Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et messieurs,
Je tiens tout d'abord à vous remercier pour votre invitation. J'avais déjà eu l'honneur de m'adresser à vous lors de vos dernières assises, à Paris, en 1991. Depuis, beaucoup de choses ont changé. Permettez-moi un bref retour en arrière.
En avril 1993, l'économie française était plongée dans l'une des plus graves crises qu'elle ait connue depuis la guerre. L'activité venait de reculer de 1 % au premier trimestre, alors que le Gouvernement précédent s'était fixé pour objectif une croissance annuelle de 2,6 %. Le secteur marchand non agricole détruisait 70 000 emplois par trimestre et le nombre de chômeurs progressait de 30 000 par mois. Le déficit du budget de l'État était deux fois plus élevé que ne l'avait voté le Parlement quelques mois plus tôt à peine.
Le Gouvernement a immédiatement arrêté les lignes directrices de son action. Elles ont conduit à mettre en œuvre les mesures nécessaires au redressement du pays :
La loi quinquennale sur les finances publiques a programmé la réduction du déficit budgétaire sur cinq ans. Le déficit prévu par la loi de Finances pour 1995 s'établit ainsi à 3,5 % du PIB.
Notre système de protection sociale a été sauvegardé, grâce à ta création du fonds de solidarité vieillesse, à la réforme des retraites, au financement de l'indemnisation du chômage et à la maîtrise des dépenses de santé.
La loi quinquennale sur l'emploi a tracé les grandes lignes d'une réforme qui permettra à la France de retrouver une croissance riche en emplois. Cette loi a par exemple étendu aux commerçants des zones rurales et des quartiers en difficultés, le bénéfice de l'exemption des charges sociales pour le 2ème et le 3ème employé.
La loi sur l'initiative et le développement économique a permis de rétablir un meilleur équilibre entre les entreprises individuelles et les sociétés, en valorisant l'initiative individuelle, en simplifiant les procédures comptables et en améliorant la couverture sociale des entrepreneurs individuels : depuis cet été, les commerçants peuvent ainsi se constituer une retraite complémentaire en franchise fiscale. Ces dispositions ont été complétées par de nombreuses mesures financières et fiscales destinées à renforcer le dynamisme de ce secteur essentiel au redressement de l'emploi, Par exemple, il est aujourd'hui possible à un ménage d'apporter 40 000 F de fonds propres à son entreprise et de bénéficier ainsi d'une réduction d'impôts de 10 000 F.
Le décalage d'un mois du remboursement de la TVA e été supprimé, ce qui a eu des effets bénéfiques sur la trésorerie des entreprises.
Le dynamisme des entreprises a été renforcé, grâce à la réforme du droit des faillites ainsi qu'à l'allégement des cotisations familiales sur les bas salaires.
Aujourd'hui, nous commençons à recueillir les fruits de cette politique. Tous les indicateurs économiques montrent que la croissance est de retour, plus forte même que le Gouvernement ne l'avait prévu, et que l'activité se développe dans un bon climat :
La consommation reste bien orientée, même si les indicateurs mensuels disponibles présentent parfois des fluctuations ; la consommation de produits manufacturés a, ainsi, progressé de 1,4 % entre le deuxième et le troisième trimestre.
Enfin, notre économie est redevenue fortement créatrice d'emplois ; 175 000 emplois ont été créés au cours des neuf premiers mois de l'année dans le secteur marchand non agricole ; il faut remonter à la première moitié de l'année 1990 pour retrouver un résultat semblable.
Avec les derniers résultats de la production industrielle en juillet-août, l'industrie efface quatre ans de crise ; les perspectives générales d'activité des entrepreneurs pour les prochains mois atteignent, selon les dernières enquêtes, leur plus haut niveau depuis 1976.
Finalement, nous avons été bien inspirés de ne pas écouter les "Cassandre" qui dénonçaient nos choix, et de garder la confiance qui e toujours été la nôtre. Une politique volontaire et rigoureuse pouvait redresser l'économie française. Aujourd'hui, les experts révisent systématiquement à la hausse leurs prévisions. Ainsi l'INSEE prévoit il une croissance de 2,2 % en moyenne annuelle et de 3,1 % en glissement annuel de fin d'année.
Ce rebond vigoureux de l'activité a incité les jeunes à rechercher un emploi plus tôt que prévu ; il a aussi incité de nombreuses personnes qui s'étaient retirées de l'activité en raison de la conjoncture à rentrer sur le marché du travail. C'est pourquoi les statistiques du chômage n'ont pas encore traduit l'amélioration de la situation de l'emploi.
J'ajoute que, contrairement à une idée répandue, le redressement de l'économie française repose essentiellement sur la demande intérieure. Il résulte du dynamisme retrouvé de l'économie nationale, plus que de l'accélération de la croissance de l'économie mondiale.
Ce retour du dynamisme, vous y avez pleinement contribué et je tiens à vous en rendre hommage. Il est rapide et facile d'accuser le commerce. Pourtant, sans sa participation, notre pays n'aurait pas maîtrisé l'inflation. Vous jouez pleinement votre rôle, essentiel, dans l'animation locale et dans l'aménagement du territoire.
