Interview de M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie de l'industrie et des finances, à RTL le 18 septembre 1998 et conférence de presse, principalement sur les conséquences en Europe et en France de la crise financière internationale, la nécessité d'instaurer une régulation minimale des marchés financiers, sur l'avenir des Caisses d'épargne et sur la représentation extérieure du Conseil de l'euro, Paris le 22.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

RTL le vendredi 18 septembre 1998

Olivier Mazerolle : Est-ce la déflagration financière redoutée ?

Dominique Strauss-Kahn : Non. D’abord, il ne faut pas tricher avec les faits : c’est vrai qu’il se passe des choses qui ne sont pas très agréables. Les marchés financiers ont des turbulences qui sont préoccupantes ; les perspectives de redressement de la Russie sont encore assez aléatoires ; la croissance mondiale subit le choc de ce qui se passe en Asie. Tout cela, je le suis de très près avec mes collègues notamment du G7. Très bien. Mais il ne faut pas pour autant céder à la tentation du slogan : la crise russe est une crise très spécifique de la Russie, parce que l’Est y est complètement démoli, et j’espère que le gouvernement le reconstruira. Pour le moment, c’est une crise de la Russie, ce n’est pas une crise de tous les marchés. Les pays asiatiques, qui étaient en crise l’année dernière - la Thaïlande, la Corée, l’Indonésie - sont en voie de redressement et la Chine tient tout cela de façon relativement stable. Quant à la Bourse, qui est principalement à l’origine de votre question, c’est vrai qu’elle est volatile, c’est le moins qu’on puisse dire ! Au cours de ces derniers jours, elle a baissé. Mais depuis le début de l’année, la Bourse de Paris, malgré la baisse récente, est encore à + 17 % ; en 1997, elle a fait + 30 %. Donc, il y a une grande sensibilité des marchés, il y a une incertitude assez forte qu’il ne faut pas sous-estimer. Il ne faut pas, non plus, considérer que nous sommes devant une sorte de grand krach qui emporterait tout.

Olivier Mazerolle : Tout de même, M. Greenspan, président de la Federal Reserve américaine, dit que l’Europe et les États-Unis ne pourront pas rester des oasis : il n’a pas l’air de croire au bouclier de l’euro.

Dominique Strauss-Kahn : D’abord, les Américains n’y ont jamais trop cru, même s’ils commencent à y croire un peu plus. Ensuite, le bouclier, cela ne veut pas dire qu’on n’est pas touché : lorsque, pour la France, vers le mois d’avril, le Gouvernement prévoyait, pour 1999, 2,8% de croissance, l’environnement international n’était déjà pas très bon ; il se révèle encore un peu moins bon : on fait 2,7 %. C’est la prévision que je fais aujourd’hui. Mais bien sûr…

Olivier Mazerolle : Vous maintenez cette prévision ?

Dominique Strauss-Kahn : Bien entendu. Mais s’il n’y avait pas du tout de crise, on ferait 3,2-3,3%. Alors, je ne dis pas que cela n’a pas d’effets : M. Greenspan a raison de considérer qu’on est touché ; mais on est touché dans des proportions beaucoup plus limitées grâce à l’euro. Regardez : les taux d’intérêt en Europe ne bougent pas, ils restent les plus bas du monde, à part le Japon ; les monnaies ne bougent pas ; c’est tout différent de ce qu’on a connu par le passé, en 1992 ou lors de la crise mexicaine de 1993-1994, où la crise avait créé en Europe une déflagration totale. Ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui.

Olivier Mazerolle : Tout de même, est-ce que la contagion ne menace pas ? On voit, par exemple, les Allemands qui commencent à être touchés par ce qui s’est passé en Russie, parce qu’ils font beaucoup de commerce avec l’Europe de l’Est. Or ce qui se passe en Allemagne, du fait de l’euro, cela va aussi nous toucher !

Dominique Strauss-Kahn : Encore une fois, il ne s’agit pas de dire - cela n’aurait pas de sens - que l’environnement international, qui s’est dégradé - c’est clair - n’aurait pas d’influence du tout sur nous. D’abord, cette influence négative, on l’a déjà prise en compte assez fortement ; on continue de la prendre en compte, mais elle est beaucoup moins forte, beaucoup moins négative pour les pays de la zone euro qu’elle ne l’aurait été s’il n’y avait pas l’euro. Notamment, nous aurions aujourd’hui sur les monnaies, sur les taux d’intérêts, des fluctuations erratiques, un peu comme les bourses, alors qu’on ne le constate pas du tout sur les taux d’intérêt, et pas du tout sur les monnaies, parce qu’il y a l’euro.

Olivier Mazerolle : 2,7% : vous en êtes convaincu ?

Dominique Strauss-Kahn : Une prévision, c’est une prévision ! Mais l’année dernière, quand j’avais prévu fin 1997 pour 1998 une prévision de 3%, beaucoup de politiques, de journalistes, d’experts, disaient : c’est trop optimiste ; on ne fera pas plus de 2,4-2,5% ; Or, très probablement, non seulement on fera 3%, et peut-être même un peu plus. Ce n’est pas parce que j’ai raison pour 1998 que j’ai obligatoirement raison pour 1999 ; mais néanmoins, n’écoutons pas trop les oiseaux de mauvais augure : 2,7 % est une prévision raisonnable. La croissance, ce n’est pas simplement une prévision : c’est aussi une action, une politique économique. 2,7 %, c’est ce qu’il faut que nous atteignions, et la politique que nous mettons en œuvre, en termes de croissance notamment, doit permettre d’y arriver.

Olivier Mazerolle : Justement, l’opposition dit : mais D. Strauss-Kahn a construit un budget qui ne se garde d’aucun péril : il n’a pas de réserves ; il s’est livré aux aléas d’une conjoncture dont il n’est pas maître.

Dominique Strauss-Kahn : L’opposition, il faut bien qu’elle dise quelque chose. Regardez ses propos de l’année dernière : ils se sont tellement trompés qu’il ne faut quand même pas trop compter là-dessus. Le budget est construit sur une prévision prudente ; j’aurais pu rester à 2,8, ce qui était la prévision initiale ; j’ai voulu être prudent ; je suis passé un peu en dessous. Mais il n’y a aucune raison de considérer qu’on ne tiendra pas cela. Quant aux marges de manœuvre, aux réserves, on ne met pas de l’argent de côté comme un écureuil dans un budget, pour savoir ce qu’on fera éventuellement si la conjoncture n’est pas la bonne.

Olivier Mazerolle : Quelles serait vos réserves s’il y avait vraiment un coup dur ?

Dominique Strauss-Kahn : En termes de réserves, le budget est défini : il sera tenu tel quel. S’il devait y avoir une crise mondiale, comme parfois il y en a eu dans le passé, on ajustera. Mais honnêtement, ce n’est pas du tout ma perspective.

Olivier Mazerolle : Mais à ce moment-là, on ponctionnera davantage sur les dépenses de l’État ou on relancera la consommation ?

Dominique Strauss-Kahn : Oui, en soutenant plus la consommation. Mais là, la consommation telle qu’elle se déroule aujourd’hui et telle qu’elle est prévue pour l’année prochaine, est une consommation qui va à un rythme fort : environ 3%. L’investissement, en 1998, comme probablement en 1999, selon les enquêtes auprès des chefs d’entreprise, croîtrait de l’ordre de 6 %. Nous sommes dans une phase de redémarrage de la croissance fort, même si l’environnement international nous nuit ; s’il n’y avait pas cet environnement international si mauvais, on aurait une croissance encore plus forte.

Olivier Mazerolle : Le soutien à la consommation : comme on a une inflation autour de 1 %, est-ce que cela ne nous laisse pas une marge de manœuvre ?

Dominique Strauss-Kahn : Non, l’inflation ne sert pas à soutenir la consommation, au contraire. Plus l’inflation est faible, plus, du coup, l’augmentation du pouvoir d’achat est fort. C’est notamment parce que nous avons une faible inflation que le pouvoir d’achat moyen en 1998, comme en 1999, croîtra de l’ordre de 2,5 %, ce qui n’est pas arrivé depuis le début de la décennie.

