Texte intégral
Françoise Laborde
Avant de vous parler des affaires européennes qui vous intéressent et qui nous intéressent, un mot sur cette bande vidéo des aveux – entre guillemets – du Président Clinton, diffusée hier, largement, par les chaînes de télévision américaines et en partie seulement par les chaînes de télévision françaises. Vous avez regardé cela ? Vous en pensez quoi ?
Pierre Moscovici
« J’ai vu cela comme tout le monde, de loin. Comme tout le monde, je ressens un certain ras-le-bol, un malaise aussi devant ces espèces d’acharnement sur des affaires qui finalement sont des affaires privées alors qu’il y a un leadership mondial, prétendu en tout cas, exercé par les Etats-Unis ; en tout cas, un rôle important du Président Clinton dans le monde. Donc, on a envie de dire : assez. C’est quand même une affaire privée et il y a dessus un acharnement, une sorte de lynchage qui met encore une fois, très mal à l’aise. »
Françoise Laborde
On a le sentiment quand même aujourd’hui que les dirigeants politiques internationaux, pour la première fois, manifestent, disons, une solidarité à l’égard du Président Clinton ou en tout cas une inquiétude face à ce processus aux Etats-Unis ?
Pierre Moscovici
« Il y a deux choses. D’abord, le Président Clinton est le président de la plus grande puissance mondiale. En plus, c’est un homme estimable, un homme intelligent et on a besoin des Etats-Unis. On peut aussi les critiquer à l’occasion mais on a besoin que les Etats-Unis fonctionnent dans le monde ; on a besoin qu’ils soient dirigés. Et on trouve ridicule – je crois que c’est cela qui motive l’attitude des chefs d’Etat et de Gouvernement – que cette puissance soit paralysée par une affaire qui est une affaire finalement assez minable. »
Françoise Laborde
On peut être un homme politique intelligent et estimable et avoir des liaisons amoureuses extra conjugales ?
Pierre Moscovici
« Je ne prétendrai pas que c’est conseillé mais en tout cas, cela fait partie de la vie privée. Ce sont des choses qui peuvent arriver à l’occasion et qui ne méritent pas ce déballage, très sincèrement. Il ne s’agit pas d’approuver telle ou telle conduite privée mais il s’agit de dire aussi, honnêtement, que les hommes politiques sont des hommes comme les autres et cette affaire est d’une très, très grande banalité. »
Françoise Laborde
Aujourd’hui, dans un sondage CSA publié notamment par Le Parisien, on se rend compte que les Français sont plutôt favorables à la mise en place de la monnaie unique. 64 % d’entre eux pensent que ce sera profitable au pays. Ils sont un peu moins nombreux, 54 %, à penser que ce sera profitable pour leur budget personnel. C’est encourageant en tout cas.
Pierre Moscovici
« Cela ne me surprend pas vraiment. Les Français se rendent compte aujourd’hui que l’euro, qui finalement existe déjà en pratique puisque les monnaies sont déjà liées entre elles, que l’euro leur sert en quelque sorte de rempart contre les crises financières, que c’est un instrument de stabilité extrêmement fort, que c’est au fond aussi un instrument de puissance dans le monde. Il y a le dollar, il y a les Etats-Unis mais il y a maintenant aussi l’Europe qui est une véritable puissance et tout le monde prend conscience qu’unis, les Européens sont beaucoup plus forts et qu’ils ont besoin justement de cette unité monétaire. Alors c’est vrai qu’il y a encore un petit décalage entre la perception globale et la perception personnelle parce qu’il y a des interrogations sur le fait de savoir si cet euro sera accompagné d’une politique sociale, une politique pour l’emploi qui soit aussi forte. »
Françoise Laborde
Salaire, épargne, en euros, c’est vrai que c’est un peu compliqué.
Pierre Moscovici
« Je crois que c’est un des enjeux de la construction européenne, c’est de faire en sorte qu’au-delà de la monnaie, il y ait aussi des valeurs qui passent et que l’on soit capable de mettre l’économique au niveau du financier, le social au niveau du financier. C’est un peu ce que le Gouvernement essaye de faire. Pour que l’Europe soit populaire, il faut sans doute qu’elle ait l’euro mais il faut aussi qu’elle ait cette dimension plus volontaire de lutte contre le chômage qui demeure le fléau de notre société. »
Françoise Laborde
En matière européenne, vous avez dit à plusieurs reprises pour votre part que vous n’étiez pas follement enthousiasmé à l’idée d’un référendum sur le traité d’Amsterdam. Et puis, cela a beaucoup énervé Charles Pasqua qui a demandé à Lionel Jospin, le Premier ministre, de démentir formellement vos propos. Vous répondez quoi à cela ?