Alors, quand il y a vingt mois, j'affirmais qu'il fallait engager une concertation sur l'équilibre à trouver entre les différentes formes de commerce, nombreux sont ceux qui se sont interrogés :
- ceux qui veulent se développer et qui y ont vu un frein ;
- ceux qui y ont vu le risque d'apparition çà et là, des friches commerciales.
Pourtant, il n'était pas possible de ne pas répondre à ceux qui se débattaient pour subsister et qui ressentaient comme des agressions les ouvertures des grandes surfaces ; souvenons-nous qu'en 1991 et en 1992, près de 4 millions de m2 avaient été autorisés, soit le double du rythme observé trois ans auparavant. Ces seuls chiffres démontrent que, pour tous, une pause était probablement nécessaire.
Comprenons-nous : je n'invite pas à revenir au passé. Une telle nostalgie serait, nous le savons tous, sclérosante. Par son message, le Gouvernement appelait chacun à prendre mieux conscience des responsabilités qui sont les siennes pour garder un équilibre entre les différentes formes de commerce. Je crois que ce message a été entendu.
À l'issue des premières réflexions, de nouveaux instruments ont été créés : les études d'impact et les schémas d'équipement. Ils favorisent une meilleure appréciation des critères économiques dans le choix des nouvelles implantations. Nous savons maintenant mieux quels sont les besoins avant de prendre des décisions. Celles-ci se fondent désormais sur une réelle analyse de l'urbanisme commercial local. Je constate, d'ailleurs, que sur ces bases, la Commission Nationale de l'Équipement Commercial a, depuis 18 mois, autorisé l'ouverture de 212 000 m2 et refusé 844 000 m2. Peu à peu, un nouvel équilibre s'établit.
Je fais toute confiance à la Commission Nationale de l'Équipement Commercial qui, depuis dix-huit mois, examine l'ensemble des dossiers qui risquent de compromettre les équilibres commerciaux et qui, localement, ne suscitent pas l'unanimité. Elle veille en toute impartialité au respect des principes reconnus par la loi. Le Gouvernement n'est plus partie prenante dans la décision et je m'en félicite.
Je ne chercherai jamais à opposer les petits commerces aux grandes surfaces. Qui n'apprécie le choix et les prix que nous proposent les grandes surfaces ? Qui n'est pas sensible à la possibilité de trouver ce qu'il cherche dans son quartier, chez un commerçant capable de l'accueillir et de le conseiller ? Personne. L'objectif à atteindre, c'est la complémentarité et l'aménagement harmonieux du territoire.
Le commerce est un élément d'équilibre pour nos villes, pour leur périphérie, pour nos campagnes. C'est cet équilibre que nous devons préserver. Dans la compétition économique, la vitalité du commerce s'exprime par la très grande variété des entreprises. L'intérêt commun justifie que ces différentes formes de commerce coexistent dans des conditions équitables, que nos concitoyens puissent bénéficier, où qu'ils soient, d'une offre commerciale.
La concertation engagée il y a vingt mois se poursuit encore sous d'autres formes, par exemple au Conseil Économique et Social avec le rapport de M. Hermand, ou au Parlement avec les débats sur le développement et l'aménagement du territoire. C'est bien naturel car le commerce nous concerne tous, tous les jours.
Certains reprochent au Gouvernement de ne pas être allé plus loin dans les réformes et de ne pas avoir modifié la loi. Je n'ai pas cru bon de le faire pour plusieurs raisons.
Tout d'abord la loi, dans sil forme actuelle, est récente – elle n'a pas encore deux ans. Il est donc encore trop tôt pour en mesurer tous les effets. II n'est pas souhaitable de modifier trop souvent les règles au niveau du Parlement.
Il faut ensuite se méfier des solutions miracle. Ainsi la loi a prévu des seuils. Ils ont engendré – était-ce évitable ? – une floraison de magasins juste en dessous de la limite ; la question se poserait donc de baisser les valeurs. Mais le faire, c'est soumettre de plus en plus de commerces, y compris modestes, à une réglementation pesante.
Laissons donc la loi en l'état mais tâchons – le gouvernement s'y emploie – de mettre chacun face à ses responsabilités individuelles et collectives. Des progrès importants et durables seront alors possibles.
Nous venons de traverser une période marquée par les difficultés et le ralentissement de la consommation. Nous devons veiller à donner leur chance à ceux qui subissent le plus durement les épreuves de la concurrence. Nous devons veiller à maintenir ou même à recréer un tissu commercial vivant, dynamique, proche du consommateur.
C'est dans ce sens que le gouvernement a décidé l'opération "Mille Villages", lors du Comité interministériel de l'Aménagement du Territoire de MENDE. À ce jour, cette opération e permis de favoriser la modernisation ou l'implantation de plus de 500 commerces de proximité en zone rurale. Les outils destinés à la restructuration du commerce ont été développés, notamment grâce à l'effort particulier consenti par l'état dans les nouveaux contrats de plan.
