Texte intégral
RTL : jeudi 16 juillet 1998
Q - Quelle leçon, en tant qu'homme politique, tirez-vous de l'enthousiasme, de l'unanimité qu'a suscitée la victoire de la France au Mondial ?
- « C'est d'abord un très grand événement sportif. Mais c'est vrai que ce n'est pas seulement un événement sportif car il n'y a pas comme cela, tout d'un coup, 25 millions d'accrocs du football dans notre pays. C'est donc le signe qu'au-delà de l'événement sportif, l'idée nationale s'est manifestée. Nous redécouvrons que nous sommes une nation et que nous sommes fiers d'appartenir à la nation française, surtout quand elle gagne et qu'elle se montre sous son plus beau jour. Je crois que le Président de la République a eu raison, dans son intervention du 14 juillet, de souligner, au fond, que la cohésion nationale est essentielle à la réalisation de grandes ambitions. Au fond, la France est belle et grande quand elle est rassemblée. »
Q - En tout cas, dans votre façon de répondre, vous ne considérez pas qu'après tout, le Mondial, c'est surtout un événement sportif, ce qui est plutôt la formulation du Premier ministre hier. Vous pensez qu'il relativise trop ?
- « Quand on voit l'enthousiasme dans les stades, quand on a vu l'enthousiasme dans les rues, on ne peut pas penser que ce n'est qu'un événement sportif. Si la Fédération française de football avait autant de supporters tout au long de l'année, elle serait très heureuse. »
Q - Il y a un aspect très intéressant qui est la composition multicolore de l'équipe de France et l'adhésion visible de jeunes Français issus de l'immigration à cette équipe. C'est une démonstration, à votre avis, qu'il y a de vraies ressources d'intégration en France ? Est-ce qu'on peut aller jusque-là ?
- « Oui, d'ailleurs c'est une équipe qui est à l'image de bien des aspects de la société française qui est une société multiraciale, multiculturelle et dans laquelle l'intégration, jusqu'à maintenant, a plutôt bien fonctionné. Mais ce qui est intéressant, dans cette affaire du Mondial, c'est que quand on offre, là encore, un objectif - même si c'est un objectif un peu irréel, qui fait rêver - aux jeunes immigrés, plutôt que de leur tenir un discours de refus et qui donne le sentiment qu'on les exclut, leur intégration est sans doute plus facile. »
Q - Il y a de quoi renouveler le débat avec le Front national ?
- « Le débat avec le Front national ne doit pas être au coeur de notre réflexion sur l'intégration. Ce qui doit être au coeur de notre réflexion sur l'intégration, c'est la réussite au quotidien de cette intégration. »
Q - Vous parliez tout à l'heure du Président de la République : le 14 juillet, il a aussi adressé un rappel à l'ordre à l'opposition, il a dénoncé les querelles, mêmes les médiocrités qu'il peut y avoir dans les partis de droite. Vous vous en étiez aperçu ?
- « Il y en a. Ce que j'ai noté, c'est qu'il a d'abord rendu un hommage à P. Séguin qui est le seul homme de l'opposition qu'il ait cité. »
Q - Cela vous a surpris ?
- « Non, cela m'a fait plaisir. Et surtout, il a défini une stratégie pour l'opposition qui est très exactement celle que nous essayons, avec P. Séguin, de mettre en oeuvre. »
Q - C'est-à-dire l'harmonie ?
- « Quand le Président de la République demande l'union de l'opposition, P. Séguin fait l'Alliance ; quand il demande que l'union de l'opposition ne soit pas uniforme, nous essayons de mettre en place - même si certains voudraient aller beaucoup plus vite et beaucoup plus loin - une confédération de l'opposition ; et quand le Président de la République dit qu'il faut que cette opposition unie ait un programme, nous avons annoncé à l'automne toute une série de conventions thématiques dans toute la France pour transformer le projet du RPR en un programme de l'opposition. »
Q - Il dit quelque chose d'autre aussi, il dit qu'il doit y avoir, à son avis, harmonie complète entre l'opposition et le Président de la République quand celui-ci est issu de ses rangs. Vous ne trouvez pas que c'est une conception des partis d'opposition et des partis de droite un peu godillot ?
