Interviews de M. Edmond Alphandéry, ministre de l'économie, dans "Challenges économiques" de février 1994 et "Les Echos" du 16 février, sur la cohérence des politiques financière et sociale, sur l'amélioration du climat des affaires et sur la politique de l'épargne.

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Média : Challenges - Les Echos

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"Il faut gérer la contradiction entre le court et le long terme"

Pour le ministre de l'Économie, l'épargne courte des ménages doit être canalisée vers l'épargne longue, ou alors vers la consommation pour soutenir l'activité.

Challenges : Il est souvent fait référence au bas de laine des Français. Mais le chômage augmente et de nouvelles formes de paupérisation apparaissent. Cette contradiction illustre-t-elle une dégradation de la répartition de l'épargne ?

Edmond Alphandéry : C'est exact. Il faut gérer la contradiction apparente entre le court terme et le long terme. À long terme, nous avons besoin d'un taux d'épargne élevé pour financer un volume suffisant d'investissement qui assure le retour à la croissance indispensable pour la création d'emplois. Toutefois, si on pousse trop les ménages à épargner, on crée dans l'immédiat un frein à la consommation, susceptible de déprimer l'activité économique. Pour régler cette contradiction, deux réponses. D'abord, réduire les déficits budgétaires et sociaux pour augmenter les capacités d'épargne de l'ensemble de la nation. C'est pourquoi nous avons réduit le déficit budgétaire à 300 milliards de francs en 1994, et il passera à 275 milliards en 1995. Ensuite, il faut distinguer l'épargne longue de l'épargne courte ; la première doit être encouragée. Certes, il ne s'agit pas de condamner les ménages qui ont constitué une épargne courte, mais ce volant considérable de 700 milliards de francs, notamment en Sicav monétaires, doit être canalisé soit vers l'épargne longue pour financer l'investissement, soit vers la consommation pour soutenir l'activité économique. Et nous sommes aidés dans cette démarche par le retour de la courbe des taux à une situation plus normale.

Challenges : Quelle fut votre marge de manœuvre pour déclencher cette baisse des taux ?

Edmond Alphandéry : Avec une inflation de 2,4 % en 1992 (contre 2,1 % en 1993), les taux d'intérêts réels, supérieurs parfois à 10 %, atteignaient des sommets. À de tels niveaux, quels dégâts n'ont-ils pas commis ! Organiser leur décrue dans le cadre de la détente des taux en Europe, en réduisant progressivement le différentiel qui existait à notre détriment par rapport aux taux allemands, telle était, en définitive, notre principale marge de manœuvre. Cela nécessitait un environnement stable, et aussi une volonté de réduire les déficits. Ce qui explique notamment la décision d'augmentation de la CSG. Le lien n'est pas apparu immédiatement, mais il est réel. Il fallait donner au marché financier un signal clair qui montre la priorité du gouvernement en faveur de l'assainissement des comptes publics et sociaux. Cette majoration de la CSG s'est traduite par une rentrée supplémentaire de 50 milliards de francs en année pleine. Supposez qu'on ait décalé cette mesure. Certes, d'un point de vue mécanique, l'amputation du pouvoir d'achat aurait été différée. Mais, en économie, la psychologie ne compte-t-elle pas plus que les effets mécaniques ? Il fallait que le gouvernement montre immédiatement sa volonté d'assainir les comptes. C'était là une condition impérative de notre crédibilité.

Challenges : Vous imputez donc la baisse des taux à l'augmentation de la CSG ?

Edmond Alphandéry : Pas uniquement. Il y aurait eu, de toute façon, une baisse des taux. Mais cette crédibilité retrouvée, grâce à l'ensemble de la politique économique et notamment à l'indépendance de la Banque de France, a permis de l'accélérer au point que, aujourd'hui, le différentiel avec l'Allemagne a pratiquement disparu.

Challenges : Le succès de l'emprunt Balladur a dépassé vos prévisions. Pourquoi ?

