Texte intégral
Le comité national du PCF s'est réuni hier place du Colonel-Fabien sous la présidence de Bernard Birsinger, puis de Sylvie Mayer. Après avoir entendu le rapport de Robert Hue, "rentrée politique et sociale ; les communistes à l'offensive" (que nous publions ci-contre et qui fait l'objet d'un résumé page 4), la discussion a permis successivement d'entendre Jean-Michel Bodin, Gérard Lahollec, Henri Malberg, Claude Pondemer, Antoine Casanova, Rémy Auchedé, Roger Martelli, Gilles Bontemps, Martine Bulard, Sylvie Jan, Philippe Herzog, serge Guichard, Jean-Christophe Le Duigou, Guy Hermier, Michel Duffour, Michel Dauba et Nicolas Marchand.
Elle se poursuit aujourd'hui (nous en publierons le compte-rendu dans nos prochaines éditions) avec la présentation de notre rapport d'Alain Bocquet sur "la procédure du candidat du PCF à l'élection présidentielle".
Le rapport de Robert Hue
Rentrée politique et sociale ; les Communistes à l'offensive
Chers camarades, "les communistes à l'offensive contre le gouvernement" ; "PC, la double offensive" ; "le PC passe à l'offensive" … Ces titres – identiques dans de nombreux journaux – rendaient compte, au début de la semaine dernière, du contenu politique de la Fête de l'Humanité. Effectivement, être offensifs, et l'être dans tous les domaines, tel est notre mot d'ordre en cette rentrée et pour la période qui vient.
I. – Les communistes à l'offensive dans tous les domaines
1. Les communistes et la résistance à la politique du pouvoir
Monsieur Balladur ne cesse de répéter que tout va mieux. Il se réjouit d'être au plus haut niveau dans les sondages. Pourtant la France souffre. Des millions de français sont mécontents, exaspérés, inquiets.
Cette situation est paradoxale. Comment la comprendre ?
Le Premier ministre cultive volontiers son image d'homme raisonnable, prudent, il s'efforce d'apparaître comme quelqu'un qui écoute et qui tient compte des refus qui s'expriment, des obstacles qu'il rencontre.
Ainsi, il n'hésite pas à battre en retraite quand la réalité le lui impose. On l'a bien vu avec l'école laïque et le SMIC-jeunes, et M. Balladur n'ignore pas que cette donnée – la possibilité de le contraindre à des reculs – est désormais intégrée par l'opinion.
Il n'hésite pas non plus à manœuvrer en lâchant du lest sans céder sur le fond. On l'a vu avec Renault. La régie était au nombre des 21 entreprises industrielles et bancaires à privatiser. Comme Rhône-Poulenc, elle devait être livrée totalement au capital privé. La pression de l'opinion – et les 300 000 signatures récoltées à notre initiative – ont contraint le gouvernement à manœuvrer en recul : L'État restera majoritaire chez Renault, du moins pour le moment. Mais une partie du capital de la firme sera mise sur le marché et l'objectif de fonds demeure : livrer à l'affairisme, à la finance, une entreprise qui marche, un symbole de la réussite nationale, et permettre d'y multiplier l'emploi.
La contradiction à laquelle se heurte M. Balladur
Telle est bien la contradiction à laquelle se heurte M. Balladur.
Il a déjà dû reculer, je l'ai dit. Et il n'ignore pas que la victoire électorale de la droite fut bien plus le résultat d'un rejet des politiques et des pratiques des gouvernements socialistes que d'une adhésion populaire à ses objectifs, aux dogmes de l'argent-roi. Il ne souhaite naturellement pas en cette période préélectorale déclencher un large mouvement d'opposition – les raisons ne manquent pas – ruineux pour ses ambitions.
Mais, en même temps, il ne renonce en rien aux objectifs de la droite, Il s'efforce, jour après jour, avec obstination et ténacité, de réaliser ce pour quoi il est à Matignon : remodeler la société française en mettant en pièces toutes les conquêtes sociales qui, héritées de notre histoire, font entrave au plein déploiement du capital ; plier l'État et la vie de la société aux appétits de pouvoir et d'argent des milieux dirigeants et des privilèges, fût-ce en déchirant le tissu social et au prix de véritables reculs de civilisation. Installer ce qu'il appelle avec constance une "société autre". Et il lui faut pour cela – ambition présidentielle oblige – convaincre ses pairs qu'il est bien le meilleur pour y parvenir.
Airs patelins, mais volonté et poigne de fer, n'est-ce pas ce qui déroute tant certains commentateurs, et qui explique que sa cote personnelle de popularité soit au plus haut tandis que s'exprime une large condamnation des mesures qui constituent le cœur de sa politique ?
La France souffre
Comment s'étonner de ce dernier trait quand on mesure le coût social et humain de cette politique ? Depuis l'arrivée de la droite au pouvoir, le chômage s'est accru. La précarité explose. Les licenciements en cours ou annoncés repartent. Rien pour le SMIC en juillet et un pouvoir d'achat des salaires, des retraites, des pensions en régression. Et c'est la sécurité Sociale qu'on veut mettre en miettes, le saccage entrepris de l'hôpital public, le droit à une retraite complète à 60 ans supprimé, c'est la croissance du nombre de RMIstes et de l'exclusion, c'est le bradage du patrimoine national aux prédateurs de la finance, et la mise en cause des acquis sociaux. Et c'est le démantèlement du Code du travail, les délocalisations, l'étranglement des communes et de leur autonomie, le sécuritaire confondu avec la sécurité, et des libertés, comme celle de manifester, rognées.
Tout cela pendant que "l'argent facile" s'enfle, que les profits flambent, que la spéculation s'emballe, que les cadeaux au patronat se succèdent, que l'insolence de la richesse s'affiche.
Oui la France souffre et les Français sont des millions à être indignés, révoltés, inquiets pour leur avenir, celui de leurs enfants. Et c'est souvent d'une véritable angoisse qu'il faut parler.
C'est pourquoi, je veux le souligner, des millions d'hommes, de femmes, de jeunes ont en cette rentrée besoin que le Pari communiste joue tout son rôle. Qu'il le joue mieux encore.
Cela veut dire bien sûr qu'il mette ses militants, ses organisations au niveau de la colère si largement ressentie et au service de son expression haute et forte. Cela veut dire encore qu'il contribue à faire grandir l'esprit de résistance à la politique destructrice de la droite, en aidant à grandir la conscience que l'action unie et rassembleuse est une force que les puissants redoutent et qui peut arracher le succès. Cela veut dire, enfin – car les choses ne se divisent pas –, qu'il aide à ce que dans le dialogue et la lutte grandisse la perception des causes et des responsables d'une situation jugée intolérable, et s'élève l'aspiration à des transformations plus amples, à des résultats plus durables.
On le voit, luttes sociales et action politique ne s'opposent pas. Et si notre parti n'est pas seul à contribuer au déploiement des premières, il se doit de jouer tout son rôle dans le développement de la seconde, faute de quoi c'est l'intervention populaire elle-même qui serait handicapée.
La reprise, oui. Mais pour qui ?
On le voit bien à propos de la campagne orchestrée par le gouvernement sur le thème de la "reprise". "La France va mieux et l'emploi repart", lance-t-il. Oui, sinon notre parti, se doit de soumettre au jugement de l'opinion ce constat : "oui, il y a la reprise, mais pour qui ? Ce n'est pas la France qui va mieux, mais les placements financiers et les profits qui vont bien". Les masses considérables de capitaux financiers accumulés qui cherchent à se rentabiliser pèsent contre l'emploi et le pouvoir d'achat. C'est ce qui rend cette reprise fragile et malsaine.
Cette action politique pour contribuer à la résistance, aux luttes, aux débats, à l'union est également indispensable à propos de la "consommation".
Consommer plus ? Chiche
M. Balladur invite les Français à "consommer plus". C'est évident la reconnaissance de cette idée depuis longtemps avancée par les communistes selon laquelle ma relance de la consommation contribuerait au développement de l'emploi. Et on a envie de lui dire "chiche ! mais créez-en les conditions !". Car, dans le même temps, sa politique ne vise qu'à réduire le pouvoir d'achat. Quant tout montre que les pays où les salaires sont les plus élevés sont ceux où le chômage est le moins important, M. Balladur, lui, ne pense qu'à rogner "les coûts salariaux", il dilapide la Sécurité Sociale et ce "salaire indirect" que constitue en France la protection sociale. Il prétend diminuer les impôts sur le revenu mais gonfle, dans le même temps, les impôts locaux, démultiplie les taxes, accroît la CSG, et au total la fiscalité ponctionne plus lourdement le budget des familles.
Salaires, protection sociale, impôts, … c'est bien le pouvoir d'achat qui naisse, la consommation des familles qui recule alors qu'un emploi sur deux en dépend. Et montrer combien l'appel du Premier ministre à consommer davantage est dans ces conditions d'un cynisme hors du commun, c'est contribuer à faire monter protestation, riposte, action unie.
Les privatisations : débattre du fond
Prenons les privatisations voulues par le gouvernement. Nous appelons à les combatte parce que, l'expérience le montre, toutes se résument à de bonnes affaires pour les grands capitaux privés.
Toutes se traduisent par des suppressions dis massives. Et en bradant son patrimoine à la finance, on prive la nation de moyens importants pour une politique industrielle moderne, créatrice d'emplois et génératrice de progrès social. Mais il arrive que des salaires nous objectent : "A quoi bon agir, puisque les groupes nationalistes suppriment tout autant d'emplois et se comportent souvent comme des groupes privés !". Comment alors développer la colère et l'action sans débattre du fond ? Sans montrer que défendre les nationalisations, c'est agir pour une gestion selon de tout autres critères que ceux du privé, et des droits accrus pour les salariés, notamment afin de faire entendre leur voix en ces domaines ?
Défenses publiques : priorité à l'emploi ou à l'affaiblissement
Prenons la question des dépenses publiques. Avec une belle assurance, M. Balladur explique que le budget de l'an prochain n'aura qu'une priorité ; l'emploi. On pourrait dire : "Enfin !". Mais en réalité, c'est priorité à un nouvel abaissement des charges patronales, priorité à de nouveaux cadeaux fiscaux, à l'affairisme ! Et au nom des déficits publics creusés notamment par les frais financiers exorbitants versés aux banques, le gouvernement va amputer les budgets sociaux touchant à la population ; tout cela en soumission aux terribles critères de Maastricht.
Décidément, pour la droite c'est l'argent, l'argent-roi qui est toujours le fin mot ? Comment s'étonner que des interrogations grandissent ? Mais comment les transformer en révolte et en lutte, sinon par le débat politique ?
Patronat européen : la régression sociale sur toute la ligne
Sur les questions internationales et la politique étrangère de la France également – qu'il s'agisse de la situation dramatique de l'Algérie, de Haïti, du sens de l'intervention française au Rwanda, de l'Irlande du Nord, de la mise en œuvre de l'accord israélo-palestinien, des rapports Nord-sud, … –, il est nécessaire que le Parti communiste joue tout son rôle pour donner son point de vue, nourrir la réflexion sur les raisons de fond des graves dysfonctionnements du monde actuel et contribuer au développement de l'intervention de notre peuple. C'est ce qu'a bien montré Francis Wurtz dans l'important discours qu'il a prononcé sur questions à la fête de l'Humanité. Je me bornerai donc à évoquer, à titre d'exemple, un point précis concernant la construction européenne.
L'UNICE, qui est à l'Europe ce que le CNPF est à la France, vient de publier un rapport contenant une série de recommandations très pressantes du grand patronat à l'égard des gouvernements. Peu de gens, en France, ont entendu évoquer ce document. Pourtant, sa lecture donne froid dans le dos, tant le cynisme coule à flots dans, les injonctions des forces de l'argent. Elle constitue un indicateur très précieux des projets véritables des milieux conservateurs : au nom de la recherche d'une "économie européenne très compétitives", c'est un véritable catalogue de mesures de régression sociale allant de la réduction "de façon importante" des charges salariales, et de la réduction "au niveau national ou sectoriel du salaire minimum garanti", à "l'accroissement de la flexibilité du temps et des contrats de travail", en passant par la nécessité affirmer de "mettre les programmes scolaires plus en rapport avec les besoins des affaires et de l'industrie"… Aussi notre Parti va-t-il s'emparer de ce document pour informer les salariés et les organisations, sur ces menaces – d'autant plus sérieuses qu'elles bénéficient d'un soutien résolu de tout le patronat européen. En outre, ses militants ; sa presse et, bien sûr, ses élus dans les institutions européennes intègreront ces nouvelles données dans leur activité.
