Texte intégral
Question n° 1 : Monsieur le Premier ministre, la Seine-et-Marne occupe une position un peu particulière (superficie, croissance démographique, ruralité) en Île-de-France. Le SDAURIF prévoit 350 000 habitants supplémentaires en 2015, d’où des problèmes à venir de logements, d’emplois et de transport. Votre hôte, Jacques Larché, demande que soit reconnue la spécificité du département. Quelles réponses lui ferez-vous, quels moyens donnerez-vous à la Seine-et-Marne pour atteindre les objectifs qu’on lui fixe ?
Réponse : L’originalité du département de Seine-et-Marne est un fait incontestable. Le dynamisme démographique est considérable dans ce département dont près d’un tiers de la population a moins de 20 ans. La Seine-et-Marne occupe la moitié de la surface de la région Île-de-France et héberge 10 % des Franciliens. Le département se caractérise aussi par une situation géographique qui le place au cœur du bassin parisien avec, d’une part, des regroupements urbains d’une grande densité, et d’autre part, des zones rurales importantes.
Le gouvernement reconnaît totalement cette originalité. Le président du conseil général s’attache à satisfaire aux spécificités du département avec vigueur et efficacité. Elles ont été largement prises en considération dans le schéma directeur de la région Île-de-France tel qu’il a été approuvé le 26 avril dernier.
D’autres décisions témoignent de cette prise en considération : l’importance des infrastructures de communication, les règles nouvelles adoptées au comité interministériel d’aménagement du territoire de Troyes pour l’agrément constructeur, le contrat de plan État-région, etc.…
Je souhaite poursuivre dans cette direction.
Question n° 2 : Le développement démographique prévu de la Seine-et-Marne doit s’accompagner de créations d’emplois. Allez-vous accorder aux entreprises qui souhaitent s’installer dans ce département, les mêmes aides et primes que celles qui sont accordées en province ?
Réponse : Nombre d’aides publiques pour le développement économique sont destinées à compenser les handicaps géographiques ou à répondre à des problèmes graves de reconversion industrielle. Le département de Seine-et-Marne ne connaît pas des difficultés aussi graves. Je ne peux que m’en réjouir.
Il n’en demeure pas moins que la création d’emplois est un impératif, ne serait-ce que pour accompagner l’évolution démographique et freiner les mouvements migratoires quotidiens vers Paris et sa proche banlieue.
Le gouvernement a pris de très nombreuses dispositions pour soutenir l’activité économique et favoriser la création d’emplois. Ces dispositions sont d’autant plus efficaces qu’elles s’inscrivent, en Seine-et-Marne, dans une situation économique dynamique grâce, notamment, au nombre important des petites et moyennes entreprises.
Question n° 3 : Prévoyez-vous de délocaliser des grandes entreprises publiques en Seine-et-Marne ? Notamment à Sénart, qui, après l’abandon du grand stade que vous avez décidé d’implanter à Saint-Denis, cherche toujours les moyens de s’en sortir ? Et où en est le projet d’implanter un tribunal administratif pour désengorger Versailles ?
Réponse : La situation de la ville nouvelle de Sénart fait l’objet d’une grande attention de la part du gouvernement. Le contrat de plan en témoigne ; il prévoit notamment une accélération des travaux sur les voies de communication et un renforcement des capacités d’enseignement supérieur.
Une mission d’inspection interministérielle a par ailleurs été conduite pour apprécier les conditions qu’il faut réunir pour accélérer le développement de la ville nouvelle. Les conclusions du rapport ont été adoptées au mois de septembre dernier. Elles s’orientent essentiellement vers des dispositions de nature financière : gestion et renégociation de la dette, et vers des décisions destinées à renforcer l’attractivité de Sénart.
Le gouvernement doit prendre plusieurs initiatives sur ce deuxième point.
Question n° 4 : Le parc actuel d’Eurodisney est loin de remplir ses objectifs financiers. La seconde phase est repoussée d’année en année. Pensez-vous que l’État puisse, de nouveau, apporter une aide financière à l’entreprise ?
Réponse : Les relations entre l’État et Eurodisney s’inscrivent dans le cadre d’une convention très précise. L’État s’attache, naturellement, à respecter scrupuleusement ses obligations, mais il n’envisage pas d’aller au-delà.
Eurodisney est une société privée, qui a fait des efforts importants pour s’adapter à une conjoncture plus difficile, notamment en renégociant ses conditions de financement par les banques. Elle a créé plusieurs milliers d’emplois directs et indirects en Île-de-France et procure des rentrées de devises appréciables à la France. Le mouvement général de reprise de l’économie et de la consommation devrait lui bénéficier dans les prochains mois.
Question n° 5 : Lorsque que vous avez été nommé Premier ministre, vous avez assuré le petit commerce de votre soutien en déclarant notamment vouloir mettre un frein à la création de grandes surfaces en milieu rural. La Seine-et-Marne, à la lisière des espaces urbains et ruraux, voit se développer les projets commerciaux. À Chelles, à Mitry-Mory, et à Sénart, avec Francilia. Quel est, aujourd’hui, votre position, notamment sur ces trois exemples précis ?
Réponse : Je suis persuadé que le commerce de proximité doit connaître un développement accru. Il contribue à maintenir une activité économique et une vie sociale dans les espaces ruraux aussi bien, d’ailleurs, que dans les agglomérations. Il est bien souvent un facteur de cohésion sociale.
Le gouvernement précédent a engagé la procédure d’autorisation pour la création du centre commercial « Francilia » à Sénart. Je n’aurais pas pris une telle décision et je constate qu’elle soulève une importante opposition. Il n’en reste pas moins que la procédure a été engagée et qu’elle est en cours. Le gouvernement doit, à présent, attendre l’avis du commissaire-enquêteur pour apprécier la décision qu’il conviendra de prendre.
