Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil supérieur de l'Audiovisuel,
Monsieur le Président du Réseau des Instances africaines de régulation de la communication,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Secrétaire généraux,
Mesdames, Messieurs,
Voilà un an exactement, en juin 1998 à Libreville, vous décidiez donc de vous organiser en réseau des instances africaines de régulation et de communication. Fruit de concertations actives d'abord entre présidents des autorités francophones de régulation de la communication, cette décision offre désormais à l'ensemble de l'Afrique une capacité d'échanges et de réflexion sur l'un des domaines les plus sensibles et les plus nécessaires à l'évolution de sociétés modernes, soucieuses d'être parties prenantes des grandes décisions et avancées qui structurent à vive allure le monde de l'information.
La France a suivi avec beaucoup d'attention les différentes étapes de vos travaux et son gouvernement que je représente ici ce matin souhaitait vous témoigner tout l'intérêt qu'il y porte et vous remercier d'avoir répondu pour ce nouveau séminaire à l'invitation du président Bourges. Chacun sait qu'à la tête du Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'un de ses premiers soucis est de manifester l'intérêt quotidien de cette autorité pour un continent auquel toute une partie de sa vie professionnelle fut consacrée et où il compte de très nombreux amis.
Je tiens aussi à remercier personnellement la contribution qu'offrent à ce réseau les présidents Pierre-Marie Dong et René Dossa qui en assument aujourd'hui directement la commune coordination. En peu d'années, grâce à vous tous, l'Afrique aura donc su se doter d'un instrument accueillant aux 30 instances de régulation qu'elle compte aujourd'hui. Et si toutes n'en font pas encore partie, et notamment celles d'importants pays d'Afrique de l'Ouest, je note que la National Broadcasting Commission du Nigéria vient d'y adhérer, illustrant une nouvelle fois la volonté de ce grand pays de participer pleinement à la vie de sa région. Et je forme avec vous le voeu que le Conseil supérieur de l'information du Burkina Faso, ainsi que le Haut conseil de la radio et de la télévision du Sénégal rejoignent aussi vite que possible votre réseau.
Car vous y poursuivez une réflexion dont chacun mesure aujourd'hui la portée, en traitant deux thèmes au coeur de l'actualité :
- l'un est de nature politique puisqu'il explore la relation entre médias et démocratie,
- l'autre plus technique, n'engage pas moins l'avenir des médias en Afrique puisqu'il concerne Internet et les nouveaux médias.
Je ne crois pas forcer le trait en soulignant avec vous les profondes mutations du continent africain aujourd'hui. En appelant à sa renaissance, le président Thabo Mbeki, qui vient tout juste de succéder à Nelson Mandela en appelle au dynamisme et à la responsabilité, contre toutes les forces contraires qui pourraient barrer la route à ce projet et qu'on n'a pas de difficulté à nommer : fatalité de l'Histoire ; héritage trop lourd du mal développement ; tentation néfaste aux replis identitaires quand l'heure est à la réunion de toutes les énergies dans des espaces régionaux organisés pour que l'Afrique entre dans l'espace économique mondial, prenne en main sa propre sécurité, exprime au plan international sa propre vision du développement. Car tout indique qu'elle n'a aucun intérêt à le subir de l'extérieur et que ce serait, sinon, un nouvel échec.
Cet enjeu formidable est d'abord politique.
On n'imagine pas que l'initiative revienne sans la confiance et que des sociétés, trop longtemps et trop souvent privées du droit à l'expression et parfois tout simplement de liberté, prennent en main leur destin sans être assurées du respect de règles fondamentales aujourd'hui. Nous aspirons tous à une vie politique et sociale apaisée et régulée en Afrique, qui lui épargne les coups de force et les violences, synonymes chaque fois de reculs, de temps perdu et de souffrances, aussi insupportables aux peuples qui les subissent qu'à la conscience universelle. L'Afrique n'est évidemment pas le seul continent à les subir et l'Europe elle-même, nous ne le savons que trop, vient tout juste, sur son flanc oriental d'en faire les frais, et ils sont lourds.
