupe communistes et apparentés et dont M. MALAVIEILLE fut le rapporteur - M. MALAVIELLE est d'ailleurs avec nous aujourd'hui puisqu'il fait partie des trois députés qui ont été désignés pour siéger dans cette commission.
La procédure était déjà exceptionnelle. Il est rare, en effet, pour ne pas dire unique, que le Parlement prenne ainsi l'initiative de lancer de cette façon une réflexion sur un sujet, en créant lui-même une commission, et il est plus rare encore qu'une commission créée pour faire des propositions au Parlement et au Gouvernement soit composée de manière aussi large et variée.
Il n'est pas habituel en effet que se côtoient dans une même instance des parlementaires, des élus locaux, des fonctionnaires, des personnalités qualifiées et des représentants de la société civile, dans sa plus grande diversité. Syndicats, mutuelles, associations de parents d'élèves, sans oublier les représentants des jeunes eux-mêmes, sont en effet présents autour de cette table.
Parvenir à réunir tant de personnes, venant d'horizons aussi différents, n'a pas été chose aisée. Vous êtes en tout 72 ; outre le Sénat et l'Assemblée nationale, 13 ministères et 39 organismes ou institutions différentes ont été saisis pour y désigner un ou plusieurs représentants ; vous comprendrez dans ces conditions qu'il ait fallu davantage que quelques jours pour que nous puissions obtenir toutes les réponses, une fois paru le décret d'application de la loi, en septembre dernier. Mais c'est aujourd'hui chose faite.
Je tiens à cet égard à remercier Jean-Baptiste de FOUCAULD qui aura la lourde responsabilité de présider vos travaux, mais aussi chacune et chacun d'entre vous d'avoir accepté la responsabilité d'y siéger.
La genèse quelque peu exceptionnelle de cette commission lui donne une exposition particulière et vous donne, à tous qui allez la faire vivre dans les prochains mois, une responsabilité particulière. Vous avez tous été personnellement choisis, directement par le gouvernement pour certains ou par l'organisme ou l'institution que vous représentez pour les autres, pour faire des propositions aux pouvoirs publics sur un sujet important, dont le Gouvernement et le Parlement souhaitent qu'il soit désormais au cur du débat public.
Nous vous laisserons le temps nécessaire pour mener votre réflexion. La date du 31 décembre 2001, pour la remise du rapport de la commission, avait été fixée l'année dernière dans le texte de la proposition de loi, sans tenir compte de ses délais d'adoption. Mais la proposition de loi n'a pu être examinée qu'en juin par le Sénat, qui préféré ne pas en modifier le texte, permettant ainsi son adoption définitive. Il n'a donc pas été possible alors de revoir la date de remise du rapport, qui n'était déjà plus réaliste, comme l'ont montré les délais nécessaires à la mise en place de la commission, que j'ai rappelés tout à l'heure.
Il me paraît néanmoins important, alors que notre pays se prépare à des échéances importantes l'année prochaine, que la commission ait pu achever ses travaux et remettre ses conclusions avant l'entrée en fonction du nouveau gouvernement. C'est pourquoi la date du 31 mars 2002 me paraît plus raisonnable pour la remise du rapport. Je pense que Jean-Baptiste de FOUCAULD aura l'occasion tout à l'heure de revenir sur ce point, et sur la façon dont il entend conduire vos travaux.
Une chose est sûre néanmoins : vous ne manquerez pas de matière ; et l'épaisseur des dossiers qui vous ont été remis aujourd'hui en est la preuve. L'autonomie des jeunes est a de fait déjà fait l'objet de nombreuses contributions ces dernières années, de la part de la société civile comme de l'administration ou des assemblées - les auteurs des deux travaux sur cette question les plus remarqués au début de cette année, M. Hubert BRIN pour le compte du Conseil économique et social et M. Dominique CHARVET pour le compte du commissariat général au Plan, siègent d'ailleurs ici aujourd'hui en tant que personnes qualifiées. Qu'ils en soient remerciés.
Il faut maintenant faire en sorte que toutes ces réflexions trouvent une traduction concrète dans les politiques publiques. C'est l'objet de cette commission. Et c'est aussi la raison pour laquelle il est prévu, si elle le juge nécessaire, qu'elle puisse suggérer des expérimentations locales dans plusieurs départementaux des propositions qu'elle sera amenée à faire. Le fait est suffisamment exceptionnel pour être souligné.
Je crois en effet qu'il est temps de voir la question de l'autonomie des jeunes traitée au-delà des prismes administratifs et institutionnels à travers lesquelles elle est traditionnellement envisagée.
L'évolution des modes de vie a contribué à faire de la jeunesse, cette tranche d'âge qui par convention va de 16 à 25 ans, un véritable " âge de la vie " distinct de l'enfance comme de l'âge adulte. Et ses représentants, qu'on les désigne sous le terme de " jeunes ", de " grands enfants " ou, de plus en plus, de " jeunes adultes ", sont de ce fait de plus en plus porteurs de cette revendication d' " autonomie " qui traverse toute la société, et qui englobe pour eux des besoins multiples :
- Le désir d'autonomie familiale, cet âge étant celui où, sans cesser d'être l'enfant de ses parents, on souhaite s'affranchir de leur tutelle pour devenir un adulte responsable, et où l'on quitte le logis familial pour s'installer dans son propre logement ;
- Le désir d'autonomie financière, lorsque l'on ne dépend plus de la solidarité familiale et où l'on commence à gagner sa vie par ses propres moyens.
- La volonté d'autonomie sociale également, parce que c'est aussi le moment où l'on souhaite grâce aux études accéder à un métier en concordance avec ses souhaits et ses capacités.
