Déclaration de M. Daniel Vaillant, ministre de l'intérieur, sur la mobilisation contre l'insécurité dans l'habitat et notamment le logement social, Paris le 12 février 2002.

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Circonstance : Colloque "sécurité dans l'habitat" à Paris le 12 février 2002

Texte intégral

Madame la ministre, chère Marie-Noëlle Lienemann,
Mesdames et messieurs,
C'est un grand plaisir pour moi d'être avec vous, en cette fin d'après midi, et de clôturer les travaux d'un colloque qui porte sur une question cruciale pour nos concitoyens, celle de la sécurité, et plus encore quand il s'agit d'un aspect de cette sécurité qui les touche dans ce qu'ils ont de plus personnel, de plus intime même, leur lieu de vie, leur logement.
La sécurité dans l'habitat, qu'elle recoupe la sécurité du logement, avec notamment la lutte contre les cambriolages, en baisse de 3,56 % en dix ans, ou la sécurité autour du logement, est un problème majeur pour les résidents en logement social, qui doivent parfois affronter un environnement hostile, fait de halls occupés, de parkings parsemés d'épaves de véhicules, de caves peu sûres ou de cheminements peuplés d'animaux dangereux.
Je fais partie de ceux qui ont, depuis nombre d'années, pensé que la sécurité est une condition essentielle de la qualité de vie, et que ce qui constitue un droit pour nos concitoyens, celui de vivre en sûreté, devient par conséquent pour l'Etat un devoir, celui de veiller à la protection des personnes.
Et je continue de penser que cette protection doit être assurée dans sa dimension la plus quotidienne, dans les lieux de vie collective, dans l'habitat, dans les établissements scolaires, dans les commerces, dans les transports publics, par une mobilisation de tous ceux qui peuvent contribuer à sa coproduction. C'est bien le thème qui nous réunit aujourd'hui.
1 - Cette mobilisation générale contre l'insécurité me semble plus nécessaire encore dans une forme d'habitat, l'habitat social, où l'insécurité est à la fois plus présente et plus mal vécue par des résidents qui, du coup, peuvent avoir le sentiment que l'Etat les abandonne.
Non, l'Etat ne les abandonne pas ! D'ailleurs, c'est ce qui a conduit, dès l'origine, mais plus encore ces deux dernières années, à associer les bailleurs sociaux aux contrats locaux de sécurité. Il était en effet nécessaire que la sécurité dans l'habitat devînt un des thèmes où le partenariat trouvait à s'exercer.
Je crois sincèrement que ce partenariat a produit des effets positifs : meilleure prise en compte des incidents par les bailleurs, par les services de police ou par la justice, meilleur accueil fait aux victimes, requalification de certains espaces, accentuation de la présence humaine, développement de la médiation.
Mais je suis convaincu que tout cela peut et doit encore progresser.
Et pour atteindre cet objectif, le rapport de Didier PEYRAT nous donne une recette simple, mais qui rejoint parfaitement la philosophie des contrats locaux de sécurité : il faut davantage associer les résidents.
Cette association des citoyens est non seulement le gage de la qualité du diagnostic, mais aussi la garantie que les actions mises en uvre dans le cadre du contrat local de sécurité répondent bien aux attentes, et sont ressenties comme telles par des personnes qui ont pu, à certains moments, avoir l'impression d'être tenues à l'écart de l'élaboration des politiques les concernant.
Nous devons donc, ensemble, donner la parole aux habitants, écouter ce qu'ils ont à dire. C'est ce qu'a prévu le projet de loi relatif à la démocratie de proximité, dont j'espère qu'il sera adopté demain, en instaurant les conseils de quartiers.
C'est un impératif démocratique, c'est aussi un gage d'efficacité, parce qu'il est illusoire de penser que l'on réduira l'insécurité sans simplement en parler avec ceux qui sont au premier chef concernés dans leur vie quotidienne.
Et dans le domaine qui nous préoccupe, cette exigence peut s'appuyer sur une disponibilité des résidents en logement social : j'ai retenu du rapport de Didier PEYRAT que 57 % d'entre eux étaient prêts à participer à des actions de sécurité, chiffre qui montre bien que nous sommes passés d'une conception passive de la sécurité, où les habitants seraient consommateurs d'une sûreté produite par d'autres, à une conception citoyenne où chacun serait producteur de cette sécurité.