Edmond Alphandéry : Lorsque les taux courts ont commencé à baisser plus rapidement que les taux longs, nous avons pu songer à consolider l'épargne courte, c'est-à-dire à conduire les ménages à déplacer leurs Sicav de trésorerie vers des placements à plus long terme. D'où la technique de l'emprunt Balladur. J'ai recherché l'avantage fiscal permettant ce transfert. Ce fut l'exonération (les plus-values sur les Sicav que les ménages utilisaient pour acquérir des titres de l'emprunt Balladur logés dans un PEA. Et cela en attente des privatisations. La loi autorisait le PEA à ne recevoir que des actions. Elle ne permettait pas d'y loger l'emprunt. Un collectif budgétaire se profilait. Nous avons saisi cette occasion pour y inclure une s modification législative dans ce sens. Mes services évaluaient à une dizaine de milliards environ le montant des souscriptions des particuliers à l'emprunt Balladur, tant il s'agissait d'un dispositif complexe. J'avais annoncé 40 milliards, en misant sur 50. En réalité, l'emprunt a permis de rassembler 110 milliards de francs. Ce fut la meilleure surprise que nous ayons eue. Et, sur ce total, le transfert opéré par les ménages, à partir des Sicav de trésorerie, sur l'emprunt Balladur, a atteint plus de 65 milliards de francs. On est ainsi parvenu à mobiliser l'épargne courte. Cet emprunt n'était qu'un relais, il fallait réussir ensuite les privatisations. Car c'était là le moyen de financer la relance sans aggraver le déficit budgétaire. D'où la nécessité de créer un climat optimisme notamment en Bourse. Restait à mettre en place la réforme de la fiscalité de l'épargne. Au total, entre avril et décembre 1993, pour l'ensemble des titres d'OPCVM de court terme, il y a une chute de 200 milliards de francs. Les évolutions ont été variables selon les mois. En décembre, les sorties (le Sicav court terme ont atteint 113 milliards de francs.

Challenges : Pour réorienter l'épargne, vous avez aussi mené une réforme de la fiscalité spécifique. Allez-vous continuer dans cette direction ?

Edmond Alphandéry : Nos prédécesseurs avaient déjà commencé. Nous sommes allés plus loin afin que les placements courts ne soient plus avantagés par rapport aux placements longs. Nous avons donc pris trois mesures. D'abord, pour les Sicav de trésorerie, le seuil à partir duquel les plus-values de cession sont imposées a été abaissé: de 166 000 francs, il est passé à 100 000 francs au 1er janvier 1994 et il se situera à 50 000 francs au 1er janvier 1995. Ce mouvement progressif laisse le temps aux ménages de transformer leur épargne vers le long terme ou la consommation. Mais il fallait éviter que les petits portefeuilles ne soient touchés. Nous avons donc introduit les plus-values de cession dans l'abattement à l'impôt sur le revenu prévu pour les actions et obligations: une plus-value inférieure à 8 000 francs pour une personne seule et à 16 000 francs pour un couple n'est plus imposable dans la limite de son introduction dans l'abattement. Nous avons aussi augmenté le nombre de placements qui bénéficient de cet abattement. Et s'il faut aller un peu plus loin dans la fiscalité de l'épargne, ce sera en généralisant cet abattement, et pourquoi pas en l'augmentant. Mais la mesure, trop coûteuse pour l'instant, n'est pas à l'ordre du jour. Enfin, nous avons supprimé le prélèvement libératoire majoré – sauf pour les bons anonymes. Aujourd'hui, les intérêts de tous les placements à revenus fixes sont imposés, comme d'ailleurs les plus-values, au taux unique de 19,6 %. Vous voyez l'importante simplification de la fiscalité sur l'épargne, qui entrera en vigueur au 1er janvier 1995.

Challenges : Envisagez-vous d'étendre ce type de mesure aux actions ?

Edmond Alphandéry : Pour les actions, beaucoup a déjà été fait. Notamment lorsqu'on a ramené l'impôt sur les bénéfices à 33 %. Et je rappelle que si le PEA marche bien, c'est parce qu'il présente déjà de sérieux avantages. Plus qu'aux actions, ma priorité aujourd'hui va plutôt aux fonds de pension, pour lesquels j'aimerais présenter un texte rapidement. Peut-être au printemps.

Challenges : Nombre d'entreprises ont préféré placer leur argent dans les Sicav plutôt qu'investir. Les chefs d'entreprise sont-ils devenus trop frileux ?

Edmond Alphandéry : L'investissement productif a fortement chuté en 1993. Un sondage du Crédit d'équipement des PME (CEPME) montre que la trésorerie des petites entreprises a atteint en décembre son meilleur score depuis la fin 1991. Mais les commandes de biens d'équipement sont mieux orientées depuis la fin de l'année dernière en raison de l'amélioration des perspectives d'activité des chefs d'entreprise un peu plus optimistes.

Challenges : Comment stimuler l'épargne populaire pour que les personnes les moins favorisées puissent préparer leur retraite ?