Olivier Mazerolle : Allez-vous répondre favorablement à la demande du Président Clinton, qui voudrait une réunion des ministres de l'Économie et des Finances du G7 dans les 30 jours ?

Dominique Strauss-Kahn : On va voir. De toute façon, il est déjà prévu une réunion à Washington début octobre, celle qui se passe régulièrement lors de la rentrée d'octobre. Nous verrons si une autre réunion est nécessaire. Pour le moment, il n'y a pas d'urgence de ce point de vue.

Olivier Mazerolle : Souhaitez-vous qu'il y ait une sorte de police internationale des mouvements de capitaux ?

Dominique Strauss-Kahn : Police, je ne sais pas si c'est le bon terme. Mais comme le Premier ministre L. Jospin le rappelait dans un article récent du Nouvel Observateur, nous disons, depuis longtemps, que les marchés ne peuvent pas suffire à eux seuls. On le voit clairement aujourd'hui : il faut plus de règles internationales ; il faut plus - vous disiez « police » - de gendarmes ; il faut en tout cas plus d'organisation du monde, sans qu'on laisse chacun des pays soumis, surtout les pays émergents, les petits pays, ceux qui ont le plus de difficultés, à la loi des marchés. Nous proposons - et je le ferai concrètement dans un texte que je remettrai à mes collègues européens dans quelques jours - un certain nombre de mesures...

Olivier Mazerolle : Des taxes ?

Dominique Strauss-Kahn : Non, ce n'est pas un problème de taxes : c'est un problème de règles bancaires, de règles prudentielles, d'information ; c'est aussi un problème de renforcement politique des organes internationaux, qui sont aujourd'hui seulement des organes de fonctionnaires. Bref, c'est la volonté de montrer que l'on peut gouverner le monde si on veut ; cela n'évitera jamais les problèmes, mais cela peut beaucoup les diminuer. Nous n'avons aucune raison de considérer que les marchés, par nature, de façon un peu divine presque, doivent toujours dire la vérité.

Olivier Mazerolle : Jean-Louis Debré dans Aujourd'hui-Le Parisien parle de la Mnef et dit : pourquoi M. Strauss-Kahn a-t-il touché 600 000 francs de cette mutuelle ? Est-il exact que cette mutuelle a financé son journal électoral à Sarcelles ?

Dominique Strauss-Kahn : M. Debré je l'ai connu parfois mieux inspiré que dans les polémiques de ce genre ! Oui, il est exact que j'ai été l'avocat, pendant la période de 1993 à 1997, où je n'étais pas élu et où j'ai repris mon métier d'avocat - je suis inscrit au barreau depuis 1978 - j'ai été l'avocat de la Mnef pour une opération qu'elle a conduite, et j'ai touché des honoraires correspondant à la transaction qui a eu lieu à ce moment-là avec une grande entreprise. Tout cela est absolument normal. C'est une opération qui a duré deux ans : c'est long ; 600 000 francs, il y a de la TVA là-dedans, 500 000 francs d'honoraires pour mon cabinet. Il ne faut pas confondre chiffre d'affaires et bénéfice : un cabinet d'avocats, cela a des frais, des charges, etc. Donc, la rémunération que j'ai touchée sur les deux ans est de l'ordre de 240-250 000 francs par an, ce qui est tout à fait normal pour l'opération qui a été traitée. Je suis avocat ; je fais mon travail. Quant à la deuxième question : est-ce qu'il est exact qu'une filiale de la Mnef a imprimé mon journal électoral ? C'est faux : une agence de publicité a travaillé pour moi dans le cadre des élections, comme d'ailleurs mes comptes de campagne déposés à la préfecture le retracent. Il se trouve que cette agence de publicité a aussi travaillé pour la Mnef : et alors, qu'est-ce qu’il y a de mal à cela ? Moi, je suis content du travail qu'ils ont fait pour moi ; il n'y a aucun problème et aucun amalgame à faire dans cette affaire de campagne électorale. »


Point de Presse - mardi 22 septembre 1998

M. le ministre : Bonjour, pardonnez-moi d'avoir déplacé ce point de presse à ce matin mais je pars demain avec le Premier ministre en Chine et il me paraissait délicat de ne pas faire de point de presse cette semaine. C'est une semaine très « économie planifiée » puisque je pars en Chine demain, je voyais ce matin le numéro trois de Dublin qui est en charge de l'économie et je déjeune avec le Gouverneur Liebed - ? - Cela crée une semaine un peu spécifique.

Je voudrais vous parler, évidemment, de la situation des marchés, d'un certain nombre de dossiers financiers sur lesquels il me semble qu'il faut apporter quelques précisions. Je dirai un mot de Coca et un mot du budget si vous le voulez et répondrai bien sûr aux questions que vous voudrez me poser.

Je me suis engagé à plusieurs reprises à vous tenir informés autant que nous pouvons l'être nous-mêmes, de la façon dont les choses évoluaient et dont on les voyaient. Je crois qu'il ne faut pas tricher avec les faits.

Oui, il y a des turbulences pour le moins préoccupantes sur les marchés. La croissance mondiale ne peut pas ne pas être affectée par la crise asiatique et dans une certaine mesure, si cela se poursuivait, par les perturbations induites par la crise russe. Oui, le Japon doit opérer des redressements en matière macro-économique de grande ampleur, dont force est de reconnaître que l'on attend toujours le démarrage.

Mais pour autant, je ne voudrais pas que l'on cède à des slogans quasi millénaristes sur le thème fin du vingtième siècle, fin du millénaire, on ne sait pas ce peut arriver... J'exagère, néanmoins je sens une sorte de tentation de construire autour de ce qui est une situation sérieuse, quelque chose qui prendrait un caractère ayant plus d'ampleur que la réalité constatée.

Je ne crois pas du tout que la crise russe soit annonciatrice d'une crise de l'ensemble des marchés émergents. On voit bien d'ailleurs que dans les pays dans lesquels il y a de vraies difficultés, la situation est à chaque fois très spécifique à ce pays. Ce sont des situations très différentes.

Il y a une économie qui est une économie en globalisation, il n'y a pas pour autant une crise qui, à mon avis aujourd'hui, soit une crise globale. Il y a une crise spécifique d'un certain nombre de marchés, avec des situations très différentes, dans certains pays asiatiques, en Russie, etc.

Quant aux mouvements des bourses, des marchés d'actions, honnêtement après la hausse à Paris de 30 % en 1997 et de 45 % dans les premiers mois de 1998, l’idée que cette hausse était peut-être un peu excessive était dans l'esprit de beaucoup... Même après les mouvements récents qui viennent de se produire, nous sommes encore a 11,5 de gains par rapport au début de l'année, me dit-on.

Il y a des jours particulièrement néfastes, des jours où les choses s'améliorent un peu. Il semblerait que Francfort ait ouvert en forte hausse ce matin, New York a fermé hier un peu au-dessus de zéro.

Quelle que soit l'importance de ces mouvements et les signaux qu'ils donnent, je pense qu'il ne faut pas non plus considérer la bourse pour la bourse. Il y a là un marché qui donne des indications, notamment sur les anticipations, dont il faut tenir compte ; néanmoins, l'impact direct sur les économies peut être beaucoup moins sensible que l'ampleur des chiffres le montre à différents moments.

Ce qui me paraît important dans cette affaire est de savoir comment on peut agir et notamment, je voudrais revenir 30 secondes sur la façon dont le Gouvernement français agit à trois niveaux : au niveau français, au niveau européen, et bien entendu au niveau mondial.

Au niveau français, j'entends bien le discours et les interrogations qui existent sur le taux de croissance de 2,7 % sur lequel le budget a été fondé. Je ne voudrais pas revenir une fois de plus sur les erreurs d'appréciations qui ont été celles de la place en 1998, mais elles incitent tout le monde, le Gouvernement y compris, à la prudence. Cela montre que les meilleurs experts peuvent toujours se tromper.