Ce sont quelques unes des aspirations et il y en a beaucoup d'autres qui participent toutes du désir d'indépendance de chaque jeune, mais que nous traitons rarement de manière globale.
En effet, c'est presque devenu un lieu commun de le dire, la politique des pouvoirs publics en direction des jeunes se caractérise par la multiplicité des dispositifs, qui répondent chacun à un besoin (le logement, l'éducation et la formation, l'emploi) mais dont le nombre donne parfois l'impression d'un éparpillement et d'un manque de visibilité. La nature des aides est de plus très diverse : aides aux parents dans le cadre de la politique familiale, avec l'allongement de la période de perception des allocations familiales, aides directes aux jeunes comme avec les bourses de l'éducation nationale, création de 350 000 nouveaux emplois avec le dispositif " emplois jeunes ", et la liste est loin d'être exhaustive.
Or, bien souvent, les différents besoins des jeunes sont liés : comment trouver un logement seul si l'on n'a pas de ressources stables ? comment accéder à des ressources stables lorsque l'on n'a pas d'emploi et que l'on n'est pas soutenu par sa famille ? comment trouver un emploi lorsque l'on n'a pas de qualification ?
À l'époque où la plupart des gens rentraient dans la vie active avant 18 ans, ces questions ne se posaient guère. De même, lorsque la " jeunesse " s'est imposée avec la force de l'évidence comme une classe d'âge avec laquelle il fallait compter, dans les années 1960, le plein emploi et la croissance réglaient alors naturellement les conditions d'entrée dans l'âge adulte des 16-25 ans.
Chacun sait que ce n'est plus le cas aujourd'hui, et ces questions ont désormais pris une acuité particulière : la situation de l'emploi des jeunes, même si elle s'est améliorée ces dernières années, et la démocratisation de l'enseignement supérieur ont radicalement changé les choses.
Certes, tous les jeunes ne sont pas identiques. Placés dans des situations très diverses ils n'ont pas les mêmes besoins. C'est une évidence. Mais tous ont grandi avec cette conscience de l'existence d'une crise, et que demain ne serait pas forcément meilleur qu'aujourd'hui.
Dans ce nouveau contexte, où le désir d'autonomie de nombreux jeunes reste souvent sans réponse, vous allez devoir réfléchir à un mécanisme qui permette de le traiter dans toutes ses composantes, de façon globale.
Ce gouvernement a d'ores et déjà marqué sa volonté d'avancer très clairement dans cette direction. En créant par la loi de lutte contre les exclusions le programme Trajet d'accès à l'emploi (le programme TRACE), il a cherché précisément à apporter la réponse globale qu'attendaient ces jeunes pour lesquels il était illusoire d'aborder le retour à l'emploi sans voir traités l'ensemble de leurs besoins. Il a approfondi cette démarche dans le cadre du plan national de lutte contre les exclusions que j'ai présenté en juillet dernier, qui élargit très sensiblement le programme TRACE et qui crée un mécanisme qui permettra aux jeunes concernés de bénéficier d'un minimum de ressources durant toute la durée du programme.
Ce programme TRACE me paraît d'autant plus important pour la perspective dans laquelle vous allez travailler qu'il s'appuie sur un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi. Ce Gouvernement, en effet, a pour les jeunes une autre ambition que l'expérience précoce d'un revenu d'assistance.
À cet égard je voudrai vous dire clairement que nous ne voulons pas d'un RMI jeune. C'est pour cela que nous tenons à la notion de contrat autonomie de la jeunesse qui suppose un projet du jeune comme pour le programme TRACE plutôt qu'une allocation jeune qui serait sans contrepartie.
Je sais que c'est aussi l'optique de ceux qui sont à l'origine de cette proposition de loi, qui parle explicitement de la nécessité d'un projet personnel.
C'est une notion qui me paraît importante.
Je crois en effet que l'autonomie ne va pas sans la responsabilité. Acquérir son autonomie signifie certes accéder à la liberté et à l'indépendance, mais c'est aussi prendre conscience que l'on appartient à une collectivité. S'il est du devoir de la société de permettre à tous ses membres d'y trouver leur place, dans la dignité, il appartient à chacun d'entre eux de la rechercher effectivement.
Ce serait d'ailleurs faire injure aux jeunes que d'imaginer qu'ils n'auraient d'autre ambition que de percevoir un revenu d'assistance. Plus de vingt années de chômage massif ont grandement remis en cause leur vision de l'avenir, et la réalité de leur présent ; et les évolutions positives que nous avons connues ces dernières années en matière d'emploi des jeunes n'ont pas effacé toutes les conséquences de la crise, loin de là hélas.
Vos travaux nous obligeront collectivement à sortir des logiques institutionnelles pour faire ce travail de remise à plat d'ensemble, et de confrontation des instruments avec les besoins.
Mais je ne veux pas anticiper davantage sur vos travaux. Cette commission a été composée dans cette forme-ci précisément pour que ses débats soient les plus ouverts possibles ; et je ne voudrais pas vous donner l'impression que je souhaite, dès son installation, orienter les travaux de la commission dans un sens ou dans un autre.
Je veux enfin mentionner le travail de Bertrand SCHWARTZ qui a été la matrice de toutes les politiques d'insertion professionnelle des jeunes qu'ont mis en uvre par la suite les pouvoirs publics.
Je souhaite que, par vos travaux, vous puissiez être de la même manière la matrice pour les vingt années à venir des politiques en faveur de l'autonomie des jeunes.
Je vous remercie, et je passe maintenant la parole à Jean-Baptiste de FOUCAULD, qui présidera vos travaux dans les mois à venir.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 décembre 2001)