Déclarations de M. Jacques Toubon, ministre de la culture et de la francophonie, sur la mise en place de cafés - musiques et sur les 2èmes jeux de la francophonie, Paris les 4 et 8 février 1994.

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Circonstance : Conférences de presse sur les "forum-musiques" et sur les 2èmes jeux de la francophonie, à Paris les 4 et 8 février 1994

Texte intégral

Forum cafés-musiques, éléments d'intervention de Jacques Toubon

Permettez-moi de dire tout d'abord la joie que j'ai d'être aujourd'hui parmi vous si nombreux si divers. Jeunes, élus, responsables administratifs ou associatifs vous êtes venus de la France entière, je le sais. Je tiens à remercier chaleureusement Dominique Perben et son équipe pour s'être immédiatement engagé dans cette aventure, avec enthousiasme. Cela était pour moi la preuve de l'adhésion, je dirais inévitable, qui se crée à mesure qu'un projet de café-musiques prend forme et se construit.

Madame le ministre d'État, votre présence est un signe évident de la cohésion et de la coordination gouvernementale autour du problème de l'insertion des jeunes dans la société, dans la ville. Je sais quel prix vous attachez à la collaboration entre nos deux ministères, et je souhaite que ce forum en soit un axe significatif. Je crois profondément que le ministère de la culture a sa place aux côtés de ceux qui ont en charge d'apporter des réponses aux problèmes de l'emploi, que ce soit au niveau interministériel ou sur le terrain. Il ne s'agit pas simplement d'un engagement intellectuel, mais aussi financier : les politiques d'équipements culturels et d'éducation artistique doivent répondre concrètement aux problèmes de cohésion sociale qui se posent à notre pays.

Ce que je viens de dire vaut également pour les représentants des ministères du travail, de la jeunesse et des sports, de l'intérieur qui ont pris une grande part dans l'organisation de ces journées.

Mes remerciements vont enfin à tous ceux qui ont monté ce forum, de l'association opale, aux services de la Drac, de la ville de Chalon et de la délégation au développement et aux formations.

J'en viens maintenant au thème de ces journées, les cafés-musiques ont été abondamment discutés, disséqués, retournés dans tous les sens, la matière a été dense, 16 ateliers de travail ont eu lieu ; l'objectif était de convaincre, techniquement d'abord, avec le cœur et l'enthousiasme ensuite. Je crois que c'est chose faite.

Je ne reviendrais pas sur ce qui a été dit, une publication intégrale des débats sera d'ailleurs effectuée. Je voudrais plutôt développer quelques idées autour du rapport des jeunes à la culture, et de leur place dans la définition d'une politique culturelle.

Je suis frappé par un constat paradoxal. D'un côté les formes d'expression culturelle des jeunes n'ont jamais été si diverses, si variées. Que ce soit dans le domaine musical où l'on est obligé de parler de musiques d'aujourd'hui au pluriel, tant la liste est longue, dans celui de la danse, des arts plastiques, dans celui de la mode. Notre pays accueille une richesse d'expériences due à la créativité de la jeunesse. Et pourtant, paradoxalement, on constate, on ressent parfois un certain enfermement dans ces cultures. Bien contents de pouvoir établir des classifications, la société, les politiques ont peut-être eu trop tendance à affirmer que l'avenir des jeunes était dans ces cultures, dans ces formes d'expression recherchées comme un but en soi.

Pourquoi ce paradoxe ? J'y vois deux raisons.

Fondamentalement, la culture est une, comme l'art. Il n'y a pas, il ne doit pas y avoir une culture pour les jeunes et une culture pour les autres, une culture pour les citadins et une pour les ruraux, une pour les riches et une pour les pauvres. Dire que le message artistique est universel, c'est exprimer le fait que les œuvres touchent chaque individu selon sa propre intimité : chacun différemment mais sûrement.