Jouer tout notre rôle politique
On le voit à ces divers exemples, des salariés, des citoyens peuvent par des cheminements très divers, avec des convictions différentes, voire opposées, se retrouver unis dans une même protestation sur des problèmes concrets et des exigences précises. Mais cela suppose que notre Parti contribue, par son intervention proprement politique, à surmonter ce qui sépare dans la vie, à unifier les exaspérations à convaincre des causes et des responsables des désastres sociaux que la droite produit et amplifie.
Et c'est du même mouvement, en étant pleinement communiste, qu'il peut contribuer au développement des luttes, des ripostes, des résistances et à l'élaboration des réponses aux interrogations qu'elles nourrissent sur la perspective d'avenir, à la construction d'une issue politique neuve.
2. À la rencontre des citoyens
Cette nécessite pour les communistes d'être à l'offensive dans la rencontre des salariés et des citoyens, et dans le déploiement de leur politique est d'autant plus grande que des choses bougent dans l'opinion.
Des enquêtes et ce que nous ressentons nous-mêmes dans l'action militante l'attestent : nous ne sommes plus, au regard de nos convictions, des valeurs et des attentes, dans la même situation que ces dernières années. On le sait, l'échec de toutes tentatives pour se dégager de la loi de l'argent – que ce soit à l'est ou, à un tout autre niveau et dans de tout autres conditions, en France – a laissé le champ libre aux "solutions" du capitalisme. Déployant sa logique sans concurrence, ce dernier étant même présenté par d'aucuns comme l'horizon indépassable de l'histoire humaine.
Mais l'échec du socialisme d'État n'a pas pour autant rendu le capitalisme meilleur ! Quelques années seulement ont passé. Les interrogations et, pour certains, le désarroi né des évènements de la dernière période n'ont certes pas disparu. Mais, en même temps, le capitalisme, désormais privé de référence à un autre système politique d'autant plus facile à diaboliser qu'il s'était perverti et se refusait aux mises en cause nécessaires, a rapidement tombé le masque. À la question "le capitalisme est-il meilleur ?" se substituent progressivement la question "est-il bon ?". Beaucoup ont découvert que, a bien des égards, et comme dans le conte d'Andersen, "le roi est nu".
Et ce constat est d'autant plus largement fait qu'en submergeant tout l'univers des hommes "les eaux glacées du calcul égoïste" noient – précisément au moment où elles sont en train de grandir – bien des exigences de démocratie, d'humanisme, de progrès de civilisation. Les évolutions en cours ne sont certes pas sans contradictions. Rien n'autorise à penser qu'elles conduisent d'elles-mêmes à la mise en cause du capitalisme. Mais elles constituent évidemment un fait nouveau qui peut être de grande portée.
Un début de mise en doute des dogmes du libéralisme
Une enquête sur les valeurs des Français, rendue publique cet été, met en lumière un début de mises en doutes des dogmes du libéralisme naguère tout-puissants. Les "gagneurs", les patrons, les affairismes n'y ont plus la "côte" qu'ils avaient dans de précédentes enquêtes. La défense de l'emploi, des acquis sociaux et du pouvoir d'achat y est plébiscitée. Les idées de justice, de liberté, d'égalité, de droits de l'Homme y sont massivement mises en avant.
Les impératifs de la "compétitivité" étaient naguère tenus pour inséparables de ce qu'il était convenu d'appeler, dans les années quatre-vingt, la "réhabilitation de l'entreprise et du profit". on leur préfère désormais largement l'exigence d'une amélioration de la situation des salariés. Et pour la garantir, une intervention plus importante de l'État dans la vie économique, dans le contrôle et la réglementation des entreprises est souvent souhaitée. En même temps, la conviction qu'avec "l'Europe de Maastricht" la France allait être "gagnante" est à présent très largement entamée et la prise de considération des intérêts de notre pays dans une Europe de la fraternité des peuples, à construire, s'impose plus nettement. La volonté d'une forte réduction des dépenses militaires de la France est également majoritaire exprimée.
Des interrogations, des exigences nouvelles
De même surgissement de grandes interrogations touchant à des questions essentielles pour la société, pour l'humanité. La gravité des inégalités qui se creusent est durement ressentie. Qu'est-ce que cette société où les uns accumulent d'autant plus d'argent que le nombre de ceux qui en ont de moins en moins grandit ? Qu'est-ce que ce monde où des peuples entiers sont, au rythme des injonctions des institutions financières internationales, réduits à la famine, à la malnutrition, à l'exode et conduit à s'entretuer ?
À ces cheminements s'ajoutent de fortes exigences. C'est, au-delà de l'action contre la privatisation de Renault et dans son prolongement, une sensibilisation qui chemine à une conception neuve des services publics, des droits nouveaux de salariés dans une gestion transformée des entreprises. C'est le refus de plus en plus marqué de subir sans rechigner la toute-puissance de l'argent-roi. C'est la volonté de transparence dans tous les processus de décision : assez de magouilles, de la corruption, des "affaires" ! C'est l'exigence d'une démocratie vivifiée, d'une "démocratie de participation", selon la stimulante expression de l'économiste Macpherson.
Comme je l'ai écrit dans "L'Humanité" le 1er septembre : "les communistes n'ont pas par avance réponse aux interrogations multiples qui naissent en liaison avec la montée de ces exigences et aspirations. Mais c'est bien avec la volonté de les prendre pleinement en compte qu'ils ont élaboré leur politique et décidé de modifier leurs comportements, leurs pratiques". En ce sens, ces mouvements de l'opinion et les choix politiques que nous avons fait pour être mieux des communistes modernes et novateurs convergent pleinement."
Cela ouvre un champ nouveau, incomparablement plus large, à notre activité.
Considérer lucidement la réalité
Il importe donc de considérer lucidement la réalité : en voyant ce qui fait obstacle aux avancées comme ce qui peut les conforter.
Ce qui fait obstacle, me semble-t-il, c'est avant tout le défaut de perspective alternative. La "mise en doute" croissante des dogmes du libéralisme, de l'argent pour l'argent, dont je viens de parler, va de pair avec un sentiment d'impuissance à libérer la société de la domination de l'argent-roi.
En fait, le mouvement de la société – qu'on appelle "mutations", "impératifs technologiques" ou "mondialisation de l'économie" – est considéré comme échappant à la volonté des hommes, donc à la politique ; et les dogmes du libéralisme et de l'Europe de Maastricht qui, en fait, l'orientent sont conçus comme ne relevant pas de choix politiques.
Ce phénomène n'est pas fondamentalement nouveau, même s'il est aujourd'hui aggravé par l'image négative de la politique. Toutes les classes dominantes se sont efforcées de présenter leur domination comme un ordre social intangible, "naturel", inexorable, allant de soi, et auquel il serait en conséquence absurde de s'attaquer.
Ce qui est nouveau, c'est – je l'ai montré – l'expérience grandissante des méfaits de la politique de la droite, du caractère insupportable et injuste du cours imposé au monde, aux peuples, et la mise en relation, même confuse, de ces injustices avec la domination de la loi de l'argent pour l'argent. Et c'est l'aspiration naissante à une civilisation naissante à une civilisation plus conforme à la dignité des êtres humains.
Mais si l'expérience durement ressentie des mauvais coups peut conduire les individus qui la vivent à mettre en cause la politique subie, et à douter des dogmes qui la fondent, elle ne peut à elle seule – surtout quant tout est fait pour "émietter" les individus, atomiser leur colère, encourager le repli sur soi – déboucher sur la conviction que notre peuple peut, par la force de son union et de son action collective, décider et maîtriser son propre destin. En d'autres termes, Elle ne peut à elle seule conduire à l'idée qu'une autre politique est possible et réaliste. Il faut pour cela d'autres "expériences" à notre peuple ; celles de l'efficacité de ses luttes, du caractère décisif de son intervention, de son rassemblement, sur tous les terrains, y compris celui de la politique.
Analysant la situation en France dans les années qui précédèrent 1798, Jean Jaurès fait des remarques : "Pour qu'une révolution éclate, il faut que les classes inférieures souffrent d'un terrible malaise et d'une grande oppression. Mais il faut aussi qu'elles aient un commencement de force et par conséquent d'espoir." Nous sommes naturellement dans une tout autre situation, à une autre époque, avec d'autres enjeux et j'entends bien que "comparaison n'est pas raison". Mais ne faut-il pas toutefois prêter attention à cette intuition remarquable et contribuer à construire vers notre peuple ce qui manque aujourd'hui : la conscience de ce qu'il peut arracher par son action, l'expérience de sa force dès lors qu'il déploie son intervention, à l'entreprise et dans l'ensemble de la vie sociale, le dynamisme moteur d'une espérance ?
Ni "Parti-Guide", ni "Basisme"
Des millions d'hommes et de femmes s'interrogent aujourd'hui, ils ont envie de débattre. Et lorsqu'ils débattent, on voit bien qu'ils font beaucoup de politique – au vrai et bon sens du terme. Nous constatons tout cela, et c'est bien. Mais nous ne pouvons pas nous contenter de cette constatation et, leur disant : "Vous avez envie de débattre, nous allons vous aider à créer les conditions du débat". Notre rôle de parti politique, notre rôle de Parti communiste ne peut se limiter, se mutiler ainsi !
Des millions d'hommes et de femmes ont envie de dire ce qu'ils ont sur le cœur, d'être écoutés. Nous le constatons et c'est bien. Mais nous ne pouvons nous contenter de cette constatation en leur disant : "parlez. Nous vous écoutons. De vos discutions sortiront les réponses aux questions que vous vous posez". Notre rôle de Parti politique, de parti communiste ne peut se limiter, se mutiler ainsi. Ils n'ont pas seulement besoin de parler et d'être écoutés. Ils ont besoin d'avancer dans leur réflexion et de trouver des réponses qu'aujourd'hui ils n'ont pas.
Les communistes, avec leurs analyses, leurs propositions, peuvent et doivent les y aider – et du même coup enrichir leur propre réflexion.
Tel est bien le rôle proprement politique et proprement communiste que s'assigne, que doit toujours mieux s'assigner notre parti. Il ne s'agit évidemment pas de revenir si peu que ce soit aux impasses du "parti-guide" assénant slogans et vérités péremptoires, et invitant au ralliement à ses convictions. Mais il ne s'agit pas d'avantage de s'abandonner à un "basisme" réducteur et mutilant, de proclamer : "les gens, les gens, les gens…", en attendant que la lumière jaillisse de leurs rencontres, en s'interdisant d'y amener nos propositions, nos valeurs, nos notre identité, ou de poser, avec franchise, la question de notre influence, de notre poids dans la vie politique nationale, du renforcement du Parti en organisation.
Un grand débat national multiforme
C'est dans cet esprit ouvert, respectueux des opinions différentes, mais délibérément offensif, qu'il convient d'aborder la question du dialogue, de la confrontation des idées et des propositions, bref du vaste débat national que nous le constatons tous, beaucoup de citoyens attendent et auquel ils participent avec intérêt lorsqu'ils en ont l'occasion.
J'ai tenu à réaffirmer lors de la Fête de l'Humanité – et c'est parce que je le pense : "Chaque communiste, chaque organisation de notre parti va s'engager dans cette démarche avec cœur, imagination et intelligence".
Une précision toutefois sur ce point. Nous avons parlé d'apporter notre contribution à la constitution d'un "grand débat national", qui ne soit contesté par quiconque, ou chacun puisse apporter son concours avec liberté et loyauté, à partir des problèmes rencontrés, des luttes des interrogations qui s'affirment. Une telle orientation ne signifie pas que le Parti doit s'engager dans une campagne de débats comme il nous est arrivé d'en tenir au cours des récentes années ? C'est d'une multiplicité d'initiatives de toute nature, de toute forme, de toute ampleur, sans cadre rigide les prédéterminant et dont l'ensemble contribuera à ce "grand débat national" qu'il s'agit. Quand nous évoquons les "espaces de rencontres, de dialogue et d'action", nous avons en vue une démarche à faire vivre, la nécessité de créer des espaces pour que salariés et citoyens se rencontrent – car de tels espaces n'existent pas – plutôt qu'un type d'initiatives conçues sur un thème schéma à répéter et à multiplier.
