Déclaration de M. Laurent Fabius, ministre de l'économie des finances et de l'industrie, sur le lancement du fonds de co-investissement avec la Caisse des Dépôts et Consignations, Paris le 7 février 2002.

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Circonstance : Lancement du Fonds de co-investissement avec la Caisse des dépôts et consignations à Paris le 7 février 2002

Texte intégral

Monsieur le Directeur Général de la Caisse des Dépôts et Consignations,
Monsieur le Vice-président de la Banque européenne d'investissement,
Mesdames et Messieurs,
Le soutien à l'innovation et à la création d'entreprise est une priorité du gouvernement et un axe stratégique de l'action que je m'attache à conduire à Bercy. Le soutien à ceux qui créent, innovent, prennent des risques est une condition de la reprise. En 4 ans, le montant des investissements en capital-risque en France a été multiplié par 6 pour dépasser 1 Md en 2000. Afin d'assurer la pérennité et le développement du secteur de l'innovation, nous devons veiller à la bonne santé des entreprises et à la viabilité de l'amorçage, dont les structures et les modes de financement sont encore fragiles. Le lancement du fonds de CO-investissement pour les jeunes entreprises, qui nous réunit aujourd'hui, répond à cette volonté.
1) A l'origine de la chaîne de financement, l'amorçage joue en effet un rôle déterminant. Il est le point de rencontre de 3 univers souvent séparés : la recherche, l'industrie et la finance. Il est l'interface où se définissent les projets technologiques et où se dessinent les succès économiques. Je veux féliciter les acteurs du financement de l'amorçage, publics ou privés, pour la création de valeur et d'emplois à laquelle ils contribuent. Mais, en dépit de son rôle décisif dans l'émergence de jeunes entreprises technologiques, l'amorçage connaît des difficultés. Il reste structurellement sous-financé.
Pour inverser la tendance, plusieurs dispositifs ont été mis en uvre. Doté de 50 M , l'appel à projet " Amorçage et Incubateur ", organisé conjointement par le ministère de la Recherche et le Minéfi, a joué un rôle de catalyseur et donné naissance à des fonds d'amorçage ambitieux. CDC-PME et le fonds européen d'investissement jouent également un rôle précieux de soutien et de conseil. On recense aujourd'hui une quinzaine de fonds d'amorçage nationaux et régionaux alors qu'en 1997, la France ne comptait qu'un seul fonds consacré à l'amorçage technologique. Chacun mesure le chemin accompli.
2) Pour autant, parce qu'il n'est pas encore parvenu à maturité, il est indispensable d'accompagner le développement de l'amorçage. La priorité va au développement et la mise en réseau de " business angels " - ou " investisseurs providentiels " comme disent nos amis québécois - qui contribuent à l'émergence de projets entrepreneuriaux grâce aux effets conjugués du capital de proximité et de l'expérience industrielle. J'ai soutenu cette initiative, en particulier sur le plan fiscal. La création de fonds à capitaux publics constitue un deuxième axe : ils favorisent la structuration du secteur du capital-risque. Deux ont été mis en place, en partenariat avec l'État, la CDC et le FEI, dotés de 135 M et 150 M . En 3 ans, ces dispositifs ont financé 22 fonds de capital-risque qui ont à leur tour investi près de 400 M dans 280 entreprises. Enfin, l'expérimentation menée par l'ANVAR, qui propose aux entreprises - dans des conditions de stricte neutralité - une partie de ses concours sous forme de fonds propres, conforte leur haut de bilan.
Aux difficultés structurelles que connaît le secteur de l'amorçage, s'ajoute un coup de froid conjoncturel. Alors que les marges de progression restent importantes, notamment en Europe où nous vivons les prémisses de la 3e révolution industrielle qui voit converger la fibre optique, le numérique et le gène, je constate que depuis plusieurs mois, des entreprises sont fragilisées, pour ne pas avoir trouvé de partenaires financiers capables de les accompagner dans leurs projets. La disparition ou l'affaiblissement d'une génération d'entreprises porteuses de savoir faire et d'emplois. Il exige notre totale mobilisation.
3) La solution à long terme passe par la poursuite et le renforcement de nos politiques en faveur du capital-risque. L'objectif est la mise en place d'un secteur concurrentiel de l'amorçage, moins sensible aux chocs extérieurs, plus constant dans ses options stratégiques.
C'est pourquoi, après une large concertation, j'ai décidé la création d'un fonds de CO-investissement destiné à répondre immédiatement au besoin de financement des jeunes entreprises technologiques. Ses modalités pratiques vous seront présentées tout à l'heure. Le dispositif a été conçu pour être lisible et ouvert à tous les acteurs de l'amorçage.
Ce fonds obéit à 3 principes simples. Il est destiné aux jeunes entreprises technologiques prometteuses, sa vocation n'est donc pas de soutenir artificiellement des projets dont la pérennité est incertaine. Parce que les biotechnologies sont un pilier de la croissance future - leur marché pourrait représenter 250 MD et 3 millions d'emplois dans l'Union européenne en 2005 -, une attention particulière sera portée au secteur des sciences du vivant. Par ailleurs, le fonds intervient aux côtés et à la demande d'un fonds de capital-risque. Il ne vise pas à concurrencer les acteurs privés ou parapublics de l'amorçage mais à les soutenir - c'est le sens même de ce que j'appelle le " CO-investissement ". Enfin, et c'est un point essentiel, le fonds se conformera à la règle " ni subvention, ni prédation ". Il interviendra aux mêmes conditions que les autres investisseurs privés et veillera à protéger les intérêts financiers de ses souscripteurs. C'est pourquoi nous avons souhaité que le fonds soit géré par une équipe dédiée, expérimentée et issue du capital-risque. Il n'aura évidemment rien de commun avec ces " fonds vautours " dont la stratégie - ou plutôt le stratagème - consiste à exploiter au maximum le rapport de force à leur avantage pour fixer des valorisations basses, coupées de la valeur réelle de la société et ne rétribuant pas la création de valeur.
Mesdames et Messieurs, je veux saluer la collaboration exemplaire que le Minéfi a nouée avec les équipes de la Caisse des dépôts et du Fonds européen d'investissement. Cette démarche partenariale a permis la mise en place opérationnelle de ce dispositif dans des délais brefs. Je l'avais annoncé le 16 octobre en même temps que le plan de consolidation de la croissance. Moins de 4 mois plus tard, non seulement le fonds existe et réalisera ses premiers investissements dans les prochains jours, mais il dispose de 90 M grâce à la participation du FEI et non, comme nous l'avions initialement prévu, de 60 M . Ce dispositif s'inscrit dans la poursuite des efforts importants déjà entrepris par le gouvernement en faveur du capital-risque et de ses acteurs. Il a pour ambition de vous aider, entrepreneurs, investisseurs, publics ou privés, à amplifier votre action au service du développement de l'innovation et de la culture entrepreneuriale dans notre pays. Il ne peut y avoir marche vers le plein-emploi que s'il y a développement des entreprises. Il ne peut y avoir distribution durable de richesses que s'il y a création de richesses. Plein emploi et distribution durable de richesses sont pour notre pays des objectifs majeurs. Pour relever ces défis, les pouvoirs publics et notamment ce ministère sont à vos côtés.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 8 février 2002)