Question n° 6 : Vous allez inaugurer l’autoroute A5, qui va permettre notamment de désengorger Montereau et sa région. Mais ce nouvel axe ne va-t-il pas créer un flux supplémentaire vers la capitale ? Et inciter les futurs nouveaux habitants de Seine-et-Marne à continuer de travailler à Paris où en proche banlieue ?
Réponse : La mise en service des deux dernières sections de l’autoroute A5 Sens-Troyes et Melun-la Francilienne, offre un nouvel itinéraire entre Paris et le sud-est de la France. Elle offre aussi une nouvelle voie de communication pour les villes de Melun et Montereau et pour la ville nouvelle de Sénart. Enfin, elle va irriguer les régions de Sens et de Troyes, désenclaver la Champagne du sud et créer une nouvelle liaison autoroutière entre la région parisienne et l’est de la France.
Le risque de créer un flux supplémentaire vers la capitale n’est pas à négliger. Les possibilités de soutenir une activité économique locale plus importante ne l’est pas davantage.
C’est une chance qui est donnée à cette partie de la Seine-et-Marne que d’avoir des ouvertures supplémentaires vers Paris mais aussi vers le sud et l’est du pays ; ce n’est pas une garantie. Il faudra savoir mettre à profit cette chance. Je suis persuadé que les responsables du département le feront avec succès.
Question n° 7 : Votre programme vous conduit à Dammarie-les-Lys où vous allez parler de politique de la ville. Avec l’arrivée prévue d’habitants supplémentaires, ne craignez-vous pas que cette ville, mais aussi Melun, Meaux, Montereau et Sénart, connaissent un jour les difficultés des banlieues chaudes ?
Réponse : Il n’y a pas de fatalité à ce qu’une ville en expansion connaisse les difficultés des banlieues chaudes. Mais il est vrai qu’il faut accompagner son développement et veiller à la bonne intégration sociale des nouveaux habitants. C’est l’un des objectifs de la politique de la ville qui est conduite, en particulier à Dammarie-les-Lys. Elle s’est traduite par la réhabilitation des logements sociaux et des espaces extérieurs, par une politique d’accompagnement social et de prévention de la délinquance et par un effort important dans le domaine de l’enseignement, au titre de la zone d’éducation prioritaire, qui a concentré à elle seule le quart des crédits consacrés à ce type de zone en Seine-et-Marne.
Tout ceci représente un effort budgétaire de l’État important qu’il faut poursuivre mais je sais que les collectivités locales, en particulier la municipalité de Dammarie-les-Lys et son maire y contribuent aussi de façon résolue.
Si l’on prend le problème de la sécurité qui préoccupe à juste titre nombre d’habitants, l’effort consenti par la ville de Dammarie-les-Lys pour l’installation du commissariat peut être cité en exemple et je tiens à rassurer ceux qui craignent de voir renaître un ancien projet visant à intégrer ce commissariat à l’hôtel de police de Melun. Il n’en est pas question : la politique de la ville que le gouvernement conduit vise à maintenir et développer, quand cela est nécessaire, les équipements de proximité, précisément dans les quartiers qui en ont le plus besoin. C’est de cette façon que l’on évitera les désordres de toute sorte dont souffrent trop de banlieues, faute d’avoir porté une attention suffisante aux conditions de vie des habitants.
Question n° 8 : Vous allez également rencontrer des agriculteurs. La Seine-et-Marne s’enorgueillit d’être encore un département agricole, où les céréaliers et betteraviers sont importants. L’avenir est au carburant vert, quelles mesures incitatives pensez-vous prendre pour favoriser l’utilisation de diester et de bioéthanol ?
Réponse : J’attache une grande importance aux biocarburants. Leur développement présente, en effet, un triple avantage : il permet l’utilisation des terres mises en jachère, il joue un rôle important pour l’aménagement du territoire en confortant l’activité économique de nos campagnes, il offre des débouchés complémentaires à notre agriculture.
C’est pourquoi, le gouvernement a mis en place un régime fiscal très incitatif et a agréé de nombreuses usines de production. L’an prochain, c’est plus du quart des surfaces en jachère qui sera consacré aux biocarburants. Cet ambitieux programme, mis en place par la France, est le plus avancé de l’Union européenne.
Nous souhaitons que notre régime d’exonération fiscale puisse trouver un relais au plan communautaire. C’est la raison pour laquelle nous soutenons le projet de directive relative à la défiscalisation des carburants d’origine agricole, actuellement en cours d’examen à Bruxelles.
Question n° 9 : On ne peut s’empêcher de penser que votre visite est aussi celle d’un futur candidat à la présidentielle. L’abandon des primaires, la défection de Jacques Delors, sont autant d’éléments qui vont inciter les candidats à se déclarer. Allez-vous créer la surprise en Seine-et-Marne, en annonçant votre candidature devant tous les élus, parlementaires, conseillers généraux et maires, du département ?
Réponse : Il y a vingt mois, lors de la formation du gouvernement, la situation de notre pays était mauvaise, probablement la plus grave que nous ayons connue depuis la guerre.
Depuis lors, à la tête du gouvernement, je me suis efforcé de redresser le pays. Il fallait lutter contre les déficits, régler l’affaire du GATT, tout faire pour enrayer le chômage, lutter contre l’insécurité, maîtriser l’immigration, moderniser la justice et l’école. Tout cela laissait peu de place pour d’autres préoccupations et je me suis fixé pour règle de ne pas évoquer les prochaines échéances au cours de l’année 1994. Vous comprendrez que je me tienne à cette règle que j’ai fixée moi-même.