Oui, l'enjeu est politique. Il se résume à la construction irréversible d'espaces démocratiques viables, librement consentis et durablement régulés dans un Etat de droit capable de faire comprendre à tous les acteurs de la vie publique que le pouvoir n'est pas un droit mais un devoir rendu à la collectivité, qu'il se construit dans le dialogue, et qu'il revient à des instances fortes, justes, indépendantes, d'en garantir les conditions et la pérennité.
Les différentes autorités que vous présidez constituent autant de pièces indispensables à la solidité de l'édifice démocratique. Elles fixent en effet les règles déontologiques, éthiques d'une profession dont on attend qu'elle informe d'abord, et ce faisant qu'elle participe à l'édification de sociétés plus sûres d'elles-mêmes, plus averties de ce qui se passe chez elles et à l'extérieur, plus responsables de leurs choix et surtout plus solidaires.
Or combien de cas ne pouvons-nous énumérer de par le monde, qui ignorent encore ce principe ? Ils sont malheureusement trop nombreux : dans la presse écrite qui méconnaît trop souvent encore les risques de l'excès, comme si défendre une opinion exonérait de le faire sur la base du souci premier de la vérifier et de l'analyser dans la pondération ; dans la régulation difficile certes, mais essentielle des espaces audiovisuels ; s'ils ne conjuguent pas l'accès équitable aux fréquences et surtout aux ondes et à l'écran dans toutes les situations où l'information conditionne l'organisation de l'espace politique, alors ils sont indirectement facteurs d'embarras, voire de surenchères. Et je n'omets pas l'indispensable vigilance à la variété et à la qualité des productions culturelles, garanties d'une présence vitale pour des sociétés qui ne peuvent se satisfaire (voire survivre) de produits audiovisuels importés.
Je ne puis naturellement ignorer, pas plus que vous, les arguments qu'on a coutume d'opposer à ces principes : comment vouloir une presse libre et responsable, si elle n'a ni les moyens de la formation des journalistes, ni l'assurance d'une diffusion commerciale qui lui assure la pérennité ? Comment vouloir une production au Sud qui retrouve de la vigueur si on ne lui en donne pas les moyens, c'est à dire les chances minimales dans un espace audiovisuel désormais sévèrement concurrencé par les puissants moyens de diffusion du Nord ?
Mais alors, faudrait-il baisser les bras devant une nouvelle fatalité ? Je ne le crois pas, et pour trois raisons, qui me rendent optimiste :
- La première, tient au fait que tous les responsables prennent aujourd'hui conscience du coût politique d'un abandon qui serait catastrophique pour l'avenir. Ici et là, on le voit, l'espace mondial de l'information impose une règle saine qui découle de son extension naturelle : parce qu'elle circule en temps réel, l'information crée une demande d'information, de transparence et d'objectivité qui s'appelle tout simplement opinion. Elle ignore les frontières, et pour cause ; elle interdit par conséquent les formules d'esquive qui naguère encore prévalaient trop souvent. De toute façon, elle exclut qu'on ignore une exigence qui n'est synonyme ni d'ingérence, ni d'on ne sait quel complot, sauf à imaginer que le besoin de vérité et de savoir en est un.
- Il me semble d'autre part que la libéralisation de l'information intervenue au début de cette décennie met progressivement les professionnels devant leurs responsabilités. Aujourd'hui que l'information ne relève plus seulement de l'État tout puissant mais aussi de la sphère privée, se met en place une logique d'entreprise qui exige des financements, des circuits de production et de diffusion rentables, et des règles qui procurent à chacun sa place pourvu qu'il sache les respecter.
J'observe que cette régulation voit le jour dans certains pays ; que des organismes professionnels comme l'Observatoire de la liberté de la presse en Côte d'Ivoire manifestent le besoin d'une image de sérieux, utile à la profession comme aux lecteurs et aux auditeurs. Et je vois enfin que beaucoup d'Etats souhaitent accompagner le mouvement en réfléchissant à des fonds qui puissent aider la profession à se structurer.
