Déclaration de M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la réforme de la PAC et ses conséquences notamment pour les céréales, au Touquet le 23 juin 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Jean Puech - Ministre de l'agriculture et de la pêche

Circonstance : 70ème congrès de l'association générale des producteurs de blé et autres céréales, au Touquet le 23 juin 1994.

Texte intégral

Monsieur le président, 
Mesdames, Messieurs,

La politique agricole française n'est pas une politique de vœux pieux mais une politique déterminée qui s'appuie sur des convictions et une approche prospective.

Aujourd'hui, même si des difficultés persistent, l'horizon s'est très sensiblement éclairci, tant sur le plan communautaire que sur le plan international. Il convient donc de hiérarchiser nos priorités en distinguant ce qui relève du court terme, du moyen terme et du long terme.

Les problèmes immédiats exigent des réponses urgentes, Je pense notamment à tout ce qui relève de la gestion quotidienne de la réforme de la PAC.

Toutefois, ces préoccupations quotidiennes ne doivent pas occulter notre devoir d'anticiper les conséquences mais aussi les perspectives que nous ouvrent les accords du cycle de l'Uruguay.

Quant à l'objectif de long terme, il est aujourd'hui très clair : il consiste à fixer, pour les dix ans qui viennent, les grands axes de réformes dont notre agriculture a besoin.

Je suis convaincu que les changements apportés à l'environnement agricole européen et international ne remettent pas en cause ni les atouts ni la place de la céréaliculture française.

Ce n'est donc pas d'une attitude frileuse dont on a besoin, mais d'une attitude offensive. En effet, une attitude offensive et une réflexion approfondie doivent nous permettre de créer les conditions d'une évolution favorable à l'ensemble de la filière céréalière française.


I. – Les changements apportés à l'environnement agricole européen et International ne remettent en cause, ni les atouts, ni la place de la céréaliculture française.

a) La politique agricole commune

Il y a seulement quelques heures, le marathon agricole s'est interrompu à Luxembourg face à un compromis de la présidence fort décevant.

Comme vous le savez, la France a introduit plusieurs demandes au cours de cette négociation, dont la principale porte sur la reconnaissance du droit à produire du blé dur dans les régions dites « non traditionnelles », c'est-à­-dire l'octroi d'une aide de 115 écus/ha dans la limite d'une surface maximale.

Dans cette affaire nous ne demandons que la justice.

Ceci n'est que justice. En effet, la réforme de la PAC a conduit à un traitement inéquitable de cette culture entre les différents États-membres.

Nous demandons également le maintien d'un régime de soutien aux fourrages déshydratés, compatible avec la pérennisation de cette culture. Ceci est important car en consolidant aujourd'hui la culture de luzerne, nous préserverons une plus grande stabilité des hectares consacrés aux grandes cultures de céréales ou d'oléoprotéagineux.

Au-delà de ces négociations où je cherche à obtenir des résultats favorables à la céréaliculture française, je n'ignore pas que la réforme de la PAC a conduit votre secteur à une véritable révolution.

Comme tout changement fondamental celui-ci ne s'est pas déroulé sans créer, dès l'origine, certains traumatismes et certaines inquiétudes bien légitimes.

Les difficultés ne doivent pas nous priver pour autant, d'une certaine lucidité. Certes, un bilan significatif de la réforme de la PAC ne pourra être tiré qu'à l'issue de la troisième année de sa mise en œuvre. Mais dès aujourd'hui, je relève l'évolution satisfaisante de certains indicateurs, comme l'augmentation de l'incorporation des céréales en alimentation animale. Aujourd'hui c'est près de 5 millions de tonnes supplémentaires de céréales à l'échelle de l'Union européenne qui ont été utilisés dont près de la moitié en France.

b) Le volet international

Les nouveaux accords commerciaux issus du cycle de négociation de l'Uruguay demanderont des adaptations de l'ensemble de la filière.

D'un mauvais accord signé en novembre 1992 à Blair House, il était difficile de parvenir à un résultat satisfaisant, cela est clair. Mais je crois qu'à notre initiative et grâce à l'appui retrouvé de nos partenaires de l'Union européenne, nous avons obtenu les indispensables modifications du pré­accord de Blair House afin de préserver l'essentiel de nos intérêts agricoles.

La vocation exportatrice de la France dans le domaine des céréales a ainsi été largement préservée. Et en préservant notre capacité exportatrice nous avons conforté notre capacité productrice.

