Déclaration de M. Jean Puech, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur le projet de loi de modernisation agricole, le mémorandum sur la PAC réformée après les accords du GATT, les cotisations sociales agricoles et le budget de 1995 pour l'agriculture, Toulouse le 16 septembre 1994.

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Intervenant(s) : 
  • Jean Puech - Ministre de l'agriculture et de la pêche

Circonstance : Réunion des directions régionale et départementale de l'agriculture et de la forêt (DRAF, DDAF) à Toulouse le 16 septembre 1994

Texte intégral

Messieurs les Directeurs, 

Je suis heureux de vous retrouver à l'occasion de votre réunion régionale, à Toulouse, pour ce rendez-vous semestriel auquel je tiens particulièrement.

C'est la raison pour laquelle j'ai été contraint de reporter au dernier moment la réunion que vous aviez prévue de tenir à la fin du mois de juin, puisqu'un Conseil des Ministres Européens a été, de façon imprévue, organisé à la même date pour arrêter le « paquet prix » de 1994.

Mais ce report de date fait de ces journées une « réunion de rentrée », et, d'une certaine manière, je pense que se retrouver ainsi en septembre est peut-être plus riche de possibilités d'information et d'échanges, que si nous nous étions vus juste avant la pause de l'été.

Je souhaite donc tout d'abord faire le point sur trois sujets d'actualité importants, deux qui engagent l'avenir, la loi de modernisation agricole et le mémorandum que j'ai déposé la semaine dernière à Bruxelles, le troisième qui se situe plus dans le court terme, les cotisations sociales. 

En ce qui concerne la loi de modernisation, tout d'abord, je vous rappelle qu'elle se situe en prolongement du débat au Parlement, dont je vous ai tenu informés, et les dispositions qu'elle contiendra seront en droite ligne des orientations que j'avais alors tracées.

La loi de modernisation visera ainsi à répondre aux deux objectifs de la politique agricole :

– accroître le niveau de performance de l'agriculture, de façon à garantir sa compétitivité et sa capacité exportatrice,

– contribuer au développement du territoire et à l'équilibre économique et social des espaces ruraux, dans le respect de la protection de l'environnement.

Sur le premier point, accroître le niveau de performance de l'agriculture, la loi prévoira :

1. Le renforcement des outils de coordination des politiques agricoles et agro-alimentaires, avec : 

– un renforcement du rôle du Conseil Supérieur d'Orientation Agricole ;

– un élargissement du champ de compétence des organisations interprofessionnelles agricoles ;

– et, ce qui vous intéresse au premier chef, une meilleure coordination, au niveau départemental, des outils de la politique agricole, avec la création d'une commission départementale d'orientation agricole, fusionnant commission des structures et commission mixte.

2. La modernisation des structures de l'entreprise agricole, avec des dispositions visant principalement à favoriser le développement du cadre sociétaire, que je considère comme mieux adapté, dans ses différentes formes juridiques, aux enjeux d'avenir de l'agriculture, plutôt que le statut de l'entreprise individuelle qui confond patrimoine personnel et outil de production.

3 L'allègement des charges, fiscales et sociales.

Il s'agit là d'un point important, mais dont le contenu est encore en discussion très ouverte, et vous me permettrez de ne pas vous en dire davantage aujourd'hui.

Sur le second point, Contribuer au développement du territoire et à l'équilibre des espaces ruraux, la loi devrait porter sur quatre points : 

1) Le renforcement de la politique d'installation, avec principalement une réorientation du dispositif de pré-retraite agricole, de façon à ce qu'il serve prioritairement à l'installation de jeunes sur les terres libérées. 

2) Quelques mesures visant à faciliter les modalités d'exercice des activités agricoles, notamment dans le cadre de la pluriactivité. 

3) La modernisation des outils de gestion de l'espace agricole. 