- Enfin, les partenaires au développement, pour ce qui les concerne, ne sont pas ignorants de ce mouvement et témoignent, soit directement, soit par le biais de fondations, d'ONG, d'associations, d'un souci d'épauler les professionnels dans leur travail : votre propre réseau a de ce point de vue noué des relations fructueuses avec l'Union Européenne, la fondation allemande Frierich Ebert, les coopérations belges, suédoises, pour ne citer qu'elles.
Ai-je besoin de souligner que la France de ce point de vue souhaite ne pas être en arrière de la main ? Je crois qu'elle l'a montré depuis longtemps. Mais, depuis deux ans, nous avons souhaité vous renouveler l'assurance de notre attention dans des domaines qui vous sont chers : d'abord en facilitant l'accès des médias à une information pluraliste et immédiate par Internet et en appuyant toutes les actions possibles de formation ; ensuite en ayant profondément réorganisé notre audiovisuel extérieur de sorte que, par le couplage de TV5 et de CFI sous présidence commune, nous assurions l'Afrique à la fois d'une diffusion et d'une coopération audiovisuelles dont j'attends personnellement qu'elle offre à ce continent l'assurance d'une circulation sud-sud et sud-nord d'une quantité croissante d'images. Jean Stock et son équipe sont parfaitement conscients de ce mandat.
Et je n'ai garde d'oublier l'offre de coopération dont par la disponibilité du CSA, votre réseau peut à loisir disposer dans le travail de fond que vous avez entrepris pour structurer les espaces d'information et de communication dont vous avez la charge.
J'ai noté, d'une façon qui peut vous paraître optimiste, des avancées caractéristiques. Je ne veux voir que celles-là car ce sont celles de l'avenir. Je n'ignore aucunement que beaucoup de ces progrès vous sont dus et que malgré les difficultés d'instances jeunes et, il est vrai, parfois encore démunies devant une tâche considérable, ils signalent votre effort et l'indépendance de votre point de vue.
Peut-être est-ce cette indépendance qui sera finalement la plus difficile à construire : la société de l'information est, je l'ai dit, un enjeu commercial énorme et l'Afrique y représente une part de marché non négligeable. Mais l'information elle-même au sens strict, cheville de la démocratie est une chose fragile, soumise à pressions, et parfois à compromission. Votre indépendance, je ne peux le passer sous silence, n'est pas sans lien avec une vigilance attentive voire un combat constant contre toutes les forces qui menacent cet acquis partout et toujours fragile : je voudrais vous assurer que nous serons toujours à vos côtés dans ce combat-là. C'est celui de société plus justes, plus honorables et plus apaisées.
Permettez-moi pour finir de me réjouir de la décision que vous avez prise d'un réseau qui comprenne toute l'Afrique. Je représente un gouvernement qui vous le savez a voulu une coopération ouverte à tout le continent tout simplement parce que l'heure est à l'ouverture, à la mutualisation des efforts, au partage des enjeux. Langues, cultures et peuples forment en Afrique une mosaïque où l'histoire a sa part mais l'avenir n'est ni à la confusion planétaire qui efface les identités, ni au repli crispé qui les étouffe quand elle n'attise pas la violence.
Votre solidarité, votre réflexion commune face à des enjeux communs, votre professionnalité et votre juste exigence construiront, nous en sommes certains, cette indépendance dont je parlais tout à l'heure : elle participe de l'immense effort de développement qu'il ne faut pas se lasser de relancer, elle participe aussi à l'image de l'Afrique qui devrait autour d'elle resserrer la conviction et la volonté internationale.
Mesdames, Messieurs, je voulais vous assurer, s'il en était besoin, de notre solidarité et de notre soutien. A vous maintenant de continuer dans cette oeuvre complexe et patiente, dont ce séminaire sera une nouvelle étape, réussie, j'en suis assuré.
