Interview de M. Dominique Baudis, président exécutif du CDS, dans "Le Figaro" du 10 avril 1993, sur la déclaration de politique générale de M. Balladur et l'échec de M. Baudis à l'élection à la présidence de l'Assemblée nationale.

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Le Figaro : Que pensez-vous, au-delà des propositions du Premier ministre, du style balladurien ?

Dominique Baudis : Volontaire, calme, tolérant : ce sont les impressions que j'ai ressenties jeudi, dans l'hémicycle, en écoutant le discours de M. Balladur.

Mais, finalement, ce qui compte surtout, ce sont les objectifs qu'il a définis et la façon dont il va s'y prendre pour les atteindre. J'ai la conviction que la méthode adoptée par le Premier ministre est conforme à ce que les Français souhaitent, et à ce qu'ils attendent de la nouvelle majorité et du gouvernement.

Le Figaro : Pourquoi ne faites-vous pas partie du gouvernement Balladur ?

Dominique Baudis : Il faut savoir faire des choix qu'imposent les responsabilités de la vie publique. Je n'ai pas pu accepter un poste ministériel parce que je suis avant tout maire de Toulouse, la quatrième ville de France, et que ce gouvernement doit être constitué de ministres qui devront consacrer 100 % de leur temps à leur mission. Ils doivent en effet assurer le redressement de la France, obtenir des résultats rapidement avec une échéance politique dans les deux ans, travailler dans un gouvernement restreint, c'est-à-dire dans lequel chaque ministre assume plusieurs missions importantes.

J'aurais donc été, ou bien un mauvais ministre, ou bien un mauvais maire. Gouverner la France est une mission exaltante mais il est aussi passionnant de représenter les Français et les Toulousains au sein du Parlement.

Le Figaro : Certains vous disent « en réserve » pour d'autres échéances. Pensez-vous vous présenter aux élections européennes de 1994 ?

Dominique Baudis : Ma grande chance, c'est ce qui fait ma force ou ma faiblesse, est que je suis très heureux de ce que je fais actuellement. Bien sûr, je peux être disponible pour mener des combats. Mais je ne suis pas dans l'attente fébrile d'autres mandats.

Le Figaro : Approuvez-vous Valéry Giscard d'Estaing quand il dit que l'UDF présentera sa liste aux européennes ?

Dominique Baudis : Édouard Balladur a indiqué, dans son discours d'investiture, qu'un texte pourrait être prochainement déposé en vue de « régionaliser » les élections européennes. Il est évidemment prématuré d'échafauder des stratégies tant qu'on ne sait pas dans quel cadre géographique se dérouleront ces élections. Le débat va être ouvert. On verra bien…

Le Figaro : La nouvelle majorité sera-t-elle durablement sensible à vos préoccupations : l'Union européenne, la sensibilité sociale et l'ouverture politique ?

Dominique Baudis : Dans cette majorité, coexistent des nuances et des sensibilités différentes. Cela est tout à fait naturel dans un ensemble qui rassemble 480 élus. Lorsque j'analyse les axes essentiels de la politique que se fixent le premier ministre et son gouvernement, que ce soit sur l'engagement européen, la prise en compte des solidarités sociales et la lutte contre le chômage, je puis dire que ce que j'ai entendu jeudi de la part de M. Balladur est extrêmement positif.

Le Figaro : Une des réformes prioritaires définies dans ce discours d'investiture est la réforme du Code de la nationalité. Après la constitution d'un gouvernement à forte participation centriste, n'est-ce pas une concession faite à la frange plus « droitière » ou « nationaliste » de la nouvelle majorité ?

Dominique Baudis :  C'est, tout au contraire, l'un des points de passage obligé pour parvenir à une intégration réussie. La France peut et doit réussir l'intégration, il n'y a pas d'autre alternative. Mais cette tâche est immense, et l'on ne peut faire n'importe quoi. Jusqu'à présent, on n'a pas su traiter ce problème comme il le fallait. Il suffit de rappeler la situation des harkis qui ont choisi la France depuis 30 ans, mais qui sont encore loin d'être intégrés.

Nous avons une mission urgente à remplir ; il faut arrêter l'immigration clandestine, et réussir l'intégration des personnes et des familles étrangères qui sont déjà sur notre territoire en situation régulière. Mais attention : notre capacité d'intégration serait saturée si l'immigration continuait à augmenter au même rythme que ces dernières années.

Le Figaro : Vos amis centristes, à l'Assemblée, avaient conditionné leur retour dans un groupe UDF unique à l'Assemblée à la solidarité des députés UDF sur votre candidature au « perchoir ». Près d'une trentaine de voix vous ont manqué. N'êtes-vous pas inquiet par ce manque de cohésion, à l'UDF, au moment des choix décisifs ?

Dominique Baudis : D'un côté, il y avait le RPR qui a voté de façon disciplinée et cohérente en soutenant unanimement son candidat, de l'autre, il s'est trouvé une petite aile de l'UDF qui n'a pas voulu me porter ses suffrages, probablement en raison de mes engagements et de mes convictions européennes.

Le Figaro : Les centristes pourront-ils faire entendre leur différence ? N'ont-ils pas intérêt à organiser un certain type d'autonomie parlementaire ?

Dominique Baudis : Nous serons constructifs ; il s'agit de faire entendre nos convictions plus que de cultiver nos différences.

Dans la mesure où nos convictions et nos valeurs sont représentées au gouvernement par la présence de plusieurs ministres issus de notre famille politique, et que nous retrouvons nos aspirations dans les grands axes du discours du Premier ministre, comme l'idée d'ouverture, de tolérance, d'Europe sociale, il n'y a aucune raison pour que nous inventions des différences. Tant que nos valeurs feront partie du programme et des actions du gouvernement d'Édouard Balladur, nous le soutiendrons activement.

Mais, à présent, au-delà du discours il faut entrer dans l'action. Les députés centristes qui appartiennent à la nouvelle majorité dans le cadre de I'UDF rempliront leur mission en exprimant les attentes des citoyens et en accompagnant et en soutenant le gouvernement dans son travail pour atteindre les objectifs fixés par Édouard Balladur.