Texte intégral
RTL : Mercredi 27 juillet 1994
A. Krauss : C'est une décision sans surprise ?
B. Bosson : Sans surprise depuis deux jours, mais la négociation a été dure. Je suis très heureux de ce feu vert donné au plan de reconstruction. C'est un succès pour l'équipe France qui a uni le gouvernement et la compagnie sous l'autorité du Premier ministre.
A. Krauss : Est-ce que les conditions qui sont imposées vous semblent de nature à sauver définitivement le pavillon français ?
B. Bosson : Les conditions émises par la Commission sont aujourd'hui équilibrées et n'imposent pas de contrainte injustifiée. Elles imposent simplement que le plan de reconstruction soit respecté. Il nous est interdit de faire une nouvelle aide mais c'est uniquement pendant la durée du plan, d'ici décembre 1996, et il est évident que personne n'a envie de donner plus de 20 milliards dans les deux ans et demi à Air France. La Commission rappelle que nous devons privatiser mais il n'y a aucune limite, ni durée ni délais. Air France fait partie des privatisables et tout le monde sait que la privatisation d'Air France n'est pas à l'ordre du jour actuellement. Sur le trafic, il y a une limitation à 2,7 % mais c'est uniquement sur l'Europe, une limitation en nombre d'avions mais c'est déjà dans le plan, et l'obligation de ne pas foire systématiquement du dumping sur les prix plus que les autres, mais c'est également une condition de bon sens. Ces conditions nous permettent de passer un contrat – c'est ça qui est important – entre l'État actionnaire et les hommes et les femmes d'Air France. Ils ont été courageux. Ils ont accepté, par referendum un plan. L'État vient participe, à l'effort avec 20 milliards. Ensemble, nous allons reconstruire Air France. Pour que le plan s'appelle « reconstruction » c'est dire dans quel état nous avons trouvé Air France en arrivant.
A. Krauss : On dit que la pression des autorités françaises a été forte à Bruxelles pour qu'Air Inter soit exclue de ce plan ?
B. Bosson : C'est exact. Air Inter n'a rien à voir avec le plan interne d'Air France même si Air Inter et Air France sont dans le même groupe. Nous ne pouvions pas accepter que les deux choses soient traitées en même temps ou qu'il y ait des répercussions sur Air Inter. Nous avons mis une digue. Air Inter n'est pas concernée par cela. Si ce n'est que nous avons obtenu de la Commission l'autorisation de créer une société-holding du groupe Air France qui permet à Air Inter, dans le cadre de ces nouvelles perspectives d'avenir, d'avoir dans cette holding son autonomie de gestion. Aujourd'hui, notre nouveau combat c'est de tracer avec les hommes et les femmes d'Air Inter leur avenir pour qu'à l'intérieur du groupe nous puissions garantir au XXIe siècle l'existence de l'ensemble des services rendus des emplois et avoir un pavillon national fort.
A. Krauss : Est-ce que, passé le délai, la France pourra verser de l'argent à Air France ?
B. Bosson : L'engagement ne porte que sur la durée du plan mais la volonté de tous, c'est de redresser cette compagnie pour que, demain, elle soit une des compagnies parmi les plus compétitives dans le monde et qu'elle ait toute sa place. Air France n'a pas vocation à être sans cesse renflouée. C'est bien le sens du plan de restructuration et j'ai confiance dans les hommes et les femmes d'Air France après leur engagement dans le referendum. Je suis heureux qu'entre l'État français, le gouvernement et les hommes et femmes d'Air France, on puisse concrétiser le contrat qui nous lie et je souhaite qu'il y ait un bel avenir aux ailes françaises. Aujourd'hui est un grand jour après un an de durs combats. Après la crise de l'année dernière où j'ai voulu, grâce au Premier ministre, que nous retirions le plan, que nous renégocions, que nous tendions la main. On ne sauve pas une compagnie contre son personnel. On sauve une compagnie en mobilisant le personnel autour d'un projet d'avenir. Derrière C. Blanc et M. Bernard, nous pouvons donner un avenir à nos ailes. Ce n'est pas une route facile mais c'est une route possible et nous pouvons gagner. On fera tout, tout pour gagner.