Nous ne nous sommes pas trompés, semble-t-il, pour 1998 ; cela ne veut pas dire que nous soyons infaillibles pour 1999. Ce n'est pas ce que je veux dire.

Que chacun reconnaisse que les prévisions de croissance sont des choses délicates. D'autant que la prévision est une chose, mais ce n'est pas uniquement un exercice de modélisation. La politique économique que l'on met en œuvre conduit évidemment à soutenir ou à ne pas soutenir et à aboutir ou ne pas aboutir à la croissance que l'on recherche.

Pour 1998, nous ferons sans doute plus que les 3 % prévus. Je reste pour le moment sur une prévision de 3,1 %. Je vous rappelle que 2,9 % étaient acquis fin juin. L'idée que l'on finisse l'année au-dessus de 3 % est donc pour le moins raisonnable.

Je voudrais revenir sur le taux de 2,7 % dont je vois qu'il est discuté. En avril dernier, lorsque l'on a établi dans cette maison les budgets économiques de printemps, notre prévision était de 2,8 %, avec un environnement international qui n'était pas particulièrement réjouissant et déjà assez gris. La révision à 2,7 % cache en fait deux mouvements : un mouvement sensible de détérioration de l'environnement international et un mouvement d'amélioration de la demande interne.

Je précise. L'environnement international dans le budget économique de printemps faisait apparaître une contribution de l'extérieur positive (+ 0,3 %), une contribution à la croissance.

Nous sommes passés, dans la prévision définitive retenue pour le budget (qui au total donne 2,7) à - 0,1. Le mouvement opéré par rapport à avril est de 0,4 %, à partir d'un environnement d'avril qui était déjà considéré comme passablement gris.

À l'inverse, nous avons réévalué dans l'autre sens notre prévision sur la consommation 1999, fixée à une croissance de 2,3 % dans le budget économique d'avril, elle a été remontée à 2,7 %.

Ces deux révisions ne sont pas indépendantes, ce sont assez largement deux faces de la même chose, mais pas totalement. Par exemple, si on prend le prix du pétrole qui est une des causes, loin d'être la seule, de la dégradation de la situation russe et donc d'une influence négative sur l'environnement extérieur ; de l'autre côté, la même crise aboutit à une fuite des capitaux, une baisse sur les marchés des taux, des taux d'intérêts orientés aujourd'hui plutôt à la baisse et donc une amélioration de la situation aussi bien pour l'investissement que pour le crédit à la consommation.

Donc, la détérioration de l'environnement international joue dans les deux sens. Elle joue directement à la baisse en termes commerciaux et a aussi parfois des effets indirects qui viennent en partie compenser. Au total, cela ne compense pas totalement puisque l'on parle justement de 2,8 à 2,7. Ces mouvements sont cependant dans les deux sens.

Je voulais que les choses soient précisées car je lisais - je ne sais plus où - que la dégradation de l'environnement international vaut plus que 0,1... Effectivement, dans notre prévision elle vaut 0,4.

Deuxième remarque sur cette prévision de croissance, on a beaucoup écrit ou commenté au cours des semaines qui viennent de s'écouler : « la prévision du FMI est une croissance mondiale à 2 % ». Il s'agit bien de la croissance mondiale et non pas de la croissance européenne et encore moins de la croissance française.

En ramenant sa prévision de croissance mondiale à 2 %, le FMI a rejoint notre propre prévision, celle qui est incluse dans les 2,7 % que j’évoquais tout à l'heure.

Le FMI prévoit pour la France (information que je vous donne mais qui n'a pas encore été rendue publique) 3,1 % en 1998 et 2,8 % en 1999. Ils sont un peu au-dessus de nous en 1999, notamment parce que - comme je vous le disais tout à l'heure - nous avons révisé notre perspective de consommation de 2,3 % à 2,7 % et le FMI donne 2,9 % pour la consommation française. En conséquence, ils arrivent à un taux de croissance un peu supérieur, 2,8 contre 2,7.

Ce n’est cependant qu'une prévision mais c'est pour vous montrer que la prévision que j'ai retenue est une prévision qui se situe à l'intérieur d'une fourchette dont la qualité de prévision vaut bien celle de ceux pensant que l'on ne fera que 2,5 (je l'ai vu traîner de-ci, delà...).

Autant que je sache d'ailleurs, les prévisions de l'OCDE et de la Communauté européenne sont, elles aussi, au-dessus des 2,7 retenus par le budget français.

Je m'arrête là sur ce sujet mais il me paraît important, du moins je souhaite que cela se passe de façon différente mais chacun écrit ce qu'il veut, de ne pas céder à une mode qui l'année dernière s'est révélée totalement fausse - cela peut inciter à un peu de réserve - consistant à dire par principe, parce que les économistes des entreprises privées et les économistes de marchés sont par nature plus précautionneux, que la prévision sur laquelle est fondée le budget est une prévision irréaliste.

Encore une fois, l'écart l'année dernière était d'au moins 0,5 : on disait 2,5 sur le marché et nous disions 3. L'écart est plus faible cette année. À mon avis, nos 2,7 sont tout à fait solides et la politique que l'on conduit nous y amènera.

Au passage, je vous livre aussi une autre information parue ce matin en communiqué : notre solde extérieur sur les 7 premiers mois est de 96 milliards en chiffres ronds, c'est-à-dire exactement le montant de l'année dernière (on disait que c'était une année record en excédent commercial). Sur les 7 premiers mois, nous avons exactement le même excédent. Cela tend à montrer que sur les 7 premiers mois de l'année, la dégradation de l'environnement extérieur ne s'est pas traduite dans les chiffres, sinon par une stabilité. On disait l'année dernière que c'était un excédent record, cela reste donc un excédent record. On verra ce qu'il en est des chiffres du commerce extérieur sur la fin de l'année. Jusqu'à fin juillet, rien ne permet de mettre en évidence une dégradation de notre excédent, ni une amélioration que l'on pourrait souhaiter d'année en année. Cependant, 1997 étant une année record, on peut toujours envisager de battre les records, néanmoins rester au même niveau, dans l'environnement que nous connaissons, est un résultat plutôt satisfaisant.

Donc du côté français, chacun doit contribuer à la croissance mondiale et la politique conduite le fait.

Côté européen, j’ai beaucoup développé, avec d'autres d'ailleurs, l'idée que l'Europe était un bouclier. On peut prendre les qualificatifs que l'on veut, il y a toute une panoplie possible d'ustensiles pour expliquer la même idée. J'ai le sentiment que plus personne n'en doute aujourd'hui, avec ce caractère d'autant plus frappant que l'Euro est un bouclier alors même qu'il n'est pas vraiment en place aujourd'hui et que tout fonctionne comme s'il était en place. On le voit sur les parités qui n'ont pas bougé, sur les taux d'intérêt qui ne connaissent pas de SPREAD entre les différents taux européens et sont même globalement à la baisse dans la situation que nous vivons.

J'ai le sentiment que l'Europe commence à jouer plus largement son rôle que dans le passé et notamment, j'ai ce sentiment au travers du communiqué du G7 publié il y a quelques jours. Cela n'a échappé à personne et a été souligné par tous les organes de presse, c'est un communiqué qui fait clairement le choix en faveur de la croissance. Il souligne qu'il y a un changement dans les risque et met bien en évidence que la problématique de la croissance est dorénavant prise en compte de façon collective par l'ensemble du G7. J'ai le sentiment que les européens ont pesé dans ce sens, ce ne sont pas les seuls, mais ils ont pesé dans ce sens.

Ce communiqué du G7 évoque la nécessité d'un système monétaire international plus légitime et plus efficace.

Je déposerai demain probablement, sur le bureau de mes partenaires en vue de l'ECOFIN de Vienne, une contribution française à la réforme ou à l'amélioration du système monétaire international et de nos institutions.

Je me suis déjà exprimé sur ce qui passe du niveau européen au niveau mondial, avec des sujets que vous connaissez, depuis le mois de février dans plusieurs séries d'articles.

Cela concerne à la fois les systèmes prudentiels, une capacité d'anticipation que les marchés n'ont pas toujours, la mise en œuvre des statuts du FMI. sur le rôle du Comité Intérimaire, la coordination entre les différentes institutions issues de Bretton Wood etc. etc.

