Article de M. Edouard Balladur, Premier ministre, dans "Le Monde" du 20 décembre 1994, sur ses propositions pour la protection sociale et l'emploi, intitulé "La force et la justice".

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Média : Le Monde

Texte intégral

Retrouver la croissance, telle a été mon obsession depuis mars 1993. Elle seule peut gager l'amélioration de l'emploi, l'équilibre budgétaire, la pérennité du système social et, plus généralement, la force de notre pays, son influence sur les affaires du monde, son audience internationale.

Les secousses que nous avons vécues depuis vingt ans, les erreurs de gestion à certains moments, ont eu pour résultat un chômage si lourd et une hausse des prélèvements obligatoires qui a absorbé l'essentiel de l'accroissement de la richesse nationale, au point que nous oublions collectivement les acquis de ces vingt ans : un accroissement de plus de 50 % de la production, une élévation presque équivalente du niveau de vie, la maîtrise de l'inflation, le rétablissement de notre compétitivité.

À mes yeux, la période mi-1993-1995 devait permettre le retour de la croissance : c'est fait. Il s'agit désormais de l'amplifier et de la gérer au mieux, avec pour horizon une amélioration enfin substantielle de l'emploi, une réforme de notre système social, afin d'en préserver les valeurs cardinales, et une efficacité accrue dans un monde chaque jour plus concurrentiel,

En 1993, pour la première fois depuis la guerre – à l'accident de 1975 près –, la France a été en récession et s'est appauvrie de 1 %, avec pour conséquences l'ascension du chômage et l'aggravation des déficits publics et sociaux.

La croissance sera revenue rapidement : 2,5 % en 1994, plus de 3 % en 1995. Comment y sommes-nous parvenus, parallèlement à l'amélioration du contexte international ? Une action résolue de baisse des déficits publics intégrée dans une loi quinquennale, la stabilisation de la monnaie, la baisse des taux d'intérêt, l'indépendance de la Banque de France, l'allègement de l'impôt sur le revenu, le prime automobile, le déblocage anticipé des fonds de participation, lu triplement de l'allocation de rentrée scolaire, l'accroissement du nombre de prêt d'accession à la propriété, l'allègement de la fiscalité immobilière, le remboursement du décalage d'un mois de la déduction de la TVA, la constitution de divers fonds de garantie en faveur des PME, la reprise des privatisations : autant de facteurs qui nous ont permis le redressement et qui marquaient une rupture par rapport à la politique de nos prédécesseurs,

Le choix de la stabilité monétaire est évidemment au cœur de la politique de croissance. Le Général de Gaulle nous appelait déjà à cette vérité : « Nous devons avoir une monnaie forte. L'inflation est agréable pour bien des gens : les emprunteurs, les propriétaires, les salariés qui croient qu'ils gagnent davantage. Mais elle mine les bases mêmes de l'existence d'un pays. Notamment à l'intérieur du marché commun. »

Cette politique passe, naturellement, par un inlassable effort de réduction du déficit budgétaire pour le ramener, comme le prévoit la loi quinquennale, à 2 % du PIB en 1998. La croissance le facilite, elle ne le garantit pas. C'est pour n'avoir pas consenti cet effort que la France, entre 1988 et 1991, a gâché plusieurs années de croissance sens engager les réformes nécessaires. Les déficits, l'endettement et le chômage en sont le prix que nous payons encore aujourd'hui.

L'impératif est d'abord que la sécurité sociale revienne à l'équilibre, au plus tard en 1997. C'est par la maîtrise des dépenses que nous devons prioritairement parvenir, et non plus par l'augmentation insidieuse du prélèvement. Celle-ci est devenue, chacun le sait, un obstacle majeur à l'emploi. Pour cela, de profondes réformes s'imposent. Elles ne visent pas le seul rétablissement financier mais au moins autant à mettre notre système social en état de mieux traiter les nouvelles formes de détresse et de pauvreté que vingt ans de crise ont suscitées.


Priorité aux petites et moyennes entreprises

Dans cet esprit, l'État doit étudier, en liaison avec les partenaires sociaux et dans le respect de leurs compétences, la possibilité d'établir, pour le régime général de sécurité sociale, une plu grammatical pluriannuelle de son équilibre financier, comme cela a été le cas pour les dépenses de l'État.

L'exigence de contrôle des dépenses publiques ne concerne pas que l'État et la sécurité sociale, Il s'applique aussi aux collectivités territoriales. Une même démarche devra donc être engagée avec les élus locaux afin, là aussi, de viser une meilleure maîtrise budgétaire.