- « Je crois qu'il faut qu'il y ait une harmonie. Elle existe sur la plupart des grands sujets, elle existe surtout sur la stratégie. Il peut y avoir, ici ou là, un certain nombre de sujets sur lequel le Président de la République n'a pas, compte tenu de ses fonctions et de la cohabitation, tout à fait la même façon de voir les choses et la même liberté d'expression. Mais moi, j'ai surtout compris que le Président de la République voulait que l'union de l'opposition aille plus vite. Or je note qu'aujourd'hui cette union de l'opposition est effectivement rendue difficile par le comportement d'un certain nombre de responsables qui empêchent en particulier la mise en place d'un intergroupe à l'Assemblée nationale et l'élection d'un président de l'intergroupe, ce qui serait le meilleur signe que le projet que le Président de la République souhaite se mette en route. »
Q - Mais être en harmonie avec le Président Chirac, vous pensez que c'est là un objectif qui peut motiver, réconcilier les différents chefs de l'opposition ?
- « Cela suppose en tout cas qu'il y ait une grande coordination sur le plan des idées et sur le plan de la stratégie, entre lui et les responsables politiques de l'opposition »
Q - Il n'y en a pas suffisamment ?
- « Il n'y en a sans doute jamais assez. Les conventions que nous allons organiser à l'automne vont être une bonne façon, justement, de mettre en application les propositions du Président : les Français, tous ceux qui adhèrent aux idées de l'opposition, vont pourvoir s'exprimer, donner leur sentiment et il y aura un grand débat national. »
Q - Il y a un groupe de députés RPR-UDF, dans un article du journal Le Monde, avant-hier, qui proposait un mode d'emploi des rapports de l'opposition avec le Président en période de cohabitation. Ils disent : sur la politique étrangère et la Défense - domaine réservé présidentiel -, l'opposition doit être en phase avec le Président mais sur les sujets de Gouvernement, elle doit jouer son rôle critique sans retenue. Vous pensez que c'est une bonne approche ?
- « C'est une approche intéressante parce que nous sommes engagés dans une cohabitation longue qui n'a rien à voir avec les cohabitations que nous avons connues dans le passé et l'opposition ne survivrait pas à 5 ans d'un discours qui ne serait pas un discours d'opposant On a besoin, pour que la démocratie fonctionne, d'une opposition qui critique, d'une opposition qui s'oppose. C'est la meilleure façon, d'ailleurs, de faire vivre le débat démocratique et donc c'est une approche qui est tout à fait intéressante. »
Q - Le Président Chirac répétait qu'il faut diminuer la pression fiscale, qu'elle est excessive. Hier, on a appris que le Gouvernement étudiait une baisse ciblée de la TVA. Cela vous amène à approuver et le Président et le Gouvernement ?
- « Il faut d'abord voir de quoi il s'agit. Pour le moment on a appris plutôt des mauvaises nouvelles en matière fiscale : il n'y aura pas vraiment de diminution d'impôt, on a appris que le quotient familial allait être plafonné, ce qui est plutôt une mauvaise nouvelle pour 500 000 familles. Alors si la TVA baisse de manière significative, alors nous sommes prêts à soutenir une action de ce type mais je voudrais voir de plus près de quoi il s'agit. On parle beaucoup de la baisse de la TVA sur l'énergie: il y a, dans ce domaine, une situation à EDF qui mérite d'être regardée de près. »
EUROPE 1 : mercredi 5 août 1998
Q - Les sondages sont au beau fixe pour le Président de la République et pour le Premier ministre. C'est donc le triomphe, en quelque sorte, de la cohabitation. Les Français semblent apprécier. Est-ce que le porte-parole du RPR s'en accommode ?