France Inter : Mercredi 27 juillet 1994
B. Vannier : C'est peut-être bon pour Air France mais pour Air Inter ?
B. Bosson : Nous avons obtenu qu'il y ait une cloison étanche absolue et que rien ne touche Air Inter. Air Inter va voir aujourd'hui même, de la part de son président M. Bernard et de la part du président du groupe, C. Blanc, préciser les perspectives d'avenir que nous lui traçons. Et là-dessus, Air Inter est libre et nous avons obtenu l'autorisation de Bruxelles de créer une société holding du groupe Air France qui est parue au JO ce matin et ce qui permet qu'Air Inter ait son autonomie de gestion dans le cadre du groupe Air France et aucune des obligations prises à Bruxelles ne concerne Air Inter. Les problèmes que peut avoir Air Inter aujourd'hui, et sur lesquels nous nous battons, ainsi que les hommes et les femmes d'Air Inter pour sauver la compagnie et garantir son avenir, naissent de décisions antérieures prises par le gouvernement précédent à Bruxelles, mais absolument pas du contenu de la décision de la Commission d'aujourd'hui.
B. Vannier : Où en est la vente de la chaîne des hôtels Méridien appartenant au groupe Air France ?
B. Bosson : La décision de vente a été prise. Dans les obligations, la Commission indique que nous devons précéder à cette vente d'ici Noël mais ce n'est qu'une confirmation de ce qui avait été dit. Il y a deux clients. Air France le vendeur, est en train de poursuivre l'étude de la valeur commerciale exacte des deux offres. Un choix sera fait par le groupe avant Noël. Rien n'est décidé pour l'instant, ce choix doit être fait dans la transparence et dans l'intérêt du groupe Air France, ce que rappelle la Commission. C'est une obligation naturelle.
France 2 : Mercredi 27 juillet 1994
P. Amar : Ne risque-t-on pas de connaître une situation à l'Italienne en France ?
B. Bosson : Je ne le crois pas, mais notre devoir, c'est d'empêcher la corruption, c'est un risque mortel pour une démocratie et c'est ça la leçon de l'Italie. Dans mon secteur, en tant que ministre de l'Équipement, je prépare une réforme des marchés publics, pour assurer davantage encore de transparence. Ensuite, il faut une justice sereine et indépendante, mais sereine.
P. Amar : Vous admettez le fait que dans le domaine des grands travaux, la transparence n'a pas toujours été le cas jusqu'à présent ?
B. Bosson : Pas forcément toujours le cas, il y a toujours des améliorations à faire, j'y travaille depuis plusieurs mois et dans ce domaine précis, nous allons encore améliorer la situation. Nous devons à tout prix éviter que l'argent public qui est sacré puisse aller à autre chose qu'à servir les citoyens, c'est une règle de base de la démocratie.
P. Amar : À qui attribuer ce succès ?
B. Bosson : L'équipe France qui s'est constituée entre le gouvernement et le groupe Air France sous l'autorité du Premier ministre et cela permet le contrat entre les hommes et les femmes qui font un formidable effort, qui ont voté par référendum le plan de reconstruction et l'État actionnaire qui apporte 20 milliards, qui en gros, efface la moitié de la dette.
P. Amar : Les conditions posées par Bruxelles ne sont-elles pas sévères ?
B. Bosson : Non. Elles sont tout à fait normales. Ce sont les conditions d'exécution du plan. Il n'y a pas de conditions nouvelles. C'est simplement la vérification de ce qui est contenu dans le plan et qui doit être réalisé pour que les différents versements aient lieu.
P. Amar : La privatisation va se faire quand ?
B. Bosson : Air France fait partie de la liste des privatisables, mais ce n'est pas du tout à l'ordre du jour.
P. Amar : L'impossibilité de se développer en Europe, n'est-ce pas le risque de couper les ailes d'Air France ?
B. Bosson : Pas du tout. Le plan le prévoyait. Pendant un premier temps, nous devons nous rétablir en nous restructurant sur notre base. Le développement en Europe autorisait 2,7 %. Encore une fois, tout ceci n'est que pour une période de 2 ans et demi, qui se termine au 31 décembre 1996. Nous sommes très contents pour Air France. Cela permet à la compagnie de pouvoir regarder l'avenir avec tranquillité.