Et puis, il y a une explication malheureusement bien plus concrète : les jeunes accèdent plus difficilement à la culture :
– pour des raisons financières : trop de spectacles, de concerts, d'expositions même, restent inabordables ;
– parce que l'art leur semble encore l'affaire d'une élite, d'une société dans laquelle ils ne se reconnaissent pas. Comment parler de culture alors que nous entrons dans une époque où si nous ne réagissons pas, tout une partie de la population n'aura jamais accès durant son existence à la vie professionnelle ?

De tout ce que je viens de dire, il découle naturellement une certaine conception de la place de l'État dans la conduite de la politique culturelle, notamment en direction des jeunes.

En premier lieu, je crois qu'il faut encourager et accompagner toutes les formes d'expression artistiques actuelles, elles représentent notre époque, elles nous en renvoient une image qu'il ne faut ni occulter, ni magnifier.

Mais le rôle du ministère est de faire accéder ces formes au statut d'œuvre d'art. Il faut donner les moyens aux jeunes de parvenir à cette distanciation, à ce travail sur soi qui symbolise l'expression artistique, et en même temps leur offrir des cadres d'expression.

C'est pourquoi, j'ai inscrit l'éducation et les enseignements artistiques parmi mes priorités. Le temps scolaire est celui de l'apprentissage de la cohésion sociale, de la réflexion sur notre patrimoine culturel commun dont l'art donne une approche synthétique. Je souhaite à cet égard augmenter l'intervention directe des artistes à l'école et dans les quartiers. Bien sûr, nous avons déjà une série de procédures : classes artistiques, option art, résidence d'artistes, musiciens intervenants en milieu scolaire. Ces politiques seront développées et je souhaite insérer ce type d'action dans la problématique de la politique de ville.

J'ai organisé mardi dernier un colloque à Roubaix autour du thème culture et lien social. Des propositions vont en découler : plus particulièrement, je souhaite que le programme d'équipements de proximité que j'ai lancé et dont les cafés-musiques sont un des aspects, servent de support à l'intervention des artistes dans la ville.

Permettre aux jeunes artistes de s'exprimer, c'est développer les ateliers et résidences d'artistes : plasticiens, musiciens, écrivains ; c'est reconvertir par exemple des friches industrielles en lieux de fabrique d'art, c'est soutenir les jeunes compagnies.

Je m'y emploie avec toujours un double souci : celui de l'insertion dans des réseaux professionnels, celui de l'exigence d'une recherche artistique.

Je crois que les cafés-musiques sont à cet égard particulièrement exemplaires.

En schématisant, on pourrait dire qu'au départ il y a un lieu de rencontre informel entre des jeunes, avec l'envie de faire de la musique, à l'arrivée, on a la gestion commerciale d'un café, d'une équipe de production avec une programmation artistique exigeante, et un quartier qui retrouve un peu d'espoir.

48 cafés-musiques labellisés aujourd'hui témoignent de ce pari, car c'est un pari : faire coexister un lieu de diffusion culturelle, un lieu d'échanges économiques, un lieu d'insertion sociale sans sacrifier aucune de ces composantes : voilà le défi que nous avons à relever car il est la seule réponse honnête, ni démagogique, ni technocratique que l'on peut faire aux porteurs de projets.

Quand le pari réussit, il devient exemplaire pour la collectivité. Le café-musiques situé dans un quartier excentré devient alors un pôle d'attraction.

Ces quelques réflexions vous prouvent, je crois, l'attachement que j'ai pour ce programme concrétisé, dès à présent, par l'aide au démarrage, l'aide à l'équipement, les sessions de formation, et en dernier lieu, le remarquable guide méthodologique permettant aux collectivités, aux porteurs de projets, aux responsables administratifs de bien maîtriser les étapes d'un projet.

Aujourd'hui nous bénéficions donc d'une certaine expérience, les responsables des cafés-musiques en ont d'ailleurs fait part en rédigeant un livre blanc sérieux et complet. Je les remercie de la qualité de leur réflexion.