Tous ces changements, tout ce nouvel environnement, ne doivent pas être considérés comme des contraintes qui s'imposeraient à nous, ne nous laissant aucune marge de manœuvre, et nous conduisant à la passivité, mais bien au contraire comme des paramètres nouveaux, qu'il nous revient de maîtriser et de faire évoluer.

c) Un changement maîtrisé

Toute mon action depuis plus d'un an à la tête du ministère de l'agriculture et de la pêche n'a été guidée que par le souci de maîtriser les réformes intervenues, de les corriger et de les aménager, afin qu'elles s'inscrivent dans la nécessaire défense de nos intérêts agricoles.

Ainsi, à notre initiative, la réforme de la PAC dans le secteur des grandes cultures a fait l'objet d'aménagements très substantiels.

Concernant le point principal de cette réforme, objet de tous les ressentiments, je veux parler de la jachère, j'ai tenu à la rendre plus équitable, plus souple, et quelque part plus « intelligente ».

L'équité, c'était d'abord un niveau d'indemnisation des terres mises en jachère qui soit acceptable. Il était clair que le niveau retenu en mai 92 était tout à fait insuffisant. C'est pourquoi j'ai souhaité une revalorisation substantielle de son montant. Ceci a été fait et dès cette année les primes relatives à l'indemnisation des terres mises en jachère seront augmentées de 27 %.

La souplesse, c'était la recherche d'une plus grande clarté pour les agriculteurs dans les choix qui leur étaient proposés. La multiplication des formules possibles de gel des terres : gel rotationnel sur six ans au taux de 15 %, gel fixe sur cinq ans au taux de 20 %, gel mixte annuel au taux de 20 %, gel à vocation faunistique sur cinq ans au taux de 20 %, devenaient aussi Incompréhensibles pour les agriculteurs qu'ingérables administrativement.

C'est pourquoi, j'ai souhaité et obtenu une formule simple, alternative au gel rotationnel, dénommée « gel libre », qui puisse apporter un maximum de souplesse dans la gestion des assolements des agriculteurs et qui répondent au mieux au souci des producteurs irrigants.

d) La jachère industrielle

Rendre la Jachère plus « intelligente », c'était offrir des perspectives nouvelles aux agriculteurs en se donnant les moyens de cultiver des céréales ou des oléagineux à des fins non alimentaires.

Grâce à l'action que nous avons mené à Bruxelles pour obtenir un règlement opérationnel, ouvrant la voie à la jachère industrielle, et grâce à l'effort financier que l'État a consenti en matière de défiscalisation, le développement de ce type de jachère « cultivée » est aujourd'hui acquise.

Ainsi, dès la campagne de semis 1994/95 près de 300 000 ha de jachère nue pourront être consacrés à des cultures à destination non alimentaire, dont 275 000 ha à la seule filière Ester méthylique de colza.

J'ai veillé à ce que cette possibilité de consacrer une partie significative de sa jachère nue à la jachère industrielle soit offerte à l'ensemble des agriculteurs, où qu'ils se trouvent sur le territoire français. Les modalités de répartition de ces hectares de jachère industrielle – EMC se fera sur une base géographique, selon une clé mixte qui prendra en compte tant les surfaces mises en jachère, que les surfaces cultivées en oléoprotéagineux et notamment en colza.

La gestion, arrêtée en concertation avec les familles professionnelles concernées, sera souple et ne conduira en aucune façon à la mise en place de droits à produire. Les organismes stockeurs seront les éléments pivots et les moteurs du dispositif.

Chaque agriculteur aura l'initiative de contracter, avec un organisme stockeur de son choix, une partie de sa jachère nue en jachère industrielle. Il reviendra ensuite aux organismes stockeurs de répartir les hectares non utilisés par les producteurs.

Dès la campagne de semis 1995/96, c'est près de 400 000 hectares de jachère qui seront consacrés à des fins industrielles, c'est-à-dire 25 % de la jachère totale à ce jour.

e) Une réforme administrativement maîtrisée

La mise en œuvre de la réforme de la PAC, c'était aussi un formidable défi d'ordre administratif. Beaucoup pensaient qu'il serait impossible de recevoir, instruire, contrôler et payer près de 600 000 demandes d'aide dans les délais requis.

Aujourd'hui je suis satisfait et reconnaissant que ce défi ait été relevé grâce à la mobilisation de tous. Je ne crois pas inutile de rappeler que c'est la France, c'est-à-dire le premier pays de l'Union européenne dans le domaine des grandes cultures, qui a été la seule capable de verser les aides compensatoires dues aux agriculteurs dès le premier jour réglementaire de paiement.

