Interviews de M. Bernard Bosson, ministre de l'équipement des transports et du tourisme, à RTL le 29 juillet, Europe 1 le 3 août et dans "Le Figaro" du 4 août 1994, sur le renforcement de la sécurité routière.

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Intervenant(s) : 

Média : RTL - Europe 1 - Le Figaro

Texte intégral

Q. : Vous vous êtes félicité de la décision de la Commission de Bruxelles concernant Air France. La concurrence et, en particulier, British Airways se dit prête à aller en justice contre les 20 milliards de francs accordés à Air France.

R. : Nous avons trouvé Air France dans un état tel que les concurrents espéraient faire main basse sur l'entreprise ou en tout cas, l'éliminer. Le courage des hommes et des femmes d'Air France, le plan de C. BLANC, le référendum, le contrat passé avec l'État actionnaire, qui vient aider et participer à l'effort des hommes et des femmes d'Air France, permet vraiment d'espérer que celle compagnie puisse se reconstruire et soit présente comme concurrente au XXIe siècle. Que cela ne fasse pas plaisir à British Airways est normal. Je suis heureux d'espérer aujourd'hui, avec les hommes et les femmes d'Air France, que la compagnie sera compétitive et gagnera des marchés importants contre les autres compagnies mondiales dans les années qui viennent.

Q. : Cela peut aller devant la Cour européenne de justice ?

R. : Je ne le crois pas du tout. Nous avons énormément travaillé avec la Commission qui a fait son travail très sérieusement et qui a pris une décision normale. Le dossier d'Air France était excellent : il n'y avait aucune raison qu'il ne soit pas accepté.

Q. : Cela ne fausse pas la concurrence ?

R. : Absolument pas. Vous savez bien que le plan d'Air France est un plan de reconstruction et non pas d'expansion.

Q. : Hier, le principal syndicat des contrôleurs aériens s'est dit prêt à reprendre la négociation à un échelon supérieur ?

R. : Je regrette les inconvénients que les voyageurs ont subis et les retards très importants sur le quart Sud-Est de la France. Tous les trois ans, se négocie un protocole entre l'ensemble du personnel de l'aviation civile et de l'administration. C'est une période de tensions vives. Nous la vivons actuellement. Les négociations ont été interrompues la semaine dernière. Plusieurs organisations syndicales ont depuis souhaité la reprise des négociations. Je nomme ce matin P. CABANES, conseiller d'État, qui a une grande expérience en matière de négociation sociale, pour une mission de conciliation portant sur le problème des retraites. Il me remettra ses conclusions au plus vite. J'ai toujours été un partisan du dialogue. L'ensemble des organisations syndicales appellent au dialogue. Je réponds ainsi à une reprise du dialogue avec eux.

Q. : Pas d'autre grève ?

R. : Je vis d'espoir. J'appelle à la responsabilité de chacun. Le dialogue reprend. Je ne doute pas que, par le dialogue, nous puissions trouver une bonne conclusion à ce protocole pour trois ans.

Q. : Où en sont les statisti4ues Je mortalité sur les roules de France ?

R. : Après les très bons résultats nés de l'annonce du permis à points, le nombre de blessés remontait depuis le début de l'année dernière. Les appels à la responsabilité des Français – nous ne voulons pas tomber dans une répression "bête" – font que nous connaissons, depuis neuf mois, un redressement spectaculaire. Nous avons, sur les douze derniers mois, les meilleurs résultats enregistrés depuis 34 ans. En juin, par rapport à l'année dernière, il y a 111 tués de moins et 2 300 blessés de moins. On est sur un rythme qui devrait permettre de sauver sept à huit cents vies humaines par an en France, et d'éviter 23 à 24 000 blessés par an. Il faut continuer l'effort. J'appelle tous ceux qui vont prendre la route à aller lentement, à s'arrêter, à faire attention sur les lieux de vacances, à ne pas boire ; bref à continuer cet effort national. Même si nous avons les meilleurs résultats depuis 34 ans, il n'est pas admissible qu'il y ait un accident toutes les trois minutes, un blessé grave toutes les douze minutes et un mort toutes les 58 minutes, jour et nuit, dans notre pays. C'est une hécatombe.