C'est pourquoi, je souhaite aller plus loin autour de quatre mesures :

Les cafés-musiques doivent être un tremplin artistique pour les jeunes, je tiens donc à ce qu'une place majoritaire soit faite à une programmation amateur, or, notre législation manque d'une réflexion sur le statut de l'artiste amateur, qui préserve ses droits et ceux des artistes professionnels qu'ils sont appelés parfois à devenir.

Je propose donc la création d'une commission d'étude du statut de l'artiste amateur, conjointement avec les services de l'État concernés.

Les cafés-musiques doivent former un réseau homogène susceptible précisément d'offrir des chances de démarrage aux jeunes artistes. Je compte donc mettre en place un système informatique d'aide à la mise en réseau des cafés-musiques.

Parallèlement, les cafés-musiques expriment tous un besoin de conseils très divers, allant de questions fiscales aux relations avec les organismes de l'emploi, la SACEM, l'URSSAF, etc.

La formation méthodologique ne suffit pas toujours. C'est pourquoi, je souhaite étudier l'idée de chèques-conseil utilisables selon le choix des responsables pour rémunérer des experts identifiés dans un catalogue ressources.

Enfin, pierre d'achoppement, le problème du financement.

Je le dis d'emblée, je crois qu'il faut responsabiliser les équipes gestionnaires et ne pas s'engager dans un système de soutien sans fin, qui signifierait la mort du programme à terme. On le constate pour d'autres structures comparables.

Mais pour responsabiliser les professionnels, pour leur donner l'assurance que l'État ne cessera pas d'intervenir au-delà de l'année fatidique, car l'on sait combien la maturation d'un projet peut être longue, je crois qu'il faut étendre l'aide au démarrage.

Un horizon de trois ans ma semble une bonne durée. C'est pourquoi, au-delà de l'aide habituelle de 80 000 francs la première année, les café-musiques pourront, par convention, bénéficier d'une aide dégressive maximale de 60 000 et 40 000 francs les deux années suivants. Ce dispositif s'appliquera naturellement aux procédures en cours.

C'est un effort financier significatif pour le budget de l'État. C'est en même temps un geste fait en direction de nos partenaires des collectivités locales. Je souhaite les convaincre que le rapport entre l'utilité sociale d'un café-musiques et son coût est tel que toutes les préventions doivent tomber.

Je sais que la limitation de l'aide au démarrage était un point crucial pour tous, responsables, élus, services instructeurs des Drac. J'espère donc beaucoup en l'efficacité immédiate et psychologique de la mesure que je viens de proposer.

J'ajoute que si je m'engage aujourd'hui autour de ces quatre mesures qui me paraissent les plus immédiates, je n'oublie pas l'ensemble des propositions du Livre Blanc que mes services étudient actuellement. Je le répète, il s'agit à mes yeux d'un document de travail fondamental.

Telles étaient les réflexions que je souhaitais vous proposer, je ne veux pas faire de conclusion car ce forum est synonyme d'ouverture : il a été un creuset pour toutes les énergies et je ne peux que dire : au travail, et bonne chance, en vous remerciant d'être venus si nombreux.

 

Mardi 8 février 1994
Conférence de presse "les IIème jeux de la francophonie"

Madame le ministre,
Mesdames et Messieurs les ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Après ceux de Rabat, les seconds jeux de la francophonie auront lieu en Île-de-France du 5 au 13 juillet, décidés par le sommet des chefs d'État francophones réuni en 1987 au Québec, ces jeux comme les Jeux Olympiques, se déroulent tous les 4 ans. Pour des raisons techniques et financières le Gouvernement français a demandé que cette deuxième édition des jeux francophones, initialement prévue en 1993, soit reportée à l'été 1994. Il a été alors décidé de les organiser en région parisienne au cœur même de la francophonie et de la culture française.

Trois mille jeunes représentant 47 nations, le tiers des États membres de l'ONU, sont donc appelés à concourir tant physiquement qu'artistiquement, l'été prochain à Paris et dans l'Essonne.

Je rappellerai à ce propos que le chef de l'État et le Gouvernement français ont mis au premier plan des priorités internationales la communauté francophone.