En complément de la création du fonds de gestion de l'espace rural, prévue dans le projet de loi sur le développement du territoire, je propose de moderniser certains outils de gestion de l'espace agricole avec : 

– d'une part des mesures visant à faciliter le recours aux structures de gestion existantes notamment les associations foncières pastorales, qu'il est proposé d'exonérer de la taxe sur le foncier non bâti, et la création d'un nouveau type de groupement, le groupement foncier rural ; 

– d'autre part des mesures visant à adapter les procédures d'aménagement foncier pour leur permettre de mieux prendre en compte les contraintes d'ordre économique ou environnemental. 

4) Enfin, la condition de vie des retraités agricoles devrait être également abordée, en marge des mesures portant sur les actions de modernisation proprement dites, et une avancée significative devrait intervenir sur la question des pensions de réversion. 

Voilà le contenu de ce projet. En ce qui concerne le calendrier, je dois dire qu'il est particulièrement tendu si nous souhaitons que la loi soit adoptée avant la fin de la session d'automne. Les discussions sont en cours simultanément au niveau interministériel et avec la profession agricole de façon à ce que le Conseil des Ministres puisse en être saisi à la mi-octobre, avant transmission au Parlement d'ici la fin d'octobre. 

Je souhaite également vous dire un mot sur le mémorandum que je viens de déposer à Bruxelles. C'est le pendant du projet de loi de modernisation, car si celle-ci met par nature, plutôt l'accent sur les aspects juridiques de la politique agricole, le mémorandum, lui, est au cœur des aspects économiques de cette politique.

Le mémorandum que j'ai déposé au nom du Gouvernement comprend 3 volets essentiels :

I. Le premier concerne les conditions de mise en œuvre des accords du GATT dans le cadre de la politique agricole commune. À ce sujet, la France exprime deux idées forces : 

1) Il revient au Conseil des ministres (c'est-à-dire à l'échelon politique) de définir et discuter de façon précise les modalités de mise en œuvre des accords du GATT. En effet, même si certaines dispositions peuvent apparaître très techniques, leurs conséquences sont par essence politiques. 

2) La mise en œuvre de ces accords du GATT doit tenir compte de la vocation exportatrice de l'Union Européenne (c'est-à-dire être soucieuse des usages commerciaux propres à chaque secteur) et ne doit pas conduire à accentuer les diverses disciplines et contraintes contenues dans les accords du GATT. 

II. Le second volet de notre mémorandum concerne l'amélioration de la performance de l'agriculture européenne sur les marchés avec une attention particulière portée au rôle de l'agriculture dans le maintien des grands équilibres du territoire. 

À cet égard, la France entend réaffirmer la vocation exportatrice de la Communauté grâce à un renforcement de la compétitivité des différentes filières de production, de manière à développer les parts de marché de l'Union Européenne. Une meilleure valorisation des produits et un renforcement de la politique de qualité et d'identification des produits contribueront positivement à la réalisation de cet objectif. 

Par ailleurs, à la lumière de l'examen des bilans prévisionnels, tant communautaire que mondial, des marchés céréaliers, la France estime justifiée une baisse substantielle des taux de jachère pour les semis 1994/95 afin d'éviter toute situation de déséquilibre qui conduirait à une restriction de nos exportations et à une remise en cause de l'objectif de reconquête du marché de l'alimentation animale par les céréales communautaires. 

III. Enfin, le troisième volet de ce mémorandum porte sur la nécessaire simplification à apporter aux diverses procédures liées à la politique agricole commune et à l'appel permanent au principe de subsidiarité, afin de ménager à chaque État-membre les marges de manœuvre minimales pour une gestion harmonieuse, efficace, et acceptée par les agriculteurs, de la politique agricole commune. 

Troisième point d'actualité, enfin, les charges sociales. Je l'évoquerai brièvement puisqu'il vous a mobilisé au début de l'été. J'ai été amené à vous transmettre, par l'intermédiaire des Préfets, un argumentaire détaillé qui vous a permis de dialoguer sur ce sujet sensible avec la Profession, et je n'y reviendrai pas. 