Q. : Qu'entendez-vous par "pas de répression bête" ?

R. : Je crée une commission nationale regroupant ceux qui font les contrôles : gendarmerie, police, justice, auto-écoles, automobiles-clubs, clubs motos, vélos, pour que nous réfléchissions ensemble aux méthodes futures Je contrôle. Il n'est plus raisonnable que l'on soit obligé d'arrêter les gens, de prendre leur identité, de cacher les gendarmes derrière les arbres en jouant avec les Français aux gendarmes et aux voleurs. Nous devons aller, comme en Angleterre, en Allemagne, en Espagne, en Suisse, vers la responsabilité des propriétaires de véhicules, à une condition : qu'on discute de la philosophie du contrôle et qu'ensuite, il y ait une sorte de commission qui vérifie quels ont été les résultats des contrôles. Si, à un endroit, on prend 90 automobilistes sur 100 en infraction, c'est que la réglementation ne va pas et qu'il faut tout un système d'alerte.

Q. : Vous êtes avocat de formation et homme politique. Trouvez-vous que les juges en font peu trop ? 

R. : La justice doit être indépendante, exemplaire et sereine. Lorsque l'un des trois objectifs manque, quelque chose ne va pas. Nous devons tout mettre en œuvre pour assurer cela. En particulier, il y a un vrai problème avec celui qui est mis en examen, présumé innocent et qui, dans la mécanique actuelle, vit en réalité comme un condamné. Quelque chose ne va pas à ce niveau-là. Nous devons arriver avec les magistrats à permettre que la justice fasse son travail calmement, dans la sérénité, et que la mise en examen ne soit pas une pré condamnation.

Q. : Les magistrats y sont prêts ?

R. : Je n'en doute pas un instant.

Q. : Êtes-vous pour ou contre les primaires ?

R. : Derrière les primaires, le problème est de savoir s'il y aura un ou deux candidats. Ce n'est pas le moment d'en parler. Pour l'instant, il s'agit de redresser le pays et de se battre pour l'emploi. En fin d'année, il faudra choisir s'il y a un ou deux candidat. L'expérience passée démontre que, lorsqu'on se bat dans le même camp pendant des mois, on a du mal à se réconcilier et à faire l'addition des voix entre les deux tours. Si une fois on pouvait se poser la question de savoir si les défaites intérieures ne sont pas dues à une multiplicité de candidatures, ce serait intéressant.

(Invité de R. Artz, RTL – 7 h 50)


Mercredi 3 août 1994
Europe 1

Le Premier ministre a appris avec infiniment de tristesse, cet attentat lâche et abominable. Je voudrais dire l'émotion du gouvernement qui s'incline évidemment devant les victimes et qui a une pensée très émue pour les familles et leurs proches. Le gouvernement suit les événements en Algérie heure par heure et le ministre des affaires étrangères s'est exprimé tout à l'heure en son nom.

Q. : Y-a-t-il eu tout de suite une réunion de crise à Matignon ?

R. : Il y a eu les réunions nécessaires pour essayer de tirer toutes les leçons possibles, pour autant que cela est réalisable, d'un attentat aussi abominable et aussi condamnable.

Q. : Quelle interprétation de ces chiffres faites-vous ?

R. : Je me réjouis des résultats car ce n'est pas un épiphénomène. Les résultats s'améliorent de mois en mois et sur 12 mois de suite nous avons les meilleurs résultats depuis 34 ans, c'est-à-dire depuis que nous tenons des statistiques de sécurité routière. Jamais en France, la route n'a si peu tué et si peu blessé. Cela démontre d'une part que les mesures que l'on a prises ne sont sans doute pas si mauvaises, même si elles ont été critiquées en leur temps.

Q. : Pouvez-vous les rappeler ?

R. : Toute une série de mesures. Essentiellement de formation, de protection comme la généralisation de l'attestation de sécurité routière à tous les élèves de troisième. 750 000 jeunes cette année qui dans leur classe sont directement concernés par la sécurité routière et on sait que l'on touche les parents par ce biais. L'abaissement du taux d'alcoolémie de 0,8 à 0, 7 qui doit faire diminuer de moitié le risque d'être victime dans sa vie d'un accident de voiture. Des mesures que nous avons essayé de rendre intelligentes avec le moins d'esprit répressif possible. La répression n'étant là que quand clic est nécessaire. Surtout au-delà des mesures, cela démontre que les Français se sont mobilisés et que mourir sur la route n'est pas une fatalité. Si on le veut on peut avoir une amélioration sensible. Aujourd'hui l'amélioration est continue et se renforce de mois en mois. Si tout va bien en 94, on devrait sauver 500 vies et plus de 15 000 blessés. Cela vaut la peine, et je le pense un appel à continuer ensemble. Par exemple si chacun de nous met sa ceinture de sécurité à l'arrière on peut sauver 1 000 vies cette année et un nombre de blessés tout à fait impressionnant. Continuons sur cette voie, et nous sommes d'ailleurs bien parti. Mais nous ne pourrons le faire qu'avec cet esprit de responsabilité et de démocratie afin que la route ne soit plus synonyme de mort.

