Déclaration de Mme Simone Veil, ministre des affaires sociales de la santé et de la ville, sur les spécificités des Départements d'Outre-Mer dans le domaine de la politique de la famille notamment dans le cadre du projet de loi sur la famille, Saint-Denis (La Réunion) le 8 juillet 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Simone Veil - ministre des affaires sociales de la santé et de la ville

Circonstance : Déplacement de Mme Veil à La Réunion. Visite à la Caisse d'allocation familiale de La Réunion, à Saint-Denis le 8 juillet 1994.

Texte intégral

Messieurs les parlementaires,
Messieurs les maires,
Monsieur le président de la Caisse nationale d'allocations familiales,
Messieurs les présidents des CAF des TOM,
Monsieur le préfet,
Mesdames, Messieurs,


C'est une grande joie pour moi de participer à cette journée que la CAF de la CAF de la Réunion a organisée pour fêter l'extension de ses locaux.

J'ai d'abord toujours plaisir à parler de la vie de nos familles ; il y a beaucoup de bonheur pour nous tous à contribuer à leur épanouissement en essayant d'organiser mieux l'éducation et l'égalité des chances de nos enfants.

J'ai aussi un sentiment particulier pour votre pays, plein de vitalité et de foi, même si des difficultés économiques sont évidentes ; or le projet que je viens de proposer au Parlement marque une étape nouvelle et importante dans l'effort que la Nation consacre légitimement aux familles des DOM. Vos familles sont partie intégrante de la famille de la France.

J'ai enfin une grande fierté à marquer l'estime dans laquelle je tiens la Caisse d'allocations familiales de La Réunion, son équipe de direction et son personnel. Aussi ambitieuse dans ses projets sociaux que productive dans sa gestion, elle utilise au mieux les crédits qu'on lui confie et fait honneur au service public.

Votre département a une histoire démographique et sociale différente de celle de la Métropole. Il en est, parfois résulté des malentendus sur la place de nos prestations sociales ou sur leurs incidences sur la natalité. Mais je préfère, plutôt que commenter ces quelques contradictions, marquer que c'est l'honneur de notre pays (le rechercher, patiemment son unité dans l'égale considération qu'il porte à chacun de ses citoyens.

L'histoire sociale de ces années aura été marquée par l'alignement progressif des prestations familiales des DOM sur celles de la Métropole.

Ce mouvement se justifie par l'appartenance des DOM à la communauté française. Sans doute peut-on admettre que le système des prestations dans les DOM présente des spécificités si elles se justifient par le contexte social et, si elles ont, été débattues et décidées avec vos élus ; mais on ne peut, récuser le principe de ce rattrapage qui est intrinsèquement lié au pacte national qui résulte de la départementalisation.

Ce mouvement de fond, initié à l'époque par Michel DEBRÉ, s'est poursuivi sans guère de solution de continuité. Il s'ancre d'ailleurs dans Les changements progressifs des statuts familiaux dans vos départements : diminution des grandes familles et convergence vers les familles de taille moyenne ; montée du travail féminin.

Ce rattrapage a été puissant. De 1979 à 1994, les prestations familiales ont (…) 8 fois de plus vite dans les DOM que dans la métropole, résultat, du mouvement démographique mais surtout, de la politique de parité entreprise.

Rajoutons que cette évolution n'a pas pesé sur l'économie des DOM, bien au contraire. En effet les prélèvements de cotisations ont diminué sur la période et le transfert massif réalisé en provenance de la métropole a puissamment soutenu l'économie de vos départements. Enfin, l'alignement récent des allocations familiales a rétabli la hiérarchie des revenus, un moment troublé par la création du RMI, puisqu'elle n'a profité à plein qu'aux actifs ; de ce fait, le rapport entre les revenus respectifs d'un allocataire du RMI et d'un actif est-il revenu à un niveau cohérent.

C'est dans ce contexte que le Gouvernement a décidé, lors de l'adoption du programme quinquennal pour la famille 1995/1999 de poursuivre l'effort entrepris.