C'est aux communistes et à leurs organisations qu'il appartient de définir avec audace ce qui convient le mieux en guise d'initiatives ouvertes largement aux salariés des entreprises, aux habitants des quartiers, des villes et des villages.
Le rôle des partis politiques
J'ai parlé de la nécessité du délai et de l'action, et du rôle que notre parti doit y jouer. Cela me conduit à évoquer la question du rôle des partis politiques puisqu'il est bon ton aujourd'hui de les vitupérer, de se réjouir de leur discrédit quand ce n'est pas de prophétiser leur déclin.
On invoque pour cela la logique de ces institutions de la Ve République, le poids de la télévision, la "crise de la politique" et la méfiance qui en résulte à l'égard de ce qui est désormais devenu banal d'appeler "la classe politique". Des commentateurs, des idéologues à la mode se font fort d'affirmer que la politique moderne est devenue un "marché", mettant face à face non des citoyens mais des "consommateurs" de produits politiques et des leaders chargés d'élaborer lesdits produits par le marketing, de les "vendre" par les médias, de juger de leur impact par les enquêtes d'opinion. Pas de place, on le voit, dans un tel schéma pour les partis politiques.
Et l'on suggère qu'un nouveau banc d'essai de cette conception pourrait avoir lieu à l'occasion de la prochaine élection présidentielle. Comme l'écrit Alain Duhamel, constatant ce qui s'esquisse ici où là : "Les partis serons admis à soutenir les candidats, ils ne les désigneront pas… Les prétendants fourniront les plates-formes et les stratégies. Les partis seront admis à faire la quête et la clarté".
Nous pourrons, bien sûr, évoquer la présente session de notre Comité national, la procédure démocratique qu'elle va définir pour désigner le candidat communiste à l'élection présidentielle. Il n'y aura bien sûr rien chez nous qui puisse ressembler si peu que ce soit à une auto-proclamation ou à une marginalisation du Parti au profit de son candidat. Tout au contraire. De même qu'il n'y a rien de nos conceptions du rôle, de l'activité de notre parti qui puisse être assimilé aux pratiques politiciennes que nous ne rejetons pas seulement en paroles mais dans la pratique politique que nous nous efforçons de déployer.
Reste toutefois que ces idées distillées jour après jour constituent un véritable et dangereux conditionnement préélectoral de l'opinion. Car en déconsidérant les partis politiques, c'est l'intervention politique des citoyens, les débats pluralistes représentants de l'opinion et de la société qu'on veut museler ; C'est l'importance de l'influence de chacun d'eux, la question cruciale du rapport des forces politiques dans la vie sociale qu'on veut faire disparaitre ; c'est la distinction entre politique de gauche et politique de droite qu'on veut enterrer ; c'est l'action politique permanente face au pouvoir et le vote émis en toute connaissance de cause sur une option claire qu'on veut dévaloriser. Et cela au profit d'une "politique-spectacle", réduite au choc des ambitions carriéristes d'écuries présidentielles, de candidats "de consensus" s'employant à chercher "au centre" – avec tout ce que cela suppose de "flou", d'engagements non tenus et d'habileté à flatter les idées dominantes – l'appoint des voix nécessaires pour l'emporter.
Chacun ici a en mémoire les arguments de fond qui motivent notre opposition à l'actuel mode d'élection du Président de la République. Je ne veux y revenir que brièvement.
Il s'agit d'abord d'une raison qui touche à la démocratie. Les institutions de la Ve République avaient déjà jeté les bases d'un véritable régime présidentiel. La réforme du mode d'élection du Président de la République qui vint la compléter en 1962 a fortement renforcé cette tendance au détriment du Parlement. Deux légitimités, issues du suffrage populaire, étaient face à face et "l'esprit des institutions" conduisit l'exécutif à avoir le pas sur le législatif et, au sein de l'exécutif, à la primauté du président. La pratique a depuis lors conforté ce qu'il faut bien appeler une véritable dérive monarchique.
Parallèlement, un véritable dévoiement de toute la vie politique s'est produit. L'élection présidentielle a ainsi pris une place prépondérante. Les autres consultations tendent à ne plus être considérées qu'en référence à celles-ci. De plus, le fait qu'il ne puisse y avoir que deux candidats en lice au second tour a permis à privilégier ce que l'on a appelé "le vote utile", à focaliser la vie politique sur la seule considération des candidats, des personnes des "présidentiables", au détriment des options, des programmes, des débats d'idées. Qui peut nier qu'une telle "tendance lourde" ait joué un rôle crucial dans ce que chacun s'accorde à nommer aujourd'hui la "crise de la politique" ?
S'attaquer à la crise de la politique
Cela fait plusieurs années et plusieurs congrès que, pour notre part, nous analysons cette "crise de la politique". Nous avons dit au 28e congrès que "tous les partis sont au pied du mur". Nous en avons tiré les conséquences, pour ce qui nous concerne, en décidant de changer nos conceptions, nos pratiques, nos règles de fonctionnement afin d'être, et d'être toujours mieux un parti communiste moderne, démocratique, novateur.
Il nous paraît clair que le fossé qui s'est creusé entre les citoyens et les formations politiques ne provient pas de l'existence des partis politiques, mais bien plutôt des pratiques, des dérives politiciennes auxquelles on assiste aujourd'hui, auxquelles on veut réduire la vie politique, et qui ne peuvent que la rendre plus étrangère encore aux citoyens, à leurs besoins, à leurs aspirations.
Pour nous les partis contribuent à l'expression et à l'exercice de la démocratie. Et nous sommes convaincus qu'il ne peut y avoir de développement de la démocratie qu'avec le pluralisme des partis politiques jouant pleinement ce rôle.
On parle fréquemment de la "démocratie de masse" dans laquelle la télévision pourrait jouer un rôle majeur. Il suffirait, à qui aurait raison de s'en convaincre, de constater le quasi-monopole réservé cet été p M. Balladur et à son gouvernement sur les antennes – au point que le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel n'a pu faire autrement qu'intervenir – pour remarquer qu'on en est très loin ! Décidément non le pluralisme ne "passe" pas à la télévision. Et s'il faut agir pour le pluralisme dans les médias, on ne peut concevoir ceux-ci comme les lieux privilégiés, voire uniques de la démocratie.
Pour que le véritable débat auquel ont droit les Français existe, pour qu'il permette véritablement aux citoyens d'être informés honnêtement, afin de se prononcer clairement et en toute connaissance de cause, il est nécessaire que les partis jouent leur rôle : exprimer, dans la confrontation des idées, la diversité des options et des propositions sur lesquelles les électeurs seront appelés à trancher.
Dans ce cadre, il importe naturellement que notre parti s'emploie à mieux faire vivre les choix novateurs qui sont siens, la conception neuve de la politique et de la démocratie qu'il a décidé de développer. C'est évidemment indispensable pour s'attaquer à la "crise de la politique" qui marque notre pays, pour travailler à combler le fossé qui se creuse entre, comme on dit "la société civile" et la "société politique", et à faire prévaloir un projet politique neuf, répondant bien aux aspirations des citoyens et aux enjeux de notre époque.
Cela implique, bien sûr, qu'il n'estompe en rien ce qui fait son originalité, mais qu'au contraire, dans le vaste débat national multiforme dont j‘ai parlé, il déploie son identité, ses valeurs, ses propositions qu'il polit et enrichit sans cesse au contact des luttes populaires et des discussions avec les salariés, les citoyens.
3. Des propositions originales contre la logique de l'argent-roi
Évoquant l'originalité des propositions de notre parti, au diapason des grandes interrogations et des aspirations qui marquent notre peuple, il me semble qu'on peut la ramener à notre attitude par rapport à la question centrale : celle de l'argent, celle de la logique de l'argent-roi, qu'un économiste dénonçait récemment en parlant du "totalitarisme de l'argent".
Je propose de retenir pour notre démarche quatre grands axes : l'argent et l'emploi, l'argent et le social, l'argent et la démocratie, l'argent et la marche du monde.
a) L'argent et l'emploi
J'ai évoqué, au début de ce rapport, "la reprise" dont se vante M. Balladur, et qui est avant tout celle des placements financiers et des profits. J'ai montré les largesses dont la droite au pouvoir comble le grand patronat au détriment du plus grand nombre. J'ai relevé que le projet de budget pour l'an prochain s'inscrit dans la même logique de drainage des richesses et des capitaux pour la finance, avec, en contrepartie, une réduction des crédits publics et sociaux, et davantage de pression fiscale.
Ce choix typique de la droite – encourager la spéculation, la Bourse, la finance, l'investissement réducteur d'emplois et du coût du travail plutôt que l'investissement productif dans des activités utiles à la société et créateur d'emplois – conduit à l'aggravation du chômage ; à un appauvrissement du pays, qui perd de sa substance ; à des régions, à des villes sinistrées ; à une économie et une monnaie fragilisée.
C'est aujourd'hui jusqu'aux services qui, aux yeux du pouvoir, ne devraient plus viser à "rendre service" à des usagers mais à faire de l'argent avec des clients. Et l'on veut démanteler les services publics, privatiser pour livrer ce qui est rentable aux affairistes et, du même coup, réduire l'emploi et briser des droits sociaux et des statuts.
Poser sur le fond la question de l'emploi pour faire reculer le chômage et la précarité, c'est justement avoir le courage de s'attaquer à ce dogme de l'argent pour l'argent. Car, chacun le comprend bien, le problème n'est pas qu'en France on manque d'argent. De l'argent, il y en a. Les milieux dirigeants, les puissants l'utilisent contre les hommes et, en premier lieu, contre l'emploi.
C'est vrai des fonds publics. Ce sont chaque année, et par les canaux les plus divers, des centaines de milliards qui sont offerts gracieusement au grand patronat. J'ai montré à la Fête de l'Humanité que, l'an dernier, M. Balladur lui avait attribué en cadeaux supplémentaires 90 milliards de francs, l'équivalent de 5 000 francs prélevés sur chaque contribuable. Une somme colossale qui aurait pu permettre de financer 650 000 emplois nouveaux au salaire moyen et qui n'a pas servi à cela puisque le chômage s'est accru.
C'est vrai des profits : 1 200 milliards réalisés l'an dernier dans les entreprises qui, pour la plus grande part, ont été utilisés pour "moderniser" à la sauce patronale, c'est-à-dire pour réduire les effectifs salariés, ou sont allés nourrir la spéculation.
C'est vrai du crédit : 6 000 milliards distribués en France, provenant en grande partie de l'épargne et des comptes en banque des salariés et qui ont été, eux aussi, utilisés pour l'essentiel contre l'emploi.
Demander des comptes aux responsables des gâchis
Il est urgent de demander des comptes aux responsables de es immenses gâchis, qu'ils soient chefs des grandes entreprises, banquiers, gouvernants, représentants de l'État. Et nous proposons que chaque chômeur, chaque salarié, chaque citoyen, ainsi que les organisations sociales et les élus puissent avoir le droit et les moyens de proposer une autre utilisation de ces sommes considérables, au service de l'emploi.
Oui, intervention dans l'entreprise pour des choix orientant l'argent "fruit" du travail des salariés, vers d'investissements utiles et créateurs d'emploi plutôt que vers des placements contre l'emploi et les salaires.
Oui, intervention des citoyens à tous les niveaux pour que le critère principal, pour la fiscalité des entreprises, la distribution du crédit et les aides publiques, soit leur utilisation pour la création d'emplois. C'est notamment le moyen d'aider réellement les petites et moyennes entreprises à embaucher et à payer des bons salaires.
Le critère d'utilisation de l'argent qu'il faut imposer, c'est l'incitation à la création d'emplois, inséparable du contrôle public, de la transparence sur l'utilisation de cet argent.