Pierre Moscovici
« Je ne suis pas là pour polémiquer avec Charles Pasqua. Je ne suis pas là non plus pour aider Charles Pasqua à polémiquer avec le Président de la République. Les choses sont simples. C’est le Président de la République qui décidera s’il y a un référendum ou pas. Et en même temps, il y a déjà eu beaucoup de déclarations qui ont été faites. A Amsterdam même, Jacques Chirac avait dit que c’était un traité technique. Il l’a répété lors d’une conférence de presse, je crois, au mois d’avril. Et la logique qui est en train de se dérouler devant nous, c’est que l’on ait un débat parlementaire parce que c’est une matière très complexe, parce que les parlementaires ont besoin d’enrichir ce texte et parce qu’il s’il y avait un référendum, il y aurait probablement de fausses questions, donc de faux débat. Alors, on verra ce qui va se passer mais pour l’instant, ce qui est dans la moulinette, ce qui est dans les tuyaux, c’est que l’on va examiner ce texte au Parlement et très probablement réviser la Constitution – je ne veux pas être trop technique – par le Congrès c'est-à-dire par la réunion de l’Assemblée nationale et du Sénat. Je crois qu’il n’y a pas d’objet à référendum. En plus, honnêtement, on a besoin maintenant d’aller vite. Nous sommes parmi les derniers en Europe à ne pas avoir ratifié ce traité. »
Françoise Laborde
Ce n’est pas ce que dit toute la majorité plurielle. Il y a une partie de la gauche qui ne va pas voter.
Pierre Moscovici
« Vous savez à gauche, on a une certaine cohérence. On sait depuis longtemps quelles sont les différences sur l’Europe entre les communistes, les socialistes, par exemple. Mais je constate que les choses vont plutôt dans le bon sens, que les communistes sont de plus en plus euro-constructifs. Je crois qu’on sera différent mais on sera très cohérent. Ce n’est pas forcément le cas de l’opposition et Charles Pasqua pose plutôt un problème à ses amis, honnêtement, qu’à nous-mêmes au Gouvernement. Nous, nous travaillons. Je crois qu’il faut aller vite dans la ratification d’Amsterdam et donc, c’est la voie parlementaire qui est la plus logique. C’est tout ce que j’ai dit. »
Françoise Laborde
Un autre dossier qui, dit-on dans l’opposition, pourrait vous mettre en difficulté, vous, le Gouvernement, la majorité, c’est la MNEF. Que pensez-vous de cette affaire ? Est-ce qu’il y aura une commission d’enquête parlementaire, comme le demandent certains députés de l’opposition ?
Pierre Moscovici
« Je n’en sais rien. Ce que je sais, c’est qu’il y a des enquêtes judiciaires qui sont ouvertes, qui concernent d’une part, la MNEF, d’autre part, certains de ses prestataires de service. »
Françoise Laborde
Vous avez fait vous-même appel à certaines sociétés, filiales de la MNEF ?
Pierre Moscovici
« J’ai fait appel à une société de communication qui est impliquée dans l’enquête. Mais je crois qu’il y a beaucoup de simplification et d’amalgame. Vous savez, il y a une enquête sur la MNEF. Bon, qu’elle se déroule. Il y a une enquête sur les rapports entre la MNEF et certains prestataires, qu’elle se déroule aussi mais si ces prestataires, ces sociétés de communication, avaient des clients à côté qui étaient socialistes, cela n’a pas forcément de rapports. Il n’y a pas de système, si vous voulez, de financement politique. »
Françoise Laborde
Ce n’est pas une caisse noire du Parti socialiste ?
Pierre Moscovici
« Absolument pas. J’ai travaillé avec cette société qui s’appelle Po licité parce que c’était des gens compétents, parce que c’était des gens sympathiques et parce que c’était des gens qui avaient des convictions politiques proches des miennes. »
Françoise Laborde
Et ils ne facturaient pas plus cher que d’autres ?
Pierre Moscovici
« Absolument pas. Tout cela a été authentifié. En l’occurrence, moi, j’ai fait des campagnes électorales comme d’autres socialistes. Mais là, je crois qu’il y a une espèce d’amalgame qui est : il y a une enquête sur la MNEF, il y a une enquête qui concerne les relations entre ces sociétés et la MNEF. Il y a des socialistes qui travaillent avec cette société et donc, les socialistes en question avaient des rapports avec la MNEF. »
Françoise Laborde
Et puis il y a des socialistes qui étaient salariés directement par la MNEF.
Pierre Moscovici
« Cela, c’est encore autre chose. Mais je dis simplement qu’il n’y a pas de système de financement politique qui a été monté autour de ce prestataire de service, Po licité, et qu’on grossit beaucoup cela avec l’idée peut-être d’équilibrer des affaires côté socialistes, avec qui peut se passer ailleurs. Je crois qu’on fait absolument fausse route. Que la justice se concentre sur son objet, qu’elle fasse son travail mais pour le reste, je crois que les socialistes peuvent être tout à fait tranquilles. »
Françoise Laborde
On fait fausse route aussi quand on dit qu’il y a des règlements de compte à l’intérieur de la nouvelle génération socialiste, les jospiniens contre d’autres ?
Pierre Moscovici
« Honnêtement, j’espère qu’il n’y a pas tout ça parce que, par le passé, ça a pu être tout à fait redoutable. Mais en l’occurrence, je crois que les choses sont assez circonscrites et encore une fois, que la justice fasse son travail. Beaucoup l’attendent avec sérénité, c’est mon cas. »
Françoise Laborde
Pour terminer, en Corse on a appris cette nuit que les assassins du préfet Erignac profèrent de nouvelles menaces par un communiqué ?
Pierre Moscovici
« Il y a beaucoup de choses que l’on dit en Corse, certaines choses qu’on ne sait pas. En toute hypothèse, je fais confiance à la politique qui est suivie par le Gouvernement depuis maintenant 15 mois, par Jean-Pierre Chevènement pour faire en sorte que l’ordre républicain revienne en Corse et que l’Etat soit respecté. C’est ça l’important. »