Interviews de M. Hervé de Charette, ministre du logement, à RTL et France-Inter le 27 juillet 1994, sur les résultats du concours d'idées pour le logement des sans-abris.

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Média : RTL - France Inter

Texte intégral

J.-C. Larrivoire : Comment avez-vous trouvé le Président de la République ?

H. de Charrette : Je l'ai trouvé en bonne forme. J'ai été content de le retrouver en bonne forme à sa sortie de l'hôpital. La maladie, pour chacun d'entre nous, c'est quelque chose qui est toujours éprouvant et inquiétant. Voilà. On est content quand quelqu'un qu'on connaît bien va mieux.

J.-C. Larrivoire : En mars dernier, le ministère du Logement avait lancé un appel à propositions sur le thème : "un domicile pour les sans-abris". Les réponses ont dépassé vos espérances. Vous avez eu 359 propositions sur lesquelles 18 seront retenues ?

H. de Charrette : Un mot sur la conjoncture : le logement, le bâtiment, ça s'améliore sensiblement, puisque nous avons une progression de 23 %, sur les premiers mois de l'année 94 par rapport aux six premiers mois de l'année 93 dans le secteur de la construction de logements neufs. C'est donc en nette progression.

J.-C. Larrivoire : Qu'est-ce que vous entendez par "sans-abris" ?

H. de Charrette : C'est un mot générique, simple, qui cache des réalités extrêmement variées. On n'est pas bon si, précisément, pour faire face à ces problèmes, on n'a pas une logique de diversité. Il faut, cas par cas, presque famille par famille, avoir des solutions spécifiques et particulières. D'où l'idée de cet appel à idées. Nous avons, au mois de mars, lancé un appel à idées auprès de tous ceux qui voulaient s'engager, pas seulement d'ailleurs des architectes, mais ça pouvait aussi être des organismes HLM, des collectivités locales, des associations caritatives comme le Secours catholique ou d'autres. Tous ont répondu en très grand nombre. Nous ne pensions pas avoir honnêtement beaucoup de réponses. C'était une tentative, comme une bouteille à la mer. Nous avons eu plus de 350 réponses, et des projets qui tous sont intéressants.

J.-C. Larrivoire : Citez-nous quelques-uns parmi les plus importants ?

H. de Charrette : Les principaux types de projets ? On a par exemple un projet qui vise à faire des logements à très bas loyers, parce que leurs coûts de construction sont très faibles. Des architectes de renom ont fait des propositions tout à fait intéressantes qui, sans déroger aux règles et aux normes, permettent d'économiser sur les surfaces et d'avoir finalement des logements dont le prix de sortie est faible, et par conséquent dont le loyer sera très faible

J.-C. Larrivoire : Des logements qui tiennent quand même. Pas des préfabriqués ?

H. de Charrette : On respecte toutes les normes habituelles fixées par les lois et règlements. Je donne un exemple simple : un studio qui serait normalement à louer à 1 200 francs, va l'être finalement, grâce à ces économies à 750 francs, et avec les aides et allocations-logement de diverses sortes, il sortira pour un coût réel de l'ordre de 100 ou 150 francs pour la personne seule qui va l'habiter. Ça devient, en effet, un moyen de répondre à des situations de grande détresse financière. Il n'y a pas que la détresse financière. Il y a la détresse morale. Il y a d'autres projets qui, eux, mettent l'accent sur l'accompagnement social du projet, ou sur l'insertion professionnelle. Un exemple : un centre de formation dans les métiers du bois nous a proposé de lancer un projet de constructions à ossature et à structure bois avec le concours des jeunes qui sont formés, et qui pourront être habitées par ceux-ci une fois construites. Du coup, ils font fabriquer pour une partie importante leur propre logement qui, du coup, aura un coût très faible, et donc là aussi un loyer très faible. Vous voyez qu'il y a donc une très grande diversité des solutions et de projets initiés sur le terrain par des gens qui connaissent les problèmes et qui ont l'intention, la volonté de les résoudre.

J.-C. Larrivoire : Souhaitez-vous, comme J.-P. Raffarin, que les candidats à l'élection présidentielle RPR et UDF soient désignés par un congrès de leur parti respectif plutôt que par des primaires ?

H. de Charrette : D'abord, la tradition de la 5ème République, c'est que les candidats à l'élection présidentielle ne sont pas désignés par les partis. C'est eux-mêmes qui estiment, ou non, avoir les qualités, la possibilité de servir le pays en étant Président de la République. Et s'ils le font, c'est ensuite aux partis de prendre eux-mêmes la décision de soutenir tel candidat ou tel autre. Par conséquent, le moment venu, au début de l'année 95 au plus tôt, les candidats se feront connaître, et les formations politiques auront à prendre leurs décisions.

J.-C. Larrivoire : Vous n'êtes pas du tout favorable aux primaires ?

H. de Charrette : C'est un système envisageable. La proposition qui a été faite par C. Pasqua a simplement cet inconvénient de ne pas ressembler du tout à celle qui avait été élaborée par l'UDF et par le RPR et que les dirigeants de ces deux formations, moi inclus d'ailleurs, nous avions acceptée. Ce qui veut dire que, si on fait quelque chose de nouveau, ce qui est la proposition de M. Pasqua, alors il faut en discuter avec l'ensemble des membres du gouvernement, mais surtout avec les formations politiques de tout bord, parce qu'il s'agirait de modifier la loi, de droite et de gauche, et ensuite d'apprécier. Est-ce qu'on a le temps de le faire ? Il y a des possibilités. Ça dépend du projet qu'on retiendra.

