Déclaration de M. Daniel Hoeffel, ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales, sur la place de l'Alsace, l'importance du contrat de plan avec la région Alsace pour 1994-1998, et l'ouverture de la région à l'Europe, Colmar le 5 août 1994.

Prononcé le

Intervenant(s) : 
  • Daniel Hoeffel - Ministre délégué à l'aménagement du territoire et aux collectivités locales

Circonstance : Déplacement en Alsace pour l'inauguration de la 47ème foire régionale des vins d'Alsace à Colmar, le 5 août 1994

Texte intégral

Je suis heureux, seize ans après l'inauguration de la Foire aux vins de 1978, de présider, ici à Colmar, votre grande manifestation de l'Alsace centrale.

Je remercie particulièrement le Président Posth de m'avoir fait l'honneur de m'inviter à ouvrir cette rencontre annuelle qui marque bien la volonté et la capacité de votre ville d'être, aux côtés de Strasbourg et de Mulhouse, l'un des trois grands pôles de développement de notre région.

L'aménagement du territoire dont j'ai la charge n'est pas en effet seulement la recherche d'un meilleur équilibre au niveau national, c'est aussi au sein de chacune de nos régions, la quête d'un développement harmonieux dans lequel métropoles régionales, grandes villes, villes moyennes, bourgs-centre et zones rurales tiennent toute leur place.

À cet égard, Colmar et l'Alsace ont démontré au cours des trois dernières décennies leur aptitude à promouvoir un développement équilibré.

Un effort d'industrialisation fondé à la fois sur les entreprises existantes et sur la prospection d'entreprises nouvelles assurant une diversification du tissu industriel, l'épanouissement de la vocation tertiaire de Colmar, la préservation d'un secteur agricole et surtout viticole dynamique constituent autant de gages d'une économie solide en Alsace Centrale.

Certes, la crise n'épargne pas ce secteur géographique ; le chômage y a connu une progression comme ailleurs. Mais je suis certain que l'effort qui sera poursuivi ici et qui dans le passé a été couronné de succès vous assurera dans l'avenir une place de choix dans notre région frontalière.

Une coopération exemplaire entre la ville de Colmar et les communes d'une part, les compagnies consulaires et organisations professionnelles d'autre part vous a assuré des succès dans le passé. Cette coopération a été pragmatique et informelle mais efficace. C'est en vous fondant sur la même conception de l'action que vous réussirez dans l'avenir.

Dans ce contexte et parce qu'il s'agit de la Foire aux vins, la viticulture mérite d'être à l'honneur. Je tiens à lui rendre hommage car peu de secteurs économiques ont réussi depuis l'après-guerre une mutation aussi profonde. Grâce à un effort persévérant, à une recherche permanente de la qualité, à une conquête dynamique des marchés extérieurs, la production de la viticulture alsacienne s'est imposée parmi les vins de grand renom, contribuant ainsi au rayonnement de toute l'Alsace. À cet égard, nous vous devons des sentiments de gratitude.

Je n'ignore pas – et nous avons eu l'occasion de nous en entretenir à plusieurs reprises – que certaines dispositions ne simplifient pas votre tâche. Certains aspects de la lutte contre l'alcoolisme, la réglementation européenne, les charges sociales et fiscales peuvent parfois vous donner le sentiment d'un climat général plus orienté vers les complications que vers les simplifications.

D'ores et déjà, le Gouvernement a accepté un amendement visant à assouplir certaines contraintes en matière de publicité pour le vin.

Par ailleurs, je peux vous assurer de toute l'attention que le Gouvernement porte à la négociation relative à l'organisation commune des marchés du vin. L'actuel règlement s'avère en effet totalement inadapté et incapable de résorber une situation d'excédents devenue chronique. Et cela est pénalisant pour votre viticulture qui a accompli des efforts qualitatifs spectaculaires.

Le Gouvernement a la volonté de faire adopter des solutions différenciées selon les pays et adaptées au contexte local. Croyez bien que nous sommes pleinement conscients de ce que représente la viticulture française dans notre balance commerciale et dans notre économie nationale.