Q. : Par rapport aux anciens ministres des transports, vous refusez de manier le bâton ?

R. : On manie les deux. Nous avons vraiment fait un superbe effort de prévention et de formation, de création de règles intelligentes pour que la réglementation soit mieux comprise, mieux acceptée. En matière de répression, je viens de créer une commission pour réfléchir à une nouvelle méthode. À l'heure actuelle, on cache les gendarmes derrière une haie et on arrête la voiture près d'une sortie. On ne fait donc pas fatalement de contrôle là où s'est le plus dangereux. C'est mal vécu par les gendarmes, et c'est mal vécu par les citoyens. Je propose que l'on réfléchisse à une méthode qui corresponde à ce que l'on fait déjà en Allemagne ou en Angleterre, c'est-à-dire qu'il y ait la responsabilité au propriétaire du véhicule. Mais pour ne pas tomber dans une société où l'on serait flashé à tout instant, il faut avoir une philosophie d'utilisation de ces appareils et un contrôle démocratique de la manière dont on fait les contrôles.

Q. : Pourquoi ne publiez-vous pas la carte des radars ?

R. : Mais je propose à cette commission de créer des commissions départementales où il y aura la police, la justice, les motos clubs, les autos clubs et tous ceux qui s'intéressent à la route. Pourquoi ne pas définir par département l'utilisation des engins et rendre compte devant cette commission des contrôles. Je suis pour une société de responsabilités, pas laxistes mais pas non plus pour une société d'adjudants-chefs où l'État fait des contrôles de manières trop brutales et mal acceptés. La grande commission que je vais mettre en place va travailler avant noël sur ces propositions. Je suis persuadé que nous pouvons avancer dans cette voie et continuer à faire tomber le nombre de morts et de blessés.

Q. : Que pensez-vous de la polémique sur l'accident de l'Airbus A 330 à Toulouse en vol d'essai ?

R. : Lorsqu'il y a un accident sur un vol d'essai et les vols sont toujours dangereux, on met toujours l'appareil aux limites de sécurité. C'est fait pour cela, pour assurer la sécurité demain des passagers et je veux m'incliner devant le rôle des pilotes. Dans la transparence la plus totale, le rapport est à la disposition de tous ceux qui le désirent, média ou autres. C'est cela le progrès fait dans ce pays.

Q. : Les pilotes sont surpris que les militaires conduisent l'enquête ?

R. : Toujours sur les vols d'essais. Les vols d'essais en France dépendent des militaires. En ce qui concerne les accidents de vols civils, sur le rapport qui m'a été donné j'ai décidé qu'il y aurait dorénavant un pilote dans les commissions d'enquête. L'arrêté qui créera cette modification sortira au début septembre. Le ministère des transports a la compétence civile pour les accidents civils et le ministère de la défense a toujours eu la compétence pour ce qui concerne les vols d'essais.

Q. : Va-t-on pâtir de la grève des contrôleurs d'Aix qui perturbent gravement le trafic chaque fin de semaine ?

R. : Je vais exprimer mes regrets pour tous ceux qui pâtissent de cette situation. Tous les trois ans, nous négocions un protocole entre la direction de l'aviation civile et ses personnels et c'est une période de tensions. Hélas, c'est maintenant. Les négociations ont été suspendues il y a une semaine. Constatant que le principal syndicat souhaitait la réouverture des négociations, j'ai nommé un conciliateur, P. CABANES qui ouvre la conciliation ce matin. Je suis sûr que l'on peut arriver à un protocole de trois ans raisonnables notamment avec les contrôleurs et j'en appelle à l'esprit de responsabilité de tous pour que pendant la période de négociations et de conciliation les choses rentrent au maximum dans l'ordre.

Q. : Allez-vous pousser la SNCF à assouplir véritablement sa politique tarifaire ?

R. : Le préfet CARRÈRE répond à une demande de la SNCF qui a demandé à être critiquée, ce qui est sympathique. Il est clair qu'il y avait un problème et nous allons tirer avec le président de la SNCF tous les enseignements du rapport CARRÈRE qui est fait pour permettre la réconciliation entre ce grand service public et les citoyens qui sont rois, car c'est la définition du service public.