Quelles mesures concrètes pour une politique de l'emploi immédiatement applicable cela implique-t-il ?
Du point de vue de l'emploi, c'est, partout, un véritable état de crise. Il faut donc partout, dans tous les départements, des structures de crise ayant le pouvoir de stopper les plans de licenciements : avec les salariés et leurs représentants, les chômeurs, la population, les élus. Tous doivent pouvoir accéder aux informations sur l'argent et son utilisation, et en proposer une utilisation nouvelle pour l'emploi.
Partout une concertation des institutions financières dans la transparence la plus totale doit permettre d'élaborer des mesures pour réorienter l'argent vers l'emploi. Des fonds départementaux pour l'emploi, alimentés par la taxation des opérations sur les marchés financiers, peuvent être créés. Ainsi, à titre d'exemple, une taxation de 0,1 % – ce qui, chacun en conviendra n'est pas un taux exorbitant – sur les 30 milliards de francs échangés chaque jour sur le marché des actions et des obligations rapporterait annuellement 7,5 milliards de francs.
Des mesures concrètes
On nous dit quelquefois : "Mais quand bien même, il y aurait de l'argent ainsi dégagé, y a-t-il des emplois à créer ?". Oui.
D'abord, au regard des besoins de la population et du pays, pour sa modernisation on ne produit pas trop, il n'y a pas trop de salariés pour assurer et développer des services de qualité. On ne produit pas trop, il n'y a pas trop de salariés si l'on a volonté de développer des coopérations fructueuses entre les entreprises françaises et au niveau international, particulièrement en Europe, et dans le cadre de relations nouvelles avec l'Afrique et les autres pays du tiers-monde.
Ensuite, on le sait, c'est pour payer moins de salaires, moins de prestations sociales que les entreprises choisissent de recourir à l'emploi précaire. Avec une fiscalité et une politique du crédit incitatives, particulièrement pour les PME-PMI, il est possible – et il est nécessaire – de transformer les emplois précaires en emplois stables et bien rémunérés.
Troisièmement – j'ai déjà traité plus haut de services publics et des entreprises nationales –, en même temps que stopper les privatisations, nous proposons de développer, rénover et démocratiser le secteur public, cette grande originalité française, d'en faire un atout pour l'emploi et pour le redressement du pays.
Quatrièmement – cela aussi je l'ai déjà évoqué, je n'y reviens donc que pour mémoire –, une politique nouvelle pour l'emploi implique comme dimension essentielle une augmentation de la consommation avec les mesures que cela implique pour le relèvement des salaires, des prestations et des dépenses sociales de l'État.
Enfin l'abaissement de la durée du travail à 35 heures sans diminution de salaire est également une nécessité, à la fois pour la qualité de vie des salariés et pour la création de nombreux emplois.
Bref, une autre utilisation de l'argent – particulièrement du crédit –, un secteur public rénové jouant un rôle d'entrainement, la relance de la consommation par l'augmentation du pouvoir d'achat et la réduction du temps de travail sans diminution des salaires constituent, selon nous, des orientations claires, décisives pour une politique nouvelle en matière d'emploi.
b) L'argent et le social
J'en viens à un second ensemble de propositions qui touchent à un autre domaine : "L'argent et le social"
Au-delà de l'économie, "l'argent pour l'argent" gangrène toute la vie sociale. Sous l'effet de sa dure loi, C'est une véritable société sauvage que la droite installe jour après jour. Tous les domaines y sont soumis au critère de la rentabilité financière. L'objectif est clair : permettre aux plus riches de faire de l'argent avec tout – avec le logement, la santé, la vieillesse, la culture … – Et tant pis pour le piétinement des conquêtes sociales issues de notre histoire et les véritables reculs de civilisation qui en résulteraient.
Les êtres humains eux-mêmes ne sont pas vus que comme des "dépenses" à réduire, des "masses salariales" à restreindre, des "charges sociales" à rogner, des "coûts" à abaisser. On vise à atteindre une société ultra-inégalitaire ou une caste de privilégiés, véritable nouvelle noblesse du régime, tirerait fortune et pouvoir de l'existence d'une foule "d'exclus" et de la crainte des autres de tomber à leur tour dans l'exclusion.
Inverser la logique actuelle
Il faut inverser profondément cette logique dévastatrice : choisir l'homme, la satisfaction de ses besoins, son bonheur, son épanouissement contre "l'argent-roi" et les véritables perversions sociales qu'il engendre. C'est nécessaire, car on ne peut tolérer que ce soit ainsi que les hommes vivent. Et cela l'est aussi car – quoi qu'en disent les tenants de l'ultralibéralisme – le progrès social n'est pas un "luxe" dont il faudrait se passer quand l'économie va mal. Au contraire, c'est un facteur de progrès économique, et, au-delà, de progrès de civilisation.
Inverser la logique actuelle, cela veut dire avancer vers une société plus solidaire et plus humaine ; tarir le flot de l'exclusion au lieu de l'entretenir, et l'on trouve ici la question de l'emploi. Cela veut dire accroître le pouvoir d'achat et assurer une protection sociale développée ; garantir à tous le droit à la santé, à un logement au loyer accessible, à un enseignement et à une formation digne de notre époque. Cela veut dire le recul de toutes les discriminations, le respect de la dignité humaine, la possibilité de maîtriser sa vie, le partage entre tous des acquis de l'humanité.
Je ne développerai pas ici tous les aspects que je viens d'énumérer. Le programme que nous avons adoptés au congrès comporte un certain nombre de propositions qu'il nous faut, en liaison avec l'action, faire connaître et discuter.
Je veux cependant m'arrêter quelques instants, même si c'est pour les évoquer de façon par trop sommaire – mais nous aurons l'occasion d'y revenir plus en détail – sur trois questions : Celle de ce qui est désormais convenu d'appeler de ce terrible mot : "exclusion" ; puis celles de la santé et du logement.
Un plan d'urgence contre la pauvreté
Permettez-moi d'abord de dire combien je trouve indécentes et indignes les déclarations de compassion à l'égard des "exclus" émanant des gouvernants dont la politique a produit et aggravé l'exclusion. À entendre certains parler des "exclus», on se croirait revenu au siècle passé quand il était de bon ton dans les milieux de la bourgeoisie d'avoir "ses pauvres", qu'on assistait d'une main tandis que de l'autre on organisait une féroce exploitation du travail salarié, produisant justement pauvreté et misère !
On ne peut qu'être indigné quand les déclarations sur le thème du "social" se multiplient du côté de ceux qui en viennent aujourd'hui à envisager de transformer le RMI en système pourvoyeur de main d'œuvre gratuite, en se déchargeant de son paiement sur les départements. On ne peut qu'être indigné quand ces déclarations hypocrites émanent d'un pouvoir qui impose des enveloppes budgétaires poussant les hôpitaux à refuser des malades ; qui continue à détruire des produits alimentaires, à limiter des productions agricoles ; qui s'accommode de la multiplication des saisies et expulsions.
Et nous disons : plutôt d'utiliser des fonds publics au bénéfice de la finance, il faut au plus tôt mobiliser les moyens nécessaires à l'engagement d'un véritable plan d'urgence contre la pauvreté, assurant à tous sans exception le droit à un revenu décent, à se nourrir, à se loger, à se soigner.
La sécurité sociale n'est pas un luxe
Se soigner, justement, un Français sur cinq renonce aujourd'hui à la faire parce que ça coûte trop cher. Là encore, quelle indécence de ces gouvernants qui s'efforcent de convaincre notre peuple que la Sécurité sociale, qui a dû tant lutter pour conquérir, serait en fait une sorte de luxe que compromettrait une consommation médicale excessive et en nombre trop élevé de retraites ! Quelle indécence que la satisfaction affichée du gouvernement devant la diminution des actes médicaux et la régression de la couverture de soins !
En fait, la santé est devenue l'un des domaines de la vie sociale où les inégalités s'accroissent le plus. Et toutes les mesures prises par le gouvernement au détriment des salariés et des assurés sociaux ne font qu'aggraver le déficit de la Sécurité sociale. Celle-ci est d'abord malade du chômage. Elle l'est aussi d'un scandaleux transfert d'argent au profit du patronat. Les exonérations non compensées par l'État dont il bénéficie s'élèvent déjà à douze milliards de francs. La dette des employeurs – État compris – à la Sécurité sociale est par ailleurs colossale. Là encore, c'est toute une logique qu'il faut inverser : au lieu de baisser les prestations et d'aller chercher dans les poches des salariés, de retraites et des chômeurs les moyens d'augmenter les recettes, ce sont les revenus financiers qu'il faut taxer au même niveau que les salaires.
Alliées à une politique de relance de l'emploi et de salaires, ces trois mesures – arrêt des exonérations-cadeaux pour le patronat, exigence du paiement de la dette des employeurs et taxation des revenus financiers – rapporteraient des dizaines de milliards nécessaires pour résorber le déficit de la Sécurité sociale. Celle-ci pourrait enfin jouer pleinement son rôle pour la promotion de la santé, la prévention et protection sociale pour tous.
Dans ce cadre pourrait se développer une grande politique de santé publique, agissant sur tous les terrains de la prévention, mettant en œuvre tous les moyens pour faire reculer le SIDA, et s'attaquant résolument au fléau de la drogue.
D'autres choix pour le logement
Quant au logement, je veux souligner qu'il n'y a aucune fatalité, aucune raison technique ou démographique pour qu'il demeure dans une crise que beaucoup comparent à celle de l'après-guerre.
Là encore, c'est à la loi de "l'argent pour l'argent" que l'on se trouve confronté : c'est dans le développement de la spéculation foncière, immobilière et financière qu'il faut chercher les origines de cette crise et les causes de son aggravation.
Alors qu'il y a des millions de mal-logés, des centaines de milliers de sans-abri, comment l'État et les banques osent-ils "faire de l'argent" au détriment des offices HLM ? Comment accepter que le sort des sans-abris soit remis aux efforts de quelques associations, de collectivités locales sans moyens suffisants, quand des sommes si colossales s'investissent dans des constructions inaccessibles et pour l'essentiel inoccupées.
D'autres choix sont possibles et nécessaires. Ainsi, les milliards de fonds publics actuellement stérilisés dans le soutien à la spéculation immobilières peuvent être réorientés vers la construction annuelle de 150 000 logements sociaux locatifs et au moins autant en accession sociale. On peu rétablir la limitation des loyers dans le privé, réquisitionner les locaux gérés par la spéculation, consacrer des moyens réels à l'humanisation des quartiers, des cités, et à leur sécurité.
c) L'argent et la démocratie
J'ai montré que l'aspiration à être écouté et entendu, à la transparence, à la participation grandit dans notre peuple. C'est peu de dire que la politique de la droite, les pratiques qu'elle appelle foulent aux pieds cette aspiration. Tout est aujourd'hui décidé – dans l'entreprise comme dans la vie sociale – sans que soient consultés les principaux intéressés, pour cette simple et terrible raison que, bien informés, ce sont d'autres choix qu'ils privilégieraient : non ceux de la rentabilité à tout crin des capitaux, mais celui de l'utilisation de l'argent au bénéfice des hommes.
Car en la matière de la démocratie, là encore l'argent pour l'argent "pollue" tout, écrase tout. Un économiste comme Alain Cotta le constate en écrivant : "La montée de la corruption est indissociable des activités financières et médiatiques. Lorsque l'information permet à l'occasion d'opérations financières en tous genres (…) de bâtir en quelques minutes une fortune impossible à constituer fusse au prix du travail intense de toute une vie, la tentation de l'acheter et de la vendre devient irrésistible. La commission attire la corruption comme la nuée appelle l'orage.
La nature monarchique de nos intuitions, l'autoritarisme qui en résulte à tous niveaux, la pratique du secret, le monopole patronal dans la gestion ne peuvent que renforcer cette tendance qui conduit à ce que les "affaires" ne sont plus des épisodes mettant en scène des margoulins marginaux, mais l'objet de chroniques régulières des journaux, où il est de plus en plus question des "stars" du monde de l'argent et de la politique.