Le ministre des Entreprises, en charge du Commerce, proposera bientôt de nouveaux développements à ces actions. Nous savons tous que le petit commerce doit se restructurer et se moderniser pour avoir la possibilité de se maintenir. Nous savons aussi que ce maintien est, dans beaucoup de nos régions, une nécessité d'intérêt général.
La réforme de la taxe sur les grandes surfaces est l'une des conditions nécessaires au développement de ces actions. Le dispositif actuel est à la fois :
- complexe, puisqu'il comprend plus de 40 taux différents,
- et largement inadapté, voire inéquitable, puisqu'il se fonde sur une appréciation ancienne, remontant à 1973, de la productivité de vos entreprises.
Nous nous devons de le moderniser. Le Parlement l'a souhaité à plusieurs reprises lors du débat sur le projet de loi relatif à l'aménagement et au développement du territoire. Mais nous ne voulons pas pénaliser des commerces dont nous connaissons les difficultés. C'est dans cet esprit de souplesse que la réforme sera engagée en concertation avec les représentants des différentes formes de commerce.
Le thème de vos assises permet d'esquisser des stratégies pour l'avenir de vos entreprises. Ces stratégies doivent contribuer, à leur manière, à l'effort que nous devons tous entreprendre pour l'emploi.
Je tiens à saluer l'action que vous avez conduite en concertation avec le ministère du Travail et avec celui des Entreprises. Je n'oublie pas que vous avez été les premiers à signer une convention pour la mise en œuvre des dispositions de la loi quinquennale pour l'emploi. Les résultats attestent du succès de votre action. Après plusieurs années de stagnation ou de régression, l'effectif salarié a augmenté de près de 1,4 % dans vos entreprises sur le premier semestre, avec près de 25 000 emplois créés.
La France a la chance d'avoir, grâce à vous, un commerce performant. Cette force doit être davantage utilisée à l'étranger qu'elle ne l'est aujourd'hui. Chaque industriel apprécie l'avantage qu'apporte la connaissance des réseaux de distribution pour la vente de ses produits. En exportant nos modes de distribution, nous créerons de précieux partenaires pour les producteurs français, qui pourront les aider à se faire connaître et à se développer à l'étranger. Le commerce est depuis toujours un élément essentiel de la vitalité de notre économie. Nous devons être conscients que cette vérité s'étend bien évidemment au-delà des frontières. C'est là une source importante de maintien et même de développement de l'emploi en France.
J'ai bien compris votre message sur la nécessaire valorisation des services. Votre analyse est juste. Bien menée, votre démarche permettra de créer de nombreux emplois tout en améliorant la qualité de vie. C'est pourquoi le Gouvernement y adhère. Il est disposé à vous apporter son concours dans cette action.
De plus en plus de gens en prennent conscience de l'importance du service. La démarche vers la qualité totale engagée par les entreprises en est une illustration. Ce mouvement reflète un nouvel état d'esprit auquel, je crois, le client est sensible. Cet état d'esprit gagne également les administrations ; je prendrai en exemple le nouveau contrat pour l'école proposé par le gouvernement à l'initiative de M. François Bayrou. Il montre que si la formation reste fondamentale, elle s'inscrit dans un milieu. L'école n'est pas qu'un instrument de transfert du savoir, elle est aussi un lieu de vie éducative. Ainsi, dès leur plus jeune âge, les Français pourront apprécier la valeur ajoutée qu'apportent les services.
Vous rappelez que l'État doit remplir une mission de solidarité pour venir en aide aux plus démunis et leur permettre d'avoir accès au minimum de service dont ils ont besoin. Des moyens très importants sont consacrés à cette tâche puisque si on cumule le RMI, les allocations pour personnes âgées, les allocations pour adultes handicapés et les diverses aides et allocations sociales, les dépenses budgétaires dépasseront 60 milliards de francs en 1995 en augmentation de 7,4 % par rapport à 1994. Pour autant, la situation n'est pas satisfaisante. Je crois que les moyens, s'ils sont une condition nécessaire, ne sont pas une condition suffisante. Et surtout, l'État ne peut être suffisamment proche des individus pour apporter une réponse satisfaisante à des problèmes qui sont, à chaque fois, des cas individuels. Pour être utilisés au mieux, les fonds publics doivent accompagner des initiatives de solidarité qui naissent à proximité immédiate des personnes concernées, qu'elles soient le fait des familles, des associations, des entreprises ou des collectivités locales. Nous devons tous ensembles travailler à améliorer nos modalités d'actions pour l'insertion et la réinsertion de tous ceux qui le souhaitent et en ont besoin.
Le commerce est une composante fondamentale des relations sociales. La France a besoin des commerçants. Elle a besoin d'entrepreneurs qui savent garder confiance en l'avenir. Elle a besoin d'un commerce performant, adapté aux variétés de son territoire et présent alors de ses frontières. C'est un défi auquel vous êtes confrontés tous les jours. La qualité de la réponse que vous avez su y apporter vous honore.