Article de M. Charles Pasqua, conseiller politique du RPR, dans "La Une" d'août 1998, contre la ratification du traité d'Amsterdam, intitulé "Je lance un rassemblement des patriotes et hors les partis".

Prononcé le 1er août 1998

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Média : Emission Face à la Une - La Une

Texte intégral

« Nous sommes rassemblés parce que nous sommes décidés à rendre à l'Europe l'audience qu'elle mérite, nous sommes décidés à faire entendre dans le choeur européen le coeur des Français qui, parce qu'il s'agit de l'avenir même du pays, doivent entrer de toutes leurs forces dans le débat politique.

Le pays est livré au doute, à la passivité, à tous les égoïsmes et à tous les corporatismes. Partout l'autorité de la loi est bafouée, l'autorité du peuple est mise sous la tutelle des juges et des technocrates, le politiquement correct impose aux convictions les plus nobles une ignoble loi du silence. Non, la France ce n'est pas la politique des politiciens, ce n'est pas la morale des immoraux, ce n'est pas la volonté des lâches. La France c'est une volonté politique, une morale, un courage.

Nous avons, aujourd'hui plus que jamais, besoin de retrouver ce sens profond de la France que tout s'emploie à vouloir nous faire perdre. On ne sait plus tenir d'une même main la générosité et la fermeté, on ne sait plus tracer au-dessus des intérêts particuliers la ligne d'exigence de l'intérêt général, on ne sait plus être républicain et patriote sans complexe et sans mauvaise conscience. Ainsi a-t-on laissé s'abîmer le creuset républicain qui nous a permis d'assimiler des millions de personnes étrangères. La France n'est pas et n'a jamais été une race ou une ethnie, elle est une idée que tout individu peut faire sienne à condition d'en accepter toutes les exigences.

La France c'est Jeanne la Lorraine, ce sont les enfants de nos provinces qui firent la Grande Armée, la victoire de Verdun, la fierté de la France Libre et tout autant ceux venus, d'Afrique du nord, d'Asie, d'Océanie, d'Amérique, mourir sur cette terre si lointaine qu'ils avaient appris à aimer et que l'occupant souillait de sa tyrannie. C'est parce que nous savons que toutes les couleurs de peau se valent sous les balles de l'ennemi qu'il y a plus d'immigrés sous nos pieds que sur notre sol, que nous sommes patriotes et que nous refusons le nationalisme qui est l'hideuse caricature du patriotisme à qui il fait tant de mal. Retrouvons toute l'exigence de la République et les problèmes se régleront d'eux-mêmes. Soyons fiers d'être Français : cela s'appelle donner l'exemple. Exemplaire dans notre patriotisme nous pourrons réprimer sans aucun état d'âme une délinquance devenue insupportable dans la vie quotidienne.

Or que voit-on aujourd'hui ? Sous le couvert du politiquement correct et des bonnes âmes de gauche qui vivent dans des quartiers de droite, nous voyons prospérer un communautarisme qui détruit la République. Des étrangers au lieu de se fondre dans notre creuset en y apportant l'enrichissement de leur propre culture vivent de plus en plus en développement séparé, en dehors des lois de la République, avec l'impunité donnée par une idéologie anti- française qui fait, par réaction, les beaux jours de tous les extrémistes.

La République c'est la liberté et l'ordre, la générosité et l'exigence. Ce n'est pas l'anarchie, le laxisme. La France a mal à la France. Elle voit l'ampleur des problèmes, chômage de masse, démographie déclinante, régimes sociaux au bord de l'implosion, villes invivables et campagnes désertées et elle voit aussi s'accumuler les mesures à contresens, affaiblissements des institutions, abandon de la famille, renoncement de la République.

L'Europe que l'on voudrait nous imposer et qui n'est ni l'Europe des Nations, ni l'Europe des citoyens, l'Europe fédérale et technocratiques que l'on voudrait nous contraindre à suivre, est la plus belle des confluences des hypocrisies et des non sens que l'histoire ait connue.

La principale hypocrisie, c'est de vouloir nous faire croire que nous allons retrouver notre souveraineté en la partageant, c'est qu'en étant le quinzième d'un tout on est plus qu'en étant pleinement soi-même. Le propre de la souveraineté c'est précisément de ne pouvoir être partagée. On peut, certes, déléguer des compétences mais pas la souveraineté elle-même et on ne doit jamais abandonner son droit de veto qui est, dans la construction européenne, le signe tangible du respect de la souveraineté des États.

Le principal contresens c'est de croire que cette Europe là pourra régler nos problèmes. Non l'Euro fort ne fera pas reculer le chômage, non l'irresponsabilité Bruxelloise ne fera pas reculer incivisme.

La République Française qui fait tout reposer sur la souveraineté populaire, base de la prééminence de l'état au service de la nation, n'est pas compatible avec une Europe fédérale, c'est une évidence. En construisant le fédéralisme, on détruit la République. Le plus insupportable ça n'est pas la conviction fédéraliste, respectable comme toutes les convictions, c'est le refus de dire la vérité aux Français, c'est cette condescendance narquoise à vouloir nous faire prendre les vessies fédéralistes pour des lanternes républicaines. La République ne peut être elle-même que dans la rencontre entre les aspirations du peuple et un grand projet collectif et il est tentant de vouloir faire de la politique sans le peuple. La République est fondée sur le mérite et contrarie le régime de l'argent. elle est généreuse et contrarie les égoïsmes. C'est tout le sens de notre combat pour obtenir un référendum, c'est le combat essentiel, le seul qui vaille pour l'instant. Mon opposition à l'Euro tient en une phrase : je refuse l'abandon de notre souveraineté monétaire pour servir un projet vide de sens politique et plein de risques pour notre économie et notre société. Ma position sur Amsterdam tient en deux questions : notre pays peut-il se prétendre encore souverain en confiant à d'autres les pouvoirs de ses ministères de l'intérieur et de la justice après ceux des finances et du budget ? Notre pays peut-il se prétendre encore souverain en soumettant sa constitution à un ordre juridique supérieur ?

Mon but, quoi qu'on dise, n'est pas la formation d'un nouveau parti, pour deux raisons fondamentales : premièrement, il y en a déjà beaucoup et la division n'a jamais fait la force. Deuxièmement, notre combat est trop important pour le laisser flétrir, nous ne sommes pas en train de faire une manoeuvre politicienne, nous engageons le combat pour la France; nous ne sommes pas en train de constituer un parti, le combat pour la France transcende tous les partis ; nous ne sommes pas en train de préparer des investitures, le combat pour la France n'est pas de la tambouille électorale.

C'est ce rassemblement exceptionnel que j'entends me consacrer désormais. Je rappelle que ce qui guide mon action, c'est le gaullisme du Général de Gaulle et pas le radicalisme a la sauce IVe République, que notre but c'est le rassemblement des Français. Je vous donne seulement une garantie : la certitude de notre combat.

Les Français ne veulent pas abandonner la réalité de la République contre les faux semblants d'une Europe sans âme, d'une Europe sans conscience, ils ne veulent pas abandonner le pouvoir acquis dans des luttes politiques longues et difficiles au profit d'une nouvelle noblesse de fonctionnaires et de juges. Cette noblesse-là, on l'appelait avant 1789 la noblesse de robe et c'est précisément contre elle que l'on a fait la Révolution.

Il nous faut repartir sur des bases nouvelles, il faut renouer le fil de la confiance entre nos dirigeants et les Français, le référendum n'est pas seulement une nécessite par rapport aux institutions de la Ve République, c'est aussi une nécessité politique et civique.