2 - Si les résidents sont à ce point soucieux de leur sécurité qu'ils sont prêts à agir collectivement pour y contribuer, doit-on attendre moins de ceux qui construisent les logements ?
Je ne le crois pas. Le décret d'application de l'article 11 de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité de 1995 soumet à études de sécurité publique les programmes de construction susceptibles " d'avoir des incidences sur la protection des personnes et des biens contre les menaces et les agressions ".
J'ai bon espoir que nous puissions à bref délai prendre ce décret et que l'idée d'intégrer cette notion de sécurité collective très en amont des programmes de construction gagne du terrain au point de s'imposer un jour comme une évidence, plutôt que comme une obligation.
Ce serait un progrès indéniable pour les résidents, car on sait à quel point certains environnements urbains créent de l'insécurité, quand ils ne sont pas tout simplement générateurs de délinquance.
Je souhaite pour ma part que la police nationale, dans son action de proximité, soit davantage associée à cette dimension essentielle de la prévention, qu'elle contribue à produire de la sécurité en prenant les problèmes en amont, au travers de diagnostics de sécurité - c'est déjà largement engagé avec les contrats locaux de sécurité - mais aussi par le biais de ces études de sécurité.
Sa présence accrue sur le terrain, avec la mise en place de la police de proximité et le renforcement considérable de ses effectifs, constitue un gage de la qualité des études auxquelles elle pourrait contribuer. Mais aussi, et c'est bien l'intérêt d'apporter son savoir-faire, cela représente pour la police nationale une assurance que son travail sera par la suite facilité.
Dans le cadre de la démarche stratégique pour la police nationale que j'ai engagée, je tiens à ce que cette nouvelle forme d'intervention soit prise en compte, même s'il faut pour cela développer des compétences qui ne sont pas encore suffisamment répandues.
Rentrer chez soi le soir sans redouter l'obscurité, pouvoir garer sa voiture à proximité de son domicile sans craindre une effraction, participer en toute tranquillité d'esprit à une activité associative, voilà ce que permettrait une meilleure conception des ensembles urbains ! Voilà ce qu'à l'inverse interdit une construction pensée avec d'autres normes, qui n'ont rien à voir avec les critères de la sécurité publique.
Si l'on y ajoute que la loi relative à la sécurité quotidienne, en facilitant l'enlèvement des épaves ou la lutte contre les animaux dangereux nous permet, parallèlement, d'agir sur l'environnement en créant des conditions de vie plus sûres, quel progrès pour les habitants !
3 - J'ai parlé des résidents. N'oublions pas non plus ceux dont le métier est d'assurer à leur profit une présence de proximité, les gardiens d'immeubles.
Je suis heureux que l'article 12 de la loi d'orientation et de programmation sur la sécurité de 1995, qui fixe une obligation de gardiennage, ait enfin pu trouver avec ce gouvernement une application, par un décret récent qui doit beaucoup à l'obstination de Marie-Noëlle Lienemann.
Cette présence humaine est indispensable pour rassurer les résidents. Mais il y a là aussi un paradoxe : les gardiens sont là pour contribuer à la sécurité, et eux-mêmes, parce qu'ils sont confrontés à des risques accrus, se sentent en insécurité.
Il faut penser à leur sécurité physique, et là encore, le partenariat doit jouer un rôle essentiel. Il faut penser également à leur sécurité juridique.
J'ai, en ce qui me concerne, donné des instructions à mes services pour que les dépôts de plainte soient facilités, à l'instar de ce qui se passe déjà là où des accords de partenariat ont été conclus entre la police nationale et les bailleurs.
Faut-il aller plus loin ? Pour ma part, je suis favorable, puisqu'ils sont au service du public, à ce que les gardiens bénéficient d'une protection maximale en cas d'agression.
Je sais aussi que cette question mérite d'être approfondie, qu'elle ne doit pas être traitée à la légère, car elle soulève un certain nombre de difficultés. Il faut y travailler !
Ce travail, qui doit s'appuyer sur une concertation large, constituera un témoignage de reconnaissance à l'égard de la contribution que ces agents de proximité apportent à la sûreté des ensembles d'habitation.
4 - La loi relative à la sécurité quotidienne nous a donné une nouvelle occasion de mettre en uvre un partenariat fécond.
