Eléments de discours de M. Michel Barnier, ministre de l'environnement, sur les projets de loi ratifiant la convention sur la diversité biologique et les amendements de 1987 à la convention de Ramsar (zones humides d'importance internationale), à l'Assemblée nationale le 9 mai 1994.

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Texte intégral

Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations Unies sur la diversité biologique

Mesdames et Messieurs,

Je vous ai présenté le 25 janvier dernier le projet de loi autorisant la ratification de la convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, texte que vous avez adopté à l'unanimité.

J'ai l'honneur de présenter aujourd'hui devant vous le projet de loi autorisant la ratification de la 2ème convention signée à l'issue de la conférence de Rio : la convention sur la diversité biologique qui a recueilli 167 signatures dont celle du Président de la République qui s'était rendu personnellement à Rio.

L'idée de cette convention a été lancée par l'UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) et les milieux scientifiques des pays du Nord, préoccupés par le rythme accéléré d'érosion de la diversité biologique, notamment dans les régions tropicales.

Au fil des négociations, qui se sont déroulées de 1987 à 1992, et du poids croissant des enjeux économiques dans le débat, son contenu s'est progressivement élargi, dans la perspective « environnement-développement » suscitée par le processus de Rio : de la conservation des espèces et des écosystèmes à l'accès aux ressources génétiques et aux transferts de technologies.

Les pays en développement ont soulevé la question des avantages que tiraient les pays développés du patrimoine vivant à travers la sélection d'espèces cultivées ou domestiques, le développement des biotechnologies et notamment le génie génétique tandis que les contraintes de conservation pèseraient sur les pays pauvres.

Les pays développés ont accepté cette approche : les efforts de conservation devraient donner lieu à une aide financière pour en partager les coûts, et les avantages tirés de l'exploitation du patrimoine vivant devraient également être partagés par transfert d'informations et de technologies.

On a pu regretter que la convention n'aille pas plus loin dans la voie de la conservation, par l'instauration notamment de listes mondiales, tel qu'il en existe dans les programmes du patrimoine mondial de l'UNESCO, la convention de Washington ou la convention Ramsar. Mais le texte donne une large place aux stratégies nationales, en ce qui concerne l'identification et la veille scientifique, les mesures et programmes de protection, ainsi que l'établissement de zones protégées. La prise en compte du concept d'utilisation durable est recommandée ; la recherche, la formation ainsi que l'éducation du public sont encouragées. Autant de progrès dans la prise de conscience de la nécessité de faire plus et mieux pour la conservation de cette immense richesse du patrimoine biologique qui risque de s'éroder irrémédiablement.

Dans le domaine de la conservation de la diversité biologique, cette convention ne crée pas pour la France de dispositions juridiquement contraignantes nouvelles par rapport à sa politique nationale de protection de la nature et notamment au titre de la loi du 10 juillet 1976, et à ses engagements internationaux résultant de conventions plus précises (CITES, convention de Bern, de Bonn…) ou du droit communautaire (directive oiseaux et directive habitats, faune, flore). Si elle ne crée pas de contraintes plus fortes, elle permettra en revanche de promouvoir notre expérience et nos conceptions au sein des organes scientifiques et techniques de la convention.

Le gouvernement poursuivra bien évidemment son action dans ce domaine en visant à approfondir et actualiser les connaissances sur le patrimoine naturel français (espèces et milieux) et, au-delà des mesures réglementaires, à définir des instruments économiques efficaces.

Ainsi, la France s'attache aujourd'hui à renforcer dans le cadre de la directive communautaire de 1992 sur la protection des habitats, dont nous avons soutenu le projet dès l'origine, et sur la base de l'inventaire des zones naturelles d'intérêt écologiques (les ZNIEFF), les travaux et études scientifiques afin de désigner les sites qui feront partie du réseau écologique européen de zones spéciales de conservation, dénommé natura 2000.

En effet, sur les 205 types d'habitats naturels à protéger qui ont été recensés, 140 sont représentés en France métropolitaine. Avec ses départements et territoires d'Outre-Mer, ses terres australes, la France dispose pratiquement d'un échantillonnage complet de la diversité des écosystèmes de la planète.

Au-delà, cette convention témoigne d'un nouveau partenariat international, puisque les parties qui sont des pays développés s'engagent à fournir des ressources financières nouvelles et additionnelles pour permettre aux parties qui sont des pays en développement de faire face aux surcoûts que leur imposent leurs obligations.

Le Fonds pour l'Environnement Mondial, qui résulte d'une initiative franco-allemande, doit répondre à cet objectif. Dans sa 1ère phase, 43 % de son montant total ont été consacrés à des projets de biodiversité. Les négociations sur la reconstitution de ses ressources se sont conclues à Genève en mars dernier et portent sur 2 milliards de dollars sur 4 ans. La contribution française au fonds multilatéral s'élève à 807 millions de francs et représente 7,3 % du total. Elle se double d'une contribution bilatérale parallèle de 440 MF, le Fonds français pour l'Environnement Mondial.

Le gouvernement se propose d'accompagner la ratification de cette convention par une déclaration interprétative ; le texte de cette déclaration a été transmis au Parlement pour l'informer, lui permettre d'apprécier la teneur et la portée exactes de l'engagement de la France. Il ne s'agit donc pas de limiter la portée de l'engagement (ce qui serait d'ailleurs contraire à l'article 37 de la convention qui interdit de faire des réserves) mais de préciser le sens de certaines dispositions pour informer notamment les autres États de la façon dont nous entendons mettre en œuvre cet engagement.