P. Amar : Y aura-t-il un autre plan de redressement ?
B. Bosson : Non. Je crois que ce plan, qui est très dur, qui a été accepté par le personnel, permet de reconstruire Air France. Le plan s'appelle « plan de reconstruction ». C'est dire où en était la compagnie, dans quel étal nous l'avons trouvée. Je veux dire et rappeler que ce qui était demandé par Air Inter était de mettre une cloison étanche entre ce dossier Air France et Air Inter. Cela a été fait. Aucune des conditions ne touche Air Inter. Air Inter est totalement en dehors du coup. Bien plus, nous sommes autorisés par Bruxelles à créer une holding « groupe Air France » qui permettra à Air Inter d'avoir son autonomie de gestion.
P. Amar : Les propos sont très différents selon qu'ils sont tenus par le ministre ou par la représentante du syndicat.
B. Bosson : Je ne crois pas qu'elle ait eu les documents. Vous les avez. Ils sont publics, il suffit de les lire. Il n'existe que deux documents. La lettre du Premier ministre qui accepte les conditions et une lettre en deux paragraphes. Nous n'avons absolument pas lié Air Inter. Nous sommes simplement engagés à ce que nous avons toujours dit : ouvrir le ciel français d'une manière maîtrisée. Nous ne voulons ni protectionnisme, ni ultra-libéralisme. Il n'y a aucun engagement autre qu'un engagement philosophique permanent de la France.
P. Amar : Ce n'est pas un accord non-écrit ?
B. Bosson : Les documents sont connus. Il n'y a pas d'accord secret autre que ces deux documents : la longue lettre et ces deux paragraphes.
P. Amar : C'est une mise au point ?
B. Bosson : Absolument. Qui perd ses nerfs ce soir ? Ce sont nos amis britanniques. C'est rare que cela leur arrive et cela en dit long…
P. Amar : N'y a-t-il pas un risque de concurrence entre Air France et Air Inter ?
B. Bosson : Pas du tout. Il faut qu'il y ait un grand groupe national. Air France et Air Inter ne sont pas concurrentes. Air France a besoin d'Air Inter et de son réseau. Air Inter a besoin du groupe Air France. L'un sans l'autre seraient tous deux en péril.
P. Amar : Les contrôleurs aériens ont fait grève le week-end dernier. Y a-t-il risque d'une nouvelle grève ?
B. Bosson : À ma connaissance, dimanche prochain, les ennuis des passagers devraient être extrêmement allégés. Nous sommes dans une période difficile. Tous les 3 ans, le personnel de l'administration civile et l'administration négocient un protocole. C'est la période difficile actuelle. Les négociations ont été levées la semaine dernière. Je souhaite qu'elles puissent reprendre. Je suis très attentif à tout geste qui permettrait une reprise de négociations. C'est une période un peu délicate. Rien ne me fait penser que nous n'arriverons pas à trouver des solutions.
P. Amar : Peut-on faire un premier bilan des départs et des retours des vacances ?
B. Bosson : Sur les vacances pas encore. Mais sur les 12 derniers mois, grâce à la mobilisation des Français, grâce aux appels qu'on a fait, grâce aux mesures que nous avons prises, qui sont essentiellement de main tendue, de responsabilisation, de formation et le moins possible de répression, nous avons les meilleurs résultats depuis 34 ans. Rien que ce mois de juin. Les résultats tombent aujourd'hui. Par rapport à l'année dernière on « économise » 110 vies et plus de 2 300 blessés. Sur l'année, on devrait pouvoir éviter 800 morts et 12 000 blessés si on continue.
P. Amar : Vous dites « moins de répression ». Vous appliquez vraiment le taux d'alcoolémie à 0,7 ?
B. Bosson : Oui, depuis le 13 juillet. On espère ainsi faire diminuer de moitié le risque d'accident mortel à cause de l'alcool.