Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Sénateurs,
Le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter s'inscrit dans le cadre de la nouvelle politique du logement mise en œuvre par le Gouvernement dès son entrée en fonction.
Des retards considérables ont été accumulés ces dernières années. Notre ambition est de les résorber pour faciliter l'accès de tous au logement. C'est pourquoi nous nous battons sur tous les fronts : le neuf et l'ancien, l'accession et le locatif, le privé et le public, car en matière de logement tout est lié.
Nous avons donc entrepris depuis un an :
– de relancer l'accession sociale à la propriété,
– de redonner confiance à ceux qui investissent dans la pierre,
– d'accroître les capacités d'accueil pour les plus démunis,
– d'améliorer les logements anciens,
– sans oublier, bien entendu, le logement social vers lequel se sont retournées les familles qui ne trouvaient plus le logement qu'elles recherchaient dans le parc locatif privé ou dans le secteur de l'accession. 100 000 PLA en 1993 et autant en 1994, c'est un record historique.
Ces efforts commencent à porter leurs fruits :
La consommation des prêts PAP pour les quatre premiers mois de 1994 est deux fois et demie celle de la même période de l'année 1993.
La réhabilitation des logements avec les aides de l'ANAH fonctionne à plein.
Le rythme annuel de construction du logement, qui était de 230 000 en mars 1993, atteindra 300 000 à la fin de 1994 et, si l'on extrapole, 330 000 à l'été 1995. Cela nous amènerait au niveau communément admis.
Je crois donc pouvoir vous dire que la France est en train de sortir de la crise du logement et que la moitié du chemin a été parcourue.
C'est dans ce contexte encourageant que des dispositions législatives nouvelles sont nécessaires. Il ne s'agit pas de bouleverser les choses, mais de supprimer des difficultés dont la persistance entraverait la poursuite du redressement. Ces dispositions sont aussi diverses que les problèmes à résoudre. Le projet de loi concerne ainsi :
– l'acquisition des logements HLM par leurs occupants,
– l'adaptation de la législation des rapports locatifs,
– le logement des personnes à faibles ressources,
– la transformation des bureaux en logement,
– l'amélioration du fonctionnement des copropriétés.
L'acquisition des logements HLM par leurs occupants
L'histoire de la vente des logements HLM tient en trois lois : celle de 1965 qui a permis aux locataires d'HLM d'acheter leur logement, celle de 1983 qui a rendu les choses plus difficiles, celle de 1986 qui s'est au contraire donné pour objectif de les faciliter.
Comme l'a fait observer avec beaucoup de pertinence votre rapporteur de la commission des affaires économiques, monsieur le Sénateur Lombard, un équilibre doit être respecté entre la préservation du patrimoine locatif social et le développement de l'accession. Mais force est de constater que le nombre de logements vendus demeure extrêmement faible, de l'ordre de 2 000 par an. C'est un chiffre dérisoire par rapport aux 3,5 millions de logements que compte le parc HLM. On pourrait donc multiplier par dix le nombre des ventes sans compromettre l'équilibre de ce patrimoine, d'autant qu'il s'agrandit de 100 000 logements par an.
La vente des logements HLM à leurs occupants présente des avantages certains :
Elle favorise l'équilibre social dans les villes. Les évolutions urbaines des quarante dernières années ont montré qu'un quartier dans lequel la population est réellement enracinée à toutes les chances de connaître un développement harmonieux.
Elle répond à une demande réelle de nombreux locataires HLM qui souhaitent devenir propriétaires du logement auquel ils sont très attachés.
Elle permet en outre aux organismes d'HLM de financer de nouveaux programmes de construction neuve ou de réhabilitation. La plus-value nette est d'environ 80 000 Francs par logement vendu.
Le Gouvernement entend donner à cette forme d'accession une impulsion nouvelle. Cette volonté a trouvé sa première traduction dans la signature d'un protocole que j'ai conclu le 20 avril avec les représentants de l'union des HLM, de la fédération des offices d'HLM et de la fédération des sociétés anonymes d'HLM. Le mouvement HLM a ainsi marqué sa volonté de mobiliser ses organismes pour faire de la vente une pratique normale et courante de gestion.
Ce protocole prévoit que les principes de la loi de 86 seront conservés et, plus particulièrement, que l'initiative de la vente sera laissée à l'organisme d'HLM. Toutefois, le formalisme du dispositif juridique mérite d'être allégé pour faciliter la procédure de vente. C'est pourquoi le projet de loi supprime des contraintes imposées aux organismes d'HLM vendeurs :
– ils ne seront plus obligés de jouer le rôle de banquier vis à vis des locataires acquéreurs ;
– ils pourront continuer à rembourser les prêts comportant une aide de l'État selon l'échéancier initialement prévu, sous réserve que leur remboursement demeure garanti.
Des facilités nouvelles sont offertes aux acheteurs :
– l'acheteur devient propriétaire à part entière du logement. Il n'est plus tenu de l'utiliser comme résidence principale pendant cinq ans ;
– les parents ou enfants d'un locataire HLM pourront, si ce locataire le souhaite, acheter son logement à condition que leurs revenus soient les mêmes que ceux exigés pour obtenir un prêt PAP.