Edmond Alphandéry : Vous posez un vrai problème les fonds de pension ne doivent pas être destinés exclusivement aux catégories sociales les plus aisées. Ils impliquent, normalement, une contribution mixte du salarié et de l'entreprise. Ce que le salarié ne peut peut-être pas donner, l'entreprise peut y remédier en partie. C'est cette idée que je veux creuser pour que ces fonds de pension soient bien adaptés à toutes les catégories sociales, y compris aux personnes à revenu modeste.

 

16 février 1994
Les Echos

Alphandéry : "Il y a cohérence entre nos politiques financière et sociale"

Alors que le gouvernement vient de réussir, avec Elf, la plus grosse privatisation jamais engagée en France, Edmond Alphandéry, ministre de l'économie, se félicite du succès remporté auprès de l'actionnariat populaire. D'autant plus que les privatisations permettent, estime-t-il, de mobiliser des moyens pour lutter contre le chômage, ce qui montre la cohérence entre la politique financière et la politique sociale du gouvernement. Il affirme, dans cette interview aux "Échos", que les privatisations ne sont pas contradictoires avec les incitations à consommer récemment décidées par le gouvernement : il existe, explique le ministre de l'économie, une réserve d'épargne liquide accumulée dans les sicav court terme qui peut soit s'investir à long terme, notamment dans les titres de sociétés privatisées, soit s'orienter vers la consommation.

Le ministre estime en tout cas qu'il n'a, pour le moment, aucune raison de modifier son diagnostic de croissance pour 1994, au vu d'un ensemble d'informations montrant que le climat est en train de changer. Il précise enfin sa pensée sur les deux projets que Bercy doit mener à bien au printemps : la réforme de la Caisse des dépôts et consignations, dont il souhaite préserver l'unité, et ta création de fonds de pension.

Les Echos : Le gouvernement a fait état des derniers jours d'indices conjoncturels favorables. Ils semblent écore ténus. Estimez-vous toujours que la croissance atteindra, voire dépassera 1,4 % cette année ?

Edmond Alphandéry : Nous n'avons aucune raison de modifier notre diagnostic pour 1994. De plus, 1,4 % voire 1,5 % de croissance n'est pas un chiffre élevé. Je comprends que, dans le climat actuel, où nous sortons d'une récession grave et où nous subissons un chômage élevé, les prémices de la reprise donnent lieu à un certain scepticisme. On a vu la même chose aux États-Unis : la transition se fait avec des hauts et des bas. Pour autant, depuis le début de l'année, on voit apparaître une succession d'informations qui vont toutes dans la même direction. Le climat est en train de changer. Dans les entreprises, les perspectives s'améliorant, c'est net dans le secteur des biens intermédiaires. L'emploi salarié, de son côté, à moins baisse au deuxième trimestre, le recul s'est limité à 0,5 %. Du côté de la demande des ménages, la consommation reste irrégulière, ce qui justifie des mesures prises en faveur de l'automobile. Pour le logement, enfin la demande se redresse.

Les Echos : N'y a-t-il pas cependant un risque, celui de voir l'Allemagne notre premier client, sortir plus lentement que prévu de la récession ?

Edmond Alphandéry : On constate trois choses à l'étranger. Aux États-Unis, la petite hausse du taux d'escompte a été décidée à usage interne et ne démontre qu'une chose : l'économie fonctionne bien et le seul risque est celui de la surchauffe. Au Japon, le nouveau plan de relance par la baisse de la fiscalité est assez important, il devrait donner des résultats. La reprise se confirme en Grande-Bretagne. Au total, l'environnement international sera plus porteur en 1994. L'évolution en Allemagne est moins prévisible, même si de nombreux signes donnent à penser que le climat est en train de s'améliorer. Pour autant, notre scénario est prudent puisque nous prévoyons une croissance de 0,5 % seulement cette année pour l'Allemagne de l'Ouest.

Les Echos : Mais n'est-ce pas seulement l'exportation qui va tirer la croissance française en 1994 ?

Edmond Alphandéry : Les carnets de commandes étrangers se portent de mieux en mieux. Il est certain que, dans nos prévisions 1994, les exportations sont au cœur de la reprise. Mais le deuxième élément porteur est l'investissement des entreprises. Les investissements ont tellement baissé en 1993 que leur stabilisation au niveau actuel, en 1994, contribuera à accélérer la croissance.

Les Echos : La chute de l'investissement depuis trois ans ne va-t-elle pas entraîner un retard pour l'industrie française ?