Cette unanimité nationale, depuis le Général de Gaulle, non seulement ne s'est jamais démentie mais encore se renforce de jour en jour. Le dernier sommet des chefs d'État et de Gouvernement à Maurice. L'automne dernier, puis la conférence ministérielle de décembre à Bamako au Mali ont montré le renforcement des liens politiques et affectifs de la famille francophone. J'en prendrai pour exemple le vote unanime qui a eu lieu sur l'exception culturelle.

Aussi est-il normal que les jeunes, qui sont l'avenir de nos Nations, l'avenir de la francophonie, apprennent à se connaître, eux qui partagent les mêmes espérances et les mêmes inquiétudes à l'aube du XXIe siècle.

Ces jeux, vous le savez, présentent la particularité d'être à la fois sportifs et culturels. Sur les 3 000 participants à cette compétition 2 000 seront des sportifs.

1 000 sont des concurrents du secteur culturel qui viendront s'affronter sur les terrains de la danse, du chant, du conte, des arts plastiques et des réalisations audiovisuelles.

Les épreuves se dérouleront sur les stades, dans les gymnases mais aussi dans les théâtres et dans les lieux de culture qui sauront mériter votre venue et votre admiration.

Pour l'ouverture de ces jeux, nous avons tenu Michèle Alliot-Marie et moi-même en tant que coprésidents à leur offrir un cadre qui soit digne de leurs ambitions.

Ce cadre sera celui de la cour Carrée du Louvre.

Dans ce lieu prestigieux sera organisée le 6 juillet une grande fête mise en scène par Yannis Kokkos. Elle réunira tous les jeunes participants aux jeux mais aussi tous leurs amis, parisiens et visiteurs, qui retrouveront dans la Cour Carrée les radios et les télévisions du monde entier qui diffuseront en direct, aux quatre coins de la planète, l'événement.

Tout cela est possible parce que le Gouvernement tout entier, sous l'impulsion du Premier ministre, s'est mobilisé. Les ministères, y ont pris leurs parts en apportant moyens matériels et financiers.

Les trois collectivités locales concernées région Île-de-France, département de l'Essonne, ville de Paris ont, de leur côté, votés des crédits spécifiques ou mis à notre disposition des lieux d'accueil et des services.

Malgré les délais très courts de mise en œuvre du projet, car nous sommes repartis de zéro à la fin de l'été dernier disposant de moins d'un an pour réussir des jeux dont la préparation s'étable sur 4 ans, nous avons obtenu de plusieurs partenaires privés qu'ils partagent notre pari. Je voudrais aussi remercier particulièrement RFO et France Télévision qui mettront en œuvre des moyens importants pour la retransmission de ces jeux notamment à destination de l'outre-mer. Je n'oublierai pas aéroports de Paris qui en dehors d'une participation financière nous aide à chercher les solutions des moins onéreuses pour permettre la venue à Paris du plus grande nombre de participants notamment de ceux qui viennent d'être touchés par la dévaluation du franc CFA. Et je tiens à saluer, Monsieur Fleury, son président, qui est parmi nous.

Plusieurs grandes entreprises ou entreprises plus modestes qui s'intéressent à ces jeux pour des raisons sportives, culturelles ou linguistiques vont nous rejoindre prochainement.

L'année 1994, année de la fidélité pour les orientaux est aussi pour nous en Île-de-France celle de la fidélité au souvenir du Baron Pierre de Coubertin qui a réhabilité il y a juste un siècle les Jeux Olympiques.

Paris va voir se dérouler en juin à la Sorbonne la commémoration du centenaire de la déclaration de Coubertin et en août la tenue du Congrès olympique mondial.

Les jeux de la francophonie auront lieu exactement entre ces deux événements majeurs de l'olympisme mondial j'y vois plus qu'un symbole.

Les jeux de la francophonie réaffirmeront, en effet, l'été prochain à Paris le message que Pierre de Coubertin voulait faire passer au travers les Jeux Olympiques rénovés, celui de mêler classes, race et religions autour de valeurs partagées.