J'en veux pour preuve la reconduction et le renforcement dans le contrat de plan État-région Alsace, pour la période 1994-1998, des moyens financiers attribués au titre de la prime d'orientation agricole et du fonds d'aide aux investissements immatériels, soit un total de 18 millions de francs.

Enfin, conscient des difficultés nées des fortes augmentations des cotisations sociales concernant les viticulteurs qui résultent d'une réforme globale dont je sais que le bien-fondé n'est pas contesté, le ministre de l'Agriculture est prêt à autoriser, pour les cas les plus difficiles, un échelonnement de leur paiement. Son proche collaborateur qui a reçu vos représentants mardi dernier a pu vous le confirmer. M. Puech s'est en outre engagé à proposer, dans le cadre du projet de loi de modernisation agricole, une modification substantielle de l'assiette des cotisations, répondant ainsi aux souhaits de votre profession.

Mais c'est votre politique, qui intègre recherche de la qualité et juste prix pour le consommateur, qui est et restera le meilleur garant de votre place en France et en Europe. La viticulture alsacienne, forte des succès du passé, saura s'imposer dans l'avenir, j'en ai la conviction.

La Foire aux vins de Colmar se tient entre le moment où l'Assemblée nationale a examiné le projet de loi sur l'aménagement et le développement du territoire et celui où le Sénat se saisira de ce texte. Ce projet recherche un double objectif : donner un maximum de chances à chaque région au niveau national et faciliter l'insertion de l'ensemble de notre pays dans l'espace européen. Il suppose un effort de solidarité et des mesures financières et fiscales pour éviter que la concentration urbaine et la perte de substance des zones rurales ne soient des phénomènes irréversibles.

Cela ne doit pas pour autant affaiblir les régions les plus fortes, car cela n'aboutirait certainement pas à un renforcement des zones aujourd'hui fragiles. Et c'est bien dans cet esprit qu'a été conçu le projet de loi.

L'Alsace, confrontée à la concurrence de régions européennes fortes, doit voir ses atouts valorisés. L'Alsace doit aussi jouer pleinement son rôle dans l'espace du Rhin supérieur.

À cet égard, elle bénéficiera des dispositions du projet de loi qui non seulement affirme clairement que la coopération transfrontalière est désormais une forme d'action reconnue, mais qui permettra dans l'avenir aux collectivités locales françaises de concrétiser plus aisément des projets communs avec des collectivités européennes voisines. Ainsi, les réalités liées à la géographie et à la nature des choses ouvriront des perspectives nouvelles à toutes les régions frontalières.

Colmar et le Centre Alsace ont été des précurseurs dans la coopération avec Fribourg et le Brisgau. Cela a été un atout dans leur ouverture et leur développement. Il appartiendra aux responsables politiques et économiques, aux collectivités locales, aux associations et aux entreprises de se saisir des possibilités offertes pour donner un nouvel élan à une coopération avec nos voisins suisse et allemand, au même titre que la coopération interrégionale avec nos voisins de Franche-Comté et de Lorraine se trouvera facilitée par les dispositions du projet de loi.

La politique d'aménagement du territoire qui va de pair avec la décentralisation, et qui ne doit pas l'affaiblir, illustre la ferme volonté du Gouvernement de réformer et de prendre les initiatives qui s'imposent pour préparer l'avenir.

Le redressement des finances publiques, la maîtrise des dépenses de l'État et la réduction des déficits sociaux exigent des contraintes et une rigueur sans lesquelles il n'y a ni retour de la croissance, ni inversion de la courbe de chômage, ni réduction des phénomènes d'exclusion. Les sujétions qui en découlent n'ont pas pour autant fait renoncer le Gouvernement à mettre en œuvre des réformes telles l'aménagement du territoire ou la politique de sécurité.

Je sais que certains, pas seulement dans l'opposition, dénoncent l'immobilisme du Gouvernement, mais ce sont aussi les premiers à s'émouvoir dès que la mise en œuvre de la réforme soulève des problèmes.