Une monnaie stable, des finances publiques en voie de rétablissement : ce sont les meilleurs instrumente pour nous préserver du retour de l'inflation, mais celle-ci dépend aussi, surtout quand revient la croissance, de l'effort de chacun : de là rien l'exigence, pour tous, de faire leurs les objectifs de prix que se sont fixés les pouvoirs publics.

Enfin, la fiscalité, quelle que soit sa forme (impôts d'État, impôts locaux, prélèvements sociaux), doit être réformée, avec trois objectifs clairs ; simplification et diminution, justice, développement de l'emploi. Il nous faut traquer tout ce qui, dans la fiscalité, pénalise directement l'emploi et freine l'initiative économique, Rien n'est simple, en cette matière, car chacun voit bien qu'il faut réformer, mais souhaite surtout ne pas en subir les effets. Ce qui favorise l'emploi et l'activité peut défavoriser la consommation, l'épargne, le revenu. Autant de choix difficiles, et cependant la direction est claire. Ici plus qu'ailleurs, peut-être, la méthode de la réforme, fondée sur le dialogue et le contrat, sera fondamentale.

La France doit aussi renforcer ses atouts économiques. Un salarié sur quatre travaille pour l'exportation. De tous les grands pays, nous sommes le premier exportateur par tête d'habitant. Accroître la compétitivité globale de nos entreprises, exporter davantage, c'est créer les conditions d'une croissance plus forte et plus riche en emplois.

Le temps n'est plus où l'État décidait de la stratégie industrielle des entreprises. Pour autant, sa responsabilité n'a pas disparu ; il doit prioritairement agir sur leur environnement, afin qu'il soit le plus compétitif possible. À lui aussi de favoriser la participation des entreprises françaises au développement des nouvelles technologies et des nouveaux marchés. Cela vaut, au premier chef, pour la société de l'information ; mais aussi pour maints autres secteurs.

Sans relâche, il nous faut poursuivre la simplification et l'allègement des procédures administratives et des prélèvements fiscaux et sociaux. De même devons-nous également donner la priorité aux petites et moyennes entreprises en concentrant et en intensifiant, en leur faveur, les aides publiques à l'emploi, à l'exportation ou à la recherche. Dans notre dynamisme à l'exportation, l'agriculture est évidemment au premier rang.


Des grands travaux pour préparer l'avenir

L'agriculture européenne doit avoir une volonté de puissance et de présence sur tous les marchés du monde et la France doit en être l'acteur principal. Des défis importants se trouvent devant nous, notamment l'élargissement de l'Union européenne et l'ouverture des marchés décidée dans les nouvelles règles du commerce international, mais grâce à la politique d'allégement des charges et de modernisation qui a été engagée, et, forte de son efficacité, notre agriculture, qui bénéficie d'atouts substantiels, est en mesure de les relever. L'ouverture des marchés est pour elle une chance plus qu'un risque.

La force économique, c'est aussi une politique de la dépense publique tournée vers la croissance. Les dépenses somptuaires, le train de vie excessif des pouvoirs publics et les programmes mal maîtrisés freinent l'économie. À l'inverse, la réalisation de grandes infrastructures de développement et de protection de l'environnement, les dépenses de recherche et de formation jouent un rôle moteur.

C'est dans cet esprit que le gouvernement a jugé nécessaire de débloquer des projets souvent enlisés depuis longtemps : le TGV-Est, le TGV-Méditerranée, le canal Rhin-Rhône ; il a, par ailleurs, décidé un grand programme routier et autoroutier qui contribuera au développement national et au rééquilibrage bien au-delà de l'an 2000. Pour la recherche, la consultation nationale organisée en 1994 permet l'élaboration d'une politique ambitieuse associant la recherche publique et la recherche privée, des incitations fiscales permettant un effort accru des entreprises.

Enfin, abandonnée depuis quinze ans, la politique d'aménagement du territoire, indispensable pour des raisons à la fois nationales, économiques et sociales, a retrouvé de nouveaux fondements juridiques et de nouveaux instruments d'intervention, notamment dans le domaine budgétaire (et universitaire). Elle contribuera non seulement à un nouveau dynamisme économique grâce au renforcement des petites et moyennes entreprises, mais aussi à un développement plus juste et plus équilibré entre villes et banlieues, zones urbaines et zones rurales.

Maîtriser les dépenses publiques, ce qui signifie dépenser moins mais aussi dépenser mieux, améliorer la compétitivité des entreprises, telles sont les deux clés de la croissance économique pour les prochaines années, mais rien ne sera possible sans la mobilisation des hommes.