Je constate, même si mon ego doit en souffrir, que les articles que j'avais écrits il y a six mois n'avaient pas reçu un écho enthousiaste de la part de mes partenaires. Mais voilà qui corrige la situation de mon ego : la crise semble quand même ramener la plupart des partenaires sur des positions pas éloignées de celles que la France développait il y a six mois, qu'il s'agisse des déclarations du Président Clinton, de Tony Blair... Bref, tout le monde se rend bien compte qu'en effet - après, chacun peut avoir des propositions variées - il y a des améliorations, des modifications à apporter dans un système qui ne peut rester exactement comme il est aujourd'hui.

Au passage, je note que l'économie de marché avec tous les défauts qu'elle connaît, notamment les inégalités qu'elle peut créer, est un mode de fonctionnement de l'économie qui suppose la libre circulation de l'information et des idées, donc qui est très parallèle à un système politique qui doit être un système démocratique. Ce n'est pas une grande découverte, je veux seulement le souligner à un moment où quelqu'un que je connais et que j'estime, Ibrahim Anwar, est arrêté dans son pays pour défendre des opinions qui ne sont pas celles du Docteur Mahathir et je veux devant vous lui dire ma sympathie.

Je termine sur ce point, mais peut-être trouverez-vous que c'est tirer un peu la couverture - si je ne le fais pas moi-même, je ne peux compter sur vous pour le faire à ma place -, il me semble que ce que nous vivons aujourd'hui conforte plutôt les trois choix de base de la politique économique suivie depuis 15-16 mois.

Je voudrais d'abord mettre l'accent sur la demande interne : si nous n'avions pas maintenant l'accent sur la demande interne, nous serions beaucoup plus touchés par la fluctuation de la demande mondiale que nous le sommes. Toute notre croissance 1998 et presque celle de 1999 seront tirées par la consommation à l’investissement, d'où l'importance de la poursuite du mouvement d'investissement qui a démarré (je ne dis plus comme il y a 6 mois que nous attendons la relève de la consommation par l'investissement). Il n'a que démarré. Il faut qu'il se poursuive. C'est un enjeu majeur pour les années qui viennent. Bref, ce choix de fonder la croissance sur la demande interne se trouve validé.

Deuxième choix : celui de l'euro. Le moins que l'on puisse dire c'est que les bénéfices de l'euro se font déjà sentir. On aurait préféré qu'il n'y ait pas de crise, ne pas en ressentir les bénéfices, mais de fait on constate que l'existence de l'euro pour tous les pays des 11 est évidemment extrêmement bénéfique et la comparaison est évidente quand on regarde la situation du Danemark, de la Suède etc. Aucune raison objective en termes de politique économique ou de fondamentaux économiques ne prédispose à connaître aujourd'hui des attaques ou des fluctuations. Cela s'est calmé maintenant, c'est tant mieux, mais on voit que la situation des pays euro ou non euro a été très différente.

Le troisième est un choix plus de principe, que le Premier ministre a rappelé dans l'Hebdomadaire il y a une semaine, qui est celui de réagir contre une sorte de laisser-faire mondial sur l'ensemble des marchés comme s'il fallait définitivement renoncer à ce que les pouvoirs politiques aient une part d'influence, je ne dis pas « dirigent », mais aient une part d'influence sur !a façon dont s'organise l'économie mondiale.
Cette ligne qui est la nôtre, qui est plutôt la ligne de la France depuis longtemps, quelle que soit la couleur de ses gouvernements, me semble recueillir plus d'assentiment que ce n'était le cas il n'y a pas très longtemps.

Voilà sur ce point.

Deux mots de deux dossiers financiers : notre serpent de mer habituel, le Crédit Lyonnais, et les Caisses d'Épargne.

S'agissant du Crédit Lyonnais, je ne peux pas dire que je tire un plaisir particulier à la sorte de concours Lépine qui s'est organisé dans vos différentes rubriques, pour essayer de construire un schéma à chacun à son idée, à chacun les participants à la course... une sorte de feuilleton de la rentrée. J'ai publié vendredi un communiqué pour que les choses soient aussi claires que possible.

Je vous les répète encore une fois : l'accord du 2 mai avec le commissaire Van Miert a approuvé le plan de redressement du Crédit Lyonnais et prévoit la privatisation avant fin octobre 1999. Privatisation dont le principe était acquis déjà avant. Grâce à cet accord, je crois que l'on a rompu avec les difficultés qui étaient celles de l'institution et que nous sommes sur une piste qui va nous permettre de faire sortir le Crédit Lyonnais de la situation qui était la sienne depuis des années.

Le schéma de cession auquel on s'est donc engagé relève du Gouvernement. Le Gouvernement, en tant qu'actionnaire, travaille à son rythme, sans précipitation. Plusieurs intérêts sont concilier : celui de l'État et du contribuable qui est un peu le même, celui de l'entreprise et des salariés.

Lorsque le schéma sera au point, courant octobre, il vous sera communiqué. D'ici là, tout ce qui peut être dit ou écrit n'est que spéculation qui n'engage en rien le Gouvernement. Vous êtes libre d'écrire ce que vous voulez, vous avez chacun vos sources. Mais il faut que les choses soient claires : il y a un actionnaire au Crédit Lyonnais, c'est l'État et donc le schéma de privatisation dépend de la manière dont l'État le définira en discussion avec la direction de l'entreprise etc. Mais pour le moment, rien n'est arrêté. Chacun peut, s'il le veut, spéculer, mais il faut que vous sachiez que ce ne sont que vos propres spéculations qui, au demeurant, sont parfois intéressantes, car cela peut donner des idées, mais ce n'est pas la méthode principale de détermination des choix du Gouvernement.

Caisses d'Épargne : la concertation est bien avancée. J'envisage que le texte de loi - dont vous savez qu'il comporte une partie Caisse d'Épargne et une partie sécurité des dépôts avec la constitution d’un fonds de garantie bancaire et d'assurance - soit au Conseil des ministres, a priori la première quinzaine d'octobre. J'espère que l'on pourra avoir une première lecture à l'Assemblée nationale en janvier.

Ce sont des délais assez longs mais qui tiennent au calendrier parlementaire qui, visiblement, est plein comme un œuf et dans lequel on n'arrive pas à caser les textes.

L'objectif doit être clair également. Il s'agit de permettre au réseau des Caisses d'Épargne d'exercer sa mission (financement du logement social, participation au financement de projets locaux ou de projets sociaux) en étant une partie originale qui s'intègre dans un paysage bancaire ouvert à la concurrence et devant en respecter les règles de concurrence.

Vous savez que j'avais proposé au Premier ministre, dès avant l’été et de nouveau au retour de l’été, que les fonds qui seraient récupérés des Caisses d'Épargne, puisque celles-ci n'appartiennent à personne ou plutôt à la nation... que lorsqu'on passerait à la structure de type coopérative qui est celle que le texte envisage, les fonds qui seraient récupérés par les parts de coopération, soient utilisés à un but d'intérêt national et soient parmi les premières sommes à être versées à un fonds de retraite permettant de constituer, en un certain nombre d'années, des réserves nécessaires pour notre système de retraite à échéance de 2005, 2010, à un moment où l'on sait, pour des raisons diverses, notamment démographiques, qu'il connaîtra des difficultés.

L'idée reposait sur le fait qu'il faut pouvoir alimenter ce fonds sans cotisation supplémentaire. D'autres idées ont été émises qui visaient à ce que ce fonds puisse être créé, mais alimenté par les cotisations spécifiques. M. Davane (?) avait notamment proposé un plan de ce genre sur lequel j'ai une divergence avec lui... Sur ce plan, car, depuis, lui a été confiée dans cette maison une mission sur le système monétaire international sur lequel il n'y a pas de divergence.