Je suis d'ailleurs frappé, aujourd'hui, que la préoccupation principale des agriculteurs-céréaliers soit moins de savoir s'ils recevront leurs aides dès le 15 octobre, que d'être rassurés sur le fait que l'Union européenne aura les moyens de pérenniser ce système d'aides compensatoires.

Permettez-moi à cette occasion de clarifier les choses. La réforme de la PAC dans le secteur des grandes cultures et les aides compensatoires qui lui sont attachées ne viennent pas à échéance le 30 juin 1996. Le nouveau système qui a été mis en place continuera dès la campagne 1996/97 sur les mêmes bases que celles qui prévaudront en 1995/96. Ceci est clairement inscrit dans le règlement du conseil adopté formellement en juin 1992.

f) Un commerce mondial équitable

Concernant le volet agricole des accords du cycle de l'Uruguay, le même travail quotidien d'aménagement et de suivi doit être mené.

Tout ne s'est pas arrêté le 15 avril dernier à Marrakech. Bien au contraire. Je dirai même que la date du 15 avril n'est qu'un début. La mise en place de l'Organisation mondiale du commerce que nous appelons de nos vœux n'en est qu'à son ébauche.

La fin des pratiques commerciales unilatérales, chères à nos partenaires américains, l'inclusion de clauses sociales et monétaires dans le fonctionnement des règles de l'OCM sont autant de chantiers à mener à bien si l'on veut un jour rendre acceptable à la France et à l'Union européenne des disciplines commerciales équitables. À défaut, le document signé à Marrakech restera, à jamais, un papier sans objet.

Le travail quotidien que nous menons sur ce dossier, le Premier ministre a souhaité l'institutionnaliser en y faisant participer à la fois les élus de l'Assemblée nationale et du Sénat et les responsables nationaux des organisations professionnelles agricoles y compris, désormais, les responsables des filières d'aval. Ainsi, Ce comité de suivi du volet agricole des accords du cycle de l'Uruguay est une enceinte tout à fait appropriée pour débattre, réfléchir, Imaginer et donc avancer. C'est dans cet esprit que j'ai lancé l'idée que l'agriculture française devrait être capable d'exporter ses produits, aussi, sans restitution.

Je dis bien aussi, afin qu'il soit clair aux yeux de tous qu'il ne s'agit pas de renoncer aux exportations subventionnées auxquelles nous avons droit et qui sont nécessaires mais de définir les produits, les quantités, les destinations sur lesquelles nous pourrions exporter des quantités additionnelles, libres de toute contrainte.

Cette question ne doit pas être envisagée, bien sûr, avec un angélisme béat, mais ne doit s'embarrasser d'aucun à priori.


II. – Si les atouts et la place de l'agriculture française n'ont pas été remis en cause, en revanche nous devons nous garder de tout immobilisme. En effet, cette période de changement doit nous inciter à la réflexion et à l'action afin de créer les conditions d'une évolution favorable à l'ensemble de la filière céréalière française.

Notre action en matière de politique agricole ne saurait se limiter à la gestion quotidienne des marchés et aux questions de court terme. Il nous faut également, et parallèlement à cette action, prendre un peu de hauteur, afin de tracer le cadre de notre politique dans les mois et les années qui viennent.

Le débat d'orientation agricole qui s'est tenu à l'Assemblée nationale et au Sénat a permis de dégager les grands axes de cette politique.

J'assigne à l'agriculture française une double mission : la performance économique et l'occupation de notre territoire.

Cette double mission répond, j'en suis convaincu, aux attentes de l'ensemble de nos concitoyens qui veulent à la fois une France rurale vivante et dynamique, et une économie agricole à la pointe de la compétition européenne et mondiale.

a) Le « triptyque » de la politique agricole française

En réalité, cette ambition est tout à fait à notre portée. Nous avons tous les atouts pour réussir, il convient de les valoriser au mieux.

Dès cet automne, le Gouvernement présentera un projet de « loi de modernisation » pour définir et mettre en œuvre les nouvelles missions de l'agriculture. Ce projet de loi regroupera un ensemble de dispositions d'application immédiate dont les éléments budgétaires seront Intégrés dans la loi de finances pour 1994. Cette loi sera complétée par des mesures réglementaires relatives notamment au financement des exploitations et de l'installation.

Parallèlement, la France déposera à Bruxelles un mémorandum qui contiendra des propositions concrètes pour optimiser la gestion de la PAC. Nous ferons également des propositions sur la réforme des OCM non encore réformées (fruits et légumes, viande bovine). Ce mémorandum réaffirmera la nécessaire comptabilité entre les accords du GATT et la PAC réformée.