Par contre, je souhaite insister sur deux points : 

1) Notre mission est de faire en sorte que s'établisse un véritable contrat entre l'agriculture et la Nation. Dans ce contrat, l'agriculture doit supporter de façon équitable sa part de charge, ni plus, ni moins. Et ce ne serait pas lui rendre un service à long terme, si nous laissions penser aux français que les agriculteurs peuvent avoir droit à un régime de faveur. Je sais que c'est aussi l'orientation déterminée des responsables professionnels agricoles. Il fallait donc, dans ce domaine, mettre les actes en conformité avec les principes. 

2) Deuxième réflexion, nous avons fait, depuis douze mois, beaucoup de choses en ce qui concerne le volet social. D'ailleurs, si le rendement des cotisations sociales agricoles baisse de 9% en 1994, c'est-à-dire 1,4 milliard de francs, c'est très largement le résultat de cette action. 

J'ai l'ambition de prolonger cette action dans le cadre de la loi de modernisation agricole.

Il importait donc de ne pas se tromper d'objectif, et la remise en cause du niveau des cotisations 1994 risquait de nous détourner des enjeux essentiels. 


Voilà ce que je voulais vous dire sur les sujets d'actualité, mais je suis prêt, bien sûr, à revenir sur tel ou tel point, si vous avez des questions ou des observations.

Je souhaite maintenant aborder avec vous la question de vos missions et de vos moyens ; C'était un des points centraux de vos discussions, lors de votre dernière réunion de janvier 1994. Je vous avais fait part alors de mes intentions. Où en sommes-nous aujourd'hui ? 

1. En ce qui concerne les moyens de fonctionnement dont vous disposez. 

Le succès de la première année de mise en œuvre de la PAC a constitué un argument majeur en faveur du maintien des moyens de fonctionnement des services. 

L'engagement que j'avais pris à ce sujet en janvier dernier a été tenu, puisqu'à la différence de ce qui s'est passé dans tous les autres ministères, les crédits de fonctionnement des services du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche n'ont pas subi d'annulation en cours d'année. 

Je dis bien : « à la différence de tous les autres ministères », et « aucune annulation ». En particulier, j'ai obtenu que nos moyens de fonctionnement soient exonérés du gel et de l'amputation traditionnelle de fin d'année. C'est la première fois depuis longtemps. 

Si ceci a pu être obtenu, c'est parce que les résultats acquis dans le domaine de la PAC, comme dans l'ensemble des services, ont reposé sur une mobilisation active des hommes et des femmes de ce ministère. 

Cette mobilisation demeure nécessaire car, plus que jamais, les services déconcentrés sont au cœur même des actions stratégiques du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche. Ils constituent une courroie de transmission indispensable, grâce au contact direct qu'ils ont sur le terrain avec les élus et les professionnels agricoles et les particuliers. 

Comment se présente le Budget 1995 ? 

La discussion budgétaire a été difficile, compte tenu des impératifs de réduction des dépenses de l'État liés à la mise en œuvre de la loi quinquennale sur la maîtrise des finances publiques et à la nécessité de réduire le déficit budgétaire. 

Les instructions contenues dans la lettre de cadrage du Premier Ministre étaient très contraignantes : réduction des effectifs de 1,5% diminution de 8% des dépenses de fonctionnement. 

Pour ce qui est du Ministère de l'Agriculture et de la Pêche, et dans la logique de l'engagement pris en janvier 1994, la sauvegarde des moyens des services a constitué une priorité dans la négociation du budget pour 1995 et les résultats sont, dans ce contexte, assez satisfaisants. 

Tout d'abord, en matière d'emplois, avec 170 créations et 120 suppressions d'emplois, le Ministère de l'Agriculture et de la Pêche obtient un résultat positif avec un solde net de 50 créations d'emplois ; les créations bénéficiant, je dois le dire, principalement au secteur de l'enseignement, et les suppressions étant, toutes proportions gardées, sensiblement plus importantes en Centrale que dans les services déconcentrés.