Bon courage. Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juin 1999)
Monsieur le Président du Réseau des Instances africaines de régulation de la communication,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Secrétaire généraux,
Mesdames, Messieurs,
Voilà un an exactement, en juin 1998 à Libreville, vous décidiez donc de vous organiser en réseau des instances africaines de régulation et de communication. Fruit de concertations actives d'abord entre présidents des autorités francophones de régulation de la communication, cette décision offre désormais à l'ensemble de l'Afrique une capacité d'échanges et de réflexion sur l'un des domaines les plus sensibles et les plus nécessaires à l'évolution de sociétés modernes, soucieuses d'être parties prenantes des grandes décisions et avancées qui structurent à vive allure le monde de l'information.
La France a suivi avec beaucoup d'attention les différentes étapes de vos travaux et son gouvernement que je représente ici ce matin souhaitait vous témoigner tout l'intérêt qu'il y porte et vous remercier d'avoir répondu pour ce nouveau séminaire à l'invitation du président Bourges. Chacun sait qu'à la tête du Conseil supérieur de l'audiovisuel, l'un de ses premiers soucis est de manifester l'intérêt quotidien de cette autorité pour un continent auquel toute une partie de sa vie professionnelle fut consacrée et où il compte de très nombreux amis.
Je tiens aussi à remercier personnellement la contribution qu'offrent à ce réseau les présidents Pierre-Marie Dong et René Dossa qui en assument aujourd'hui directement la commune coordination. En peu d'années, grâce à vous tous, l'Afrique aura donc su se doter d'un instrument accueillant aux 30 instances de régulation qu'elle compte aujourd'hui. Et si toutes n'en font pas encore partie, et notamment celles d'importants pays d'Afrique de l'Ouest, je note que la National Broadcasting Commission du Nigéria vient d'y adhérer, illustrant une nouvelle fois la volonté de ce grand pays de participer pleinement à la vie de sa région. Et je forme avec vous le voeu que le Conseil supérieur de l'information du Burkina Faso, ainsi que le Haut conseil de la radio et de la télévision du Sénégal rejoignent aussi vite que possible votre réseau.
Car vous y poursuivez une réflexion dont chacun mesure aujourd'hui la portée, en traitant deux thèmes au coeur de l'actualité :
- l'un est de nature politique puisqu'il explore la relation entre médias et démocratie,
- l'autre plus technique, n'engage pas moins l'avenir des médias en Afrique puisqu'il concerne Internet et les nouveaux médias.
Je ne crois pas forcer le trait en soulignant avec vous les profondes mutations du continent africain aujourd'hui. En appelant à sa renaissance, le président Thabo Mbeki, qui vient tout juste de succéder à Nelson Mandela en appelle au dynamisme et à la responsabilité, contre toutes les forces contraires qui pourraient barrer la route à ce projet et qu'on n'a pas de difficulté à nommer : fatalité de l'Histoire ; héritage trop lourd du mal développement ; tentation néfaste aux replis identitaires quand l'heure est à la réunion de toutes les énergies dans des espaces régionaux organisés pour que l'Afrique entre dans l'espace économique mondial, prenne en main sa propre sécurité, exprime au plan international sa propre vision du développement. Car tout indique qu'elle n'a aucun intérêt à le subir de l'extérieur et que ce serait, sinon, un nouvel échec.
Cet enjeu formidable est d'abord politique.
On n'imagine pas que l'initiative revienne sans la confiance et que des sociétés, trop longtemps et trop souvent privées du droit à l'expression et parfois tout simplement de liberté, prennent en main leur destin sans être assurées du respect de règles fondamentales aujourd'hui. Nous aspirons tous à une vie politique et sociale apaisée et régulée en Afrique, qui lui épargne les coups de force et les violences, synonymes chaque fois de reculs, de temps perdu et de souffrances, aussi insupportables aux peuples qui les subissent qu'à la conscience universelle. L'Afrique n'est évidemment pas le seul continent à les subir et l'Europe elle-même, nous ne le savons que trop, vient tout juste, sur son flanc oriental d'en faire les frais, et ils sont lourds.
