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Le Journal du Dimanche : Certains jugent que rallonger le délai légal pour l'IVG est un risque d'eugénisme. Comment les rassurer ?
Ségolène Royal : La liberté donnée aux femmes ne se marchande pas. Une société progresse en faisant confiance au sens de la responsabilité. Je ne crois pas que les femmes puissent prendre de décisions à la légère concernant l'IVG. Je pense, comme Martine Aubry, que c'est toujours une décision gravé et traumatisante. Nous avons tranché au sein du gouvernement sous l'impulsion du Premier ministre en faisant confiance à la dignité des femmes.
Le Journal du Dimanche : Pourquoi y a-t-il eu des atermoiements au sein du gouvernement ?
Ségolène Royal : Le procès d'intention fait à Lionel, Jospin, parfois avec des mots durs et excessifs, est injuste. Je peux en témoigner : quand j'ai pris la difficile décision d'autoriser la délivrance du NorLevo par les infirmières scolaires, il m'a soutenu avec conviction. Sur toutes les questions relatives aux droits des femmes, le Premier ministre a une vision très progressiste qui ne date pas d'hier. Mais ce ne sont pas des sujets légers. Il faut respecter la diversité des opinions. Cela prend parfois du temps. C'est une bonne façon de faire de la politique que de savoir écouter les points de vues pour ensuite prendre des décisions courageuses et solides.
Le Journal du Dimanche : L'autorisation parentale n'est plus nécessaire pour les mineures. Elle est remplacée par l'intervention d'un adulte référent. Qu'est-ce à dire ?
Ségolène Royal : L'adulte référent sera choisi d'un commun accord entre l'équipe du planning familial et la mineure. Ma préférence va à un professionnel : un médecin du planning, une infirmière, une psychologue, une assistante sociale, une conseillère conjugale... Quelqu'un formé au dialogue et à l'accompagnement pendant plusieurs mois. Je tiens beaucoup à ce que la jeune soit accompagnée pendant ses démarches pour l'IVG, mais aussi après. Pour une mineure, entrer dans sa vie affective et sexuelle par une IVG est une épreuve très lourde. II ne faut pas passer sous silence les importants problèmes psychologiques qui en découlent.
Le Journal du Dimanche : Comment allez-vous contrer l'arrêt du Conseil d'État qui interdit la distribution dans les écoles du NorLevo ?
Ségolène Royal : Cette décision s'appuie sur un constat très simple : il faut une base légale à la mise en vente libre de la contraception d'urgence. En revanche, et heureusement, le Conseil n'a pas retenu les autres objections du commissaire du gouvernement, notamment l'incompétence supposée des infirmières scolaires, qui restent essentielles en matière de prévention. À présent, le groupe socialiste à l'Assemblée nationale va agir par une proposition de loi pour redonner une base légale à la vente sans ordonnance de la pilule du lendemain. Et légaliser le protocole national de soins que j'avais mis en placé dans l'Éducation nationale. C'est une bonne nouvelle pour les jeunes.