Une conception renouvelée de la démocratie
Il faut donc s'attaquer au règne de l'argent pour que celui d'une véritable démocratie, à la mesure des exigences des citoyens, puisse venir. Cela veut dire d'abord une entière transparence de la vie publique. Cela veut dire ensuite une conception renouvelée de la démocratie, qui ne mette pas en cause le progrès considérable qu'a été l'instauration de la démocratie représentative dans notre histoire, mais qui s'emploie à le faire vivre pleinement et à la ressourcer, à la vivifier dans la démocratie directe.
La grande tradition démocratique française est riche à cet égard et peut offrir bien des pistes intéressantes de réflexion pour une République moderne. La démocratie ne saurait être seulement une procédure, un simple mode de sélection des gouvernants, comme la considèrent aujourd'hui nombre d'ultra-libéraux. Elle doit être adossée, comme elle l'a été dans notre pays du XVIIIe siècle, au cours de la Révolution française et après, aux grands principes républicains de liberté, égalité, de fraternité ; à une conception des droits et du bonheur des hommes ; à une pratique nouvelle de la vie sociale où elle ne souffre pas d'exception, car on ne peut pas avoir la République dans la société si l'on a la monarchie dans l'entreprise.
C'est Robespierre qui définissait la démocratie comme "l'état où le peuple souverain, guidé par les lois qui sont son ouvrage, fait par lui-même tout ce qu'il peut bien faire, et par des délégués tout ce qu'il ne peut faire lui-même". N'y a-t-il pas là une voie stimulante à emprunter pour qui veut bien remarquer qu'aujourd'hui notre peuple "peut bien faire" lui-même plus de choses et qu'à cet égard la démocratie est une création continue qu'on ne saurait figer sans dommage et pour tout dire – l'histoire ne l'a-t-elle pas montré ? – sans la faire régresser.
Porter un coup d'arrêt à la dérive monarchique
En ce sens, il faut remettre sur leurs pieds nos institutions en portant un coup d'arrêt à la "dérive monarchique" que j'ai mentionnée plus haut, et en multipliant les sources de l'expression démocratique. Le rôle des assemblées élues – notamment du Parlement – doit être revalorisé, en même temps que la totale transparence des activités des élus doit être instaurée.
Il faut abroger les dispositions portant atteinte à l'autonomie de gestion des communes tout en favorisant la coopération intercommunale. Une décentralisation véritable doit permettre de développer l'intervention des citoyens à tous les niveaux : communal, départemental et régional.
Ce développement de la démocratie va de pair avec le respect de la souveraineté nationale, l'extension du champ des libertés, en premier lieu dans les entreprises ; le respect effectif du pluralisme, de l'égalité entre les hommes et les femmes, du droit des jeunes ; le combat résolu de toutes les discriminations du racisme, de l‘antisémitisme et de la xénophobie.
d) L'argent et la marche du monde
J'en viens au quatrième et dernier ensemble de proposition qui touchent à l'argent et la marche du monde.
Quelques chiffres, en leur brutalité même, suffisent ici à donner la mesure de l'étendue des ravages de la "financiarisation" au niveau mondial.
Le montant des transactions sur les marchés monétaires et financiers internationaux représente aujourd'hui environ cinquante fois la valeur des échanges commerciaux internationaux, contre deux fois seulement il y a soixante années.
Chaque jour sur les marchés financiers – et l'on sait dans quel pays ils se trouvent – il s'échange mille milliards de dollars qui contribuent à "enfler" toujours plus le parasitisme de l'argent pour l'argent.
Dans le même temps, les inégalités se creusent : le cinquième le plus riche de la population mondiale dispose de 80 % des ressources de la planète quand le cinquième le plus pauvre ne dispose que de 0 ,5 % de ces ressources. Et à l'heure où le FMI et la banque mondiale s'apprêtent à célébrer avec faste le cinquantième anniversaire de leur fondation, 800 millions de personnes à travers le monde demeurent sous-alimentées (20 % de la population en développement et jusqu'à 37 % en Afrique subsaharienne), 192 millions d'enfants souffrent de malnutrition chronique. Il y a 180 millions de pauvres en Amérique latine, 200 millions en Afrique sur une population totale de 680 millions. Et sur ce continent martyr, la production alimentaire par habitant a diminué au cours du dernier quart de siècle, ce qui n'a pas empêché M. Balladur de dévaluer le franc CFA. Et ce diktats en "politiques d'ajustement structurel", la dette globale des pays en voie de développement est passée de 658 milliards de dollars en 1980 à près de 1 770 milliards de dollars prévus pour 1993.
Un rôle nouveau pour la France
Ainsi, à l'accumulation "d'argent pour l'argent" chez les plus riches et les plus puissants correspondent pour les autres – les plus nombreux – l'oppression, la sujétion, le dénuement, les déséquilibres écologiques, les blessures des identités, les émigrations de survie, imposées et aggravées jour après jour par les institutions financières, et s'il le faut par des moyens militaires engagés de plus en plus souvent au nom d'objectifs humanitaires.
On le voit, la question du développement des rapports nord-Sud, de nouvelles relations internationales, implique là aussi qu'on ait le courage de s'en prendre à l'argent qui écrase les peuples et sème tensions et climats dans leurs relations.
C'est pourquoi l'exigence de solidarité internationale – trait marquant de l'identité des communistes français et depuis bien longtemps – nous conduit à rechercher partout les rassemblements les plus larges et à formuler des propositions sur le rôle que la France s'honorerait de jouer en ce domaine. Par exemple, en prenant clairement parti en faveur des peuples opprimés en en agissant concrètement pour contester le jeu meurtrier des organismes financiers internationaux auxquels notre pays contribue. Ou en prenant des initiatives pour faire reculer les tensions, les conflits, en agissant pour une conception neuve de la sécurité, pour le désarmement et l'interdiction du commerce des armes. Ou encore, en contribuant à soulever les avancées positives imposées par les peuples dans un contexte très difficile.
La question du développement : un impératif catégorique
La conception nouvelle des relations internationales que nous préconisons ne saurait se résumer en ce mot d'ordre simpliste : "La France est un pays riche, elle doit aider les pays pauvres". Chacun le sait, pour les communistes, "solidarité", "générosité" ne sont pas des vains mots. On l'a vu encore récemment à propos de la collecte de moyens pour l'aide des peuples du Rwanda. Et, en pareil cas, il y a souvent plus de générosité du côté de ceux qui n'ont pas grand-chose que du côté des privilégiés de la fortune …
Au-delà, dans l'aide aux pays pauvres, il doit y avoir, selon nous, une priorité absolue : la mise en cause des mécanismes financiers actuellement dans les mains des milieux dirigeants, c'est-à-dire les moyens mêmes de l'oppression des peuples. Il faut donc s'employer à en inverser la logique, faire de la question du développement un impératif catégorique, et cela notamment par des coopérations d'intérêt mutuel, permettant du même élan aux peuples de maîtriser leur économie et les conditions de leur essor, d'apporter remède aux douloureux problèmes de émigrations, et ici, en France, de créer des emplois.
L'engagement de la France pour contribuer à la promotion d'un nouvel ordre international est nécessaire, il s'agit de vaincre le sous-développement de s'opposer à la guerre économique et au recours "l'arme alimentaire", d'avancer dans la voie du désarmement, avec notamment l'élimination complètes des armes nucléaires de la planète. Cela suppose une démocratisation des relations internationales, avec en particulier une réforme de l'Organisation des Nations unies afin d'éviter qu'elle devienne un simple instrument aux mains des plus grandes puissances, un moyen de domination sous la couverture de la "communauté internationale".
Telles sont, ramenées à l'essentiel, les propositions que le Parti communiste verse au débat, soumet à la réflexion, à la critique des citoyens. On le voit, elles ont une cohérence forte et sont animées d'un même souffle au dogme écrasant de l'argent-roi qui sert de fondement aux choix politiques de la droite, elles entendent substituer une autre logique sociale : celle de la priorité accordée à l'être humain, à son épanouissement, sa liberté, son bonheur, sa dignité, à la paix. J'allais dire : une priorité accordée aux exigences d'une civilisation plus humaine.
Le pacte unitaire pour le progrès
Contribuer à l'essor des luttes, des résistances à la politique du pouvoir, à la défaite de la droite, à la construction d'une alternative par la réalisation d'un débouché politique neuf constitue le cœur de l'activité de communistes. C'est le sens de l'initiative stratégique de grande portée et à envisager sur la durée qu'ils ont décidée en avril dernier : la réalisation d'un pacte unitaire pour le progrès entre les citoyens eux-mêmes et entre citoyens et partis politiques de gauche, de progrès.
Je ne veux naturellement pas revenir longuement ici sur ce que le Pacte n'est pas ni sur ce qui implique comme démarche et comme objectif. Il s'agit, je le répète, non de mettre les citoyens à la remorque des forces politiques mais, au contraire, de mettre les forces politiques au diapason des exigences populaires.
Bien entendu, je n'ignore pas que la notion de "pacte" ou cette voisine de "contrat" fait depuis lors florès. Jusqu'à M. Balladur qui propose lui-même un "pacte pour l'emploi" ou un "contrat" contre l'exclusion.
Cette initiation ne doit naturellement pas nous surprendre. Elle reflète une attente montante de l'opinion. Et après tout Rousseau lui-même nous a appris qu'il peut, à côté du vrai pacte, y avoir de "faux contrats", qui visent à aliéner les citoyens avec leur consentement, et donner le simulacre de procédures démocratiques aux riches et aux puissants. La présence de M. Balladur sur ce terrain confirme tout simplement l'importance pour nous d'aborder cette nouvelle culture démocratique, cette construction du Pacte unitaire pour le progrès dans un esprit offensif, et dans l'affirmation claire de tout ce qui constitue notre identité.
Parallèlement à l'action contre la politique de M. Balladur et en liaison avec elle, parallèlement au vaste débat national et citoyen dont j'ai parlé et dont l'esprit doit imprégner toute notre activité, nous allons aller à des rencontres avec les formations politiques de gauche, de progrès. Ces discussions n'ont, je le répète, rien d'étonnant. Elles vont de soi entre organisations participant dans l'union à la gestion des centaines de communes, représentant dix millions de personnes. Elles contribuent à la crédibilité même de l'idée de perspective progressiste et sont indispensables alors que l'opinion du pays – les enquêtes le montrent – est fortement marquée par l'exigence de tirer au clair les raisons de l'échec de l'expérience des années passées.
Dans cet esprit, des délégations de notre parti rencontreront prochainement le Parti socialiste et le Mouvement des citoyens. D'autres initiatives du même genre avec d'autres organisations et personnalités suivront, comme nous l'avions envisagé et souhaité.
Nous tiendrons naturellement l'opinion largement informée de ce contenu de ces rencontres, des positions adoptées par les uns et par les autres, afin que tout soit remis clairement entre les mains de notre peuple.
On le voit, il y a beaucoup à faire dans les semaines qui viennent pour contribuer aux luttes, à l'union dans le refus des mauvais coups de la droite, à l'union dans la recherche d'un projet politique neuf.
II. – Comment aborder les échéances électorales de la présidentielle et des municipales
C'est avec le même esprit offensif que nous allons aborder les prochaines échéances électorales de la présidentielle et des municipales. Nous avons toutes les raisons d'agir ainsi.
Chacun a pu noter que quelque chose s'est modifié dans le regard des gens sur notre parti.
Ce qui s'est modifié dans le regard des gens sur le parti
C'est net, je crois, après la célébration cet été de la Libération de Paris. Celle du cinquantième anniversaire du débarquement de Normandie, en juin dernier, avait été centrée en priorité sur le rôle libérateur des Américains et, à un degré moindre, des Anglais. Beaucoup avaient regretté que le rôle de la Résistance française ait été alors sous-estimé. Les choses ont été très différentes lors de la commémoration de la Libération de Paris. Impossible – et pour cause – de minimiser la contribution prise par les Français, et parmi eux par les communistes français, à cet évènement majeur. Des millions de Français, et parmi eux beaucoup de jeunes, ont ainsi pu découvrir ou redécouvrir sans fard la force de l'esprit de résistance, les valeurs qui animaient les combattants patriotes, le caractère décisif de leur union, le rôle de premier plan tenu par les communistes dans ce mouvement d'ensemble aux convictions diverses. C'est évidemment justice au regard de la vérité historique, et une excellente chose quant aux enseignements à en tirer.