Pour les services déconcentrés, les suppressions sont ainsi au nombre de 68 emplois et les créations de 35 emplois, soit un solde négatif de 33 emplois.

Les secteurs « Qualité » et « Économie Agricole », qui correspondent à des missions nouvelles et prioritaires du Ministère, seront renforcés par des créations et des transformations d'emplois, qui permettront le recrutement de 25 vétérinaires et de 40 agents (Inspecteurs de travaux- techniciens et Secrétaires Administratifs) au titre de la gestion des aides PAC. 

Par ailleurs, des améliorations significatives dans la structure des emplois et l'évolution des carrières ont pu être obtenues, au-delà de la poursuite de la rénovation de la grille. Deux dossiers importants relatifs aux services déconcentrés ont abouti à l'occasion du budget 1995 : la création de l'échelle-lettre dans le grade d'Ingénieur en Chef pour les trois corps des IGREF, des Ingénieurs d'Agronomie et des Vétérinaires-Inspecteurs ainsi que la création de 30 emplois fonctionnels dans les corps d'Ingénieurs des travaux. 

Enfin, s'agissant des moyens de fonctionnement, ils seront, en 1995, stables par rapport en 1994. Stables, au lieu d'un objectif de diminution de 8 %, comme l'indiquait la lettre de cadrage du Premier Ministre pour l'ensemble des Ministères. Cette stabilité globale comportera des redéploiements en faveur de la formation continue, dans le respect des engagements pris, mais également des analyses vétérinaires. 

Comme en 1994, je mettrai tout en œuvre pour maintenir ces crédits tout au long de la gestion 1995. 

Le financement du SIGC, le système intégré de gestion et de contrat des aides PAC, n'a pas été inclus dans le budget de 1995. Il sera discuté lors de la préparation du collectif pour 1994. 

Les moyens en crédits de vacations seront revalorisés de 2 MF, au titre de la gestion des aides à l'élevage. 

Les crédits d'action sociale progressent de 7,2 %. 

Enfin, un effort très important a été fait en faveur de l'investissement dans les services déconcentrés, concrètement les travaux dans les DDA, puisque les crédits augmenteront de plus de 50 % en 1995. 

2) Un mot enfin sur vos missions et l'évolution des services. 

– Lors de votre réunion de janvier, les principaux éléments du rapport élaboré sous la présidence de M. Jean GUELLEC, vous ont été présentés. 

Ce document a été transmis, au mois de juin, à l'ensemble des services déconcentrés, afin qu'ils puissent s'exprimer à ce sujet. Ce schéma de réorganisation et déconcentration sera examiné lors du prochain comité interministériel de l'administration territoriale (CIATER), la semaine prochaine. 

Par ailleurs, on parle beaucoup de la réorganisation des services déconcentrés de l'État, et en particulier du rapprochement des DDAF et des DDE. En cette matière je suis très favorable à l'approche pragmatique que nous avons retenue jusqu'à présent. C'est dire que je défends l'idée, en total accord avec mon collègue, le Ministre de l'Équipement, que soit poursuivie l'approche fonctionnelle que vous développez, à travers les pôles de compétences.

Toute réflexion complémentaire sur ce sujet doit intégrer le développement de vos missions, ces dernières années, dans les deux directions stratégiques que sont les aides économiques aux agriculteurs, d'une part, et le contrôle de la qualité exercé par les services vétérinaires, d'autre part. 

Je vous invite à vous mobiliser sur cet objectif de pôles de compétences et je demande à ce qu'un bilan précis et exhaustif en soit fait très rapidement, de façon à ce qu'on puisse en tirer les enseignements pour l'avenir. 


Voilà, Messieurs les Directeurs, les informations que je souhaitais vous donner, et les orientations que je voulais vous donner, avant de répondre à vos questions.