Par la proposition que j'ai faite, on alimenterait les fonds par des ressources exceptionnelles de type Caisses d’Épargne, de type excédents de tel régime etc. C'est cette voie de fond qui a été retenue. Je me réjouis beaucoup... Je ne vais pas parler du PLFSS puisque Martine AUBRY doit en parler aujourd'hui... Ce n'est pas, à moi d’en parler, mais je ne peux pas ne pas l'évoquer à l'occasion des Caisses d'Épargne, les sommes qui seront perçues au titre de cette affaire de distribution de parts coopératives, constitueront une des premières et peut-être même la première dotation à ce fonds de retraite qui a vocation, sinon à résoudre totalement, on ne le saura que dans une petite dizaine d'années, en tout cas à contribuer largement à la résolution d'un problème dont chacun connaît l'ampleur.

Un mot de Coca Cola pour répondre à la question que vous ne manquerez pas de poser. Pour faire le point…

En juillet, j'ai publié un article pour définir un peu les règles auxquelles j'entendais me conformer en matière de concurrence. Il s'appelait : « Gouverner la concurrence ». J'y annonçais notamment que les règles de concurrence sont un élément qui me paraît extrêmement important dans une économie de marché mais que, puisque nous avions en France un organisme administratif indépendant, je me conformerai aux règles ou aux propositions faites par le Conseil de la concurrence.

Pour ce qui est de Coca Cola, c'est ce que j'ai fait, le Conseil de la concurrence a mis en évidence des risques en matière de concurrence et donc des propositions ont été faites à Coca Cola pour trouver les solutions permettant de sortir de ces risques de la concurrence.

Un accord n'a pu être trouvé. Nous avons longuement travaillé. J'ai pensé longtemps qu'un accord pourrait être trouvé. La cession n'a donc pas été autorisée. Si demain, dans les semaines ou les mois qui viennent (comme ils veulent), Coca Cola revient avec une proposition qui satisfait à ce qu'a défini le Conseil de la concurrence, il n'y aura pas d'obstacle à ce que la transaction qu'il se propose de faire ait lieu.

J'insiste sur ce point. Ce sont des considérations liées au respect des règles de concurrence et définies par une autorité administrative indépendante qui est le Conseil de la concurrence qui sont à l'origine exclusive de la décision prise.

Je m'arrête. Maintenant, je suis à vous.


Un intervenant. - À propos du fonds de réserve, comment seront placées les sommes mises en réserve ?

M. le ministre. - Honnêtement, nous n'en sommes pas là.

Un intervenant. - Par principe, au sein du Gouvernement, certains disent qu'il est exclu que ces sommes soient placées pour partie en bourse. Quelle est votre position ?

M. le ministre. - Bourse est un terme générique. Je ne connais pas beaucoup de placements qui soient des placements liquides et qui ne soient pas des placements en Bourse. Il ne faut pas que ce soit placé en actions. Cela peut être placé en titres obligataires ou en titre d'État. Toutes les discussions n'ont pas eu lieu. On verra.
On vient de décider du principe de la création du fonds. Vous demandez des principes de gestion. On verra.

Un intervenant. - C'est un choix politique qui a son importance.

M. le ministre. - Cela doit être surtout géré - comme on le dit traditionnellement - en père de famille. L'objectif n’est pas de financer obligatoirement le développement du risque. Vous savez l'intérêt que je porte à ce que l'on trouve des capitaux pour financer les activités risquées. Ce sera un fonds qui représentera plusieurs milliards de francs, peut-être dès l'origine plusieurs dizaines de milliards. Au-delà de ce que je disais sur les Caisses d'épargne, il y a un excédent du fonds de solidarité vieillesse et qu'il faut y verser. Pour la gestion, on verra.
C'est un enjeu national, on l'a suffisamment dit. Beaucoup l'ont dit sans apporter de solutions ; certains ont apporté des solutions avant nous. En tout cas c'est un problème national, macro-économique, majeur et il doit donc être géré en tenant compte de cela. Il faut y associer les parlementaires, les partenaires sociaux. C'est un enjeu de très grande importance. Il est plus que temps de commencer à lui apporter des solutions financières. On démarre. On verra la suite plus tard.

Un intervenant. - Et les recettes, vous allez les mettre aussi dans ce fonds ?

M. le ministre. - Non, ce n'est pas décidé. A priori, les recettes de privatisation vont dans un compte d'affectation spécial qui, lui-même, sert à recapitaliser les entreprises publiques. L'équilibre du CAS - ? - a été fixé à 17 milliards pour 1999, dans le budget pour 1999, avec les recettes et les dépenses. Si les recettes sont affectées au CAS, elles ne peuvent pas être en même temps affectées à autre chose, pour 1999 en tout cas. Pour l'an 2000 ou 2001, il n'y a pas de règle. Il est concevable que ce soit le cas. En 1999, les recettes prévues d'ouverture du capital ou de privatisation iront au CAS.
Je vous rappelle, qu'il n'y ait pas de confusion, que le CAS a 17 milliards ne comprend pas l'opération Crédit Lyonnais puisqu'il a été convenu que les recettes de cession du Crédit Lyonnais serviraient directement a désendetter le PFR. Cela ne passe pas par le CAS mais cela pourrait. On pourrait mettre en recettes et en emploi du CAS, le Crédit Lyonnais d'un côté et le désendettement du PFR de l'autre. Mais cela ne rentre pas dans ce compte.
Je ne voudrais pas vous en dire trop car c'est à Martine AUBRY d'en parler. De toute façon, il n'y a pas encore beaucoup à en dire aujourd'hui si ce n'est que c'est un fonds qui connaîtra des milliards dès l'entrée de jeu, qui arrivera à plusieurs dizaines de milliards au moment où il deviendra utile, c'est-à-dire selon la situation démographique, tout cela peut varier mais entre 2005 et 2010. Toutes les autres règles de fonctionnement seront réglées avec ma collègue ministre de l'Emploi et de la Solidarité et le Premier ministre et cette maison. Pour le moment, il n'y a pas de décision ferme qui ait été prise. Ce n'est pas la peine d'élaborer là-dessus maintenant.

Un intervenant. - Vous indiquez qu'il faudrait essayer de passer la bosse des retraites sans hausse de cotisations. Combien faudrait-il dans ce fonds, d'après vous, pour passer les années au moins de démarrage.

M. le ministre. - C'est un calcul qui n'est pas possible. Dans tout équilibre de système de retraite par répartition, il y a deux variables : une variable est la démographie que l'on connaît grosso modo et une variable économique qui change tout (variable économique au sens taux de croissance, emploi, etc.).
Il faut que vous ayez à l'esprit (c'est un sujet que j'ai étudié dans mon jeune temps) que dans les années 50, l’équilibre démographique du système de retraite est catastrophique. Mais la croissance économique est à ce point bonne qu'il n'y a pas de problème. La croissance économique peut tout à fait sur compenser des difficultés démographiques. Nous savons que nous avons des difficultés démographiques à la période 2005-2010 ; selon la situation économique, cela peut se retrouver, plus ou moins grave.
On ne peut donc pas répondre à votre question. Il faut faire des hypothèses sur la croissance économique d'ici à 2005, entre 2005 et 2010. C'est le genre d'hypothèses auxquelles je ne me risquerai pas. Déjà, on me critique sur les hypothèses de croissance 1999 !

Un intervenant. - L'équilibre de la Sécurité sociale est-il plus facile à faire sur l'assurance maladie que sur l'assurance retraite ?

M. le ministre. - Rien n'est facile en matière équilibre. Mais ce n'est pas de même nature. Les problèmes d'assurance maladie sont des problèmes plus volatiles. La retraite est plus facile à prévoir dans une certaine mesure parce que l'élément démographique ne fait pas tout mais une partie et on le connaît relativement bien. Les difficultés du système de retraite sont plus faciles à anticiper, pas totalement pour la raison que je viens de dire à M. MABILLE, que les difficultés du système maladie qui, d’une année sur l'autre, pour des raisons diverses, peuvent connaître des fluctuations qui sont moins ancrées dans des tendances de long terme. Les deux sont difficiles.

Un intervenant. - Ce fonds est-il une petite ou une grosse partie de la solution du problème ?