De même et dans un tout autre domaine, l'activité que nous avons déployée dès le cœur de l'été, et ensuite, à propos de Renault, son caractère large, rassembleur, ouvert à tous ceux qui le souhaitent, quelles que soient par ailleurs leurs convictions, ont contribué à une meilleure perception du sens de nos efforts et de notre politique.
Bien entendu, je n'idéalise pas. J'ai dit qu'il nous restait beaucoup à faire et à faire mieux. Mais, en même temps, pourquoi ignorer ces acquis qui peuvent nous permettre d'aller de l'avant ? Cette évolution créé une situation dont il faut, au regard des problèmes rencontrés par les autres partis politiques, apprécier toute l'originalité.
Y a-t-il, à cet égard, des bouleversements majeurs par rapport à ce nous avions analysé l'an dernier après les élections législatives, et il y a trois mois après les européennes ? Je ne le pense pas.
La droite : combat des chefs et problème crucial
La droite demeure forte "par défaut", je l'ai rappelé au début de ce rapport. Elle est, bien sûr, traversé par le "choc des ambitions" de ses présidentielles. Mais au-delà, elle doit affronter un problème concret : comment atteindre ses objectifs, aux conséquences qu'elle sait catastrophiques pour le plus grand nombre, sans déclencher un mouvement de protestation qui remettrait en cause son pouvoir. Dit autrement : comment déployer une politique qui heurte les intérêts de l'immense majorité alors que se profilent des échéances électorales décisives qui supposent, pour l'emporter, l'adhésion d'une majorité de citoyens ?
Cette difficulté majeure conduit à ce que sur une même base – ne rien céder, déployer la politique et le projet de société de la droite – s'affirment différents positionnements, de Chirac à Giscard d'Estaing, de Barre à De Villiers. À cela s'ajoutent des considérations tactiques. Par exemple : comment ramener les électeurs qui se sont portés sur Le Pen dans le giron de la droite dite "traditionnelle" et de ses candidats qui ont besoin de ces voix ? Telle est, sur ce point, la partition d'un homme comme Pasqua qui obtient d'ailleurs certains résultats dont s'inquiète Le Pen et son parti. J'ai déjà évoqué l'image que tente de se donner Balladur. Chirac s'emploie à s'en démarquer en manifestant une soudaine "fibre sociale" de nature à "mordre" dans l'électorat centriste. De Villiers tient lui, le langage des "valeurs", de "l'éthique" pour conserver à la droite des électeurs heurtés par la corruption, les "affaires", les abandons bureaucratiques et supranationaux. Barre appelle à ne pas s'embarrasser de "sensiblerie sociale" – et il n'a lui-même aucun mal à y parvenir. Tout cela, naturellement, dans un climat de "combat des chefs" acharné qui n'est que trop évident. Mais, je le répète, derrière les conflits des appétits de pouvoir, il faut percevoir la difficulté réelle et centrale qui se pose à la droite dans la situation actuelle.
Les difficultés rencontrées par le PS
Le Parti socialiste est, quant à lui, confronté à un problème qui tient en deux données essentielles. Tout d'abord, le décrochage persistant d'une grande partie de son électorat après sa défaite de 1993 et la large condamnation par l'opinion de la politique des gouvernements à la direction socialiste. Ensuite, la question de son attitude par rapport aux dogmes du libéralisme – aura-t-il ou non la volonté de les mettre en cause ? – et par rapport aux "critères de convergence" de l'Europe de Maastricht – persistera-t-il ou non à vouloir que la France s'y soumette ?
Après avoir naguère célébré les bienfaits de son passage d'une "culture de gouvernement", le voici invité à se resituer d'une attitude de d'opposition résolue. Mais derrière la question "langage de gauche ou politique de gauche ?", "ton de gauche ou fond de gauche ?" se creuse une contradiction bien réelle à laquelle se heurte le PS, qui est au cœur de ses difficultés et touche à son identité : contradiction entre sa volonté de "parler à gauche" et son refus continu de tirer les enseignements de son expérience gouvernementale passée ; et contradiction entre la volonté de remobiliser un électorat social-démocrate, sur la base d'un discours de gauche, et la recherche au "centre" des voix nécessaires à un candidat à l'élection présidentielle.
Tout cela aboutit à de tensions au point qu'une journaliste écrivait récemment que "chaque jour un peu plus le PS se transforme en un vaste champ de bataille".
En liaison avec ce refus de remettre en cause son adhésion aux dogmes libéraux et "maastrichtiens" se posent à lui les questions de sa pratique du pouvoir, des relations entre dirigeants socialistes et hommes du pouvoir ; ce qu'illustre à sa manière, le trouble causé dans ses rangs par la polémique autour de l'itinéraire personnel de François Mitterrand.
Puisque j'évoque cette question, je veux rappeler qu'elle a été notre attitude. Nous avons d'abord souligné – chacun l'aura sans doute noté – la difficulté de se prononcer sur la conduite d'un homme alors qu'il est gravement frappé et lutte contre la maladie, et l'impossibilité de ne pas le faire quand cet homme est le Président de la République. Nous avons ensuite relevé qu'au nombre des faits présentés aujourd'hui comme des révélations certains étaient connus. Mais tous ne l'étaient pas et nous avons dit, de la manière qui nous a paru la meilleure, combien nous étions terribliques n'ont pas modifié ce sentiment.
On nous demande parfois si sachant cela nous aurions eu la même conduite dans le passé, il est hors de question que nous cédions aux facilités de la "politique-fiction" écrire après coup et avec des "si". Le véritable problème était celui de la signature du programme commun, incontestablement, nous l'avons d‘ailleurs dit depuis longtemps., la stratégie politique qui a conduit à cette signature a été une erreur.
J'en reviens aux difficultés rencontrées par le Parti socialiste. À celle que j'ai déjà évoquées s'ajoute le problème que lui pose la fuite d'une partie importante de ses électeurs soit vers Bernard Tapie, soit dans différentes voies selon les types d'élection, notamment pour divers groupes ou candidats se réclamant de l'écologie. On notera l'instabilité de l'électorat qui se repose sur ces votes, souvent considérés comme des votes-refuges. Cette instabilité trouve sa source dans le fait que ces groupes et candidats attirent dans un premier temps des suffrages en se présentant comme étrangers aux mœurs politiciennes et font ensuite – quelquefois avec un certain éclat – la démonstration du contraire.
C'est dans ce contexte politique où l'on voit bien que la crise politique trouve son origine et se nourrit du divorce entre les proclamations d'intention et la réalité des choix et des actes, que se profile la perspective de l'élection présidentielle.
1. L'élection présidentielle
J'ai rappelé l'appréciation qui est la nôtre quant au mode de scrutin. Je veux à présent souligner l'importance que les Français accordent à cette élection.
Ils y voient l'occasion de se prononcer sur les grandes orientations de la vie nationale et d'intervenir dans la désignation des dirigeants du pays. Ils y participent massivement. Ils sont donc en droit d'attendre un grand débat sur leurs problèmes, leurs inquiétudes, leurs interrogations, les solutions proposées par les uns et par les autres.
Les Français attendent un débat digne et loyal
Tout montre que ce n'est pourtant pas dans cette voie qu'on s'engage, la conception dominante de la vie politique concentre l'attention sur la désignation des candidats à coups d'enquêtes d'opinion, selon leur côte de popularité et non selon leur programme. Pour un peu, tout serait même tenu pour jouer avant que les électeurs n'aient voté en fonction des courbes de ces fameuses cotes de popularité !
La réalité est, malheureusement, toujours différente des plus sagaces prévisions. Si l'on s'était fié, comme on n'hésite pas à le faire dès aujourd'hui, aux cotes de popularité et aux enquêtes telles qu'elles s'établissaient plusieurs mois avant l'élection de 1988 et avant que tous les candidats se soient déclarés. Raymond Barre ou Michel Rocard auraient connu un autre avenir, puisqu'alors ils "caracolaient", comme on dit désormais, dans les premières places !
À ce propos, remarquons d'ailleurs que les mêmes qui "pleurent" à chaque occasion sur la crise politique, sur les dévoiements qui affectent la vie politique, sont déjà sur la ligne de départ et qu'ils sont les premiers – alors que nous sommes à sept mois de l'élection – à se prêter au jeu des petites phrases, des sondages, de l'anticipation sur le vote des Français – avec toutes les possibilités de manipulations qui en découlent. Qui ne voit que ce "jeu" politicien ne vise qu'à priver les Français du grand débat digne et loyal qu'ils attendent ?
Il faut un candidat communiste
J'en viens à présent aux raisons qui conduisent le Bureau national à proposer au Comité national de décider qu'il y ait, dans cette campagne, un candidat communiste.
J'ai déjà abordé cette question à plusieurs reprises, notamment dans mon article de "l'Humanité" du 1er septembre dernier. Je veux donc m'en tenir ici à l'essentiel.
J'ai évoqué précédemment ce qui "bouge" dans l'opinion, les cheminots, parfois les tâtonnements qui s'opèrent et se cherchent. J'ai indiqué qu'il en résultait une convergence, consciente ou non, avec nombre de valeurs et des combats de notre parti, et des possibilité nouvelles ouvertes au déploiement de notre activité. Ce serait, à mon sens, bien mal les saisir que de décider qu'elles ne trouveront pas à s'employer au cours de cette campagne et à s'exprimer dans un vote clair.
Des millions de gens n'en peuvent plus de subir la politique de la droite ; veulent faire entendre leur colère, leur exaspération ; aspirent, chacun à leur manière, à des changements, s'interrogent sur le cours de la société. Comment pourraient-ils s'exprimer s'il n'y avait pas un candidat communiste ? Il ne saurait être question, au nom même de cette intelligence qu'est la démocratie, qu'ils soient de faits privés de cette possibilité, dépossédés de leur droit de signifier clairement ce qu'ils ressentent si intensément et si profondément.
Il faut donc que toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent ou se reconnaîtront, au cours de la campagne électorale, dans ces aspirations dont sont porteurs les communistes, trouvent à l'exprimer. J'ajoute que la détermination de ce choix, l'ampleur de son expression au plan électoral vont peser lourd et que beaucoup de choses après l'élection dépendront du rapport des forces, qu'elle aura signifié, selon l'influence qu'aura recueillie le candidat communiste. Des millions d'hommes, de femmes, de jeunes seront d'autant plus forts pour se faire entendre, quel que soit le cas de figure, que cette influence sera élevée. Est-il bien utile, dès lors, de préciser qu'à l'inverse, si ces opinions ne trouvaient pas à s'exprimer, s'il n'y avait pas de candidat communiste, les exigences de ces électeurs ne manqueraient pas d'être tenues pour quantité négligeable et que c'est tout notre peuple – je le répète : quel que soit le résultat de l'élection – qui serait mis en état de faiblesses.
Notre Parti a une vaste ambition
Le vote pour le candidat communiste sera également décisif pour la gauche soit bien la gauche et le demeure, pour que la nécessité de son rassemblement face à la droite soit confortée en tous les cas. Candidat communiste, notre candidat sera porteur de toute notre politique d'union, de la démarche qu'exprime notre proposition de Pacte unitaire pour le progrès. Sur son nom, des hommes, des femmes, qui souhaitent un rassemblement de toutes les forces progressistes, non pour une alternance mais pour une alternative véritable à la droite, peuvent se retrouver en grand nombre. Non dans une adhésion à l'ensemble du programme et des convictions des communistes, mais une volonté commune de construction politique neuve dont les forces de gauche, de progrès ont tant besoin dans ce pays.
En bref, parce que communiste, porteur de la politique qui est aujourd'hui la nôtre, notre candidat sera l'expression de l'exigence du rassemblement le plus déterminé, le plus large, le plus loyal face à la droite et pour un avenir de progrès et de renouveau.