(Invité de M. Grossiard, E1 – 12 h 30)

 

4 août 1994
LE FIGARO

Le ministre des transports commente les dernières statistiques encourageantes de la sécurité routière

Bernard Bosson : "Il y a encore trop d'accidents"

Dans un entretien au "Figaro", il rappelle qu'un automobiliste est tué toutes les 58 minutes et révèle ses projets pour mieux lutter contre la vitesse et l'alcool au volant

Les Français deviendraient-ils raisonnables au volant, ou la diminution du nombre des tués sur les routes constatées en juin en constitue-t-elle qu'un phénomène passager ? La question est posée après l'annonce par le ministère des transports de chiffres considérés comme particulièrement encourageants par les responsables de la sécurité routière (nos dernières éditions d'hier) : avec "seulement" 704 morts recensés en juin contre 816 pour la même période de l'an passé, le nombre des victimes de la circulation a diminué de 13,7 % en 1994, tandis qu'en régressant de 2 283 personnes pour s'établir à 15 428, le nombre des blessés a, pour sa part, diminué de 12,9 %.

Toujours pour ce même mois, les forces de l'ordre ont recensé un total de 11 628 accidents corporels sur les routes, soit 1 405 de moins que l'an dernier à la même époque, ce qui représente une diminution globale de 10,8 %. Survenant après celle du même ordre constatée le mois précédent, cette baisse de l'ensemble des indicateurs "consolide la tendance générale à l'amélioration" qui s'est amorcée ai débit de l'année, si l'on en croit la sécurité routière. À la fin juin, la moyenne annuelle des victimes de la route repasse, en effet, nettement en dessous de la barre des 9 000 personnes, s'établissant à un nombre total de 8 719 tués, soit exactement 2 000 de moins qu'au cours de la même période annuelle de 1990.

La sécurité routière espère que cette tendance sera durable, résultant d'une "prise de conscience collective" des automobilistes. Mais ses responsables admettent que ce réalisme aurait alors été favorisé à la fois par les campagnes de communication menées par les pouvoirs publics et par les mesures répressives plus sévères décidées ces derniers mois : le retrait d'un point sur le permis de conduire pour défaut du port de ceinture promulgué au printemps, puis la diminution annoncée du taux légal d'alcoolémie dans le sang (mêle si ce n'est que le mois passé que celui-ci a été ramené de 0,8 à 0,7 gramme par litre de sang) auraient généré un effet de salutaire prudence.

Reste à savoir si cette sagesse des automobilistes sera durable, ou si elle n'est due qu'à une éphémère "peur du gendarme". Le même processus pernicieux avait été malheureusement constaté après l'instauration du permis à points voici deux ans : alors que dans les six premiers mois d'application, les résultats avaient été spectaculaires (une diminution globale de plus de 10 % des accidents mortels avait été enregistrée), la tendance s'était atténuée, puis inversée, le bilan annuel 1993 revenant finalement à niveau de stabilité inquiétant : alors que 1,2 million de points avaient été retirés, on a, en effet, compté pratiquement autant de morts sur les routes l'an dernier (9 052) qu'en 1992 (9 083). Le nombre de tués en voiture de tourisme a même légèrement remonté l'an dernier (+ 1,9 %) tandis que celui des victimes d'accident de camion s'est élevé de 10,6 % par rapport à l'année précédente. Plus significatif encore, une nette augmentation des accidents causés par infraction apparaissait, 72 % de ceux-ci étant imputables à la vitesse.

En répondant à nos questions, Bernard Bosson, ministre des transports, explique pourquoi il espère que, cette fois-ci, une véritable prise de conscience s'est amorcée.

LE FIGARO : pensez-vous que les chiffres encourageants publiés par la sécurité routière vont se confirmer ces prochains mois.

Bernard BOSSON : Je le crois très profondément. Cette amélioration porte sur une longue période, qui s'étend du 1er juillet 1993 au 30 juin dernier. Elle constitue le meilleur résultat jamais obtenu depuis 1934, c'est-à-dire depuis que l'on tient des statistiques en France à ce sujet. Cela signifie qu'il y a eu une prise de conscience de la part des automobilistes, qui viennent de démontrer que la mort sur la route n'est pas une fatalité. On peut prendre le volant dans la joie, pour rouler vers la vie et non pas vers le risque et le drame. Je voudrais également souligner qu'un tel résultat confirme que les efforts en ce domaine paient. Et qu'il faut donc continuer à en faire, pour que de nouveaux progrès soient enregistrés ; car ces chiffres encourageants ne doivent pas cacher ce qui reste un massacre : on compte toujours actuellement sur les routes de France un accident toutes les 3 minutes, un blessé grave toutes les 12 minutes, et un mort toutes les 58 minutes, de jours comme de nuit et 365 jours par an.