Plus de force et, grâce à cela, davantage d'équité. Aussi l'emploi est-il notre tâche prioritaire. La France ne peut plus rester une exception parmi les grands pays industriels, avec un taux de chômage tellement supérieur à celui des autres.

La grande erreur des années 80 et du début des années 90 fut de retarder les réformes nécessaires en espérant que le retour de la croissance permettrait, à lui seul, d'inverser durablement la tendance générale à l'augmentation du chômage. Espoir déçu : le taux de chômage structurel a continué à s'élever, rendant chaque année plus difficile le retour du plein emploi. Aujourd'hui, la reprise de la croissance risque de nous faire perdre le sentiment d'urgence des réformes qui avait marqué les années de récession.


Un engagement collectif pour l'emploi

Tout au contraire il faut décider, pour améliorer l'emploi, des réformes aussi importantes que celles que notre société a accepté de réaliser en matière économique et financière. Pour y parvenir, il faut mettre un terme à la préférence collective implicite de la société française pour le chômage. Trop souvent, cette préférence inavouée s'abrite derrière la bonne conscience sociale que font neutre les efforts financiers importants réalisés en faveur des sans-emploi. Ces efforts sont indispensables, mais ils ne doivent pas servir d'alibi à la passivité.

Ils passent par un véritable engagement collectif pour l'emploi, engagement des responsables politiques tout d'abord, afin de décider, de prolonger et d'amplifier les réformes déjà commencées par le gouvernement, engagement des responsables économiques afin de ne pas céder à la facilité des solutions malthusiennes. L'objectif que j'ai fixé pour les cinq années qui viennent : un million de chômeurs en moins, ce qui veut dire une diminution de deux cent mille chômeurs par an, nous ramènerait à un taux de chômage égal à 8 % de la population active.

C'est parfaitement possible l'ensemble des acteurs économiques et sociaux le font leur. Dans cette optique, les pouvoirs publics devraient convenir, avec les partenaires sociaux, d'un rendez-vous annuel, permettant de procéder conjointement à l'évaluation anticipée des mesures prises en faveur de l'emploi et à la définition de celles qu'il paraîtrait nécessaire de mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.

La lutte pour l'emploi est, à mes yeux, le domaine où la pratique contractuelle doit s'affirmer de manière privilégiée. Tout doit être fait pour renforcer le rôle des partenaires sociaux solides et responsables, au sein des branches professionnelles, des entreprises et des établissements. Un véritable dialogue social doit se développer dans l'entreprise, et le renouveau de la participation y contribuera.

Dans l'Europe telle qu'elle se fait, il importe aussi de relancer le dialogue social à ce niveau. Si la France ne le fait pas, qui le fera ? Je proposerai que se tienne, durant la présidence française de d'Union européenne, une convention des Quinze consacrée à l'Europe sociale et à la politique contractuelle, à ses principes, à ses instruments. Cette convention viserait à définir une méthode de traitement à quinze des trois sujets suivants : l'emploi, la protection sociale et la formation professionnelle.

D'une manière plus générale, la vie sociale de notre pays ne retrouvera toute sa vigueur que si les partenaires sociaux sont mis en mesure d'occuper toute la place qui leur revient, D'ores et déjà, lorsque les règles du jeu sont clairement définies, le paritarisme consacre cette place comme c'est le cas pour l'indemnisation du chômage et la formation.

Le gouvernement a déjà adopté des mesures importantes en vue de développer l'emploi.

La loi quinquennale sur l'emploi a introduit le droit pour tout jeune de sortir du système éducatif avec un diplôme ou une qualification soit d'enseignement général, soit de formation professionnelle. Il faut mettre en œuvre ce droit. D'ores et déjà, les mesures prises par le gouvernement ont permis un développement, sans précédent depuis vingt-cinq ans, de l'apprentissage puisque avec deux cent cinquante mille jeunes, le niveau atteint est le plus élevé depuis la fin des années 60.

Cette priorité en faveur de la formation professionnelle doit être confirmée. Assouplissement de l'organisation du travail : exonération progressive des cotisations familiales sur les bas salaires : exonération des cotisations sociales pour l'embauche d'un premier, d'un deuxième et d'un troisième salarié dans les petites et moyennes entreprises : développement du temps partiel ; réduction d'impôts de 45 000 francs pour l'emploi d'un salarié à domicile ; amélioration des aides à la garde d'enfants à domicile : simplification des procédures administratives liées à l'emploi d'une personne à domicile grâce au chèque service : autant de mesures qui vont dans le bon sens.