L'adaptation des rapports entre propriétaires privés et locataires
L'équilibre des droits et des devoirs entre propriétaires et locataires a été gravement rompu par la loi de 1982 dont l'abrogation n'a pas, hélas, effacé tous les effets négatifs dans les esprits. L'onde de choc s'en fait encore sentir aujourd'hui.
Si la majorité précédente a eu raison de se préoccuper du sort des locataires, elle a eu le grand tort de le faire dans un climat sous-jacent d'hostilité à l'égard des propriétaires. C'est au contraire de la considération qu'il aurait fallu leur témoigner car ils rendent un immense service à la société en logeant 3,5 millions de familles.
Le logement n'est pas un domaine où il faut perpétuellement opposer deux catégories de citoyens. La France, vieille terre de propriétaires, est sans doute le dernier pays développé où la querelle entre propriétaires et locataires a été entretenue si longtemps par l'idéologie politique.
Sortons de cet archaïsme et traitons les vrais problèmes en termes modernes.
C'est pourquoi j'ai souhaité renouer avec les propriétaires un dialogue pendant trop longtemps interrompu, qui puisse fonder un contrat de confiance entre eux et les pouvoirs publics. Ce contrat repose sur deux piliers :
1. Améliorer la rentabilité de l'investissement locatif, le principal levier de l'action publique étant la fiscalité.
2. Rendre cet investissement plus sûr et notamment faire en sorte qu'entre propriétaires et locataires la loi soit plus juste et plus équilibrée.
Le texte actuel, la loi du 6 juillet 1989, n'est pas parfait. Il peut être amélioré sans remettre en cause ce qui est aujourd'hui globalement accepté par les uns et les autres. J'en ai saisi la Commission nationale de concertation qui regroupe les représentants des propriétaires, des gestionnaires et des locataires. Elle a donné un avis favorable à ces propositions.
C'est un événement considérable.
Pour la première fois depuis 15 ans, propriétaires et locataires se sont mis d'accord sur l'évolution de leurs rapports contractuels et de la législation. Le Gouvernement souhaite encourager cette démarche de concertation où chacun fait quelques pas en direction des autres, de sorte que tous y trouvent en définitive leur compte.
Voilà pourquoi j'ai tenu à ce que le texte qui vous est aujourd'hui soumis entérinât très précisément l'accord intervenu.
Des huit mesures que comporte le chapitre 2 du projet de loi, trois méritent d'être mentionnées dès maintenant :
1. La loi du 6 juillet 1989 a fixé pour cinq ans, soit jusqu'au 8 juillet 1994, le mode de fixation des loyers des logements vacants. Ces loyers sont déterminés par référence aux loyers des logements comparables du voisinage. Ce régime est prorogé pour 3 ans.
2. Les variations erratiques de l'indice du coût de la construction conduisent à des anomalies dans l'indexation des loyers. Pour les gommer, on utilisera un indice moyen calculé sur quatre trimestres.
3. Les logements soumis à la loi de 48 quitteront définitivement ce statut en devenant vacants. La loi du 6 juillet 1989 leur sera applicable lorsqu'ils seront redonnés en location.
Le logement des personnes à faibles ressources
Le projet de loi comporte trois dispositions principales pour faciliter l'accès logement des personnes en difficulté :
Les associations caritatives pourront acheter des logements HLM vacants pour les mettre à disposition de personnes en difficultés.
L'exonération d'impôt sur le revenu foncier dont bénéficient les propriétaires qui louent à des personnes à faibles ressources ne sera plus limitée à trois ans. Elle sera applicable tant que la location conservera son caractère social.
Enfin, la garantie qu'apporte le locataire en acceptant le versement de l'allocation logement directement au propriétaire sera amélioré. Le locataire, qui aura accepté cette modalité de paiement, ne pourra plus y mettre fin unilatéralement : il devra avoir l'accord du propriétaire.
Ces dispositions s'inscrivent dans un programme d'ensemble mis en œuvre par le Gouvernement depuis un an. Ce programme a un caractère opérationnel très marqué car notre priorité est d'agir sur le terrain. De nombreuses mesures ont été prises :
Dès l'été 1993, mise en place du financement de 3 000 prêts locatifs aidés d'insertion supplémentaires.
Ouverture d'une ligne de 100 MF pour subventionner des opérations de logement temporaire ou d'hébergement d'urgence. Ce crédit est renouvelé en 1994.
Lancement d'un plan de 10 000 places nouvelles d'hébergement en Île-de-France : plus de 2 000 places ont déjà été réalisées.
Un dispositif renforcé pour l'accueil d'urgence mis en œuvre pendant l'hiver 1993-1994.
Une augmentation de 17 % des dotations de l'État aux fonds de solidarité pour le logement, portées de 170 MF en 1993 à 200 MF en 1994.
Des simplifications administratives pour permettre de délivrer plus rapidement les aides de l'État.
Une amélioration du financement des baux à réhabilitation, par une prime complémentaire à la PALULOS.
