Texte intégral
Jean-Pierre Defrain : Le rapport le Déaut : alors c’est un cadeau de L. Jospin aux Verts ?
Yves Cochet : C'est en tout cas une avancée dans le domaine du nucléaire, dont nous réclamons en effet la démocratisation et la transparence depuis qu'il existe en France, depuis 25 ans, depuis le gouvernement Messmer en 1973-1974. Nous restons partisans d'une sortie du nucléaire en une génération, disons en 25 ans. Mais puisqu'il y a du nucléaire en France, il faut évidemment, non seulement le contrôler, mais que lui-même puisse avoir possibilité d'être contrôlé par... Alors le Déaut propose une autorité indépendante ; moi je vous dirais que je ne suis pas favorable, car ça consiste en fait à retirer la tutelle au ministère de l'Environnement qui avait la co-tutelle avec le ministère de l'Industrie. Nous ce qu'on voulait c'est que l'Industrie l'ait cette tutelle - puisqu'en fait c'est eux les producteurs du nucléaire, d'une certaine manière, ils ont la tutelle d'EDF, du CEA, etc -, mais que l'Environnement ait la santé. Voilà que les deux ministères puissent avoir la co-tutelle pour ce qui concerne la radioprotection et la sûreté.
Jean-Pierre Defrain : Mais si cette commission est composée d'écologistes, de scientifiques et de médecins, vous n'avez pas de doute quand même !
Yves Cochet : Je crains que, d'un côté par la fenêtre, on évacue, d'une certaine manière, les technocrates en disant : attention, on va fusionner tout ça, et puis il y aura une autorité indépendante. Et que d'un autre côté, cette autorité indépendante devra évidemment, être quand même, composée d'experts, de gens qui font partie de ce qu'on peut appeler les nucléocrates. Donc j'ai un peu peur qu'il n'y ait pas beaucoup de représentants des contre-experts, des scientifiques indépendants.
Jean-Pierre Defrain : Donc satisfait mais quand même réservé. Alors, le député le Déaut propose un droit de regard sur le nucléaire militaire. Vous, pensez que l'armée, pour des raisons de sécurité, va permettre qu'on mette le nez dans ses affaires ?
Yves Cochet : Ceci est une grande avancée dans le rapport de le Déaut, qui d'ailleurs avait été précédé un peu par le rapport de C. Bataille sur ce qu'on appelle « l'aval du cycle nucléaire » - les déchets, et notamment les déchets militaires, car il y en a aussi, nucléaires. Je crois que là ce serait une grande avancée parce qu'y adhèrent aussi bien les usines de fabrication de matériel, les ogives, que, finalement de recyclage des matériaux fissiles qui, d'une certaine manière fonctionnent en dehors de l'État, dans des cycles propres. Donc le fait que l'Assemblée nationale, le Parlement en général, puissent avoir un droit de regard, c’est très positif.
Jean-Pierre Defrain : Venons-en à la préparation du budget 1999 : de six on est passé à neuf ministères qui vont être particulièrement favorisés. Et parmi ceux-ci, le ministère de l'Environnement, 15 %.
Yves Cochet : Il était déjà dans les six. En effet, l'augmentation qui est prévue des dépenses du ministère c'est de 15 %. Ce qui est beaucoup en pourcentage, puisque l'augmentation moyenne des dépenses de l'État sera de 2,2 %. Mais c'est peu en chiffre réel. Pourquoi ? Parce qu'on part de 1,8 milliard. C'est quasiment le plus petit ministère sur les 18 qu'il y a, et donc c'est très peu. Et en même temps, c'est une augmentation qui est quand même intéressante. On ne peut pas non plus trop augmenter, parce qu'il faut pouvoir gérer évidemment un afflux de personnels, etc. Et l'idée c'est que cette augmentation se base sur plusieurs budgets, et donc 15 % pour 1999, et on l'espère, à ce même rythme, pendant plusieurs années.
Jean-Pierre Defrain : Vous y voyez un signe politique de Lionel Jospin ?
Yves Cochet : Je le crois, je le crois. Il y a eu quelques petits différends entre les Verts et L. Jospin, et le PS, au début de l'année, vous vous souvenez, avec le mouvement des chômeurs à Noël, etc. Et puis, plus récemment, à propos de la chasse il y a trois semaines, à propos des élections européennes - heureusement le projet a été retiré par le Gouvernement. Là, il y a visiblement, symboliquement, une volonté de reprise de dialogue.
Jean-Pierre Defrain : Sur le projet reporté du scrutin européen, L. Jospin disait dimanche soir : J'espère que certains dans la majorité n'auront pas un jour à le regretter.