Il était déjà bien engagé depuis la signature d'un accord-cadre entre le directeur général de la police nationale et l'union des organismes HLM en mars 2000. Cet accord-cadre nous a permis de progresser sur la coopération opérationnelle par la désignation de correspondants et la formalisation de procédures d'alerte, sur la prévention par l'aménagement urbain et sur la promotion des bonnes pratiques.
Mais ce partenariat a connu une accélération et un enrichissement après le vote de la loi du 15 novembre 2001, qui a renforcé les obligations des bailleurs en matière de sécurité des espaces communs du bâti en contrepartie d'une facilitation de l'action des services de police.
Une accélération, parce que je n'ai pas souhaité que l'article 52 de la loi sécurité quotidienne connaisse le même sort que nombre d'articles de la LOPS de 1995, restés lettre morte faute de décrets d'application.
Un enrichissement, puisqu'une large concertation a présidé à l'élaboration de ce projet de texte, qui sera transmis d'ici quelques jours au Conseil d'Etat.
Les associations de locataires et les représentants des bailleurs ont pu faire valoir leur point de vue. Sur différents points, celui-ci a pu être pris en compte. Je pense notamment à la sécurité des parking et des caves, préoccupation fortement exprimée par les locataires. Je pense aussi à leur demande que les instances de concertation locative soient saisies des projets avant toute décision.
Les bailleurs n'ont pas non plus été oubliés. Il m'a semblé qu'il ne fallait pas faire peser sur eux une obligation de résultat, qui serait disproportionnée, mais une obligation de moyens, plus facile à réaliser. Et que cette obligation de " prendre les mesures destinées à éviter les risques ", selon l'expression de la loi, devait, chaque fois que c'est possible, être contractualisée dans le cadre des contrats locaux de sécurité et bénéficier de l'avis d'autres partenaires, au premier rang desquels les services de police.
C'est un nouvel exemple d'un partenariat réussi, faisant travailler ensemble ministère de l'intérieur, secrétariat d'Etat au logement, bailleurs, et locataires. Je suis sûr qu'il y en aura d'autres !
Madame la ministre, chère Marie-Noëlle Liennemann,
Mesdames et messieurs,
Comme ministre de l'intérieur, je ne peux me satisfaire d'une situation où la violence augmente. Comme élu d'un quartier populaire, je ne peux me résigner à la voir s'exercer à l'encontre de personnes d'autant plus vulnérables qu'elles sont plus démunies.
La police nationale s'est donné les moyens, avec la multiplication de ses points de contact (près de 1 000 implantations supplémentaires à l'issue de la troisième vague de mise en place de la police de proximité) d'être plus présente là où l'on a besoin d'elle. Par sa mobilisation accrue sur le terrain, elle s'est mise en situation d'être plus proche des habitants, plus à l'écoute de leurs problèmes. Avec des pouvoirs renforcés, issus de la loi relative à la sécurité quotidienne, elle est en mesure d'être plus efficace contre cette forme d'injustice sociale qu'est l'insécurité.
Sécurité quotidienne et coproduction de sécurité ont progressé ces dernières années à un point qui interdit désormais tout retour en arrière. C'est bien, rappelons-le, ce gouvernement qui aura ancré si profondément dans les esprits cet impératif - il faut répondre à la demande sociale de sécurité -, et cette méthode - produisons-la ensemble -, en même temps qu'il les aura inscrits dans les textes : je pense bien évidemment à la loi relative à la sécurité quotidienne qui consacre ces deux principes.
Ce colloque aura eu le mérite de montrer, s'il en était besoin, qu'agir pour la sécurité dans l'habitat, c'est d'abord se montrer capable d'entendre la parole de ceux qui vivent ou qui travaillent dans ces grands ensembles.
C'est ensuite se donner les moyens d'agir, collectivement, pour réduire l'insécurité.
Je pense évidemment en disant cela aux actions ciblées répressives, lancées sur une centaine de sites, qui permettent de traquer les réseaux et les trafics. Je pense aussi aux contrats locaux de sécurité qui fédèrent les énergies, et, dans un avenir que je souhaite proche, à la définition de normes garantissant une meilleure sécurité dans l'habitat.
En faisant tout cela, et en le faisant ensemble, je suis bien convaincu que nous aurons fait progresser et la sécurité, et la liberté.
Je vous remercie.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 14 février 2002)