La déclaration porte sur trois points :

Deux de ces points reprennent mot pour mot la déclaration faite à Rio au moment de la signature de la convention.

Il s'agit d'une part de souligner le caractère de principe directeur de l'article 3 de la convention sans lui reconnaître la valeur juridiquement contraignante susceptible d'étendre le champ de la responsabilité internationale des États.

Il s'agit, d'autre part, de rappeler qu'aucune disposition de la convention n'autorise la conférence des parties à prendre des décisions relatives au montant, à la nature ou à la fréquence des contributions des parties à la convention. Ceci était nécessaire car les dépenses destinées à être financées au titre de la convention sont moins bien définies que dans la convention climat. Elles sont dispersées au fil des articles avec des rédactions confuses.

Le 3ème point de la déclaration reprend le texte de la déclaration interprétative que la Communauté européenne a jugé utile de faire sur le droit de propriété intellectuelle. Il rappelle que si la France est favorable au transfert de technologie, celui-ci doit s'effectuer dans le respect des règles de protection de la propriété intellectuelle, conformément aux accords internationaux en vigueur.

Mesdames et messieurs, la déclaration interprétative est donc à la fois conforme aux positions prises par la France au niveau communautaire et cohérente avec les engagements pris par le Président de la République à Rio.

Je vous propose donc d'adopter ce projet de loi de ratification. La 1ère conférence des parties se tiendra fin novembre/début décembre de cette année. Il convient que la France y participe à part entière et ne se contente pas d'un statut d'observateur pour avoir une influence réelle sur la mise en œuvre de la convention au regard du dispositif financier, du respect des droits de la propriété intellectuelle, et pour continuer notre action si nous voulons aboutir à l'établissement d'un protocole sur des listes mondiales des espèces et des zones à protéger.


Ratification des amendements de 1987 à la convention de Ramsar relative aux zones humides d'importance internationale

Mesdames, Messieurs,

La convention relative aux zones humides d'importance internationale a été adoptée à Ramsar (Iran) le 2 février 1971. Elle constitue le cadre de la coopération internationale en matière de conservation des biotopes des zones humides.

Elle est entrée en vigueur le 21 décembre 1975.

Les présents amendements, adoptés lors de la conférence extraordinaire de Regina (Canada) le 28 mai 1987, clarifient l'organisation de la conférence des Parties, désormais expressément mentionnée comme entité, et fixent une périodicité de principe de trois ans pour ses sessions. Ils prévoient, en outre, le règlement intérieur ainsi que le règlement financier.

Désormais la conférence adopte le budget à la majorité de deux tiers et fixe des contributions dont le barème est adopté à l'unanimité. Enfin le quorum d'une moitié des Parties pour le vote des recommandations est supprimé.

Ces amendements ont donc pour effet de renforcer la structure institutionnelle et de garantir la régularité de ses ressources financières.

La France verse depuis plusieurs années déjà une contribution sur une base volontaire, et participe activement à la coopération des Parties.

Il est temps que sans plus de retard, la France ratifie ces amendements de 1987 pour consolider les institutions de cette convention.

Lors de l'examen du présent projet de loi par votre commission des affaires étrangères, vous avez soulevé, Monsieur le rapporteur, une question de principe relative à l'article 53 de la Constitution, délimitant le champ des conventions qui « ne peuvent être ratifiées ou approuvées qu'en vertu d'une loi ».

En effet, l'examen de ces amendements plaçait le Parlement dans une situation un peu particulière, même si elle a des précédents. Le texte de la convention initiale n'avait pas été soumis au Parlement, tandis que les amendements l'étaient.

Ceci tient à la mise en œuvre des critères posés par l'article 53. Le Conseil d'État a d'ailleurs précisé oralement, à diverses occasions et notamment lors de l'examen du présent projet de loi, que l'examen d'un accord international au regard de l'article 53 de la Constitution devait se faire au cas par cas.

Il n'y a pas lieu ici de faire application d'une règle de parallélisme des formes, lors de l'approbation des amendements successifs ou additions à un accord initial.

Néanmoins, vous avez marqué votre souci, monsieur le rapporteur, que cet article 53 ne soit pas appliqué de manière restrictive aux dépens du Parlement. En particulier, le critère des accords « qui engagent les finances de l'État » a suscité des remarques de votre part.

Jusqu'à présent, n'ont été considérées comme accords engageant les finances de l'État que les accords comportant des charges obligatoires ou prévoyant expressément des contributions financières. C'est le motif principal qui conduit à vous soumettre ces amendements Ramsar. En revanche, les accords ne donnant lieu qu'à des charges facultatives ou des contributions volontaires ne sont pas considérés comme entrant dans cette catégorie.

Afin de trancher cette question avec toute la clarté nécessaire, je suis disposé à consulter le Conseil d'État sur ce point précis de savoir si les conventions internationales ne comportant que des charges financières facultatives ou des contributions volontaires nécessitent ou non la saisine du Parlement préalablement à leur ratification.

Je m'engage ici au nom du Gouvernement.

Bien entendu, le Gouvernement s'en tiendra à l'avenir aux conclusions de cet avis.

Mesdames et messieurs les députés, j'espère qu'au bénéfice de ces remarques et de cet engagement, vous voudrez bien approuver le présent projet de loi.