Yves Cochet : Oui peut-être avait-il connaissance de certains sondages déjà, concernant les élections européennes dans un an. Nous, nous sommes tout à fait confiants ; il y aura donc une liste unique, nationale. La circonscription c’est la France. Alors qui sera tête de liste chez nous ? Je ne sais pas. Ça sera au congrès des Verts de le décider en novembre prochain. On a plusieurs bons candidats - aussi bien D. Voynet que D. Cohn-Bendit, que peut-être d’autres. On a tout à fait confiance. Je ne vois pas qu’on fasse un mauvais score.
Jean-Pierre Defrain : Si Lionel Jospin vous caresse un petit peu dans le sens du poil sur certains points sur la politique des sans-papiers, en revanche, le Premier ministre a déclaré qu’il n’est pas question de régulariser tout le monde, et que la grève de la faim ne peut être une arme à utiliser dans une démocratie. C’est un point de désaccord entre vous et le Gouvernement ?
Yves Cochet : Vous avez évoqué deux choses. D’abord, sur la grève de la faim, nous, on n’a jamais été partisan, et on n’a jamais soutenu une grève de la faim en tant que telle. Par contre, on a soutenu et on soutient des collectifs de sans-papiers, qui s’estiment lésés dans leurs droits de pouvoir résider librement en France. Alors, ceci étant dit, il y a une grève de la faim actuellement à Batignolles, dans un temple, bon, je crois que le problème n’est pas réglé. Les propositions de L. Jospin en ce qui concerne une commission de recours semblent insatisfaisantes, à la fois vu les prérogatives de la commission et d'autre part sa composition. Je crois qu’il faut agir vite maintenant, parce qu'il peut arriver - je ne le souhaite pas, ni personne, évidemment - un malheur chez les grévistes de la faim. Moi, je crois que nous, nous sommes pour que la majorité, l'immense majorité des gens qui ont déposé, depuis maintenant assez longtemps, une demande de régularisation le soient. Cela ne veut pas dire tous les sans-papiers, car il y en a à peu près le double - on parle de 150 000 qui ont déposé une demande - mais il y en a 300 000 en fait.
Jean-Pierre Defrain : Vous le savez, Jean-Pierre Chevènement estime que laisser entrer les sans-papiers, c'est faire le jeu des filières d'immigration clandestines !
Yves Cochet : Là, il y a une confusion entre, je dirais, les victimes, qui sont les sans-papiers réellement, et puis alors des criminels, des gens qui, en effet, organisent des filières de travail clandestin, et ceux-là, évidemment, ils doivent être poursuivis et expulsés. Mais ce n’est pas du tout parmi les 150 000 qui se sont déclarés librement, qui ont dit : nous voulons être régularisés, il y a peut-être 1 % qui sont, disons, issus d’une certaine mafia internationale. Ceux-là, on peut les reconnaître, mais pas l'immense majorité.
Jean-Pierre Defrain : Alors, parlons de la majorité plurielle. Après un an de Gouvernement, partagez-vous l'optimisme de Lionel Jospin : cela va mieux, le Premier ministre change de registre, il passe à l'autosatisfaction ?
Yves Cochet : Je lui laisse la responsabilité de son style. Je crois simplement que le bilan, vu de la majorité - moi, j'appartiens à une des cinq composantes de la majorité, les Verts - le bilan est positif, incontestablement, notamment parmi les trois lois sociales qu'on a eues, c'est d'ailleurs après-demain qu'on va terminer la loi contre les exclusions, en dernière lecture. Elle sera certainement adoptée, y compris, j'espère, par l'opposition. Il y a eu la loi sur les 35 heures, il y a eu la loi sur les emplois-jeunes, cela, c'est un bilan très positif. Alors, il y a eu également une reprise, on peut dire, économique qui nous donne une marge de manœuvre budgétaire, même supérieure à ce qu'on pouvait penser, je pense que D. Strauss-Kahn a des rentrées fiscales, à la fin du mois de juin, qui sont celles qu'il espérait pour l'ensemble de l'année. On va donc pouvoir discuter avec lui de partager les fruits de la croissance, et je pense qu'il faudrait peut-être augmenter les minima sociaux, par exemple, parce qu'on a plus de recettes qu'on pensait.
Jean-Pierre Defrain : Vous serez où, demain soir, à partir de 21 heures ?
Yves Cochet : Je pensais avoir une réunion de travail avec Mme Voynet à son ministère. Et puis, finalement, j'y ai renoncé.
Jean-Pierre Defrain : Mme Voynet ne regarde pas le football ?
Yves Cochet : Si, elle va même au Stade de France, elle a été en direct, moi je n’y ai jamais été. Mais j'ai déjà regardé, disons, un match et-demi.
Jean-Pierre Defrain : Et le vice-président de l'Assemblée, donc, il n'a pas de séance de nuit à l'Assemblée demain ?
Yves Cochet : II n'y a pas de séance de l’Assemblée demain.