- « Non. Vous savez, la cohabitation, ce n'est pas une situation normale. C'est un conflit durable de légitimité : celle du Président de la République qui a été élu par tous les Français, celle du Gouvernement qui procède de l'Assemblée nationale. C'est une situation qui est, au fond, contraire à l'esprit de la Constitution, qui est parfaitement incompréhensible par nos voisins européens et par nos partenaires et qui, d'une certaine manière, nous pousse à des compromis permanents qui ne favorisent pas la mise en oeuvre de réformes de fond dont notre pays aurait besoin. Ce ne sont pas les sondages qui vont nous faire oublier que la cohabitation est au fond une anomalie de notre système politique. »
Q - Il y a eu et il y a toujours, vous le savez, un débat sur le projet de budget 1999. Cela va être, bien sûr, la grande discussion à la rentrée au Parlement. Qu'est-ce qui vous gêne ou vous déplaît précisément dans ce budget ?
- « C'est très simple, c'est un budget qui choisit de continuer d'augmenter les dépenses publiques au moment où tout le monde à droite et même un peu à gauche - puisque c'est ce que J. Delors disait ces derniers jours -, pense qu'il faudrait profiter de la croissance pour réduire les dépenses publiques et mettre la France définitivement dans une situation de force au moment de la mise en place de la monnaie européenne. »
Q - Et oser un peu plus dans le domaine fiscal ? Plus de baisse des impôts par exemple ?
- « Les baisses d'impôts qui nous sont proposées, qui sont inférieures aux augmentations simplement des traitements de la fonction publique, sont des baisses d'impôts cache-sexe, quand ce ne sont pas des impostures, comme la réforme de ma taxe professionnelle qui va être intégralement, dit-on, compensée aux collectivités locales, c'est-à-dire qu'en réalité ce pas une baisse d'impôt !
Q - Il y a quand même un cadeau aux entreprises !
- « C'est une baisse de la taxe professionnelle que les entreprises paieront d'une manière ou d'une autre et que les contribuables paieront d'une manière ou d'une autre, puisque l'Etat s'engage à en compenser complètement la recette aux collectivités locales. En réalité, il y a une amélioration de la situation économique, il y a une embellie dont tout le monde se réjouit. Au lieu d'en profiter pour engager des réformes de structures, le Gouvernement fait comme toujours avec la gauche - c'était déjà le cas entre 1988 et 1993 - il dépense les bénéfices de la croissance avant même de les avoir réellement comptabilisés. »
Q - A gauche et au Gouvernement, bien sûr, l'entente parait acquise malgré, ici ou là, quelques tiraillements. Cela ne vous rend pas un peu jaloux quand on voit une droite qui tente difficilement, elle, de se reformer ?
- « Ecoutez, la droite a connu une défaite électorale qui n'était pas attendue et qui a provoqué une crise profonde en son sein. Elle a du temps devant elle pour s'en remettre et le fait avec méthode. En tout cas, c'est le cas du côté du Rassemblement pour la République où nous avons engagé une réforme profonde de nos structures, de notre projet et nous sommes sur une voie qui est celle de la reconstruction méthodique de notre position. »
Q - Je vous pose la question parce que nous avons encore devant les yeux et dans les oreilles, le mauvais exemple de Paris. Il a fallu que P. Séguin frappe sur la table et même menace pour que J. Toubon rentre dans le rang. Cela va quand même laisser des traces dans votre parti, tout cela !
- « Je préfère retenir la fin de la crise de Paris plutôt que les traces et surtout le succès personnel enregistré par P. Séguin dans cette affaire. Car sans les efforts considérables de conciliation qu'il a lui-même conduits, sans la fermeté qui a été la sienne, cette crise parisienne ne serait toujours pas résolue. Je crois que tout le monde à droite ne peut que se réjouir de la fin de cette crise qui est due à la détermination de P. Séguin. C'est dans la capacité à résoudre les crises que l'on reconnaît les hommes d'Etat. »
Q - C. Pasqua, lui, s'est élevé contre le Traité d'Amsterdam au comité politique du RPR, et il demande aussi bien sûr, on s'en souvient, la réintégration de tous les sans-papiers. Ca aussi c'est un cactus ?