Les deux volets, nationaux et communautaires, seront complétés d'un volet structurel ayant pour objet une adaptation concertée de la filière. 
Il s'agit, en effet, de concevoir et de mettre en œuvre les réformes de structures de l'appareil de production, de transformation et de commercialisation, l'organisation des marchés, la filière de progrès, le développement rural, la gestion de l'espace et l'organisation professionnelle.

b) Le souci de la performance

Sans oublier la dimension d'occupation de l'espace que j'entends assigner à notre agriculture et donc à notre céréaliculture, mais comment le pourrais-je ?, quand on sait que plus du tiers de la surface agricole utile française est dévolu à vos cultures, je souhaiterais orienter principalement mon propos sur le thème de la performance.

Vous êtes, vous les céréaliers de France, au cœur de la problématique de la performance et de la compétitivité de notre agriculture.

Participer à la production de cultures qui font l'objet d'échanges commerciaux à l'échelle planétaire vous assigne des responsabilités particulières.

Par votre travail, et grâce à vos efforts, vous avez fait de notre pays le second exportateur de blé juste après les États-Unis. Cette place éminente je veux la conforter.

Dans cet esprit je souhaite donc que la réforme de la PAC ne conduise pas à freiner, outre mesure et de façon excessive, les évolutions remarquables et positives de votre productivité.

Je suis particulièrement attaché à ce que l'effort de recherche-développement, dans le secteur des semences notamment, soit préservé. Je suis d'ailleurs prêt, si cela est nécessaire, à examiner les conditions d'un soutien public à la recherche qui soit bien ciblé.

La performance de l'agriculture française passera par l'adaptation du statut de l'exploitation agricole et l'abaissement des charges qui pèsent sur elle. À cette occasion, il conviendra de distinguer ce qui relève du revenu du travail du revenu du capital pour le calcul des charges sociales. Il conviendra également d'évaluer le poids des charges fiscales et du coût du financement pour l'exploitation agricole.

Cette politique devra favoriser la restructuration des filières pour qu'elles puissent s'adapter à la baisse des prix à la production, qu'elles réduisent leurs coûts, qu'elles privilégient la valeur ajoutée et la recherche de la qualité et que soient équilibrés les rapports entre la production, la transformation et la grande distribution.

La compétitivité de la filière céréalière passe également par la continuation et l'approfondissement d'une politique d'allègement des charges Indirectes.

Il m'apparaît tout à fait indispensable de procéder à un allègement significatif des taxes fiscales et parafiscales qui pèsent aujourd'hui sur chaque tonne de céréales commercialisée.

Vous êtes aujourd'hui soumis au paiement de trois taxes :

– la taxe ANDA qui participe au financement du développement agricole ;

– la taxe BAPSA qui finance le budget des prestations sociales ;

– la taxe FASC qui contribue notamment au financement de l'ONIC ainsi qu'à celui de l'ITCF.

Les réformes en cours ou à venir concernant le financement du développement agricole en France et la protection sociale des agriculteurs auront pour conséquence, vous le savez, la disparition prochaine des taxes ANDA et BAPSA sur les produits.

Dans le cadre des engagements pris par le Gouvernement, je peux vous annoncer aujourd'hui, que le montant de la taxe BAPSA sera diminué de 50 % pour la prochaine campagne de commercialisation des céréales, c'est-à-dire dès le 1er Juillet prochain.

En ce qui concerne la taxe ANDA, et en fonction de la mise en œuvre ou non dès le 1er janvier prochain du nouveau mode de financement du développement agricole, celle-ci sera également abaissée de 50 %.

Ainsi, au bout du compte, le montant des taxes fiscales et parafiscales qui pèsent sur vos produits sera abaissé de 35 %, c'est-à-dire un montant équivalent à 1 % du prix de vente de vos céréales. Cet effort mérite d'être souligné, il aura un effet direct sur vos revenus.

La compétitivité d'une filière n'est pas seulement assise sur un avantage de prix mais aussi sur des critères de qualité et une démarche commerciale dynamique et conquérante.

Il a trop été dit et répété que les français savaient produire, et le plus souvent bien produire, mais ne savaient pas vendre pour que nous n'enclenchions pas une politique commerciale adaptée.