Oui, l'enjeu est politique. Il se résume à la construction irréversible d'espaces démocratiques viables, librement consentis et durablement régulés dans un Etat de droit capable de faire comprendre à tous les acteurs de la vie publique que le pouvoir n'est pas un droit mais un devoir rendu à la collectivité, qu'il se construit dans le dialogue, et qu'il revient à des instances fortes, justes, indépendantes, d'en garantir les conditions et la pérennité.
Les différentes autorités que vous présidez constituent autant de pièces indispensables à la solidité de l'édifice démocratique. Elles fixent en effet les règles déontologiques, éthiques d'une profession dont on attend qu'elle informe d'abord, et ce faisant qu'elle participe à l'édification de sociétés plus sûres d'elles-mêmes, plus averties de ce qui se passe chez elles et à l'extérieur, plus responsables de leurs choix et surtout plus solidaires.
Or combien de cas ne pouvons-nous énumérer de par le monde, qui ignorent encore ce principe ? Ils sont malheureusement trop nombreux : dans la presse écrite qui méconnaît trop souvent encore les risques de l'excès, comme si défendre une opinion exonérait de le faire sur la base du souci premier de la vérifier et de l'analyser dans la pondération ; dans la régulation difficile certes, mais essentielle des espaces audiovisuels ; s'ils ne conjuguent pas l'accès équitable aux fréquences et surtout aux ondes et à l'écran dans toutes les situations où l'information conditionne l'organisation de l'espace politique, alors ils sont indirectement facteurs d'embarras, voire de surenchères. Et je n'omets pas l'indispensable vigilance à la variété et à la qualité des productions culturelles, garanties d'une présence vitale pour des sociétés qui ne peuvent se satisfaire (voire survivre) de produits audiovisuels importés.
Je ne puis naturellement ignorer, pas plus que vous, les arguments qu'on a coutume d'opposer à ces principes : comment vouloir une presse libre et responsable, si elle n'a ni les moyens de la formation des journalistes, ni l'assurance d'une diffusion commerciale qui lui assure la pérennité ? Comment vouloir une production au Sud qui retrouve de la vigueur si on ne lui en donne pas les moyens, c'est à dire les chances minimales dans un espace audiovisuel désormais sévèrement concurrencé par les puissants moyens de diffusion du Nord ?
Mais alors, faudrait-il baisser les bras devant une nouvelle fatalité ? Je ne le crois pas, et pour trois raisons, qui me rendent optimiste :
- La première, tient au fait que tous les responsables prennent aujourd'hui conscience du coût politique d'un abandon qui serait catastrophique pour l'avenir. Ici et là, on le voit, l'espace mondial de l'information impose une règle saine qui découle de son extension naturelle : parce qu'elle circule en temps réel, l'information crée une demande d'information, de transparence et d'objectivité qui s'appelle tout simplement opinion. Elle ignore les frontières, et pour cause ; elle interdit par conséquent les formules d'esquive qui naguère encore prévalaient trop souvent. De toute façon, elle exclut qu'on ignore une exigence qui n'est synonyme ni d'ingérence, ni d'on ne sait quel complot, sauf à imaginer que le besoin de vérité et de savoir en est un.
- Il me semble d'autre part que la libéralisation de l'information intervenue au début de cette décennie met progressivement les professionnels devant leurs responsabilités. Aujourd'hui que l'information ne relève plus seulement de l'État tout puissant mais aussi de la sphère privée, se met en place une logique d'entreprise qui exige des financements, des circuits de production et de diffusion rentables, et des règles qui procurent à chacun sa place pourvu qu'il sache les respecter.
J'observe que cette régulation voit le jour dans certains pays ; que des organismes professionnels comme l'Observatoire de la liberté de la presse en Côte d'Ivoire manifestent le besoin d'une image de sérieux, utile à la profession comme aux lecteurs et aux auditeurs. Et je vois enfin que beaucoup d'Etats souhaitent accompagner le mouvement en réfléchissant à des fonds qui puissent aider la profession à se structurer.
