Extraits de l'interview de M. Pierre Moscovici, ministre délégué aux affaires européennes, dans "Le Courrier de l'Ouest" le 8 septembre 1998, sur la négociation de la prochaine génération de fonds structurels, notamment le FEDER, la préparation du passage à l'euro, et l'amélioration du fonctionnement démocratique de l'Union européenne.

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Média : Le Courrier de l'Ouest

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Courrier de l’Ouest : Vous venez lundi de visiter, en Deux-Sèvres, un épicerie financée grâce à des fonds européens, ceux du FEDER. L’Europe peut-elle permettre à ce genre d’initiative (maintien d’un commerce en milieu rural) de se développer ?

Pierre Moscovici : Oui. Nous sommes en train de discuter avec nos partenaires européens de la prochaine génération des fonds structurels, dont le Fonds européen de développement régional (le FEDER) fait partie. L’idée qui domine est bien de maintenir l’effort financier de l’Union européenne. Il faut que l’Europe continue à financer des projets qui contribuent à réduire les inégalités entre les territoires en Europe. Nous sommes attachés à cette politique de convergence, surtout avec l’euro qui rendra encore plus faciles les comparaisons entre les régions.

Courrier de l’Ouest : Vous allez discuter avec des entrepreneurs sur l’économie européenne et l’euro. Avez-vous le sentiment que l’économie française, et en particulier les entreprises de département ruraux comme les Deux-Sèvres, soit prête au passage à l’euro ?

Pierre Moscovici : Nous ne sommes pas en retard dans les préparatifs techniques à l’euro. Cela dit, je crois que les décisions solennelles que nous avons prises en mai dernier à Bruxelles, lors de la réunion des chefs d’État et de gouvernement, ont permis de décanter les choses.
Au plan politique et économique, l’euro est déjà là. On le voit bien, avec la crise financière qui frappe l’Asie et la Russie : les pays de la zone euro constituent un pôle de stabilité dans le désordre mondial, et ce, avant même que l’euro soit formellement en place. Chacun est conscient aujourd’hui aussi que l’euro va entrer dans sa vie quotidienne dans quelques mois pour les entreprises, et en 2002 pour les particuliers, avec l’introduction des pièces et des billets en euro.
Il faut maintenant que les entreprises accélèrent leurs préparatifs, car ce sont elles, en définitive, qui assureront le succès de cette mutation majeure de notre économie.

Courrier de l’Ouest : Lors de ce déplacement en Deux-Sèvres, avez-vous de bonnes nouvelles à annoncer aux collectivités locales et aux dirigeants du département, ou venez-vous, comme on dit, « les mains vides » ?

Pierre Moscovici : Je viens dans les Deux-Sèvres pour parler de l’Europe, du travail réalisé et des résultats obtenus par le gouvernement en ce domaine. Je viens pour écouter ceux qui vivent l’Europe au quotidien, voir leurs réalisations, entendre leurs difficultés et mieux connaître leurs projets.
Alors la bonne nouvelle, c’est que depuis dix-huit mois je constate, tous les jours, que les Français ont dépassé les questions philosophiques que peuvent encore se poser certains hommes politiques sur l’Europe, pour l’utiliser comme un des moyens de mieux vivre. Et, quitte à être provocateur, je veux vous rappeler que le petit « cadeau ministériel », cela ne correspond pas à la méthode de travail de ce gouvernement.

Courrier de l’Ouest : Que peut apporter l’Europe à un département comme les Deux-Sèvres ? Les décisions européennes ne sont pas toujours bien comprises à la base. Avez-vous l’intention de plaider pour le sentiment européen ?

Pierre Moscovici : L’Europe apporte aux habitants de ce département et de l’ensemble de la région ce qu’elle offre aussi à tous nos concitoyens et à nos entreprises : à la fois un espace de liberté supplémentaire, un espace unifié de près de 400 millions d’habitants, et un pôle de stabilité économique et financier, au profit de tous nos opérateurs économiques, au service de la croissance et de l’emploi.
Bien sûr, parce que les décisions se prennent à quinze, à Bruxelles ou à Strasbourg, parce que le dispositif institutionnel de l’Europe n’est pas simple à comprendre, nos concitoyens peuvent parfois avoir l’impression de ne pas saisir ce qui se passe. Il faudra simplifier les choses pour les rendre plus compréhensibles, améliorer le caractère démocratique du fonctionnement de l’Union européenne, et nous y travaillons. Mais ce n’est pas parce que l’Europe est complexe qu’elle ne fait pas de bonnes choses, utiles, au service de nos concitoyens.
Ce dont nous avons besoin à l’avenir. C’est de plus d’Europe : c’est ce que je m’efforce d’expliquer dans mes déplacements. Le sentiment européen doit devenir quelque chose de naturel pour chacun d’entre nous.