La promotion du temps choisi

Nous devons faire davantage. Il faut aller plus loin. L'action des pouvoirs publics doit s'articuler autour des cinq propositions suivantes :

1. L'allégement des charges sociales sur les bas salaires devra être poursuivi. Actuellement, une entreprise doit encore payer 100 000 francs pour l'emploi d'un salarié rémunéré au SMIC qui ne perçoit, pour sa part, que 59 000 francs. La « barrière à l'emploi » qui résulter de cet écart a pour contrepartie une perte de richesse collective et humaine qui n'est pas acceptable. L'allègement du poids du salaire indirect reste donc une nécessité, surtout pour les salariés les moins qualifiés.

Cela signifie poursuivre l'allégement des charges sociales sur les bas salaires par une réduction des cotisations maladie. Celle-ci pourrait prendre la forme d'une franchise annuelle de l'ordre de 4 000 francs, indexée sur l'évolution du SMIC. Réservée aux salaires inférieurs à 1,2 SMIC, cette mesure aurait un coût de 13 milliards de francs pour les finances publiques. Étendue progressivement à l'ensemble des salariés, en fonction de la situation des finances publiques, son coût atteindrait 60 milliards de francs.

2. Les gisements d'emplois dans les services doivent être plus systématiquement mis en valeur. La poursuite de l'allégement des charges sociales sur les bas salaires y contribuera, mais il faut aussi organiser l'offre de services aux personnes. À cet égard, l'expérimentation de la couverture du risque de dépendance des personnes âgées, qui est décidée dans une dizaine de départements, constituera une expérience riche d'enseignements.

3. Pour améliorer la compétitivité de notre main-d'œuvre et l'insertion sociale, l'effort de formation devra, ainsi que le prévoit le nouveau contrat pour l'école, être approfondi à l'école primaire et au collège, avec un accent sur la formation initiale.

4. Les dépenses réalisées en faveur des chômeurs doivent être réorientées vers l'activité et transformées de dépenses de pure et simple assistance en dépenses de formation et de rémunération d'un travail effectif. Nous avons commencé de le faire pour les allocataires, du RMI au chômage, depuis deux ans. Une fois que les résultats en auront été évalués, cette expérience pourra être étendue.

5. La promotion du temps choisi, qui a été décidée par la loi quinquennale et qui permet une plus grande souplesse dans l'organisation du temps de travail par chaque salarié, vaut d'être amplifiée. La part du temps partiel, qui reste inférieure à ce qu'elle est chez nos partenaires, doit être augmentée, notamment au sein de la fonction publique où l'État doit donner l'exemple. Les emplois à temps partiel constituent aujourd'hui 14 % de l'emploi total. On pourrait se fixer pour objectif de relever leur part à 20 %, niveau atteint chez nos principaux partenaires.

Plus généralement, l'objectif devrait être la définition d'un véritable droit à organiser son temps pour tous les salariés qui le souhaitent. Tel est, en effet, le temps choisi. Les aspirations familiales, les équilibres de vie différents des modèles du passé, l'engagement associatif et la formation doivent pouvoir trouver toute leur place à côté des formes plus traditionnelles du travail. Cela mérite des discussions contractuelles entre employeurs et salariés afin que le rythme du travail dans l'entreprise n'en soit pas perturbé. Je suis certain, que sur ce point comme sur le développement du temps partiel et sur le développement de l'emploi, il y a matière à de larges négociations au sein des entreprises ou des branches professionnelles.

L'ensemble de ces actions en faveur de l'emploi ne sera efficace qu'accompagné d'un véritable engagement collectif que la France doit passer avec elle-même au printemps de 1995. Les principaux acteurs de la société française, et tout particulièrement le patronat et les syndicats de salariés, ont là une responsabilité historique. Cet engagement permettrait de développer des comportements plus responsables et plus solidaires, là où trop souvent prévalent le corporatisme et l'individualisme. Dans cet esprit, le partage des fruits de la croissance attendue devrait être géré de façon à respecter l'objectif commun à tous de réduire d'un million en cinq ans le nombre de chômeurs.


Assurer la protection sociale

Outre la lutte pour l'emploi, la grande affaire des prochaines années demeure la réforme de la gestion de la protection sociale et celle de la santé. Les deux sont d'ailleurs étroitement liées.

Notre système de protection sociale et de santé date de l'après-guerre. Ses vertus s'épuisent, il coûte cher et répond difficilement aux nouvelles formes de pauvreté, de détresse et d'exclusion, il est temps de le réformer, non pas pour restreindre si peu que ce soit les prestations, ni pour affaiblir les mécanismes de solidarité, mais au contraire pour les adapter si donc de les affermir.