Les grands pays étrangers seront d'autant plus préparés à acheter nos céréales que des efforts de promotion auront été conduits sur leur territoire. Je ne peux ici que saluer vos initiatives dans ce domaine et notamment l'existence d'un bureau de promotion à Pékin. Sachons nous inspirer des pratiques commerciales de nos principaux concurrents, je pense notamment aux États-Unis, pour multiplier ces types de formules.

c) Le souci d'adapter en permanence les règles communautaires

Je voudrais rappeler que le contexte réglementaire qui encadre la production européenne et française de céréales n'est pas figé.

Je connais vos Inquiétudes quant aux conséquences de certaines décisions relatives à des modifications d'Organisations commune de marché sur la superficie de base céréales et oléoprotéagineux.

Je suis tout à fait sensible à ces préoccupations, dans la mesure où toute politique agricole doit respecter certains équilibres et ne peut conduire à la pénalisation d'un secteur en raison de décisions prises dans d'autres secteurs de production agricole.

À la lumière des premiers résultats de la réforme de la PAC que j'évoquai dès le début de mon intervention. Je pose dès aujourd'hui, la question d'une baisse éventuelle du taux de jachère dans l'Union européenne. En effet, l'augmentation de l'incorporation de céréales en alimentation animale et l'analyse des bilans communautaires en matière de céréales nous conduisent tout naturellement à nous interroger.

La question que je pose aujourd'hui ne relève pas de l'effet de tribune et encore moins de la démagogie, mais d'une analyse précise qui s'inscrit tout-à-fait dans la philosophie de la réforme de la PAC. En effet, le gel des terres, je le souligne, n'est qu'un instrument de gestion et pas une fin en soi. Lorsque les stocks diminuent de façon sensible, lorsque la demande mondiale progresse alors l'Union européenne doit pouvoir faire face et relancer sa production à pleine capacité.

Les États-Unis savent conduire avec pragmatisme leur politique de jachère, il serait pour le moins curieux que l'Union européenne reste à la traîne.

Je voudrais enfin vous livrer mes réflexions sur l'avenir de la gestion nationale de la réforme de la PAC dans le secteur des grandes cultures.

Je crois que la simplification, la clarté et la liberté doivent être les axes majeurs de notre politique.

Liberté tout d'abord : je sais que certains d'entre vous sont tentés par la mise sous quotas individuels de la céréaliculture française.

Très franchement, j'émets les plus grandes réserves sur une telle approche. Je suis convaincu que les avantages de court terme qui pourraient être attendus d'un tel système sont bien faibles par rapport aux nombreux inconvénients qui en découleraient. N'administrons pas plus que nécessaire, ou à l'excès, votre secteur d'activité.

Clarté et simplification ensuite : le plan de régionalisation des aides tel qu'il a été conçu en 1992/93 correspondait, je crois, aux attentes majoritaires des céréaliculteurs. Sa complexité était nécessaire car il convenait d'opérer un passage le plus en douceur possible d'un régime de soutien à un autre. Mais aujourd'hui, je crois sincèrement que nous avons atteint un sommet de complexité, il convient d'en redescendre.

Dans le même esprit qui m'a conduit à décider, la réduction, dès l'année prochaine, à deux zones seulement le plan de régionalisation oléagineux, je crois nécessaire que nous nous engagions, après une réflexion concertée, et selon un calendrier progressif, dans le sens d'une simplification du plan de régionalisation français des aides pour les céréales et les protéagineux.

Ce souci de simplification touche également les modalités administratives de constitution des dossiers de demande d'aide compensatoire imposées à nos agriculteurs.

Un excès de paperasserie n'a jamais été le signe d'une bonne administration. Des contrôles sont naturellement nécessaires. Je crois tout simplement que leur efficacité et leur fiabilité ne se mesurent pas en kilos de formulaires fournis.

Encore un bon thème de proposition pour notre mémorandum que nous adresserons à l'automne à la Commission !

Vous avez placé votre 70e Congrès sous le titre suivant « des producteurs économiquement debout ». J'apprécie à sa juste valeur cette attitude constructive.

Ce n'est effectivement pas lorsque l'environnement est difficile, quelque peu incertain, qu'il faut se recroqueviller sur soi-même ou même pire baisser les bras.

Bien au contraire, c'est dans les moments de transition qu'il faut savoir faire preuve de courage et d'intelligence pour relever les défis et préparer l'avenir.

Vous avez toujours été, vous les céréaliers de France, à la pointe du combat économique et vos résultats prouvent votre efficacité et votre valeur.

Soyez assurés, qu'à la place qui est la mienne, je contribuerai sans relâche à vous donner des raisons d'avoir eu raison.