Texte intégral
Bonjour à toutes et à tous.
Je suis vraiment très heureux de vous accueillir à l'Assemblée nationale.
Chacune et chacun d'entre vous a été délégué par sa classe de cours moyen deuxième année. Il représente donc ici aujourd'hui ses camarades de classe, et plus généralement l'ensemble des élèves de CM2 de sa circonscription. C'est pourquoi vous occupez tous le siège de votre député respectif.
Tous sauf un. Celui de ma propre circonscription. Parce qu'il nous aurait été difficile de partager le siège que j'occupe.
Il y a vous le savez 577 députés. Vous êtes donc 577, ici réunis, venus de toute la France.
La France continentale, mais aussi la Corse et aussi ce qu'on appelle la France d'outre-mer : la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane, Saint-Pierre et Miquelon, Mayotte, la Réunion, la Nouvelle Calédonie, la Polynésie Française. Puisque vous le savez, la France est présente dans l'Océan Atlantique, dans la mer des Caraïbes, dans l'Océan Indien. À ceux d'entre vous qui viennent de très loin, qui ont fait 20 000 kilomètres pour nous rejoindre, j'adresse un salut tout particulier. (Après tout, si je calcule bien, et si j'additionne le trajet aller et retour, ils auront fait 40 000 kilomètres, c'est-à-dire le tour de la terre, pour passer des moments avec nous).
Notre rassemblement aujourd'hui, en ces lieux, vous l'avez longuement, studieusement préparé dans chacune de vos classes.
En fait, il est un aboutissement, une consécration.
Pendant plusieurs semaines, avec vos maîtres, à l'aide d'un certain nombre de documents que nous vous avions transmis, vous avez réfléchi à ce qu'était la démocratie. À la façon dont travaillent les députés. À la manière dont fonctionne l'Assemblée nationale. Souvent, vous avez reçu la visite de votre propre député que vous avez pu interroger, avec qui vous avez pu discuter.
Vous avez ainsi appris, compris que l'Assemblée nationale vote les lois, c'est-à-dire les textes qui permettent, qui interdisent, qui organisent. Qui permettent, par exemple, d'aller et venir librement, d'exprimer son opinion. Qui interdisent, par exemple, de conduire trop vite sur la route, d'empêcher ses voisins de dormir. Qui organisent, par exemple votre vie scolaire, et vous obligent à aller à l'école, au moins, jusqu'à 16 ans, ou encore, pour les garçons, à faire un service militaire.
Vous avez appris, compris, que l'Assemblée vote chaque année le budget, c'est-à-dire fixe le montant des impôts que chacun devra payer, et décide ce qu'on fera de l'argent ainsi récolté : des routes, des TGV, mais aussi, par exemple, les salaires des fonctionnaires…
Vous avez appris, compris, que l'Assemblée contrôle l'action du Gouvernement, que les députés peuvent obtenir des renseignements, des explications, transmettre les plaintes ou les demandes de leurs électeurs, qu'ils peuvent aussi, s'ils sont mécontents, renvoyer le Gouvernement.
Vous avez appris comment étaient organisées – normalement, tous les 5 ans – les élections des députés. Des élections qu'on appelle les élections législatives. On vous a expliqué quelle était la différence entre ces élections législatives et les autres types d'élections dont vous avez entendu parler : les élections européennes, qui auront d'ailleurs lieu dans 8 jours, les élections sénatoriales, les élections régionales, les élections cantonales, les élections municipales au terme desquelles est élu le maire de la commune dans laquelle vous habitez.
On vous a appris ce qui se passait ici. Que tous les députés n'ont pas les mêmes idées. Que c'est normal. Qu'avant de prendre une décision, on discute beaucoup, on confronte les points de vue. Et qu'après avoir discuté, on vote. Et que c'est cela la Démocratie.
La démocratie, c'est la liberté de penser ce qu'on veut. La possibilité d'en discuter. Et finalement une décision qui est prise en fonction de ce que pensent les plus nombreux, c'est-à-dire la majorité.
