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Le Journal des finances : Les associations d'assurés se sont multipliées ces dernières années. Constituent-elles véritablement un outil de défense des intérêts des épargnants ?
Edmond Alphandéry : Normalement, l'union fait la force ! Ces associations ont par nature vocation à faire valoir les intérêts de leurs adhérents. Par leur taille et leur connaissance des produits d'assurance, elles devraient en toute logique s'assigner comme objectif de permettre aux assurés d'obtenir de bonnes conditions.
Mais l'information des assurés ne doit pas pâtir de ces regroupements. Aussi ces associations doivent-elles être totalement transparentes et tenir les assurés parfaitement informés, notamment de toute modification qu'il est prévu d'apporter aux contrats.
Le Journal des finances : L'actualité récente (affaire ATRAI) a révélé les dangers de confier son épargne à une telle association. De quels moyens disposent les assurés pour faire valoir leurs droits ?
Edmond Alphandéry : Le cadre législatif est déjà très protecteur. Le code des assurances prévoit que l'assureur, dès lors qu'il a donné un mandat de souscription ou d'encaissement, est en tout état de cause engagé à l'égard des épargnants, et ce pour tous les engagements pris en son nom par un mandataire. En outre, les assurés peuvent faire appel à la commission de contrôle des assurances pour faire valoir leurs droits — et, en l'espèce, ils ne se sont pas privés de le faire. Aux termes de la loi, la commission est en effet chargée de faire en sorte que les assureurs respectent leurs engagements à l'égard des assurés.
Que le cadre actuel soit déjà protecteur ne signifie pas cependant qu'il ne peut être amélioré. C'est pourquoi j'envisage que soit proposé au Parlement, au cours d'une prochaine session, un dispositif renforçant la protection des particuliers adhérents de contrats groupe.
Le Journal des finances : La commission de contrôle des assurances a-t-elle les moyens de garantir les intérêts des assurés ?
Edmond Alphandéry : La garantie des intérêts des assurés repose évidemment en tout premier lieu sur la solidité des entreprises d'assurance. C'est pourquoi la commission de contrôle des assurances suit avec attention les entreprises établies en France, à partir de leurs états financiers, de contacts réguliers avec leurs dirigeants, et de l'analyse et du traitement des difficultés rencontrées par les assurés. En outre, selon une périodicité variable, et systématiquement en cas de doute sur la situation financière ou la qualité de la gestion, des contrôles sur place sont réalisés et, si nécessaire, étendus aux intermédiaires d'assurance.
Lorsqu'une anomalie, ou toute situation susceptible d'être préjudiciable aux intérêts des assurés, est mise en évidence, la commission est saisie et elle peut utiliser les pouvoirs dont elle dispose depuis la loi du 31 décembre 1989 ; pouvoirs qui ont été encore renforcés, à mon initiative, par la loi du 4 janvier 1994. Au-delà des sanctions classiques, la commission s'est vue en effet attribuer par la loi la possibilité de prendre en urgence des mesures conservatoires destinées à prévenir toute atteinte aux droits des assurés : blocage des actifs, nomination d'un administrateur provisoire, mise sous surveillance spéciale.
S'agissant des associations d'assurés, j'envisage de renforcer les pouvoirs de contrôle de la commission à leur égard et de confirmer la responsabilité de l'assureur au titre des engagements pris par ses représentants ou mandataires.
Le Journal des finances : Les états financiers qui permettent de contrôler le mode de distribution de la participation aux bénéfices ne sont pas publics. Leur publication ne serait-elle pas une garantie supplémentaire ?
Edmond Alphandéry : Votre question comporte deux aspects. D'une part, il existe une obligation légale de participation aux bénéfices ; d'autre part, les contrats comportent en général des clauses définissant au cas par cas les conditions de calcul de la participation aux bénéfices attachée au contrat.
Sur le premier point, il existe en effet, à l'heure actuelle, un état financier permettant d'apprécier le niveau effectif de la participation aux bénéfices par rapport au minimum légal ; même s'il est accessible à toute personne qui en fait la demande, vous avez raison de dire que cet état financier reste, en fait, assez confidentiel.
Je puis, d'ores et déjà, vous indiquer que, dans le cadre de la réforme des règles comptables applicables à l'assurance, qui devrait intervenir dans les prochaines semaines, l'état financier sur la participation aux bénéfices globale sera intégré aux comptes annuels et donc, désormais, rendu public dans des conditions de fiabilité et de clarté satisfaisantes.
Sur le second point, votre question renvoie au problème plus général de la transparence des contrats. J'ai à plusieurs reprises rappelé que j'attachais une extrême importance à ce point : l'assuré ne peut choisir en connaissance de cause que s'il est pleinement informé, et cette information est sa meilleure protection. Aussi, au-delà du contrôle strict du respect des règles existantes, déjà contraignantes, j'en ai demandé le renforcement. Des mesures seront prises au cours des prochains mois, sous forme réglementaire si nécessaire, ou dans le cadre des règles déontologiques établies par la profession.
Le Journal des finances : La rumeur fait état d'une possible suppression de certains avantages fiscaux de l'assurance-vie. Que faut-il en penser ?
Edmond Alphandéry : L'assurance vie, avec plus de 300 milliards de francs de collecte en 1993, est devenue l'épargne à long terme chérie des Français. Son succès reflète, bien sûr, les rendements élevés de ce type de produits au cours de ces dernières années, ainsi que le souci de nos concitoyens de se constituer une épargne complémentaire en vue de leur retraite.
Dans ces conditions, tout particulièrement à cause de sa durée, il est légitime que l'assurance-vie bénéficie d'un traitement fiscal favorable. C'est d'ailleurs cohérent avec la politique du gouvernement en matière d'épargne qui vise à privilégier l'épargne longue. Aucun changement en la matière n'est à l'ordre du jour.
Le Journal des finances : Les contrats dits dédiés peuvent être considérés comme des super PEA sans plafond, et ils bénéficient de l'exonération des droits de succession. Qu'en pensez-vous ?
Edmond Alphandéry : Sur de nombreux points, ces contrats se distinguent des plans d'épargne en actions. L'exonération fiscale est acquise au bout de huit ans au lieu de cinq. Ils ne peuvent être gérés comme un compte titre par l'épargnant dans la mesure où la composition de l'actif ne peut être modifiée que par avenant au contrat.
J'entends être attentif à ce que ce type de produits se développe selon des règles de bonne conduite qui doivent permettre d'éviter tout risque d'utilisation abusive. À cet égard, je me félicite qu'un code de déontologie interne à la profession de l'assurance ait pu être adopté. Je demeurerai cependant vigilant.