Edmond Alphandéry : C'est une éventualité qu'il ne faut pas exclure. On a perdu beaucoup de terrain. Cela reflète la mauvaise adaptation des politiques économiques menées depuis le début des années 80, Si, en France, le taux de chômage est si élevé, c'est parce que structurellement notre taux d'investissement et notre taux d'épargne sont trop faibles. Notre secteur productif s'est insuffisamment musclé au regard des charges toujours croissantes qu'il supporte.

Les Echos : N'y a-t-il pas une contradiction entre l'insuffisance d'épargne que vous déplorez et les mesures de relance de la consommation que le gouvernement vient de prendre ?

Edmond Alphandéry : Nous avons besoin d'épargne longue pour financer l'investissement nécessaire à un développement économique durable, comme nous avons besoin que la conjoncture soit soutenue par la consommation. Ces deux impératifs ne sont pas contradictoires. Ainsi, le gouvernement, par diverses mesures, recherche le dégonflement des sicav de trésorerie (environ 600 milliards de francs détenus par les ménages). Cette épargne, qui ne mérite que partiellement cette appellation, peut se transformer très largement en une épargne longue (PEA, assurance-vie, immobilier...) et en plus de consommation. Je constate déjà des résultats appréciables puisque les désinvestissements en fin d'année ont été importants et ont effectivement profité aux actions et obligations, ainsi qu'à soutenir la consommation des ménages.

Les Echos : Quelle va être, selon vous, l'évolution des taux courts dans les prochains mois ?

Edmond Alphandéry : On observe, depuis dix mois, une baisse de l'ensemble de la courbe des taux d'intérêt qui a été particulièrement importante sur les taux courts. Pour l'avenir, je pense que ces derniers pourraient se retrouver en 1994 en dessous des taux longs.

Les Echos : En admettant qu'il n'y ait pas de contrainte de change, ne pourrait-on accélérer la baisse des taux courts ?

Edmond Alphandéry : Si on regarde ce qui se passe dans les pays européens qui sont réputés s'être libérés de toute contrainte de change, on constate que les taux d'intérêt à long terme y sont plus élevés qu'en France. A contrario, une certaine stabilité de la monnaie paraît mieux à même de garantir un bas niveau des taux d'intérêt, comme le montrent notamment les Pays-Bas. D'où l'intérêt de mener une politique du franc stable.

Les Echos : Maintenant que nous vivons une période de calme pour les monnaies européennes, ne pourrait-on pas imaginer une baisse concertée des taux dont tous les pays européens ont besoin ?

Edmond Alphandéry : Je voudrais, à ce propos, souligner que la concertation économique et financière est une réalité. La France et l'Allemagne, en présentant conjointement des programmes de convergence cohérents, ont permis de définir des politiques à moyen terme. Sur les taux d'intérêt, je constate que les pays européens ont connu une forte baisse de leur niveau depuis un an tant à court qu'à moyen terme. Pour l'avenir, je pense que le retour à une pente normale des taux d'intérêt se produira également dans le reste de l'Europe. C'est en partie grâce à cette baisse des taux que le climat économique change en France. Cette baisse a notamment dopé la Bourse et facilité la réussite des privatisations.

Les Echos : À ce propos, êtes-vous satisfait de la privatisation d'EU ?

Edmond Alphandéry : C'est un grand succès populaire. 3 100 000 Français ont souscrit. Le montant qu'ils ont demandé (38 milliards de francs) est considérable : c'est la plus forte demande amas enregistrée de la part des particuliers lors d'une privatisation en France. Les privatisations sont maintenant bien ancrées dans le paysage. Elles sont plébiscitées par tes Français. Avec cette seule opération, nous aurons collecté 76 milliards de francs.au moins de six mois : 43 en 1993 et 33 avec la seule privatisation d'En. Cette année, on devrait collecter – au minimum – les 55 milliards prévus.

Les Echos : Comment ces recettes ont-elles été affectées en 1993 ?

Edmond Alphandéry : La répartition était prévue par le collectif budgétaire du printemps dernier : 18,7 milliards ont été affectés à des mesures pour l'emploi, 8 au soutien de l'activité (BTP, politique de la ville) et 16 aux dotations en capital des entreprises publiques. On voit bien qu'il y a cohérence entre la politique financière et la politique sociale du gouvernement. Les privatisations permettent de mobiliser des moyens pour lutter outre le chômage pour le progrès social et l'emploi. En 1994, nous suivons la même politique.