Être un bon citoyen, c'est participer à toutes les élections que j'ai énumérées, c'est bien réfléchir avant de voter, c'est s'intéresser à la vie publique. C'est-à-dire ne pas s'intéresser qu'à ses petits problèmes personnels, mais s'intéresser aussi aux problèmes que tous les habitants du pays ont en commun, pour pouvoir vivre ensemble, et pour pouvoir faire des choses en commun.
Et si l'Assemblée nationale – avec l'appui de Monsieur le ministre de l'Éducation nationale qui est parmi vous – a organisé cette opération, si elle a convoqué ce premier « Parlement des enfants », c'est pour vous aider à vous préparer à être, demain, de bons citoyens et peut-être même, en tout cas je l'espère, à prendre une part active à la vie publique.
La France est donc un pays démocratique.
On vous a appris le sens de ce mot.
Vous savez bien que tous les pays du monde, malheureusement, ne sont pas démocratiques comme elle. Même si, au cours des dernières années, un assez grand nombre de pays a pu rompre avec des systèmes autoritaires, sinon tyranniques.
En France, on peut faire remonter la naissance de la démocratie à un peu plus de 200 ans, alors que jusque-là notre pays était dirigé par des rois qui gouvernaient selon leur bon plaisir.
Il y a eu alors ce qu'on appelle une révolution, c'est-à-dire un grand changement.
C'est à Versailles, tout près de Paris, où habitait le roi, qu'est née la première Assemblée nationale.
C'est en 1798 qu'elle s'est installée ici même – on l'appelait alors le Conseil des 500. C'était d'ailleurs une drôle d'idée de l'installer là, parce que c'était un Palais destiné à l'habitation. Un Palais que s'était fait construire la fille de Louis XIV et qui fut ensuite récupéré – on ne disait pas encore « nationalisé » par la République.
La salle, en 1798, n'était pas exactement celle-ci. On l'a en effet agrandie et pratiquement refaite dans les années 1830.
Mais le principe était à peu près le même. Et on a conservé un certain nombre de choses qui datent de l'époque.
La tribune, qui est en marbre d'Italie, qui a été plusieurs fois déménagée puis réinstallée. Mon propre bureau et mon siège, dans lequel se sont assis bien des Présidents illustres, dont, parmi les tous premiers, Lucien Bonaparte, frère de Napoléon.
C'est dire que vous êtes dans un lieu chargé d'histoire. Un lieu où l'histoire s'est faite. Un lieu où se sont exprimés bien des français célèbres. Je ne peux en citer que quelques-uns dont vous avez sûrement entendu parler, ne serait-ce que parce que beaucoup de rues ou d'avenues dans vos villes ou vos villages portent leur nom : Victor Hugo, Jules Ferry, Jean-Jaurès, Clémenceau, Léon Blum, Maurice Thorez, Pierre Mendès-France, Charles de Gaulle, Georges Pompidou, François Mitterrand, tous ont parlé à cette tribune, et bien d'autres encore.
Mais ne croyez pas pour autant que ces lieux n'ont pas été concernés par le progrès technique. Vous avez devant vous un petit boîtier électronique quasi-magique, (quand il veut bien marcher !) qui permet aux députés de voter de leur place, pendant qu'un ordinateur calcule les résultats en l'espace de quelques secondes. Et ça n'est pas tout ! Dans trois jours, ici même, nous allons recevoir le Président des États-Unis, M. Clinton. Il va parler en Anglais. Et bien, grâce à ce même boîtier, et à l'aide d'écouteurs, chaque Député pourra entendre au fur et à mesure la traduction de son discours en français.
De même, il y a six caméras qui sont intégrées dans les murs (vous en apercevez deux de part et d'autre de mon siège) qui filment les séances en permanence. Depuis quelques mois d'ailleurs, nos séances sont retransmises intégralement et en direct sur les réseaux de télévision par câble. Je vous indique d'ailleurs au passage que cette séance à laquelle vous participez est elle-même diffusée en direct.
Que vous dire d'autre ? Sinon que les tribunes, au-dessus de vous sont réservées au public.