M. le ministre. - C'est une bonne partie. Cela dit, il y a un carambolage de dates dans cette affaire.
Une mission a été confiée au commissariat du plan sous l'égide de Jean-Michel CHARPIN qui doit rendre son rapport à la fin de l'année. Le PLFSS vient avant. On n'allait pas attendre le rapport CHARPIN et organiser les choses dans le PLFSS de l'année suivante. Cela aurait été idiot. D'un autre côté, il y a aussi carambolage dans l'autre sens à annoncer des choses dans le PLFSS qui vient alors que le rapport vient à la fin de l'année.
Le cadrage d'ensemble du problème retraite doit attendre le rapport de la fin de l'année.

Un intervenant. - L'une des critiques habituelles de cette solution qui a été évoquée souvent dans le passé est l'idée que, souvent, lorsqu'un fonds existe, la tentation est forte pour le ministre des Finances d'y repuiser s'il y a une année de difficulté budgétaire. Imaginez-vous des garanties particulières ? Ce qui débouche sur la question comment ce fonds sera-t-il géré, par qui ?

M. le ministre. - Vous vous trompez de ministre des Finances !
C'est peut-être vrai dans les cas où ce n'est pas le ministre des Finances qui a proposé ce fonds. Le fonds en question doit être totalement isolé et n'avoir pour seul objet qu'un problème de retraite lorsqu'il se posera. Il est hors de question qu'il soit utilisé à autre chose.
Je vous propose d'arrêter sur le PLFSS sinon je vais manquer à mon rôle.

Un intervenant. - Quelle est la réflexion sur le fonds de pension ?

M. le ministre. - Le fonds de pension, avec le Crédit Lyonnais, est l'autre serpent de mer. Nous en parlons à chaque fois et, à chaque fois, je vous dis la même chose.
Je considère qu'il y a un problème, je vous l'ai dit cent fois, de préparation individuelle de la retraite, des compléments de retraite que les gens font par épargne. Il n'y a pas, aujourd'hui en France, de support adapté. Il faut en faire un. On peut appeler cela fonds de pension ou comme l'on veut. Cela n'a rien à voir avec la version de la loi Thomas. On va changer cela.
Mais, on a déjà tellement de mal à faire rentrer, dans le calendrier parlementaire, qu'il est indispensable d'y faire rentrer que ce problème de révision, d'abrogation et de changement de la loi Thomas passe son temps à être porté.
Voyez ce que je vous disais sur les Caisses d'épargne. Le projet de loi est prêt. Il doit passer en Conseil des ministres d'ici à 15 jours ou 3 semaines et on va devoir attendre 3 mois - je ne sais pas encore absolument sûr « du coup » - pour passer au Parlement en première lecture. Ensuite, il faudra aller au Sénat et revenir en deuxième lecture à l'Assemblée.
Il y a donc un vrai problème d'embouteillage et le problème du fonds de pension, je ne le remets pas aux calendes grecques mais l'idée que nous avons besoin d'un support d'épargne pour des comportements d'épargne individuel visant à compléter la retraite par répartition demeure puisque le fonds dont on vient de parler, sur lequel je m'arrête maintenant, est un fonds qui vise à garantir l'équilibre du système de répartition. Les choses ne sont pas distinctes, elles n'ont pas rien à voir mais ce n'est pas le même sujet.

Un intervenant. - La totalité des sommes qui seront dégagées grâce aux Caisses d'épargne, sera-t-elle affectée à ce fonds ?

M. le ministre. - Je n'y arriverai pas ! C'est ma proposition, je n'en sais rien.

Un intervenant. - Y a-t-il débat là-dessus ? D'autres affectations sont-elles possibles ?

M. le ministre. - Il y a toujours beaucoup d'affectations d'intérêt général. Ma proposition est celle-là mais ce n'est pas encore tranché.

Une intervenante. - Pour changer de sujet...

M. le ministre. - Merci !

Une intervenante. - Sur le plan international, êtes-vous favorable comme Tony BLAIR à un rapprochement entre la Banque mondiale et le FMI ? Vous parliez de meilleure coopération. Cela doit-il aller pour vous jusqu'à une sorte de fusion de certaines activités ?

M. le ministre. - Vous avez en partie donné la réponse dans la deuxième partie de votre question. Cela dépend ce que l’on appelle rapprochement.
S'il s'agit de dire qu'il faut que le FMI et la Banque mondiale travaillent plus ensemble, la réponse est oui. Aujourd'hui, on voit bien qu’il y a un certain nombre de tiraillements, de mauvais fonctionnements institutionnels qui font que ce n'est pas toujours le cas. S'il s'agit de dire qu'il faut fusionner les activités du FMI et de la Banque mondiale, je demande à voir de plus près. Il y a beaucoup de convergences entre les propositions françaises et celles de Tony BLAIR. J'attends de voir, sur ce point précis, ce qu’il veut dire exactement et quel est le projet concret.
Il n'y a pas de problème idéologique. Il faut voir ce que cela veut dire. Il peut y avoir du sens à vouloir aller au-delà d'un rapprochement et d'une collaboration plus étroite des institutions mais il faut voir concrètement ce que cela veut dire.
La principale différence entre ce qui vient d'être annoncé par Tony BLAIR et l'initiative française, est une question de méthode. Nous tenons à ce que nos réflexions soient européennes et d'abord soumises au Conseil de l'Euro. C'est la raison pour laquelle le texte préparé sera envoyé aujourd'hui ou demain et sera sur la table du Conseil de l'Euro qui se tiendra vendredi soir et samedi matin.

Une intervenante. - Y a-t-il beaucoup de différences avec les réflexions que vous aviez menées il y a 6 mois ou enfoncez-vous le clou ?

M. le ministre. - Notre inventivité au cours des six derniers mois n'a pas été formidable ! Il y a des différences, des adaptations. Cela reprend, restructure et rajoute quelque chose. Je ne veux pas minorer ces petites choses moi-même mais cela rajoute un certain nombre d'éléments.

Une intervenante. - Comme quoi, par exemple ?

M. le ministre. - Comme je viens de vous dire que la méthode choisie est différente de celle de nos amis britanniques, et consiste à passer d'abord par nos collègues européens…

Une intervenante. - Primeur en est donc donnée clairement à nos partenaires européens.

M. le ministre. - Cela vous paraît-il scandaleux ?

Une intervenante. - Au contraire, si c'est respecté.

M. le Ministre. - Pour être exact dans la diffusion, au Président de la République d'abord, à nos partenaires européens ensuite.
Je ne doute que vous arriverez à vous le procurer. Ce serait un vrai miracle. Je constate qu'il ne se réalise jamais que les documents ne fuient pas mais a priori jusqu'à Vienne.

Un intervenant. - En dehors des discussions sur le système international et les institutions multilatérales, qu'attendez-vous de ce Conseil de l'Euro qui se passe en pleine élection allemande.