On le voit, si, ici ou là, d'autres forces, d'autres organisations ou groupes d'organisations sont conduits pour leur part à se poser la question de "candidatures de témoignage", ce n'est pas notre cas. En décidant une candidature communiste, notre Parti a une vaste ambition : celle de mener un grand combat au service de notre peuple, de contribuer au déploiement de ses luttes, d'être utile à l'avenir des forces de changement. Telles sont pour l'essentiel les raisons qui nous conduisent à proposer qu'un candidat communiste soit désigné. C'est le deuxième point à notre ordre du jour et nous définirons, après le rapport d'Alain Bocquet, la procédure à suivre, ainsi que les échéances qu'elle implique jusqu'à son terme. Mais c'est dès maintenant que chaque communiste doit en quelque sorte se considérer lui-même comme candidat, pour s'employer à faire vivre et partager, dans le débat et l'action, les réponses que nous apporterons aux grandes questions posées et convaincre de l'importance pour notre peuple de pouvoir disposer d'une influence plus élevée du Parti communiste dans la vie politique.
Tout ce qui pourra se dire en ce sens sera un acquis précieux lorsque s'engagera la campagne électorale proprement dite.
2. Les élections municipales
Par la volonté du gouvernement, les élections municipales suivront de peu l'élection présidentielle alors qu'elles devaient la précéder. Nous avons, pour des raisons de fond, dénoncé la manœuvre qui consiste à placer les élections municipales dans la foulée de la consultation présidentielle afin d'en dénaturer la spécificité et les enjeux propres. Bien sûr, le temps et l'occasion nous serons donnés de revenir plus en profondeur sur cette échéance. Mais la nature particulière de cette élection, ses retombées considérables sur la vie quotidienne des gens et leurs possibilités d'intervention nous imposent d'en fixer dès maintenant les orientations de principe et de créer les conditions d'une dynamique rassembleuse et offensive.
Non à la politique de transfert et de régression
La commune, on le sait, occupe une place originale et déterminante dans la vie du pays 36 000 assemblées élues au suffrage universel, exerçant des compétences importantes et gérant des budgets représentant plus de 40 milliards de francs, voilà qui constitue pour les milieux financiers – les "affaires" le montrent – une proie tentante, un champ d'intervention qu'ils voudraient soumettre à la logique de "l'argent pour l'argent". Et pour que les communes deviennent ainsi un marché à ponctionner, il faut y faire reculer la démocratie. De là les tentatives menées depuis plusieurs années, pour mettre en cause l'autonomie communale.
À l'exemple de ce qui se produit dans le financement de la protection sociale, les communs sont un lieu de transferts de charges et de prélèvements massifs sur les ménages, du fait des choix opérés par l'État en faveur de la spéculation. Ce dernier s'est ainsi déchargé de responsabilités importantes sur les communes, leur occasionnant des charges considérables qui, parallèlement à une montée en puissance des demandes sociales, ont contraint à la hausse des impôts locaux. Et l'on sait qu'ils sont particulièrement injustes puisqu'ils ne tiennent pas compte des revenus.
Jouant de la proximité entre l'institution communale et les problèmes vécus tels que le chômage ou l'échec scolaire, la droite au pouvoir cherche à l'utiliser comme laboratoire pour "tester" tous les dispositifs de précarisation de l'emploi et d'éclatement des services publics, y compris nationaux. Sous le poids de l'asphyxie financière mais aussi de décisions politiques et financière délibérées, un mouvement important s'est opéré dans le sens de la privatisation des services locaux.
Mais l'existence même des communes, en ce qu'elles constituent des lieux d'expression des besoins et d'élaboration de réponses, où les liens entre les citoyens et leurs représentants y sont les plus directs, présente un obstacle majeur au développement de cette politique de transferts et de régression. C'est une autre raison des tentatives répétées de remise en cause de leur autonomie et même de leur existence. Même mes élus qui soutiennent la politique gouvernementale se trouvent, quand ils exercent un mandat local, pris dans une contradiction qui les pousse à en contester les conséquences sur les budgets de leurs collectivité – le dernier exemple en date étant le refus des présidents de conseil général de financer davantage encore le RMI
Bien entendu, cette opposition, qui s'exprime d'autant plus que des élus communistes sont présents pour l'exiger, est souvent symbolique. Elle n'est guère comparable aux luttes, aux rassemblements qui s'opèrent dans les communes ou élus et habitants agissent ensemble pour résister aux transferts et exiger de l'État les moyens de réaliser le programme qu'ils ont décidé.
Des points de résistance et de démocratie
C'est dire combien nous touchons là à un centre nerveux, et éminemment concret, de l'affrontement entre deux logiques : celle de la rentabilité financière avec son tribut d'austérité et d'autoritarisme, celle de la satisfaction de besoins collectifs pour laquelle la commune est historiquement un lieu privilégié d'élaboration démocratique et de luttes. La question posée pour juin 1995 est de savoir si les communes seront davantage des relais de la politique d'une droite qui veut y étendre son influence et ses mesures antisociales, ou davantage des points de résistance et de démocratie. Et sans doute nous faut-il faire mieux mesurer aux habitants des communes, aux salariés, aux plus démunis, qu'ajouter par ce scrutin "de la droite à la droite" reviendrait à décupler les mauvais coups et à se priver de précieux contre-pouvoirs.
Notre préoccupation première est donc de permettre au plus grand nombre d'habitants, qu'ils soient à la ville ou au village de se donner les moyens de résister et de se défendre, de pouvoir se faire entendre et intervenir, en élisant des conseillers municipaux qui se feront l'écho de leurs préoccupations, de leurs revendications et de leurs luttes à l'assemblée communale ; et lorsque ce sera possible en élisant des équipes municipales qui, avec eux, mettront tout en œuvre pour appliquer le programme sur lequel elles ont été élues.
Union des forces de gauche, juste représentation des communistes
C'est pourquoi nous nous prononçons pour la constitution des listes d'union des forces de gauche et de progrès associant des personnalités de la vie locale, partout et tout particulièrement là où des maires de gauche, avec leurs partenaires, ont en charge la gestion communale. Nous proposons que ces listes soient constituées sur la base d'un programme, non pas négocié en petit comité, mais élaboré au grand jour avec les citoyens.
Dans ce cadre, une juste représentation des communistes – qui désignent leurs candidats dans les instances de leur parti en liaison avec les élus – est loin d'être un problème de "boutique" C'est une question de démocratie, de garantie vis-à-vis des engagements pris, et du respect des électeurs qui leur font confiance.
Pour avoir sa pleine efficacité, c'est dès maintenant que ce processus démocratique doit être engagé. Et cela dans un esprit novateur et d'ouverture, en prise directe avec les évolutions intervenues dans la vie sociale et démocratique des collectivités locales placées au cœur de la crise urbaine tout comme celles d'un monde rural de plus en plus sinistré. Cette démarche, pour aboutir aux rassemblements aptes à rabattre les ambitions dominatrices de la droite, doit bien prendre en compte l'aspiration grandissante à participer, à intervenir. Parce qu'elle peut se déployer dans le cadre privilégié de la collectivité locale, elle doit s'imprégner de toutes les questions, de toutes les aspirations positives et offrir prise à une citoyenneté nouvelle.
Ainsi, vous le voyez, l'élection présidentielle, les élections municipales constituent deux échéances très importantes. Elles sont d'ailleurs jugées telles par les Français qui les désignent comme les deux élections qui les concernent le plus. C'est dans un esprit offensif, imaginatif que nous allons les aborder.
III. – Le parti et son activité
Pour parvenir à atteindre les objectifs qui sont les nôtres, pour mener les batailles que je viens d'évoquer, il faut incontestablement développer et améliorer l'activité des communistes.
Huit mois se sont écoulés depuis le 26e Congrès qui a donné pour ambition à notre parti d'être "la force organisée mise à la disposition de ceux et celles qui veulent se défendre", et "aspirent à construire des réponses neuves dont l'homme et non l'argent soit la finalité.
Nous n'en sommes pas sûr pas encore à l'heure des bilans mais au moins à celle des questions, questions que nous devons poser autant au regard de nos décisions qu'en fonction des échéances qui nous attendent.
Des possibilités d'aller plus haut
Je vais aborder trois de ces questions. Mais, au préalable, je veux faire une observation qui, en quelque sorte, en éclairera l'esprit ; j'ai déjà évoqué notre attitude face au choix gouvernemental de privatiser Renault. Tout ce que les communistes ont fait à cette occasion partout dans le pays ne constitue-t-il pas un bon exemple de façons de faire neuves telles que nous les avons évoquées au congrès ? L'attachement à faire partager notre sentiment de l'inacceptable, la préférence de nos convictions une à un large souci d'ouverture, notre attention à ne pas nous considérer comme "propriétaires" d'un mouvement mais au contraire à faciliter l'expression d'une volonté commune dans le respect des différences et des diversités d'opinions, notre préoccupation de favoriser l'union, … tout cela a été mis en œuvre, avec certes des inégalités, mais témoigne bien des possibilités qui sont les nôtres d'aller plus avant. J'ajoute que sans doute il y a dans les différentes fédérations, des expériences intéressantes, à propos de cette campagne pour Renault ou sur d'autres sujets. Les membres du Comité national qui viendront dans la discussion en témoigneront certainement. J'en viens donc à ces trois questions.
1. S'ouvrir avec plus de hardiesse
La première : je crois que nous devons toujours mieux tenir compte dans notre politique, dans nos comportements, de ce que nous constatons dans les évolutions de l'opinion.
Nous faisons le constat, je l'ai montré, que le mécontentement grandit, que les voix qui s'élèvent contre la politique de la droite et les choix de gestion des puissances financières se diversifient. N'avons-nous pas cependant quelquefois encore tendance à nous comporter comme si nous étions les seuls à les remettre en cause, comme ce fut réellement le cas il y a quelques années encore ? Ne vous arrive-t-il pas encore de rester, plus ou moins consciemment, dans un schéma "seuls contre tous", alors que notre stratégie nous appelle, au contraire, sans rien renier de notre propre identité, à être attentifs à tout ce qui évolue ?
On a noté l'extrême diversité de ceux qui sont venus à la Fête de l'Humanité, qui se sont exprimés dans les nombreux débats et qui, même s'ils ont des positions très éloignées des nôtres et ne sont pas prêts à adhérer à toutes nos idées, à toutes nos propositions, aspirent au débat parce qu'ils partagent des révoltes, des analyses, des convictions, mais surtout parce qu'ils sont à la recherche de réelles solutions alternatives.
Et pourtant, il nous arrive, parfaitement, d'être comme "surpris" de découvrir des prises de position qui confortent les nôtres et des convergences qui corroborent le constat que nous faisons de l'élargissement du scepticisme à l'égard des choix du capital.
Il convient donc de se méfier des a priori, des "étiquetages".
Bannir étroitesses et catalogages
Nous sommes confrontés à un problème majeur, à une réalité à laquelle nous ne saurons nous résoudre : c'est l'écart entre les résultats électoraux actuels du Parti et les résultats des enquêtes d'opinion qui montrent qu'une importante proportion de gens, sur des questions fondamentales comme la nécessité de remettre en cause la domination de l'argent, partagent avec nous des idées et des aspirations.
Nous l'avions dit au 26e Congrès : "C'est au Parti communiste de faire tout ce qui peut dépendre de lui pour mieux répondre à leurs attentes et mieux s'ouvrir à leur apport". Nous nous sommes engagés à poursuivre et approfondir nos efforts dans ce sens. Des avancées ont été faites, je l'ai montré. Utilisons-les comme points d'appui à encourager, à développer, car il nous faut progresser plus encore dans cette voie et faire ce qu'il convient pour cela.
Ainsi, une grande partie de la jeunesse s'est massivement levée contre le SMIC-jeunes jusqu'à faire capituler le gouvernement Balladur. Chacun est bien conscient qu'il faut faire beaucoup plus – et nous y sommes décidés – pour répondre à ses attentes et s'ouvrir à son apport.
Dans le même ordre d'idées, nous avons lancé au moment du congrès, pour témoigner de notre conception renouvelée de l'unité du Parti dans et par se diversité, un appel à tous ceux qui ont été membres du Parti où qui se considèrent communistes de cœur. Nous leur disons que des portes de leur Parti leur sont grandes ouvertes pour contribuer à son activité et son renouvellement et qu'en tout état de cause, avec eux, avec leurs proches, nous pourrons faire beaucoup de choses. Il importe donc que nous examinions comment cet appel s'est traduit dans la vie, si les conditions ont bien été créées pour permettre à tous ces hommes et ces femmes qui se considèrent comme communistes et qui ont suivi notre Congrès avec intérêt, qui attendaient, pour certains, des signes concrets, de renouer contact avec le Parti.