40 000 logements très sociaux de plus qu'en 1993 mis à disposition des plus démunis en 1994 : 20 000 financés par une dotation exceptionnelle et 20 000 attributions supplémentaires par les organismes d'HLM dans le cadre des relocations dans le parc existant.
Vous le voyez, nous agissons vite et avec détermination. Le Plan élaboré par le Haut Comité pour le Logement des Défavorisés est pour l'essentiel mis en œuvre. Le Gouvernement a fait plus en un an que tous ses prédécesseurs. Il a mis des moyens extrêmement importants à la disposition de ceux et celles qui, sur le terrain, agissent quotidiennement pour assurer un logement décent à tous. Je pense aux préfets, services de l'État, maires, organismes d'HLM et associations à qui je voudrais ici rendre hommage pour leur inlassable dévouement.
L'amélioration du fonctionnement des copropriétés
La copropriété est une formule qui a fait ses preuves. Mais à côté de grandes réussites, des difficultés commencent à apparaître.
Près de 2 millions de logements collectifs en copropriété ont été construits entre 1950 et 1975. Ils ont été réalisés dans les mêmes conditions de localisation, d'architecture et de techniques de construction que le parc HLM qui leur est contemporain. Ils n'échappent pas à la même spirale de dévalorisation que celle des grands ensembles HLM avant leur réhabilitation : impayés de charges, absence d'entretien, dégradation des bâtiments, départ des classes moyennes et paupérisation des occupants.
Le mode d'administration des copropriétés est un facteur aggravant par rapport à la situation des HLM. II est plus difficile de redresser la barre quand les décisions doivent être prises en assemblée générale que quand il y a un unique propriétaire.
Ce mal frappe aussi des immeubles récents. Quelques copropriétés financées en PAP connaissent des difficultés, notamment dans les villes nouvelles.
L'état ultime de ce processus de dévalorisation est illustré par la tristement célèbre copropriété des BOSQUETS à Clichy-Montfermeil, dont la situation catastrophique nécessite une intervention lourde des pouvoirs publics sous forme d'un grand projet urbain.
On estime aujourd'hui à plus de 20 000 le nombre de logements en copropriété présentant des difficultés graves. Beaucoup plus nombreux sont ceux qui s'engagent aujourd'hui dans un processus de dégradation.
Entendons-nous bien. Je ne souhaite ni noircir la situation, ni jeter l'opprobre sur les copropriétés dont la grande majorité ne posent aucun problème. Ce qui est inquiétant, c'est moins l'ampleur actuelle du problème que le sens de son évolution qui ne fait guère de doute. C'est maintenant qu'il faut réagir, alors qu'il est encore temps.
La première question à régler est celle de l'équilibre financier des copropriétés. Ce point est incontournable car s'il y a des difficultés financières, il n'y a évidemment ni entretien, ni travaux.
C'est aussi une question d'équité. Le non-paiement des charges par certains copropriétaires se répercute sur les autres copropriétaires. Ils n'ont pas d'autre solution que d'honorer, s'ils le peuvent, les dettes des copropriétaires défaillants pour ne pas s'exposer à des coupures d'eau ou d'électricité, à la dégradation des parties communes de l'immeuble, à l'amoindrissement de la valeur de leur patrimoine. Il y a là ce que les juristes appellent une solidarité forcée. En termes moraux, c'est sans conteste une injustice.
Il est donc essentiel de donner plus de moyens aux syndicats de copropriétaires pour recouvrer les charges impayées.
C'est bien entendu au plus tard au moment de la vente du lot qu'il faut apurer définitivement la dette du copropriétaire défaillant. Cela nécessite d'améliorer d'une façon ou d'une autre la qualité de la créance du syndicat de copropriétaires.
La voix retenue par le Gouvernement dans l'article 22 du projet de loi consiste à conférer un caractère réel aux charges de copropriété. L'obligation de participer à ces charges est attachée au lot et le suit en quelques mains qu'il passe. Ainsi, en cas de vente d'un lot, la créance du syndicat est reportée sur l'acheteur qui en tient compte dans la négociation du prix. Nous n'avions fait que reprendre un dispositif qui est depuis 129 ans la règle dans les associations syndicales de propriétaires de la loi de 1865. L'innovation a toutefois paru trop importante. Une autre solution vous est donc proposée, la création d'un privilège spécial immobilier au bénéfice du syndicat de copropriétaires.
Nous en reparlerons plus longuement demain. Mais sans attendre, je voudrais rendre hommage à votre rapporteur, monsieur le Sénateur Collet, qui a immédiatement compris tout l'intérêt de l'article 22 du projet de loi, l'a amélioré pour répondre aux observations faites et a néanmoins accepté de se rallier à la solution du privilège spécial. Je l'en remercie très chaleureusement.
Je terminerai cette présentation des principales dispositions du projet de loi avec le dispositif d'administration provisoire des copropriétés. Il s'agit de pouvoir agir en cas de paralysie persistante d'une copropriété. L'administrateur provisoire aura pour mission, sous le contrôle du président du tribunal de grande instance, de rétablir le fonctionnement normal de la copropriété.