M. le ministre. - Le problème est que j'en attends pas mal. En effet, la conjoncture électorale allemande fait cela ne tombe pas très bien. Je ne suis pas sûr que l'on n'aurait pas dû - mais il ne sert à rien de le dire maintenant - le placer différemment.
Il y a plusieurs sujets importants mais un est majeur. Le début de réflexion -peut être l'aboutissement de la réflexion, je n’en sais rien - sur la représentation extérieure de la zone euro. C'est pour moi le sujet central. La France a demandé qu'il soit mis à l'ordre du jour. J'ai fait des propositions à mes partenaires, notamment à M. EDLINGUER - ? - qui préside le Conseil. J'en ai parlé à M. VISERE - ? -, mon collègue belge qui déjeunait ici. Le problème n'est pas simple et personne n'a de solution magique.
En revanche, la question est simple. Si l'euro veut avoir un rôle international à jouer et il le veut, et puis même, de toute façon, en dehors de cette ambition de jouer un rôle particulier, il faut une représentation externe. L’idée spontanée est de dire qu'il y a un Président du Conseil de l'Euro qui fait la représentation extérieure. La réalité est un peu différente puisque la présidence est tournante et qu'elle échoit la plupart du temps à des pays dont le rôle monétaire extérieur est modeste et qu'eux-mêmes ne revendiquent pas de pouvoir le faire, même si ensuite nous aurons en commun la même monnaie.
En clair, les 3 pays du G7 au sein de la zone euro et les 4 le jour où le Royaume-Uni nous aura rejoints, ont quand même une expérience, une pratique, un poids. Il faut trouver une modalité qui permette, lorsque la présidence du Conseil de l'Euro n'est pas assumée par l’un de ces pays, d'avoir une sorte de collaboration selon des modalités variées avec la présidence du Conseil.
Tout le monde y est allé de sa petite idée. On verra ce qui est le plus pratique. Il faut résoudre ce problème. Je tiens beaucoup à ce que cette expression externe de la zone euro soit discutée à 11, concertée mais ensuite exprimée par un porte-parole, tournant lui-même - il  n'est pas définitif - qui doit venir probablement de l’un des pays avant le plus de pratique dans cette matière.
Le problème se pose aussi d'ailleurs pour le G7. Au G7, cela va être la dernière fois où formellement l'Euro ne sera pas en place. À partir de janvier, l'Euro sera en place. Nous aurons 3 ministres des finances : Italien, Allemand, Français, qui représenteront la même monnaie. A tout le moins faut-il qu'ils disent la même chose. La façon dont va se faire la concertation pour représenter, au sein du G7, la zone euro doit être inventée en marchant.
On aurait préféré l'inventer dans une période de calme. On a à l’inventer dans une période qui n'est pas calme mais cela ne change rien, le problème reste important. On en discutera. On va en discuter, pour la raison que je viens de dire, dans un contexte qui est la discussion d'ensemble sur le système monétaire international et sur les propositions que les uns ou les autres ont à faire. Peut-être aboutira-t-on - je n'en suis pas sûr car il faudra un temps de travail derrière - à un document collectif sur des propositions d’évolution du système monétaire international. Il n'est pas à l'ordre du jour d'aboutir à un document mais on verra bien comment les choses se passent.
Le troisième sujet est l'agenda 2000. C'est un sujet extrêmement sérieux pour les années qui viennent. Je suis d'ailleurs pour ma part inquiet de voir que ce sujet n'avance pas beaucoup. On rejoint le point que vous évoquiez. Il concerne non pas seulement mais largement les Allemands. Évidemment, tant qu’il n'y a pas de gouvernement, celui-ci ou un autre mais nouvellement installé, en Allemagne, il est difficile de reprendre ce débat. Pourtant, on ne peut pas attendre pour en débattre. Il y a un sujet en soi difficile que, de plus, la conjoncture politique allemande rend plus difficile encore.
Il y a aussi le thème de la directive MONTY - ? - sur l'épargne. La France soutient activement MONTY sur ce point, l'harmonisation fiscale en général et sa directive en particulier. Il faut que là aussi les choses qui avancent, mais lentement de mon point de vue, puissent avancer davantage.
Cela fait un joli « paqueté pour ce Conseil de l'Euro dans une circonstance particulière. M. VEIGEL - ? - aura, vendredi et samedi, à l'esprit des choses différentes que simplement le fait de s'occuper de l'harmonisation fiscale. Je ne sais où en sont les pronostics en matière électorale mais c'est relativement serré. Tout cela va permettre une discussion mais ce n'est pas un cadre parfait pour la prise de décision à cause de cette situation particulière.

Un intervenant. - Si un problème pour la croissance européenne se posait en début d'année prochaine, par exemple au moment de la naissance de l'Euro, estimez-vous que le Conseil de l'Euro est d'ores et déjà apte à gérer collectivement la conjoncture, à gérer une relation avec la Banque centrale européenne ?

M. le ministre. - La réponse est obligatoirement oui. Je ne sais pas comment vous répondre.
On invente non seulement une institution nouvelle mais nouvelle pour nous et nouvelle en soi. Il n'y a pas d'exemple par le passé de mise en place d'un système de ce genre. Toutes les interrogations comme la vôtre sont donc valides. La réponse évidemment est positive.
On fera en sorte d'y arriver. Il n'y a pas de précédent, il est donc très difficile de renvoyer au passé pour dire : voyez combien c'est difficile ou impossible, comment cela s'est fait.
Je n'ai pas d'inquiétude a priori, compte tenu surtout de la conscience très forte que je ressens de la part de mes collègues, de leur rôle, de notre rôle dans cette affaire et de l'importance de ce rôle. Mais, c'est vrai quand je dis des collègues, ce sont les collègues ministres des Finances et des gouvernements de Banques centrales. Chacun a bien pris conscience du rôle important et réciproque que nous jouons tous dans la mise en place de l'Euro.

Un intervenant. - Quel jugement portez-vous sur ce qui s'est passé en bourse à propos d'ALCATEL, qui ne semble pas seulement être lié à ALCATEL mais à une attitude un peu particulière des fonds de pension américains qui ont l'air de se retirer de façon brutale. On ne l'avait jamais expérimenté et c'était un danger dont vous aviez d'ailleurs déjà parlé

M. le ministre. - Je suis surpris de l'ampleur du mouvement. Je ne veux pas entrer dans les commentaires sur le fait de savoir si les déclarations qui ont été faites étaient opportunes ou non. Je trouve que ce mouvement est de grande importance. Je n'ai pas de jugement à porter sur les faits eux-mêmes, la politique que mène l'entreprise etc. Je trouve le mouvement très important.
Les autorités de bourse se sont saisies du dossier pour voir si devant une situation d'une telle masse, il y avait des choses à contrôler ou pas. On va donc attendre qu'elles émettent leur opinion.
Pour revenir à votre question plus de principe, quel est le danger d'un marché ? Le danger d'un marché, ce sont les effets asymétriques, c'est-à-dire le fait qu'une information, une déclaration, peut entraîner chez un très grand nombre de porteurs un mouvement dans un sens qui, par lui-même, amplifie l'importance du mouvement à la hausse comme à la baisse d'ailleurs.
À la hausse, il y a parfois des exemples, rappelez-vous des REP (valeur pétrolière en France) et à la baisse, on en connaît plein. Ce problème est inhérent au marché. La théorie explique qu'il est en partie compensé par le fait qu'il y a aussi asymétrie dans l'information et que par conséquent - tout le monde, contrairement à ce que voudrait la théorie, n'a pas exactement la même information - des choses se compensent.
Le problème avec des investisseurs aussi massifs que les fonds de pension, c'est que ce correctif disparaît. Là, nous avons des intervenants uniques sur le marché. Ils prennent une décision dans un sens ou un autre, mais ils sont uniques et jouent sur des masses considérables.
Quand ils jouent à la stabilité, cela a un effet de renforcement multiplicateur de stabilité sur les marchés ;  lorsqu'ils décident (fondé ou pas, je ne veux pas rentrer dans les détails) de se retirer, évidemment cela a des effets très massifs.
La seule conclusion que l'on puisse en tirer, c'est qu'il faut pouvoir disposer dans chaque espace national, ou parlant de l'Europe dans son ensemble ; d'investisseurs de même taille pouvant répondre à des objectifs qui ne sont pas rigoureusement les mêmes.

Un intervenant. - Il semble que la situation en France et en Europe est suffisamment adaptée à cette relocalisation de l'épargne en actions et du capital des entreprises en Europe ?

M. le ministre. - Cela prend beaucoup de temps. J'ai le sentiment que le développement du marché
« actions » se fait fortement. On rejoint le problème que M. Mauduit évoquait tout à l'heure, sur l'existence ou pas d'outils de placement investis à long terme. Je ne parle pas de fonds de placement au sens que ce terme précis veut signifier dans la littérature anglo-saxonne, mais de gestion d'épargne long terme destinée à la retraite qui est la masse qui sert de marge de manœuvre à des fonds de pension américains. Quelles que soient les modalités que l'on peut vouloir mettre en œuvre en France, il y a là un effet stabilisant.
Par définition, tout flux d'épargne à long terme est stabilisant sur les cours instantanés de la bourse. Mais on voit bien aujourd'hui que ce n'est pas sans danger quand une économie - je ne parle pas particulièrement de la France, c'est vrai de beaucoup d'autres - à 30-35 %, 40 %, que sais-je, de sa capitalisation boursière détenue par des fonds de pension d'autres pays qui ont des objectifs propres, légitimes, mais pas obligatoirement les mêmes que ceux du pays.