Pour une grande part, le prolongement de cet appel relève de notre capacité collective et individuelle à bannir les étroitesses et les "catalogages" pour aller plus audacieusement encore à la rencontre de celles et ceux que nous voulons aider à se rassembler.
2. Bien donner à voir nos changements
Notre parti change et veut continuer de changer pour être mieux lui-même. Il importe que nous donnions bien à voir ses changements. Telle est la deuxième question.
Évidemment, notre ambition n'est pas de nous contenter d'affirmer : "Nous avons changé". Nous voulons faire en sorte que cela se voie. Ce changement – permettrez-moi de le répéter" – c'est un processus engagé depuis plusieurs congrès, et auquel le 26e a décidé de donner une dimension nouvelle.
Ce suppose d'abord de faire – partout et le mieux possible – ce que nous avons décidé lors de nos derniers congrès.
Par leur nature et leur objectif essentiel de contribuer à faire que chaque citoyen devienne auteur et acteur en politique, nos changements doivent être de plus en plus concrets, de plus en plus perceptibles dans leur originalité par rapport à ce qui fait la vie politique, donc beaucoup plus manifestes dans les relations que nous établissons entre nous et avec ceux qui nous entourent.
Le Congrès en a précisé quelques caractéristiques ; ne pas faire à la place des citoyens mais chercher en toute circonstance à rendre accessible efficacement ; ne pas appeler les citoyens à soutenir une politique élaborée sans eux mais contribuer à construire avec eux la politique dont ils ont besoin pour donner corps à leurs aspirations. Tous cela – avons-nous répété – implique des modifications profondes de nos habitudes de travail, de notre pratique et de nos comportements. Cela appelle des efforts d'imagination, d'initiatives, de créativité, à tous les échelons du Parti.
Écouter, nous montrer tels que nous sommes
Pour mener à bien cela, nous l'avons dit aussi, il nous faut écouter, non pour répéter, mais pour comprendre ce qui se passe, ce qui bouge, et inventer à partir du réel les formes adaptées d'intervention politique. L'écoute de l'autre, ce n'est pas une sorte de "prix à payer" pour être soi-même écouté, c'est réellement le meilleur moyen de nourrir une réflexion politique bien en prise sur les réalités.
Ce changement, parce que nous l'avons voulu, parce que nous l'avons décidé, nous nous devons de le mettre en œuvre jusqu'au bout. Nous le poursuivons. Nous le poursuivons.
C'est notre affaire à tous de mieux nous montrer aux autres tels que nous sommes dans notre identité profonde : avec ce qu'elle intègre d'expériences, de remises en cause mais aussi de certitudes quant à la nécessité pour un peuple de construire lui-même son projet politique afin d'en être maître jusqu'au bout, et quant à l'importance du rôle que les communistes ont à jouer pour cela.
Je parlais à l'instant de la capacité d'écoute des communistes. Ils sont inséparablement des hommes et des femmes de conviction. Ils ont leurs idées et ils en ont d'autant plus qu'ils participent à un collectif agissant. Ils ont leurs valeurs, leur expérience, leur idéal et ils les partagent dans le dialogue et la confrontation, dans la vie, ils stimulent le débat, émettent des propositions dans le seul but d'être utiles pour faire avancer les choses, pour contribuer à faire reculer les injustices, pour ouvrir les perspectives.
3. Veiller à ce qu'implique notre stratégie dans l'activité du Parti
Tout cela bien sûr, chaque communiste ne peut le faire seul. Cela m'amène à la troisième question : qu'implique notre stratégie dans l'activité et l'organisation du Parti ?
C'est de la cellule que je veux parler ? On l'a définie comme "lieu privilégié de réflexion, d'échange, d'initiative" de chaque adhérent. Nous avons tous ici que, dans la réalité, elle ne répond pas toujours à cette exigence. Toutes nos cellules ne sont pas ces lieus de rencontre et d'élaboration où chaque adhérent est reconnu comme un individu à part entière, où la diversité des approches et des centres d'intérêt est prise en compte, où l'esprit critique et d'initiative est stimulé, où les relations sont fraternelles et solidaires…, et où tout cela se concrétise dans des décisions. Il arrive qu'elles soient – trop souvent je le crois – des lieux d'enregistrement de décisions prises ailleurs et de répartition de tâches.
Examiner lucidement cette question, c'est mesurer réellement le chemin parcouru depuis le congrès, et cela, non par rapport à de décisions formelles, mais par rapport à l'impérieuse nécessité, pour transformer la société par la démocratie, d'impulser en quelques sortes chez nous, cette démarche sous des formes inédites authentiques.
Voyons bien tout le dévouement, toute l'énergie dévoyée par les militants communistes pour riposter aux injustices, quotidiennes sans que, parfois, les moyens ne leur soient donnés de poursuivre jusqu'au bout la démarche politique.
J'avoue que, compte tenu de la gravité des situations sociales et humaines auxquelles ils sont confrontés ou pour lesquelles ils sont sollicités, moins que jamais on ne peut laisser un ou des adhérents isolés face à la détresse et à l'urgence.
Il faut donc une réelle vie de cellule, avec son potentiel d'analyse, de solidarité, d‘organisation, pour permettre à chaque adhérent d'être mieux et pleinement communiste.
Chacun comprendra le sens de mon propos : c'est un appel pressant à toutes celles et ceux à qui leurs camarades ont confié des responsabilités dans le Parti – à tous les niveaux – pour qu'ils apportent leur aide et fassent preuve de l'imagination et de la ténacité nécessaires. Et cela afin d'assurer à chaque cellule les conditions de déploiement de son activité et d'en créer parfois où il n'en existe pas.
Car là se situe aussi une clé de notre remontée, combler le décalage entre le nombre de gens qui partagent beaucoup de nos idées et le nombre de ceux qui en ont conscience et peuvent ainsi faire leur choix en connaissance de cause.
Développer l'organisation du Parti
En politique comme ailleurs, il n'y a pas de miracle.
Les gens à qui nous sommes utiles, ceux avec qui nous débattons et agissons, ne nous perçoivent pas comme "les survivants d'une idéologie dépassée". Et nous ne sommes pas non plus "noyés" dans ce désabusement symptomatique de la crise politique qui s'exprime dans la phrase trop entendue : "Tous les mêmes".
Par contre, là où il n'y a pas d'activité communiste, là où les salaires, les citoyens ne nous perçoivent à dose infiniment homéopathique qu'à travers le filtre des médias, ils ne peuvent connaître ni nos positions, ni nos propositions, ni notre identité véritable. Ils ne peuvent avoir l'expérience de ce que nous sommes n'y reconnaître leurs propres aspirations.
Nous ne pouvons pas nous accommoder de l'existence de trop nombreuses entreprises dans organisation de Parti, de zones entières dans les quartiers populaires où le cœur des villes, où l'activité du Parti est réduite voire inexistante ; de zones rurales où bien souvent les salariés, les habitants chassés de centres-villes ne rencontrent jamais ou trop peu souvent les idées communistes et ceux qui en sont porteurs.
Incontestablement, les deux journées de travail de la rencontre nationale que nous tiendrons le 1er et 2 octobre avec mille secrétaires de section devraient nous inciter à réfléchir à ces questions, et à bien d'autres, que nos exigences et nos ambitions nous poussent à aborder avec franchise pour progresser.
Une consultation démocratique à propos de notre presse
De même devons-nous aborder de façon offensive la question de notre presse.
En effet, l'argent contre la démocratie, c'est aussi les lourdes menaces sur le pluralisme que font peser les difficultés de jour en jour plus graves de la presse écrite. À la Fête de l'Humanité, Pierre Zarka a dû parler d'une "nouvelle phase de la crise de la presse française", "la structure même" de celle-ci étant désormais mise en cause. Bien évidemment, la presse communiste et ses différents titres – notamment "l'Humanité", "l'Humanité Dimanche" et "Révolution" – ne sont pas épargnés par les conséquences de cette aggravation.
Nous le savons bien, c'est loin d'être la première fois que la question de la sauvegarde et du développement de leur presse est posée aux communistes. Sans remonter à l'appel de Marcel Cachin et à la création des CDH, je me contenterai de l'appeler l'import effort militant que le rapport de Roland Leroy au Comité central de décembre 1992 avait suscité et qui a permis de sauver "l'Humanité". La preuve a été maintes et maintes fois apportée qu'évoquer la presse communiste, c'est évoquer des centaines de milliers d'hommes, de femmes, de jeunes – communistes ou non, lecteurs réguliers ou occasionnels – pour qui elle représente un élément indispensable à l'exercice de leur libre arbitre, qui se considèrent donc comme impliqués dans les décisions qui peuvent être prises à son propos et sont prêts à se mobiliser en sa faveur.
Il s'agit là d'un atout inappréciable. Tirons-nous parti de toutes les ressources qu'il recèle ? Et cela non seulement pour faire face aux difficultés, mais pour exploiter toutes les possibilités d'expansion que nous offrent notre politique, l'évolution des idées et les demandes découlant de l'une de l'autre ?
Ainsi, notre presse est à la fois un moyen privilégié et permanent de l'intervention du Parti comme force nationale, à la base de capacités d'argumentation et d'initiative des communistes, et un moyen de rencontres, de réflexion et d'action communes avec un éventail large et diversifié de nos concitoyens.
Telle qu'elle est, la presse communiste, aux travers de ses différents titres, répond-elle aux attentes de ses lecteurs et de celles et ceux qui pourraient le devenir ? Le Bureau national a discuté de ces questions le 30 juin dernier, à partir d'un travail préparatoire effectué par un collectif qui était composé des directeurs de nos journaux et revues. Et il a décidé que cette question de la disposition des différentes publications qui constituent la presse communiste, de leur situation réelle, de leur contenu, de leur rôle, de leur utilité au regard des besoins du Parti et des attentes nécessairement diversifiées de celles et ceux qu'elles rencontrent devrait être posée en grand.
"Révolution" a, pour sa part, mené une consultation de ses propres lecteurs qui témoigne de leur attachement à notre presse, et de leur disponibilité à contribuer à la réflexion sur celle-ci, à être associés aux changements et aux améliorations possibles. Il nous apparait que cette démarche mérite d'être approfondie et généralisée. C'est pourquoi le Bureau national propose d'organiser dans les semaines qui viennent, sous des formes et dans des modalités qui devront être précisées, une consultation démocratique à propos de la presse communiste dans son ensemble et de ses différentes publications : consultation qui permette de recueillir les opinions, critiques, suggestions des communistes, des organisations et instances du Parti, des diffuseurs et des lecteurs de notre presse, et plus généralement, de celles et ceux qui pourraient être intéressés par sa lecture. Les résultats de cette consultation pourront être rendus publics à la fin de cette année. Et, naturellement, les décisions qu'ils appelleront seront ensuite prises par le Conseil national.
On le voit, par bien des aspects, la situation appelle à une réflexion politique toujours plus poussée et toujours plus permanente des communistes. Ce n'est pas seulement en période de Congrès que tout le Parti doit mener, cette réflexion mais à chaque moment de son activité. C'est la condition pour qu'il soit mieux ce qu'i a décidé d'être : un parti utile, au service des gens, laissant vivre son identité communiste moderne.
Discuter de tous ces points en communistes
Chacun l'aura bien compris, c'est l'ensemble des réflexions et propositions que je viens de vous présenter que nous mettons en discussion dans le Parti jusqu'à la Conférence nationale. L'ensemble, c'est-à-dire l'analyse de la situation, les grands axes des propositions que nous versons au débat et que nous serons conduits à enrichir, à préciser, notamment lors de la Conférence nationale, la question d'une candidature communiste et, après le rapport d'Alain Bocquet, la proposition quant au candidat lui-même, les problèmes de notre pratique politique et de l'organisation du Parti, ainsi que ceux de notre présence.
Sur tous ces points, d'autres positions et propositions pourront, bien sûr, surgir dans la discussion. Eh bien, les membres du Parti discuteront de tout tranquillement et avec franchise. En communistes.