 

Mercredi 27 juillet 1994
France Inter

B. Vannier : Vous étiez au conseil des ministres ce matin, comment avez-vous trouvé F. Mitterrand ?

H. de Charrette : Bien, en bonne forme et pour tout vous dire, j'étais content de le retrouver présider le Conseil des ministres. La santé, c'est très important et ça mérite beaucoup de considération et de respect.

B. Vannier : Grand concours d'idées lancé en mars, vous venez d'en publier les résultats, et il a connu un grand succès. Plus de 107 propositions ?

H. de Charrette : Vous permettez que je rappelle que, sur cette affaire très importante de l'exclusion par le logement, le gouvernement et moi-même travaillons depuis le début. Nous avons lancé en juillet dernier un plan visant à créer 10 000 places pour le logement des sans-abris dans la région Ile-de-France, 10 000 places à créer en trois ans, 93, 94, 95. Nous sommes à mi-parcours, ce plan avance bien. Nous avons lancé en février un programme de 40 000 logements pour les familles et les personnes en difficulté, 20 000 places supplémentaires dans le parc existant, au fur et à mesure que les logements se libèrent il s'en libère près de 170 000 par an plus 20 000 logements neufs construits, avec des loyers très modérés et réservés aux famille en difficultés que nous appelons désormais, les logements très sociaux. Enfin, nous avons lancé en mars dernier un appel à idées auprès de tous ceux qui avaient un peu d'expérience dans ce domaine, pour qu'ils préparent élaborent des projets adaptés aux situations particulières. Car, quand il s'agit de loger des familles en difficulté, des sans-abris, des jeunes ménages, il n'y a pas une réponse générale mais des micro­ réponses, adaptées à chaque cas.

B. Vannier : Avez-vous des exemples de projets très concrets ?

H. de Charrette : On a eu 350 réponses, venant d'architectes, de collectivités locales, d'associations caritatives comme le Secours catholique et d'autres, d'organismes d'HLM bien sûr. On a primé, sélectionné les 18 meilleures réalisations.

B. Vannier : Sous quelles échéances ?

H. de Charrette : Dans les semaines, les mois qui viennent. Exemple : un centre de formation qui prépare des jeunes aux métiers du bois, avec lequel des associations ont monté une opération visant à faire construire leur logement par des jeunes qui apprennent le métier du bois et à qui nous aurons à apporter une contribution forte. Ça veut dire qu’à la sortie, ils auront un loyer très faible. Deuxième exemple : le Secours catholique en Saône-et-Loire avec d'autres associations a lancé un projet destiné à permettre d'avoir des logements avec un accompagnement social et à prix faible donc une diversité : d'initiatives concrètes pratiques, très adaptées à des situations locales que les élus, les architectes, les offices d'HLM, les associations caritatives connaissent et pour lesquelles ils montent chaque fois quelque chose d'original.

B. Vannier : Qu'y a-t-il autour de cette action précise ?

H. de Charrette : Il faut que les loyers soient les plus modestes possibles. Dans les projets qui nous ont été adressés, que nous avons sélectionnés un certain nombre d'entre eux sont organisés autour de l'idée du moindre coût possible. De très grands architectes, notamment, ont fait des travaux très intéressants visant à avoir des logements plus modestes qu'un logement classique mais respectant les normes en vigueur et dont le loyer est faible. Par exemple, un studio dont le loyer HLM normal est de 1.200 francs, va se trouver aux alentours de 850 francs. Avec l'APL ou les allocations logement, il va sortir à 100 francs pour le jeune ménage. Ce sont des solutions très concrètes et très pratiques. Il faut aussi de l'accompagnement social. Cela dépend des cas. Il y a des projets où il n'y a pas d'accompagnement social et d'autres où il y a accompagnement social. Cela dépend aussi des familles auxquels on s'adresse. Cela, c'est le département qui s'en charge. Cela relève de lui. Avec le concours, l'aide, l'intervention d'une association donnée. Je vous parlais tout à l'heure du Secours catholique dans la Saône-et-Loire.

B. Vannier : Comment allez-vous faire budgétairement ? E. Balladur a serré la ceinture à tout le monde, et en particulier au ministère du Logement.

H. de Charrette : Je vous parle du budget 94 des crédits 94. J'ai ce qu'il faut pour financer ces opérations. Nous avions un crédit de 100 millions de francs spécialement pour les opérations exceptionnelles. C'est sur ces 100 millions de francs spéciaux que nous allons financer ces opérations exceptionnelles qui, par ailleurs, bénéficieront aussi des financements normaux les crédits HLM pour les logements HLM, par exemple.

B. Vannier : Lorsque vous êtes sorti de cette fameuse réunion budgétaire à Matignon vous avez dit : "Nous sommes rentrés pauvre, nous sommes sortis fauchés". Vous êtes toujours d'accord ?

H. de Charrette : Le gouvernement la France a en face le lui un problème très important à résoudre : l'équilibre budgétaire et la réduction du déficit de l'État. Si nous ne le faisons pas, l'économie française ne s'en sortira pas il faut concilier cela avec la nécessité de maintenir des politiques très importantes et bien entendu la politique du logement est très importante pour les familles. Tous les efforts que nous avons faits depuis 17 mois ont permis de relancer l'accession à la propriété des familles modestes, a permis de faire un effort très important en matière de logement HLM au profit des familles modestes et très modestes…

B. Vannier : En clair : avez-vous les moyens pour 95 ?

H. de Charrette : J'espère que je les aurais. La discussion n'est pas terminée. Nous y travaillons dans un bon esprit. C'est normal. Nous sommes une équipe soudée qui essaye de concilier des objectifs qui sont parfois un peu contradictoires. Ce n'est pas simple. De temps en temps on s'échauffe mais on est quand même ensemble.