Un intervenant. - À propos de la Bourse, certains analystes et stratégistes émettent la possibilité d'un scénario qui qualifie, peut-être avec excès, de catastrophe ce qui serait une baisse conjuguée à la fois des taux d'intérêts et des actions. Ils estiment que cette option qui n'était pas très crédible il y a quelques mois, le devient de plus en plus, quel est votre sentiment ?

M. le ministre. - Je ne crois pas. Je ne peux pas vous faire beaucoup de commentaires. C'est une option qui me paraît peu crédible.

Un intervenant. - En quoi les objectifs des investisseurs américains sont-ils différents des investisseurs européens, selon vous ?

M. le ministre. - Parce qu'un investisseur dans un pays peut avoir une vision du développement économique de ce pays, de son avenir à long terme qui n'est pas obligatoirement la même qu'un investisseur situé à dix mille kilomètres de là. Ses objectifs de long terme structurel sont plus importants.
Par exemple, lorsque vous avez une large part de votre capital investi à la Bourse de Paris, vous êtes plus attentif à la stabilité de cette bourse que si cela ne représente que 5 % de votre capital total. Donc, les intérêts systémiques ne sont pas obligatoirement les mêmes. Je ne vais pas entrer dans la théorie du portefeuille.

Un intervenant. - Qu'en est-il de la réforme des cotisations patronales ?

M. le ministre. - Il y a un point de presse de Martine Aubry à 14 heures, elle fera le point. On a trop longuement parlé des retraites, il y avait en effet un lien direct avec les Caisses d'Épargne, mais sur le reste du PLFSS ce n'est pas à moi d'en débattre.

Un intervenant. - Question inaudible.

M. le ministre. - Je ne suis pas sûr que je puisse rentrer dans le détail, je n'en sais trop rien, je me tourne vers mon cabinet...
Les points que le Conseil de la concurrence met en évidence sont les risques de situation monopolistique sur des segments de marché notamment sur le marché que l'on appelle « hors domicile ». Tout cela était écrit dans la presse.
Le problème était de savoir comment faire pour que Coca Cola ne soit pas en situation monopolistique et pour quelle durée. La définition exacte du champ et la durée pendant laquelle on a posé des contraintes, sont les éléments du débat.

Un intervenant. - Où en est la deuxième phase de mise sur le marché du capital de France Télécom ?

M. le ministre. - On a annoncé l’année dernière qu'au bout du processus, l'État resterait à 62-63 %. On n'y est pas encore. Il y a une phase qui va conduire l'État à être à 62-63 %. Cela doit se dérouler dans les semaines qui viennent, avant Noël. Simplement, personne n'est trop capable aujourd'hui de savoir, compte tenu de l’état des marchés, quel sera le moment optimal pour faire les opérations.

Un intervenant. - Pouvez-vous dire un petit mot sur l’évolution du dossier EUROPA-VIE ?

M. le ministre. - Nous sommes en discussion avec la Fédération des sociétés d'assurance. Je pense que l'on devrait aboutir assez rapidement à un accord. On peut regretter que cet accord n'ait pas eu lieu au début de l'opération. Je n'ai pas d'éléments nouveaux à vous signaler maintenant, mais j'ai bon espoir que l'on y arrive

Un intervenant. - Compte tenu de l’évolution des marchés, la privatisation partielle de la CNP est-elle maintenue pour cette semaine ?

M. le ministre. - L'opération CNP a plusieurs phases. Nous sommes dans le déroulement de la phase de réservation. Normalement, sauf évènement majeur, l'opération doit se poursuivre jusqu'à son terme. Il est vrai que les marchés sont troublés.
Je vais vous laisser dans trois minutes mais je voudrais vous dire trois mots d'un autre sujet.

J'avais attendu qu'il y ait éventuellement une question là-dessus, il n'y en n'a pas ; c'est un sujet qui ne vous intéresse pas et qui n'intéresse pas d'ailleurs le ministère des finances…

J'ai vu mon nom apparaître dans la presse depuis plusieurs semaines à propos du dossier de la MNEF. À la fois je trouve que cela me lasse un peu, à la fois je veux être totalement transparent sur cette histoire, et donc j'ai pensé que puisque vous étiez 20 ou 25 journalistes réunis là, c'était l'occasion de faire un point. Ensuite, quand j'aurais tout dit là-dessus, l'affaire sera pour moi close et je n'y reviendrai plus.

Le point est le suivant, après avoir été battu aux élections législatives de 1993, j'ai repris ma robe au Barreau de Paris jusqu'en 1997. Je suis avocat au Barreau de Paris depuis 1978, cela fait donc 20 ans, avec des périodes d'interruption quand j’étais au Gouvernement. Pendant cette période, j'ai exercé mes activités d'avocat en ayant d'assez nombreux clients allant d'entreprises aux organismes internationaux, et tous mes revenus de la période sont issus de cette activité d'avocat.

Ma seule relation avec la MNEF est la suivante. Fin 1994, à la demande des dirigeants de la MNEF, je suis intervenu pour assister cette mutuelle dans une négociation qu'elle voulait conduire avec la Compagnie générale des eaux. En février 1997, après deux ans de négociations, le but a été atteint et un accord a été signé Les honoraires de mon cabinet se sont élevés à 500 000 francs, plus 100 000 francs de TVA, soit 600 000 francs. Après imputation des charges, des frais généraux, etc., ceci correspond à des revenus de l'ordre de 270 000 francs pour les deux années, c'est-à-dire 135 000 francs par an.

Ceci constitue ma seule relation avec la MNEF. Tout ce que je peux en dire est sur la table, maintenant je ne souhaite pas avoir à y revenir 25 fois.

Par ailleurs, mon nom a été cité parmi la liste des clients d'une entreprise de communication qui s'appelle Polycité - ? -. En effet, j'ai utilisé les services de cette entreprise pour la campagne municipale de Sarcelle de 1995, comme l'indique mes comptes de campagne visés par la Préfecture et parfaitement connus. L'entreprise Polycité qui a été utilisée pour préparer et maquetter le journal de campagne a été payée 23 720 francs alors même que mes dépenses totales de campagne étaient inférieures à la moitié du plafond autorisé, donc très en-dessous de ce plafond.

Dernier élément, content du travail qu'avait fait Polycité, celle-ci a continué a être utilisée par la ville de Sarcelle avec d'ailleurs plusieurs autres agences. La rénovation et la refonte du magazine de la ville, « Sarcelle Magazine », ont été confiées à Polycité. D'autres agences se sont occupées du magazine des sports, d'une campagne de rencontre dans les quartiers. Quatre ou cinq agences travaillent pour la ville.
Au titre de « Sarcelle Magazine », les honoraires de Polycité ont été de    220 770 francs en 1996, sur un budget de communication de la ville de 1,5 million de francs et de 94 550 francs en 1997 sur un budget de 1,8 million de francs.

Tout ceci est parfaitement normal. Le reste ne me concerne en rien. Je suis bien clair là-dessus, je n'ai pas de rapport avec quoi que ce soit d’autre qui concerne la MNEF, quoi que ce soit que par ailleurs des rapports administratifs ou la justice soit amenée à mettre jour.

Je tenais à faire cette mise au point un peu générale. Je veux être  transparent et que les choses soient claires je l'ai toujours été mais je ne veux pas non plus être amené à corriger par petits bouts tel ou tel point ou à révéler tel ou tel point.

Si vous le voulez bien, je m'arrête là. Tous nos propos ici sont pris en sténotypie. On peut peut-être avoir un compte rendu de ce point et du reste également si cela vous intéresse. Vous pouvez l'attendre, sinon on l'enverra dans vos rédactions.

Je considère que cette question est terminée. Vous êtes gentils d'avoir accepté de perdre cinq minutes pour m'écouter.