Nous évaluons à près de 800 millions de francs le coût des mesures nouvelles qui viennent d'être décidées en faveur des familles des DOM.

La montée du travail féminin et le souci de concilier vie professionnelle et, vie familiale justifient le choix prioritaire de mieux accueillir les jeunes enfants. C'est, pourquoi les mesures arrêtées en matière de garde des enfants seront intégralement applicables dans les DOM. L'aide aux familles qui emploient une assistante maternelle sera augmentée de 60 % au 1er janvier 1995. L'AGED, prestation accordée aux familles qui l'ont gardé leur enfant à leur foyer, sera étendue aux DOM. Les caisses des DOM bénéficieront, de moyens financiers accrus pour développer les équipements et services d'accueils des jeunes enfants (nous prévoyons à l'échelle nationale un doublement de ces fonds sur cinq ans).

Nous n'avons pas voulu, par contre, statuer immédiatement sur le problème de l'allocation parentale d'éducation. Vous savez que cette prestation qui n'existe pas dans les DOM va être améliorée en Métropole.

Le Gouvernement s'est, donc interrogé sur l'opportunité de son extension à vos départements. Faut-il retenir cette option quitte à adapter le dispositif aux caractéristiques sociales des DOM ? Ne vaut-il pas mieux adopter des mesures de portée financières équivalente mais de nature différente ; je pense à l'amélioration de la restauration scolaire, au développement de l'action sociale générale ou à celui de l'accompagnement social dans le logement ? Le problème est ouvert.

Fidèle à la ligne que j'évoquais il y a un instant, le Gouvernement a retenu trois principes étroitement liés :

– il a mis en réserve dans son programme financier pour les DOM un crédit équivalent à ce que pèse l'APE en Métropole ; on a donc un disponible de 300 millions de francs ;

– l'emploi précis de ce crédit, sera arrêté à l'automne sur la base de concertation que nous allons mener avec vos élus ;

– le crédit affecté à ce programme sera ouvert avec date de valeur au 1er juillet 1994, puisque la réforme en Métropole s'applique à cette date.

Ces trois principes ont été inscrits dans la loi sur la base de l'amendement que Monsieur le sénateur LAGOURGUE a déposé au Sénat et que Monsieur VIRAPOULLE a défendu à l'Assemblée nationale.

Le recul de l'âge limite des prestations familiales à 20/22 ans est la deuxième priorité retenue par le Gouvernement. Il profitera aux familles des DOM dans les mêmes conditions qu'à celles de la Métropole. Ce progrès sera ici très sensible puisque beaucoup de jeunes trouvent encore difficilement leur place sur le marché du travail, mais que, très heureusement, le potentiel de leur montée dans les dispositifs de formation universitaire et professionnelle est, élevé. Le Gouvernement s'est engagé à terminer ce programme au plus tard le 31 décembre 1999.

Si les prestations légales sont essentielles dans la politique familiale par la place qu'elles occupent dans le budget des familles, je voudrais insister sur l'importance de l'action sociale. Menée le plus souvent avec la collaboration des collectivités locales et des associations, elle permet une action de terrain très précieuse en matière d'accueil et socialisation de l'enfant, de logement, d’accompagnement social et d'éducation familiale. Ce sont des sujets particulièrement importants surtout dans les départements d'outre-mer, en pleine transition démographique et sociale.

C'est pour ces raisons d'ailleurs que les dotations d'action sociale des Caisses d'allocations familiales des DOM sont beaucoup plus élevées qu'en Métropole. Aussi ai-je été particulièrement sensible aux inquiétudes que l'assemblée interrégionale des caisses des DOM a récemment manifestées quant à la pérennité du financement, de cette action sociale compte-tenu des réformes qui affectent le système des ressources de la CNAF. Je suis donc particulièrement satisfaite de vous annoncer aujourd'hui que ce problème est, réglé de façon positive et que nous allons avec la CNAF mettre en œuvre ces prochains jours le dispositif qui formalise cet engagement.