Les Echos : Raymond Barre vous a tait le reproche de ne pas suivre une politique orthodoxe, puisque l'argent des privatisations devrait servir à désendetter l'État.

Edmond Alphandéry : Ce serait mon vœu le plus cher car Raymond Barre a raison. Mais nécessité tait loi : nous avons hérité de la pire des récessions depuis la guerre. Pour en sortir, il faut mobiliser des ressources. En outre, il fallait combler les déficits publics et sociaux : nous avons donc pris les ressources là où elles sont. Nous n'avons pas le choix. En tout cas, je constate que les privatisations sont un remarquable succès en termes d'actionnariat populaire et aussi auprès des salarié' des entreprises privatisées. En outre, nous avons mis au point une technique des privatisations qui a fait ses preuves : la Commission de privatisation s'est fait, au cours des premières opérations, une réputation d'indépendance et de sérieux sans faille. Je tiens à lui rendre hommage.

Les Echos : Compte tenu de la multiplication de promesses du Premier ministre, ces dernières semaines, ne craignez-vous pas des dérapages budgétaires mettant hors de portée les critères de Maastricht pour la France ?

Edmond Alphandéry : Ne nous trompons pas sur les ordres de grandeur. L'aide exceptionnelle accordée aux pêcheurs représente 300 millions, les dépenses pour améliorer la sécurité dans les écoles 500 millions par an sur cinq ans. Ce sont bien sûr des sommes importantes pour ceux qui en bénéficieront, mais, par rapport au déficit budgétaire global, nous sommes dans l'épaisseur du trait. Il n'y a d'ailleurs là rien d'anormal, car chaque année il faut intégrer dans le budget des dépenses imprévues. L'essentiel c'est de contrebalancer ces dépenses imprévues par des économies. En 1993, lorsque le gouvernement s'est installé, il a engagé un montant important de dépenses nouvelles tout en réduisant le déficit budgétaire. Ces deux choses ne sont pas incompatibles. La politique que nous suivons ne nous écarte pas des critères de Maastricht, mais bien au contraire nous en rapproche. Je vous rappelle que nous avons d'ores et déjà réduit de 20 milliards le déficit budgétaire et de 70 milliards celui de la sécurité sociale. C'est un premier effort considérable. Cette capacité à maintenir le cap général de notre politique tout en nous adaptant a été encore saluée la semaine dernière par deux grands hebdomadaires anglo-saxons réputés pour leur jugement critique.

Les Echos : Quels sont vos projets pour la Caisse des dépôts et consignations ?

Edmond Alphandéry : Je précise d'abord qu'il ne s'agit pas de bouleverser l'actuelle Caisse des dépôts. Ainsi, la réforme préservera l'unité de l'établissement. Elle maintiendra le groupe actuel, elle n'entraînera ni éclatement ni démantèlement. Elle préservera le statut du personnel et le périmètre du bassin d'emploi. L'objectif de la réforme est de moderniser la Caisse et de soumettre ses activités concurrentielles à des règles équivalentes à celles de ses concurrentes. Par exemple, le statut de 1816 prévoit que le directeur général de la Caisse est encore indéfiniment inamovible, ce que le gouverneur d'une Banque de France indépendante n'est pas. Autre exemple : la Caisse n'est pas soumise aux mêmes contrôles que les autres entreprises publiques et doit clarifier ses relations avec l'État. Une façon d'y parvenir réside dans une filialisation de certaines activités bancaires et financières. Et donc une clarification des missions et du fonctionnement de la Caisse s'impose.

Les Echos : Quand le projet sera-t-il prêt ?

Edmond Alphandéry : Fin mars. Il devrait être adopté par le gouvernement pour être examiné par le Parlement au cours de la session de printemps.

Les Echos : Ne pensez-vous pas que l'approche de la présidentielle va bloquer toutes les volontés de réforme ?

Edmond Alphandéry : Non bien sûr, d'autres dossiers de diverse ampleur sont en cours de préparation. Je voudrais tout spécialement mentionner le dossier des fonds de pension. Dans ce domaine, je pense que la dimension technique est moins difficile à traiter que les dimensions psychologique et politique. Les esprits évoluent. Cependant, certains demeurent encore réservés. Une concertation a débuté pour cerner les préoccupations des parties intéressées et permettre de, définir un système de fonds de pension par capitalisation que les Français réclament de leurs vœux, comme le montre le succès de l'assurance-vie.