Interview de M. José Rossi, ministre de l'industrie des postes et télécommunications, dans "Industries" de décembre 1994 janvier 1995, sur les priorités du ministère pour 1995, l'aide aux PME PMI et le rôle de l'État dans la mise en œuvre du projet des "autoroutes de l'information".

Prononcé le 1er décembre 1994

Intervenant(s) : 
  • José Rossi - Ministre de l'industrie, des postes et télécommunications et du commerce extérieur ;
  • Pierre Salanne - Journaliste

Média : Industries

Texte intégral

José Rossi : "les PMI jouent un rôle central dans le développement économique"

Le nouveau ministre de l'Industrie, des Postes et Télécommunications et du Commerce extérieur précise pour "Industries" les priorités d'action de son ministère pour 1995.

Industries : Dès votre entrée en fonction, vous avez défendu devant les députés le projet de budget du ministère de l'Industrie pour 1995. Que prévoit-il pour les entreprises ?

José Rossi : Nous sommes aujourd'hui dans un contexte de reprise économique : la croissance devrait atteindre 2,2 % pour 1994, les créations d'emplois devraient se situer entre 180 000 et 200 000. L'objectif du projet de budget que j'ai eu l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale, à la place de Gérard Longuet et en continuité avec les principales options qui ont été les siennes, est d'accompagner les entreprises dans cette reprise et d'en accentuer les effets sur l'emploi. Dans ce cadre, mes priorités d'actions iront en 1995 à la recherche industrielle, aux mutations et reconversions industrielles et au soutien à l'investissement. Concernant l'innovation technologique, le soutien de grands programmes stratégiques au travers d'Eurêka, de Jessi ou des "Grands projets innovants" sera poursuivi et amplifié. Il concernera par exemple les écrans plats, les super-ordinateurs ou la télévision numérique. L'automobile ou les biotechnologies en bénéficieront également. Des efforts seront par ailleurs engagés pour le développement des autoroutes de l'information. Les moyens consacrés au développement de la recherche et de l'innovation dépasseront les 3 milliards de francs en 1995. Les dotations consacrées aux restructurations et aux entreprises en difficulté seront sensiblement augmentées, afin de préserver l'emploi partout où cela sera possible, dans des conditions économiques et sociales satisfaisantes. Des efforts particuliers seront par ailleurs consentis pour les secteurs industriels qui subissent une mutation particulièrement sévère, comme le textile ou le charbon. Enfin, le dispositif de "prime à la casse", qui a permis une augmentation des immatriculations de 13,8 % sur les neuf premiers mois de l'année, sera poursuivi jusqu'au 30 juin 1995.

Industries : Les dispositifs de soutien aux PMI seront-ils reconduits dans le budget 1995 ?

José Rossi : Bien entendu ! Les PMI jouent un rôle central dans le développement économique. Elles assurent près de 55 % de l'emploi industriel, et savent résister aux difficultés conjoncturelles avec plus de vigueur que les grandes entreprises. C'est pourquoi mon ministère mène une action spécifique à leur égard. Afin d'accroître le dynamisme de nos entreprises et de pallier leurs faiblesses, mon prédécesseur a créé en 1994 un fonds de développement des PMI. Ce fonds donne la priorité aux investissements matériels comme immatériels. Par souci de simplification, il regroupe différentes procédures. Pour pérenniser notre action sur le terrain, ce fonds a été contractualisé avec les régions. En 1995, 725 millions de francs sont réservés à cette procédure dans mon budget, auxquels il faudrait ajouter les abonnements des régions de la Communauté européenne. Un effort particulier est également porté sur la diffusion des techniques, afin que les PMI adoptent à leur tour les technologies qu'utilisent déjà les plus grandes : le programme Atout sera doté de 236 millions de francs en 1995. Avec ces deux fonds, les interventions du ministère à l'égard des PMI sont en très nette augmentation par rapport à la période 89-93. Il faut enfin y ajouter le dispositif d'appui aux exportations des PME, dont le montant inscrit aux contrats de plan État-région a été accru.

Industries : Quel rôle l'État doit-il jouer, selon vous, dans le développement des autoroutes et services de l'information ?

José Rossi : L'État, conscient des enjeux, entend jouer pleinement son rôle. Son intervention revêtira principalement trois aspects. Le premier concerne l'établissement d'un cadre réglementaire favorable aux investissements. L'ouverture à la concurrence des télécommunications, l'élaboration de protections juridiques ou techniques appropriées (la sécurité de l'information, les droits d'auteur, les droits de propriété, la protection des données) sont autant d'éléments qui relèvent de l'autorité de I État. II appartient donc à l'État de définir un cadre réglementaire permettant à tous les acteurs intéressés de mobiliser leur capacité d'investissement et d'innovation. De plus, une réflexion devra être engagée sur les évolutions souhaitables du périmètre du "service universel", afin d'assurer l'égalité d'accès aux services d'information et de communication. Cette politique de l'État devra être cohérente avec les politiques de l'éducation, de la culture, de la communication et de l'aménagement du territoire. La deuxième intervention principale de l'État concerne les expérimentations. L'État se doit d'encourager les expérimentations "grandeur nature", permettant de structurer et de regrouper l'offre de nouveaux services, d'en évaluer la viabilité économique, de réaliser des tests commerciaux et d'acquérir le savoir-faire pour gérer de nouveaux réseaux de communications.

De telles expérimentations pourront concerner des services d'intérêt général – emploi, télétravail, santé, culture… – comme des services marchands professionnels ou grand public : presse, édition, audiovisuel, banques et assurances, vente à distance… France Télécom devra jouer un rôle moteur mais non exclusif dans ces expérimentations.

Enfin, troisième aspect de son intervention, l'État favorisera, en participant à la création d'un cadre international stable, les technologies et le savoir-faire français. Il est essentiel de travailler à la constitution d'un marché européen fondé sur une libre circulation des services, des œuvres culturelles et de l'information. La présidence française de l'Union européenne devrait permettre de donner corps aux premières décisions opérationnelles.

Mais une "société européenne de l'information" n'aurait guère de sens si elle était refermée sur elle-même. La prochaine réunion du G7, qui sera consacrée à ce sujet, constitue une opportunité pour jeter les bases d'une entente multilatérale.

L'État appuiera donc les efforts réalisés par les opérateurs et industriels français pour exporter leur technologie et leur savoir-faire à l'étranger, en participant activement à la création d'un cadre international favorable au développement de la société de l'information.