Interview de M. Michel Giraud, ministre du travail de l'emploi et de la formation professionnelle, dans "Le Parisien" le 2 août 1994, sur l'évolution positive des chiffres du chômage en juin du fait de la reprise et des mesures de la loi quinquennale.

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Média : Le Parisien

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Le ministre : "La tendance va se poursuivre"

Q. : Pourquoi cette différence entre les résultats de mai (+ 20 000) et ceux de juin (13 000) ? 

Michel Giraud, ministre de l'Emploi : Il est vrai que le contraste est fort. On pourrait être tenté de considérer que la bonne performance du mois de juin est aussi peu significative que l'était la contre-performance du mois de mai. Pour comprendre, il faut regarder dans le détail l'évolution des différentes données qui amènent à ces deux chiffres. Les 20 000 demandeurs d'emploi supplémentaires du mois de mai ont surpris après plusieurs mois de stabilisation autour de 5 000 demandeurs d'emploi supplémentaires par mois. L'explication semble résider dans un afflux de nouveaux demandeurs, soucieux de profiter du réveil de la croissance. Il s'agit là d'un effet pervers de la reprise. Les données qui expliquent la diminution du chômage en juin, pour la première fois d'une telle ampleur depuis avril 1990, sont tout à fait différentes. Cette sensible amélioration s'explique notamment par l'efficacité des mesures d'urgence prises en juillet 1993 et de celles de la loi quinquennale, au profit des jeunes, grâce aux contrats en alternance (apprentissage, qualification, adaptation). Elle traduit aussi une baisse significative du chômage des hommes, qui résulte de l'amélioration de l'emploi dans l'industrie. Elle est, enfin, le résultat de l'augmentation des offres d'emploi et des mesures prises pour limiter les licenciements économiques. 

Q. : Est-ce que cette tendance à la baisse va se poursuivre ? 

R. : Je suis convaincu que la tendance va se poursuivre; elle est déjà engagée depuis six mois. Ceci n'exclut pas que, d'ici à la fin de l'année, sur tel ou tel mois, l'on puisse avoir des chiffres tantôt positifs tantôt négatifs. Je l'ai déjà dit : nous devrions constater, avant la fin de 1994, la confirmation du palier précédant une décrue du chômage. Mon objectif, celui du gouvernement, celui pour lequel les électeurs nous ont fait confiance en mars 1993, est de réussir à inverser la courbe du chômage qui était en constante aggravation depuis 1990. 

Q. : Qu'est-ce qui relève de la reprise, des mesures pour l'emploi, ou de la modification de calcul du nombre des demandeurs ? 

R. : Rien, bien sûr, ne relève la modification du calcul du nombre des chômeurs. Bien que le Conseil d'État ait demandé au gouvernement de ne pas compter parmi les demandeurs d'emploi ceux qui ont une activité réduite, autorisée par l'Unedic, le gouvernement n'entend pas susciter la moindre équivoque. Cela dit, il y a une "opération vérité" à faire sur le comptage du chômage, ne serait-ce que pour faciliter les comparaisons. Cette opération impose des études qui sont en cours et une validation scientifique incontestable. En réalité, l'amélioration de la situation relève à la fois de l'effet de la reprise et de l'efficacité des mesures prises pour l'emploi. Par la loi quinquennale, nous nous sommes mis en situation de tirer le meilleur parti de la reprise. C'est ce que nous commençons à constater aujourd'hui. 

Q. : Cette amélioration justifie-t-elle un retrait de la participation de l'État au financement de l'Unedic?

R. : Quand je suis arrivé au ministère, en avril 1993, le régime d'assurance chômage était en situation de cessation de paiements. Au 1 mai 1993, les chômeurs risquaient de ne plus être indemnisés. L'État et les partenaires sociaux ont consenti ensemble un effort important : deux tiers de l'effort à la charge des gestionnaires de l'Unedic; un tiers à la charge de l'État. L'État respectera les engagements financiers. La seule question en discussion avec les partenaires de l'Unedic, c'est l'échéancier de ces versements dans le cadre de l'accord global. Personne n'aura, en effet, intérêt à ce que la nécessaire remise en ordre du régime d'assurance chômage se fasse au détriment de la consommation soit par l'augmentation du déficit budgétaire, soit par celle des impôts.