- « P. Séguin a voulu que le RPR devienne un vrai parti de débats, un parti ouvert. C. Pasqua alimente ce débat avec la personnalité et les qualités qui sont les siennes. Tant que nous sommes dans le débat d'idées et que C. Pasqua accepte au fin du fin de respecter le ligne politique décidée par le mouvement, nous ne voyons que des avantages à ce qu'il participe au débat. Sur l'Europe, il y aura au mois d'octobre un grand débat qui rassemblera l'ensemble des courants du mouvement gaulliste afin qu'on en finisse avec les guerres de religion et qu'on pratique l'analyse objective des textes qui nous sont soumis. »
Q - Est-ce que la position du RPR vis-à-vis du FN pourrait évoluer ?
- « Il n'y a aucune chance qu'elle évolue si le FN n'évolue pas. Tant que le FN véhiculera des valeurs qui sont contraires à l'esprit de la République, tant que le FN véhiculera des valeurs racistes et xénophobes, le RPR le combattra. »
Q - Lorsque vous faites le tour des fédérations RPR dans les régions, que vous demandent les militants ?
- « Ce qu'ils veulent, c'est retrouver le goût de la victoire. »
Q - Vous n'en avez pas perdu ces derniers mois, des militants ?
- « Bien sûr, un certain nombre de militants nous ont quittés. Moins qu'on le dit. D'autres nous ont rejoints, parce que c'est toujours dans les situations de crise que les partis politiques recrutent. Mais les militants, ce qu'ils veulent, c'est retrouver le goût de la victoire. Et pour retrouver le goût de la victoire, ils savent qu'il y a deux conditions fondamentales : que le parti soit uni, et ils demandent qu'il n'y ait plus de lutte de clans et de lutte de chefs ; et deuxièmement, ils veulent un parti qui s'oppose au Gouvernement sans faiblesse. Parce qu'ils ont bien compris que dans le fonctionnement de la démocratie, le rôle de l'opposition, c'est de s'opposer, ce n'est pas d'approuver les réformes du Gouvernement. »
Q - Deux questions sur l'actualité toute chaude. D'abord, le plan Aubry pour réduire les dépenses de santé avec tous ceux qui doivent se serrer la ceinture - les radiologues bien sûrs, les labos pharmaceutiques - et qui protestent aujourd'hui et souvent avec véhémence.
- « Ce que je voudrais retenir dans cette affaire, c'est que M. Aubry nous prend pour des idiots. Pendant des années, elle a expliqué avec ses amis du PS qu'il n'y avait pas lieu de réduire les dépenses de santé, elle a critiqué de toutes ses forces le plan Juppé et aujourd'hui elle fait moins bien que ce que faisait A. Juppé. C'est-à-dire qu'elle pratique une politique de baisse des dépenses, ponctuelle, sans plan d'ensemble, sans visibilité... »
Q - Mais vous comprenez tout de même le nouveau directeur de la Cnam quand il dit qu'il faut faire la chasse aux dépenses totalement inutiles ?
- « Il a raison. Simplement, j'aurais voulu que M. Aubry défende le plan Juppé au moment où il était mis en oeuvre, cela nous aurait évité de perdre deux ans qu'il va falloir aujourd'hui durement payer. Je rappelle que M. Johanet disait aussi au moment de la mise en oeuvre du plan Juppé : il faut être d'une extraordinaire myopie pour contester que le plan Juppé soit nécessaire. Eh bien, c'est M. Aubry qui était d'une extraordinaire myopie. »
Q - Et ce qui se passe en Corse actuellement, les armes des policiers municipaux volées, la garde à vue du chef de la police.
- « Je crois qu'il faut qu'en Corse l'ordre républicain règne et moi je soutiendrai le Gouvernement dans toutes les initiatives qu'il prendra dans ce sens. »
Q - Il était temps ?
- « Il était temps. Je vous rappelle que J.-P. Chevènement l'a lui-même noté : A. Juppé avait lancé une campagne sans précédent pour faire régner l'ordre républicain en Corse. Il faut que les choses soient menées jusqu'à leur terme. »
Q - Votre chef au RPR est-il encore J. Chirac ?
- « Bien sûr, notre inspirateur est J. Chirac. C'est lui qui a fondé le parti politique et le président de notre mouvement est comme vous le savez P. Séguin. »