Que les ministres siègent sur les bancs inoccupés, autour de la place où est installé M. Bayrou.
Que leurs collaborateurs peuvent s'asseoir sur les 2 petites tribunes qui sont au-dessus de l'entrée et qu'on appelle très curieusement les « guignols ». Mais ce ne sont pas les mêmes « guignols » que ceux auxquels vous pourriez penser : ils sont beaucoup moins drôles !
Enfin, en face de vous, et autour de moi, prennent place habituellement les fonctionnaires de l'Assemblée qui sont là pour m'aider et pour aider les députés.
Autre précision : vous pourriez vous demander pourquoi il y a aussi des micros dans les travées… C'est que dans certains débats, lorsque leur intervention est courte, les députés ne montent pas forcément à la tribune. Ils peuvent donc parler du micro le plus proche de leur place. (C'est ce que feront tout à l'heure ceux d'entre vous qui poseront des questions).
Dernier point : tout ce qui se dit dans cet hémicycle est pris en note et transcrit dans un compte-rendu imprimé. Compte-rendu imprimé et intégral.
Intégral. Ce qui signifie que tout y figure. Pas seulement ce que dit celui qui a la parole. Mais aussi les applaudissements qui saluent généralement la fin d'une intervention – vous aurez le droit d'applaudir – et aussi les grognements, et même les interruptions – ça n'est pas recommandé.
Par exemple, si pendant un discours d'un député, un autre député crie : « vous racontez des bêtises », et bien cela aussi cela figure au compte-rendu.
Je vous indique, au passage, que la séance que nous tenons fera l'objet elle-même d'un compte rendu intégral imprimé.
C'est dire que nous tenons une séance exactement pareille à celle que tiennent les députés, et qu'ils tiennent en moyenne trois fois par jour, six mois par an – sauf le samedi et le dimanche.
Notre propre séance cet après-midi, comment va-t-on l'organiser ?
Il y a d'abord une phase de discours. On l'a commencée. Quand j'aurai fini de parler, je donnerai la parole à M. le ministre de l'Éducation nationale.
Puis nous proclamerons les résultats du Concours et remettrons leur prix aux représentants de chaque classe lauréate.
Cela se passera à la tribune.
J'appellerai successivement le 10ème prix, le 9ème prix, le 8ème prix jusqu'au 2ème prix.
M. le Ministre remettra chacun de ces prix en compagnie d'un membre du bureau de l'Assemblée nationale.
Puis chacun retournera à sa place, et j'appellerai le 1er prix. Le représentant de la classe lauréate sera invité à monter à la tribune et il nous lira le travail de sa classe.
Puis, il me rejoindra en compagnie du ministre ici même et je lui remettrai son prix.
Nous passerons ensuite à la séance de questions.
J'appellerai tour à tour les auteurs des questions et M. le ministre et moi-même répondrons en nous relayant.
Lorsqu'il aura été répondu à la dernière question, je déclarerai que la séance est levée. Mais vous ne bougerez pas de votre siège. Car je descendrai parmi vous pour que nous fassions une photo-souvenir qui sera évidemment adressée à chacune de vos classes. Puis, des indications vous seront données pour quitter l'hémicycle en bon ordre et rejoindre vos accompagnateurs.
Voilà. Nous allons pouvoir entendre le ministre et entrer dans le vif du sujet.
Mais un mot encore.
C'est la toute première fois que se tient ce parlement des enfants.
Tout s'est remarquablement passé jusqu'ici. Je pense comme le jury, qui a lu tout ce que vous aviez écrit les uns et les autres. C'était vraiment très bon. Alors, je compte sur vous pour que cette dernière étape de notre parcours commun soit une réussite.
Je souhaite en effet que ce Parlement puisse se réunir chaque année. Et qu'un jour, ce soit tous les CM2 de France qui puissent y participer.
Certains, à l'extérieur, pourront trouver qu'il ne s'agit là que d'un jeu. Et bien ils n'ont pas complètement tort. Nous allons jouer, et très sérieusement. Nous allons jouer au plus beau des jeux, celui de la démocratie.