Pour autant notre volonté comme notre action réformatrice ne faibliront pas, car il s'agit de respecter les engagements pris en 1993.

Le Gouvernement sait pouvoir compter au Parlement sur le soutien et la force de proposition d'une majorité dans toutes ses composantes et ses sensibilités, mais unie. Cependant, il a le souci d'associer aux réformes l'ensemble des Français, les comprendre et susciter leur adhésion.

C'est pourquoi nous avons organisé les consultations les plus larges sur tous les grands sujets : l'emploi, l'aménagement du territoire, la protection sociale ou la jeunesse.

Cette démarche est nécessaire. Après plusieurs années d'immobilisme, il faut se garder d'un double écueil :

– premier écueil, faire des promesses inconsidérées. La France a trop souffert des marchands d'illusions. Sans rien dissimuler de l'ampleur et de la durée de l'effort qu'il fallait entreprendre, le Gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour améliorer la situation économique du pays et l'emploi ;

– deuxième écueil, imposer des réformes d'en haut, créer des traumatismes inutiles, qui remettraient en cause notre indispensable effort. Les français souhaitent un langage de vérité pour être associés, pour proposer et participer aux réformes.

Aujourd'hui, la réforme des finances locales, la clarification des compétences des collectivités locales, de nouvelles avancées sur le plan de la coopération intercommunale sont d'ores et déjà engagées quant au principe et elles seront progressivement concrétisées. Ce sont des chantiers complexes et lourds auxquels nous nous attelons. C'est de la solution que nous saurons y apporter que dépend l'aptitude de l'État et des collectivités locales, d'affronter les échéances à venir, de dominer les bouleversements de la société et de maîtriser notre entrée en Europe et notre ouverture sur le monde.

Cette entrée en Europe et cette ouverture sur le monde, qui mieux que l'Alsace en est conscient ?

Et le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts depuis seize mois pour l'appuyer. En témoignent, ce que nous avons acquis dans les négociations communautaires à Bruxelles pour les fonds structurels européens ou pour les primes d'aménagement du territoire, ce que nous avons obtenu dans le cadre du contrat État-région ou des contrats renforçant la vocation européenne de Strasbourg et de l'Alsace.

Permettez-moi de noter en ce qui concerne l'axe Nord-Sud qu'après la réalisation de sa rocade Est, qui devrait être achevée à la fin de l'année, Colmar bénéficiera dans le cadre du contrat de plan État-région du démarrage de la construction de sa rocade Ouest. Par ailleurs, l'axe Est-Ouest, de Colmar au Rhin, fera également l'objet, dans ce cadre, de travaux importants avec l'achèvement de la déviation de Wolfgantzen et la réalisation d'aménagements entre Neuf-Brisach et la frontière.

Enfin, ce qui a été acquis pour le TGV Est Européen et ce qui le sera pour le TGV et le canal à grand gabarit Rhin-Rhône constituent autant de témoignages d'une action gouvernementale concrète qu'il convient de relever.

Et chaque fois que l'Alsace se présentera unie et s'exprimera d'une seule voix, elle sera entendue à Paris et à Bruxelles.

C'est la condition pour que l'Alsace soit forte, respectée et puisse être fière et sans complexe ; l'Alsace qui a su s'adapter, qui a su surmonter les crises et les bouleversements des structures économiques qui ne l'ont pas épargné ; l'Alsace qui est consciente que de nouveaux efforts sont nécessaires si elle veut valoriser pleinement sa situation de carrefour, car rien n'est jamais définitivement acquis.

Notre vision de l'avenir, notre volonté de progresser, notre souci d'aller avec notre temps n'est pas incompatible - bien au contraire – avec notre fidélité à nos racines et notre foi en des valeurs qui nous ont permis de surmonter les épreuves de l'histoire. Et ne nous laissons pas décourager par telle ou telle émission irresponsable et déplacée.

Colmar symbolise mieux que d'autres ces vertus, cette force, cette expression d'une confiance inébranlable en l'avenir.

Puisse le vin d'Alsace qui régalera nos palais, même si c'est avec modération, donner à cette confiance et à cet optimisme tout leur élan.