Texte intégral
La loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 a permis d'unifier les règles statutaires applicables à l'ensemble des fonctionnaires territoriaux, sur la base des principes essentiels du concours et du système de la carrière.
Le problème de fond n'en restait pas moins la nécessité de concilier ces garanties et le particularisme des collectivités territoriales, résultant de leur diversité comme du principe de libre administration des collectivités locales, dans un cadre nouveau, celui de la décentralisation.
Ces préoccupations ont justifié une importante série de modifications des lois de 1984, notamment par la loi n° 87-529 du 13 juillet 1987. Elles appellent à nouveau des ajustements.
Il ne peut s'agir en aucune façon de remettre en cause les fondements du statut, ni de bouleverser à nouveau le cadre de la réforme opérée en 1987.
Mais il importe, dans le respect des principes statutaires, de corriger un certain nombre de dysfonctionnements persistants qui jouent à l'encontre tant des employeurs territoriaux que de leurs agents.
En témoigne la place toujours importante des contractuels, qui continuent à représenter plus d'un tiers des personnels territoriaux, alors que, paradoxalement, un nombre croissant de lauréats des concours territoriaux ne parviennent pas à être nommés.
Ces difficultés tiennent pour beaucoup à la rigidité ou à l'inadaptation des règles en vigueur, à trois niveaux : les mécanismes du concours, de la formation, du déroulement des carrières ne correspondent pas assez aux nécessités des collectivités territoriales, ni au souci d'une gestion harmonieuse de leurs personnels.
Le diagnostic en avait été clairement dressé dans le rapport établi au nom de la mission d'information du Sénat sur la décentralisation en 1991.
C'est dans le prolongement direct de ces réflexions que ce projet a été élaboré. Il a donné lieu à une longue concertation avec les associations d'élus elles organisations syndicales et professionnelles, avant de recevoir l'avis favorable du Conseil Supérieur de la Fonction Publique Territoriale le 13 avril dernier.
Ce texte poursuit un objectif central : favoriser le recrutement et la gestion, par les collectivités territoriales, réaffirmées dans leur responsabilité d'employeur, des fonctionnaires correspondant à leurs besoins et à leurs spécificités.
Les mesures proposées se ramènent à trois orientations.
Première orientation, améliorer les procédures de recrutement.
Les exigences su service public justifient le principe essentiel du concours. Encore ses modalités doivent-elles être adaptées aux nécessités de la gestion locale.
Actuellement, les concours sont trop centralisés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), à l'issue de mécanismes et de délais trop lourds.
Dans la pratique, l'allègement des procédures et leur rapprochement des besoins sont nécessaires chaque fois qu'ils sont compatibles avec le maintien du niveau et de la qualité des concours.
1°) L'organisation des concours pourra ainsi être davantage :
– soit déconcentrée au niveau des délégations régionales du CNFPT ;
– soit décentralisée au niveau de centres départementaux de gestion ou de collectivités locales elles-mêmes.
Les critères principaux tiendront à la distinction entre concours sur épreuves et concours sur titres d'une part, catégorie A et catégorie B d'autre part.
Les concours sur titres offrent les plus larges possibilités de décentralisation : la plupart des recrutements justifient le maintien de la compétence du CNFPT pour la catégorie A et la décentralisation de certains concours de catégorie B vers les centres de gestion, par exemple pour les secrétaires de mairie.
2°) Les mécanismes de recrutement seront parallèlement rationalisés.
Les délais d'organisation des concours seront raccourcis, grâce à une plus grande liberté d'appréciation pour déterminer les postes à mettre au concours. Les conditions d'établissement des listes d'aptitude favoriseront une meilleure adéquation avec les besoins locaux réels.
3°) Le champ de recrutement des agents à temps non complet, enfin, sera élargi, s'accompagnant d'un renforcement des garanties statutaires des agents concernés.
Deuxième orientation, assouplir les modalités de formation initiale d'application.
L'importance de cette formation est admise par tous. Mais ces modalités sont dissuasives dès lors qu'elles privent les employeurs de leurs agents pendant une trop longue période après leur nomination : fréquemment 6 mois ou 1 an en catégorie A ou B, pour les emplois administratifs ou techniques.
Aussi, deux séries de dispositions doivent rétablir une disponibilité plus immédiate.
1°) la plupart des agents effectueront une formation initiale d'application abrégée, complétée par une formation d'adaptation à l'emploi étalée dans le temps, après la titularisation.