- Enfin, les partenaires au développement, pour ce qui les concerne, ne sont pas ignorants de ce mouvement et témoignent, soit directement, soit par le biais de fondations, d'ONG, d'associations, d'un souci d'épauler les professionnels dans leur travail : votre propre réseau a de ce point de vue noué des relations fructueuses avec l'Union Européenne, la fondation allemande Frierich Ebert, les coopérations belges, suédoises, pour ne citer qu'elles.
Ai-je besoin de souligner que la France de ce point de vue souhaite ne pas être en arrière de la main ? Je crois qu'elle l'a montré depuis longtemps. Mais, depuis deux ans, nous avons souhaité vous renouveler l'assurance de notre attention dans des domaines qui vous sont chers : d'abord en facilitant l'accès des médias à une information pluraliste et immédiate par Internet et en appuyant toutes les actions possibles de formation ; ensuite en ayant profondément réorganisé notre audiovisuel extérieur de sorte que, par le couplage de TV5 et de CFI sous présidence commune, nous assurions l'Afrique à la fois d'une diffusion et d'une coopération audiovisuelles dont j'attends personnellement qu'elle offre à ce continent l'assurance d'une circulation sud-sud et sud-nord d'une quantité croissante d'images. Jean Stock et son équipe sont parfaitement conscients de ce mandat.
Et je n'ai garde d'oublier l'offre de coopération dont par la disponibilité du CSA, votre réseau peut à loisir disposer dans le travail de fond que vous avez entrepris pour structurer les espaces d'information et de communication dont vous avez la charge.
J'ai noté, d'une façon qui peut vous paraître optimiste, des avancées caractéristiques. Je ne veux voir que celles-là car ce sont celles de l'avenir. Je n'ignore aucunement que beaucoup de ces progrès vous sont dus et que malgré les difficultés d'instances jeunes et, il est vrai, parfois encore démunies devant une tâche considérable, ils signalent votre effort et l'indépendance de votre point de vue.
Peut-être est-ce cette indépendance qui sera finalement la plus difficile à construire : la société de l'information est, je l'ai dit, un enjeu commercial énorme et l'Afrique y représente une part de marché non négligeable. Mais l'information elle-même au sens strict, cheville de la démocratie est une chose fragile, soumise à pressions, et parfois à compromission. Votre indépendance, je ne peux le passer sous silence, n'est pas sans lien avec une vigilance attentive voire un combat constant contre toutes les forces qui menacent cet acquis partout et toujours fragile : je voudrais vous assurer que nous serons toujours à vos côtés dans ce combat-là. C'est celui de société plus justes, plus honorables et plus apaisées.
Permettez-moi pour finir de me réjouir de la décision que vous avez prise d'un réseau qui comprenne toute l'Afrique. Je représente un gouvernement qui vous le savez a voulu une coopération ouverte à tout le continent tout simplement parce que l'heure est à l'ouverture, à la mutualisation des efforts, au partage des enjeux. Langues, cultures et peuples forment en Afrique une mosaïque où l'histoire a sa part mais l'avenir n'est ni à la confusion planétaire qui efface les identités, ni au repli crispé qui les étouffe quand elle n'attise pas la violence.
Votre solidarité, votre réflexion commune face à des enjeux communs, votre professionnalité et votre juste exigence construiront, nous en sommes certains, cette indépendance dont je parlais tout à l'heure : elle participe de l'immense effort de développement qu'il ne faut pas se lasser de relancer, elle participe aussi à l'image de l'Afrique qui devrait autour d'elle resserrer la conviction et la volonté internationale.
Mesdames, Messieurs, je voulais vous assurer, s'il en était besoin, de notre solidarité et de notre soutien. A vous maintenant de continuer dans cette oeuvre complexe et patiente, dont ce séminaire sera une nouvelle étape, réussie, j'en suis assuré.
Bon courage. Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 juin 1999)