La maîtrise des dépenses constitue la priorité, car il n'est plus possible de financer leur dérive par l'augmentation continue des prélèvements obligatoires. Il y va de la santé de l'économie, de la garantie du pouvoir d'achat, sans cesse entamé par la croissance des prélèvements de l'emploi, pénalisé par l'alourdissement des charges.

En 1993, la réforme de notre système de retraite a été décidée. Elle entre en œuvre. En 1994, la gestion des quatre risques a été nettement séparée, ce qui permet de prendre pour chacun d'entre eux les mesures nécessaires à leur équilibre financier et doit mettre fin à la confusion et à l'irresponsabilité. Pour l'avenir, le problème le plus important est celui de la santé publique et de l'assurance, maladie. Le changement doit s'articuler autour de quatre principes.

1. Le rôle de l'Etat doit être recentré sur les missions de régulation : fixer les objectifs qualitatifs ou quantitatifs atteindre, les moyens financiers disponibles et les règles du jeu.

2. Les responsabilités de gestion des politiques sociales doivent être clairement définies et réparties. Elles seront assumées par les partenaires sociaux, les collectivités locales et les professionnels de la santé, et cela dans le respect des objectifs, moyens et règles définis pur l'État.
3. Il faut renforcer la gestion paritaire des caisses de sécurité sociale auxquelles des pouvoirs accrus de négociation et de décision doivent être accordés. Quant à la gestion des hôpitaux publics, elle exige d'âtre profondément réformée de façon à clarifier l'exercice de l'autorité au sein des établissements. Enfin, une plus grande transparence sur les résultats de la gestion est nécessaire, notamment en matière de santé et d'hospitalisation.

4. Ce n'est qu'une fois la maîtrise des dépenses assurée qu'il y aura lieu d'examiner des adaptations au financement de la protection sociale, faute de quoi toute modification serait considérée comme un moyen supplémentaire de financer la croissance incontrôlée des dépenses. L'avenir est sans doute lié à la diversification des recettes du financement de la protection sociale qui, même s'il continue de reposer principalement sur le salaire, devra faire la part à d'autres ressources ; mais de tels changements ne pourront être envisagés que s'ils se substituent au financement sur le salaire et non pas s'ils s'y ajoutent.


Lutter contre l'exclusion

Au-delà de la protection sociale dans son fonctionnement classique, nous devons impérativement nous fixer des objectifs ambitieux de lutte contre l'exclusion sous toutes ses formes : économique, professionnelle, sociale, culturelle. Si la clé est, à l'évidence, économique, cela ne suffit pas. Là aussi, la reprise économique ne résoudra pas tous les problèmes ; la politique de la ville, d'une part, la politique sociale, d'autre part, en sont les compléments indispensables. L'on doit poursuivre les efforts de restauration des quartiers, accroître les actions d'éducation et de formation en priorité dans les banlieues et, d'une manière générale, y renforcer la présence des services publics, Parallèlement, la protection des familles et, notamment, des familles les plus fragiles, et l'aménagement de leurs conditions de vie, au premier rang desquelles figure le logement, doivent demeurer des objectifs prioritaires.

La prévention de l'exclusion commence par la place faite à la jeunesse dans notre société. La consultation des jeunes a mis en évidence plusieurs aspirations fortes : le souhait d'être mieux écouté, mieux intégré dans le monde du travail et mieux associé à la vie de la cité. Nous avons commencé à répondre à cette attente. Vingt-neuf mesures ont été annoncées le 15 novembre dernier ; c'est un premier effort, comme il n'en a jamais été fait auparavant. Elles comportent en particulier le droit pour tout jeune qui n'a pas eu de contact avec l'entreprise à bénéficier d'un stage Mais il faut aller plus loin et s'engager à offrir à tous les jeunes de moins de vingt ans soit un emploi, soit une formation, soit un stage. Quel effort manifestera davantage l'engagement collectif de la société française en faveur de l'emploi ?

L'avenir et la force de la France passent par une croissance plus forte, elle-même assurée par une politique sociale, budgétaire et fiscale qui n'hésite pas devant les réformes de structures indispensables. C'est en cela que cette politique ne peut qu'être proton dément différente de celle menée jusqu'en 1993.

Mais une fois la croissance durablement retrouvée, nous devons réaliser un arbitrage différent de celui qui a été fait de 1988 à 1993 : l'emploi doit être privilégié, la protection sociale, pour être préservée, réformée, et des engagements précis garantir à la jeunesse une formation qui lui permette de trouver toute sa place dans la France de demain.

C'est une question de justice. Qui ne voit que c'est aussi la condition nécessaire pour la force et le rayonnement de notre pays si nous voulons qu'il devienne un exemple de progrès et d'équité ?