Interview de M. Claude Goasguen, vice-président de Démocratie libérale, dans "Le Figaro" du 10 juillet 1998, sur l'installation de la commission Galabert sur les sans-papiers.

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Le Figaro. – La commission Galabert ne recueille pas plus votre faveur que celle des associations qui défendent les sans-papiers…

Claude Goasguen. – Cette décision gouvernementale est, en effet, une sorte de faux nez qui, à terme, reviendra à la régularisation et à l’acceptation sur notre territoire de toutes les personnes en situation irrégulière, présentes et à venir. Le dire serait une position plus claire, un choix politique courageux, qui permettrait de ne pas perpétuer des situations de détresse des futurs clandestins. Lionel Jospin et Jean-Pierre Chevènement nous mènent en bateau depuis un an, avec doigté et habileté, faisant croire à l’exécution rigide des mesures d’expulsion, alors que la réalité est parfaitement laxiste. Ils sont en train de céder à l’aile gauche de la majorité.

Le Figaro. La commission consultative n’est-elle pas censée éviter la régularisation massive des 70 000 personnes « restées sur le carreau » ?

Claude Goasguen. – Elle est au contraire l’aboutissement des contradictions du gouvernement, qui dit à droite qu’on ne va pas les régulariser, tout en affirmant à gauche qu’on ne va pas les expulser. On a donc inventé une nouvelle étape, qui s’ajoute aux autres. La première fut la circulaire concernant les critères de régularisation des 145 000 personnes qui en avaient fait la demande. Parmi elles, 70 000 se sont trouvées régularisées de façon discrétionnaire, et donc illégale. L’administration et les défenseurs des sans-papiers l’ont d’ailleurs dénoncé. Ensuite, la loi sur l’immigration fut présentée par le ministre de l’Intérieur comme une loi restrictive, alors qu’elle apportera une dérégularisation supplémentaire et un nouvel afflux d’immigrés à terme.

Le Figaro. Totale contradiction

Claude Goasguen. – Enfin, le discours de Jean-Pierre Chevènement vient en totale contradiction avec celui de Lionel Jospin, qui s’engageait déjà l’an dernier à Bamako à supprimer les charters. Cela signifie que toute personne en situation irrégulière ne sera pas expulsée. La question de l’exécution des décisions se heurte à cet état de fait : la régularisation a été présentée comme un droit par le gouvernement.

Le Figaro. Comment voyez-vous la suite des événements ?

Claude Goasguen. – Comme une supercherie. La commission Galabert évoluera, comme les procédures des 70 000 dossiers acceptés dans un premier temps, dans un premier temps, dans l’arbitraire. Elle en régularisera 30 000 autres. À terme, cela reviendra à légaliser tout le monde. Donc, les immigrants potentiels, s’apercevant que les lois ne sont pas appliquées dans notre pays, sont en droit d’être tentés d’entrer dans une France qui peut encore apparaître comme une terre d’accueil.

Le Figaro. Beaucoup dénoncent l’absence d’aide au retour dans ces procédures...

Claude Goasguen. – Le gouvernement a proposé des bourses, qui est dérisoire, car dans beaucoup de pays d’origine la corruption est reine et le pécule ramené par les expulsés risquerait de fondre à la frontière. La politique d’aide au retour nécessiterait l’acceptation des gouvernements des pays concernés. On ne peut régler cette question qu’à Bamako, Pékin ou Ankara, avec des accords bilatéraux. C’est un sujet de coopération. Or le ministère de la Coopération a été supprimé. Philippe Séguin avait mis au point en 1986 un système très intelligent en la matière. Mais, aujourd’hui, il n’y a pas de politique du tout, seulement des discours habiles.