2°) Pour certains fonctionnaires de catégorie A, la formation interviendra avant leur nomination, les lauréats des concours devenaient élèves stagiaires, avant d'être librement choisis par les employeurs locaux.
Ce dispositif, expérimental, s'impose pour les cadres les plus élevés afin de concilier leur niveau de responsabilités et donc de formation avec le souci de leur disponibilité opérationnelle.
Troisième orientation, améliorer l'organisation du déroulement des carrières, à deux points de vue.
1°) La promotion interne
Permettant l'accès de fonctionnaires aux cadres d'emplois supérieurs, elle se trouve entravée dans trop de collectivités, où l'effectif est réduit et le nombre de recrutements faible.
C'est pourquoi, le projet entend élargir l'assiette de la promotion interne, afin d'accroître le nombre d'agents pouvant être promus grâce au rehaussement du seuil d'affiliation aux centres de gestion, complété par la faculté donnée à ces derniers de conventionner, ainsi qu'à la rationalisation de l'établissement de la liste des agents promouvables.
La loi contribuera ainsi à alléger sensiblement la contrainte des quotas, parallèlement aux assouplissements auxquels il sera procédé dans le domaine réglementaire.
2°) Les incidents de carrière (suppression d'emploi et décharge de fonctions)
La liberté des collectivités locales de mettre fin à un emploi fonctionnel de direction ou de supprimer un emploi n'est pas en cause. Mais le constat est préoccupant quant aux effets des mécanismes actuels de prise en charge des agents concernés, dont le poids financier pour la seule catégorie A s'est accru de + 26 % depuis 1992.
Ces difficultés conduisent à modifier les procédures pour favoriser au maximum le reclassement professionnel.
Le projet responsabilise, les collectivités en faisant supporter par la collectivité d'origine les conséquences de l'incident de carrière tout en faisant jouer plus efficacement le rôle d'aide au placement du CNFPT ou du centre de gestion.
L'agent concerné restera sous la responsabilité directe de sa collectivité d'origine pendant une période allant jusqu'à un an, où tout doit être mis en œuvre pour assurer son reclassement, avec l'aide du CNFPT ou du centre de gestion.
Ce n'est qu'en cas d'échec, à l'issue de cette période, que jouera la prise en charge par le CNFPT ou le centre de gestion. Mais celle-ci s'accompagnera de contributions financières majorées, compensant le transfert de charges.
Ces trois orientations s'accompagnent d'une redéfinition de la place des institutions.
1°) Le CNFPT
Le CNFPT doit se recentrer sur la formation et, en matière de gestion, n'être compétent que lorsqu'un niveau national d'intervention s'impose ; il sera ainsi allégé de tâches indues et d'une partie de ses tâches de gestion, grâce à la décentralisation des concours et à la réforme de la prise en charge des incidents de carrière.
La déconcentration sera accentuée avec un encouragement au rôle des élus, par le renforcement de la place des délégués régionaux, élus localement. Toute une série de mesures, enfin, accroîtrons la transparence et le contrôle.
2°) Parallèlement, le rôle des centres de gestion, dont le bilan positif est reconnu, est développé en tant qu'appui technique des élus locaux, seuls membres de leur conseil d'administration.
Concours décentralisés, reclassement professionnel des agents de catégorie B et C, élargissement de la promotion interne ; autant de domaines justifiant le rehaussement du seuil d'affiliation aux centres de gestion pour conforter leur capacité technique. De la capacité accrue des centres dépendront l'étendue et la qualité de la décentralisation des concours.
3°) La place du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, enfin, est renforcée en tant qu'instance de proposition et d'expertise.
Dans un contexte d'exigence accrue en matière d'efficacité du service public, ce projet de loi choisit de réaffirmer le statut des agents territoriaux, en refusant de le laisser dériver pour en faire un outil mieux adapté et donc mieux respecté, au regard de la libre intervention des élus locaux.
Dans cette perspective, ce projet de loi est d'abord un texte de décentralisation : à tous les niveaux, pour chaque mécanisme, il cherche le rapprochement au plus près des besoins locaux.
Concomitamment, ce projet est un texte de responsabilisation des acteurs locaux.
L'amélioration des mécanismes à tous les niveaux ne pourra pas se substituer à la volonté, des acteurs de les faire jouer au mieux.
C'est enfin une loi de simplification et de rationalisation aux divers stades de la "vie" du fonctionnaire territorial.
Au total, à travers la diversité apparente de ses mesures, ce projet de loi constitue une dynamique d'ensemble, au bénéfice des attentes légitimes des un million trois cent mille agents territoriaux comme de leurs employeurs.