LE FIGARO : Si cette prise de conscience ne durait pas, jusqu'où faudrait-il aller dans la répression ?

Bernard BOSSON : Bons ou mauvais chiffres, je crois qu'il y aura, de toute façon, d'autres choses à faire avant d'en venir à la répression, qui me paraît être la dernière des solutions à appliquer. Si l'on atteint les résultats d'aujourd'hui, c'est parce que tout le monde a fait des efforts, y compris les automobilistes. Avant de punir, je crois qu'il faut poursuivre les actions de sensibilisation, de responsabilisation et d'enseignement destinées aux conducteurs.

Excès de vitesse

Maintenant, s'il faut en venir à appliquer une répression accrue, on viendra d'abord à une nouvelle baisse du taux d'alcoolémie, sans doute à 0,6 gramme par litre de sang. Mais voyons d'abord ce que va donner la nouvelle limite à 0,7 g. Si, comme cela paraît possible, elle fait baisser de moitié le nombre des morts dus à l'alcool sur les routes – ce qui représenterait largement, plus de 2 000 personnes sauvées chaque année –, on la gardera probablement de manière définitive.

Ensuite, on sera amené à renforcer les sanctions face aux excès de vitesse, principale cause des accidents graves. On pourra, bien sûr, multiplier les contrôles. Mais j'estime qu'il sera alors beaucoup plus dissuasif d'adopter le principe de responsabilisation du propriétaire du véhicule. Il n'y aurait plus de contrôle d'identité après constatation des infractions, le propriétaire du véhicule étant systématiquement considéré comme responsable, ce qui augmenterait très sensiblement d'efficacité des radars. Dans les autres grands pays démocratiques où une telle loi a été appliquée – Allemagne ? Grande-Bretagne, en particulier –, les résultats ont été spectaculaires. Il va de soi que la mise en place d'un tel principe nécessiterait une vaste réflexion menée avec l'ensemble des parties concernées. Elle pourrait se faire dans le cadre d'une commission nationale dont j'envisage la création à la rentrée.

Net retentissement

LE FIGARO : Vous laissez ainsi espérer une réglementation et un contrôle de la circulation routière plus "intelligente". Qu'est-ce que cela représente concrètement ?

Bernard BOSSON : D'abord, de la formation et de la responsabilisation, de la prise de conscience. Toutes les classes de troisième en France ont bénéficié cette année d'une action de sensibilisation à la sécurité routière, qui a eu un net retentissement jusqu'au niveau des parents. L'an prochain, il faudra disposer d'un brevet de sécurité routière dès 14 ans pour piloter un cyclomoteur. Pour les adultes, d'autres campagnes de sensibilisation devraient être menées. Comme elles ont permis de faire comprendre que l'alcool est dangereux au volant, il faut qu'elles fassent prendre conscience du danger de la vitesse. Amener les conducteurs à réaliser que lorsque l'on fixe une limite à celle-ci, on choisit en réalité le nombre de morts quel l'on va devoir admettre sur les routes : lorsque les États-Unis ont relevé les limites de 88 km/h (55 miles/h) à 105 km/h (70 miles/h) sur certaines de leurs routes, le nombre des tués a augmenté de 18 % par an.

Ensuite, cela nécessite l'établissement d'un dialogue de plus en plus profond entre utilisateurs et pouvoirs publics, comme cela s'est déjà traduit par la création d'un "M. Motard » dans chaque département et d'une boîte aux lettres dans laquelle chacun peut exprimer ses griefs, poser ses questions, ou signaler tel élément lui semblant dangereux.

Enfin, cela passe par des limitations de vitesse plus réalistes, et par des contrôles "visibles" : je suis contre l'idée de cacher les gendarmes comme s'ils cherchaient avant tout à piéger les automobilistes. Il faut qu'ils exercent leurs contrôles aux endroits dangereux, bien en vue des conducteurs pour que ceux-ci ralentissent à temps, ce qui est le principal.

Propos recueillis par Jean-Paul CROIZE